Intervention de Chantal Jouanno

Réunion du 19 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout texte ayant trait à la biodiversité est à l’origine en général d’antagonismes parfois irréconciliables, reposant sur une vision plus philosophique que scientifique de l’homme. Deux sujets suscitent néanmoins un assez grand consensus : la création de l’Agence française de la biodiversité et l’application du protocole de Nagoya, sur lesquelles le Sénat comme l’Assemblée nationale travaillent de longue date.

La création de l’Agence française de la biodiversité est une formidable occasion de mettre en commun notre immense potentiel d’expertise. La France compte dans ce domaine des scientifiques absolument remarquables. La création de cette agence, la fameuse agence de la nature, était un engagement du Grenelle de l’environnement – il s’agissait de l’engagement n° 78. En qualité de secrétaire d’État à l’écologie, j’avais commencé à travailler sur ce projet, mais je n’ai pas exercé mes fonctions aussi longtemps que cela était prévu…

Comme un certain nombre de mes collègues, je regrette que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ne puisse pas être complètement partie intégrante de cette agence. Les chasseurs le disent pourtant souvent : ils sont des connaisseurs de la biodiversité. J’imagine que nous parviendrons à progresser sur ce point.

La transcription dans notre droit du protocole de Nagoya est aussi absolument fondamentale. Ce protocole, à la négociation duquel nous avons participé en 2010, cher Jérôme Bignon, est une belle réussite des Nations unies. Il contient deux principes, qui, s’ils peuvent paraître anodins, sont absolument fondamentaux.

Le premier, c’est la reconnaissance de la contribution de la biodiversité au développement économique. Ainsi, de 25 % à 50 % de nos médicaments sont issus des ressources génétiques, ce qui représente un marché supérieur à 640 milliards de dollars.

Le second principe, c’est la patrimonialité de la biodiversité. Les peuples qui contribuent à découvrir, à entretenir, à protéger ces ressources et la biodiversité doivent bénéficier d’une partie des richesses économiques à la création desquelles ils participent. J’imagine que des discussions auront lieu sur l’équilibre entre la concertation avec les peuples autochtones et le droit de la propriété intellectuelle.

Vous l’avez évidemment compris, j’adhère à ce texte, qui s’inscrit dans le cadre de mes convictions. Y a-t-il plus beau sujet qu’un débat sur le vivant sur la planète et dans les océans ? La biodiversité, c’est en effet très simple : c’est le vivant sur la planète et dans les océans.

Un débat, ici, au Sénat, avec de grands scientifiques, comme Gilles Bœuf, Hubert Reeves, Christophe Aubel ou Jean-Marie Pelt, si ce dernier ne nous avait malheureusement pas quittés, aurait d’ailleurs été utile pour battre en brèche la traduction trop rapide de Darwin selon laquelle l’homme serait étranger à une nature par essence hostile et sauvage. Regardons l’histoire : depuis 3, 9 milliards d’années, c'est-à-dire depuis le début de la vie sur Terre, la vie se construit selon le principe de l’associativité. Des protocellules aux métazoaires, puis à l’apparition de la sexualité, le principe dominant est celui de l’association des cellules pour créer une entité nouvelle dont les qualités sont supérieures à la seule addition des entités qui la compose.

L’homme n’est pas étranger à la nature. Vous êtes tous ici, mes chers collègues, comme je vous le dis fréquemment, une ode à la biodiversité. Vous avez dans votre corps dix fois plus de cellules non humaines que de cellules humaines. C’est ce qui contribue à vous maintenir en vie.

Bien évidemment, tout est lié. C’est pour cela que l’on peut s’inquiéter de la disparition des espèces. Les scientifiques évoquent une sixième extinction des espèces. Je vous rappelle que, lors de la plus importante d’entre elles, la troisième, 96 % de toute forme de vie avait disparu de la Terre. Nous nous devons donc d’agir !

Il a été question aujourd'hui de la nécessité de parvenir à un équilibre dans le texte. En réalité, le déséquilibre est total, compte tenu de la rapidité à laquelle disparaît la biodiversité. Il n’est pourtant pas si compliqué d’agir, les scientifiques ayant clairement identifié les causes de disparition de la biodiversité : la disparition des habitats des espèces, la surexploitation des espèces, leur dissémination anarchique et enfin les changements climatiques.

J’entends bien la difficulté de traduire concrètement les principes sur le terrain, mais le présent texte contient des principes très importants, auxquels je suis favorable, comme la solidarité écologique et la clarification de la compensation. Pour ma part, j’aurais aimé qu’on conserve le principe de non-perte de biodiversité, ou à tout le moins cet objectif. Ces principes sont nécessaires.

De même, je suis favorable à l’interdiction du chalutage profond, dont on connaît les effets dévastateurs.

Je suis favorable également à l’interdiction des néonicotinoïdes, dont nous reparlerons. Il nous faudra trouver un équilibre en termes de calendrier pour interdire ce type de produits.

Je suis aussi favorable à la suppression des méthodes cruelles de chasse. Nous connaissons aujourd'hui la sensibilité animale. Autant la chasse est nécessaire puisque les équilibres naturels ne fonctionnent plus – les grands prédateurs ont aujourd'hui disparu –, autant certaines méthodes de chasse, comme la chasse à la glu, me laissent perplexe.

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