Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 19 janvier 2016 à 21h00
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 2 bis nouveau

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Cet article constitue la reprise d’une proposition de loi dont j’étais l’auteur et qui avait été votée au printemps 2012 à l’unanimité par le Sénat.

Je voudrais préciser l’origine de ce dispositif, indiquer pourquoi il me semble important de l’inscrire dans le code civil et enfin expliquer pourquoi le Gouvernement ne pourra pas se tenir quitte avec cette rédaction, qui mérite d’être complétée.

En premier lieu, ce dispositif a été inspiré par la catastrophe de l’Erika, survenue en décembre 1999. J’ai ensuite mené un combat juridique de treize ans, qui a abouti en septembre 2012 à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaissant le préjudice écologique. Je remercie M. le rapporteur d’avoir repris le texte de la proposition de loi que j’avais déposée.

En deuxième lieu, s’il me semble important d’introduire le préjudice écologique dans le code civil, c’est d’abord parce qu’il existe désormais : c’est une construction prétorienne, jurisprudentielle, avec les avantages et les inconvénients que cela suppose. Des dizaines de décisions de justice, parfois contradictoires ou conduisant à des doublons en termes d’indemnisation, ont été prises sur le territoire français depuis l’arrêt de septembre 2012. Comme disait Victor Hugo, il est temps de faire entrer le droit dans la loi.

Par ailleurs, j’observe que le droit de la responsabilité a du mal à appréhender la notion de préjudice écologique. En effet, pour qu’un dommage soit réparable, il doit normalement être personnel. La nature n’étant pas une personne, il n’y a donc pas de victime et, partant, pas de préjudice ou de dommage.

Enfin, le droit de la réparation est parfaitement inapte à appréhender la réparation, notamment en termes de nature, du préjudice écologique.

Je suis très heureux que Mme la ministre soit favorable à cet article. En 2012, la garde des sceaux avait demandé à un groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo de définir des modalités d’application, le principe en lui-même soulevant un certain nombre de questions.

Ainsi, à partir de quel seuil de gravité le fait générateur est-il constitué ? Le groupe de travail avait proposé de retenir la notion d’« anormalité » du préjudice, pour signifier la nécessité d’une forme de gravité pour le déclenchement du processus. Cela me semble important.

En outre, qui a intérêt à agir ? L’État, par le biais du ministère public, les collectivités, des associations reconnues d’utilité publique ? Cette question devra être tranchée.

Quel est le régime de réparation ? Alain Anziani, rapporteur de la proposition de loi, et moi avions estimé qu’une réparation en nature était nettement préférable.

Enfin, quid des délais de prescription ? Même si cette question n’était pas abordée dans la proposition de loi, le groupe de travail avait proposé de retenir un délai de prescription de deux ans à partir de la manifestation du préjudice.

On le voit, le sujet est complexe. Le terrain a été pour partie défriché par le groupe de travail ; il appartient désormais au Gouvernement, madame la ministre, de rendre le dispositif opérationnel.

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