Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 19 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Suite de la discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Gérard CornuGérard Cornu :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer, à mon tour, le travail colossal réalisé par le rapporteur, Jérôme Bignon. Celui-ci a su écouter tous les acteurs, au travers d’auditions qui ont été nombreuses. Au stade de l’examen en commission – c’était en juillet dernier, voilà près de six mois –, il a opéré des aménagements bienvenus pour tâcher d’équilibrer le texte et, ainsi, de satisfaire les nombreux acteurs de la biodiversité.

Je salue également l’excellence du travail effectué par Sophie Primas, la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, dont les propositions ont d’ailleurs toutes été reprises.

Quel plus beau concept que celui de préservation de la biodiversité ? Le capital vert s’érode de jour en jour ; beaucoup trop d’espèces sont menacées ou ont déjà disparu. La violence du progrès, le pillage de certaines matières premières, la pollution des sols et des océans, la réduction des espaces, le réchauffement climatique : tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge et nous nous demandons tous ce que nous allons léguer à nos descendants.

Près de quarante ans après la loi de protection de la nature de 1976, nous avions besoin de faire évoluer notre perception de la biodiversité pour renouveler les grands principes structurant la politique de conservation de cette biodiversité.

Ce sujet aurait dû faire consensus, à l’image de ce que nous avons connu avec le Grenelle de l’environnement, dont l’esprit, inspiré par Jean-Louis Borloo, soulevait des débats rassemblant bien au-delà des convictions politiques.

Le texte sur la biodiversité aurait dû être ce moment privilégié pour la République où l’ensemble des citoyens se retrouvent sur l’essentiel. Rien de tel, hélas ! En laissant libre cours à un acharnement idéologique contre ceux qui vivent et travaillent dans les territoires ruraux, le Gouvernement, avec sa majorité à l’Assemblée nationale, n’a pas su faire consensus.

Pour être durable, le développement devrait reposer sur trois piliers fondamentaux – l’économie, l’environnement et la société –, et non découler d’une vision idéologique d’une nature préservée, mise sous cloche ! Pourquoi opposer l’homme à la nature, et l’agriculture à l’environnement ?

Je n’entrerai pas dans le détail technique qu’impose le sujet – nous y viendrons lors de la discussion des articles –, mais concentrerai mon propos sur quelques traits saillants.

Un mot, tout d’abord, sur les instances de gouvernance de la biodiversité.

L’article 5 du projet de loi crée deux institutions relatives à la biodiversité : le Comité national de la biodiversité et le Conseil national de la protection de la nature.

Le rapporteur a proposé une modification sensible de cet article que nous avons reprise avec mes collègues de la commission du développement durable, dans le sens d’un renforcement de la composition du Comité national de la biodiversité. Il a précisé ses missions, en lien avec la nouvelle Agence française pour la biodiversité.

Parmi les acteurs concernés, je tiens beaucoup à ce que l’on rappelle les agriculteurs, particulièrement leur rôle en matière de biodiversité.

Ce projet de loi, c’est un boulet supplémentaire aux chevilles des agriculteurs de notre pays ! Quelle sera la compétitivité d’un secteur déjà submergé de contraintes administratives, sociales et environnementales ? Pourtant, ce sont bien les agriculteurs qui entretiennent la nature et les paysages. Ce sont eux qui maintiennent les prairies, les haies, les bosquets, autant d’habitats pour les oiseaux et les batraciens. Plutôt que de reconnaître leur rôle de gestionnaires des espaces naturels, le Gouvernement a choisi de les soumettre à de nouvelles tracasseries administratives.

Par la voix de leurs organisations syndicales et de leurs chambres consulaires, les agriculteurs ont rappelé qu’ils étaient d’accord pour agir en faveur de la biodiversité, mais pas telle que définie par le projet de loi.

J’entends bien que le rapporteur se préoccupe de conserver un équilibre, afin que le texte puisse progresser sans risquer d’être immédiatement retoqué par nos collègues de l’Assemblée nationale. Pour autant, j’ai cosigné les amendements déposés par Rémy Pointereau, ici présent, pour que les agriculteurs, qui sont aux prises avec tant d’autres contraintes et soucis, soient davantage entendus. Il est criminel, madame la ministre, de leur imposer de nouvelles contraintes, au vu de ce qu’est déjà leur quotidien.

Je veux aussi saluer – et vous me rejoindrez peut-être sur ce point – le travail réalisé par les chasseurs, notamment en milieu rural, pour préserver la nature, faire connaître la vie sauvage et transmettre un certain nombre de savoirs.

Je pense également aux pêcheurs, qui, pour évoluer quotidiennement dans des espaces naturels remarquables et souvent dégradés, sont parfaitement au fait de la question de la gestion de l’eau. Ce sont eux qui conservent la mémoire de l’évolution des paysages, de nos vallées et de nos rivières.

Jean-Noël Cardoux, également présent sur ces travées, qui préside le groupe d’études Chasse et pêche, a annoncé tout à l’heure qu’il présenterait des amendements. J’en ai cosigné un certain nombre, comme beaucoup de mes collègues.

Enfin, peut-on considérer que la reconquête de la biodiversité est en marche avec ce texte ?

On le sait, la France a une responsabilité particulière en la matière. Elle dispose en effet de territoires d’outre-mer – ils viennent d’être évoqués par notre collègue Jacques Cornano –, qui sont très riches en biodiversité, notamment en espèces endémiques. Elle possède également le deuxième domaine maritime mondial.

Or il faut bien constater que ce projet de loi se cantonne à des avancées mineures. Pour tout dire, avec ce minimum que constitue la création d’une Agence française pour la biodiversité, nous sommes même loin des simples objectifs du Grenelle de l’environnement !

De plus, comme bien souvent, les objectifs fixés demeureront du simple affichage, faute de moyens financiers.

De nombreux observateurs ont fait valoir que, face à l’érosion de la biodiversité, des financements étaient nécessaires pour agir. En même temps, je le comprends bien, les temps sont durs, et si des arbitrages doivent être rendus, je ne sais s’ils doivent l’être en faveur d’ambitions écologiques.

Pour ma part, à l’instar de tous les Français, j’attends des traductions concrètes, dans ce domaine comme dans d’autres.

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