Intervention de Marwan Lahoud

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h00
Audition de M. Marwan Lahoud président d'airbus group sas et directeur général délégué d'airbus group

Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS :

Merci Monsieur le Président. Je suis très heureux d'être là ce matin. Je souhaite bien évidemment vous exposer les succès d'Airbus, et de la filière aéronautique et spatiale de façon plus globale, mais également pointer les questionnements et les inquiétudes auxquels elle est confrontée, ainsi que les moyens qu'elle se donne pour y faire face.

Airbus est un moteur de croissance pour l'industrie française et européenne. S'il est le chef de file de la filière aéronautique et spatiale, cette réussite est bien celle de cette dernière, dont toutes les composantes s'articulent parfaitement.

De 2001 à 2012, notre chiffre d'affaires global est passé de 30 milliards d'euros à plus de 60 milliards, dont 27 réalisés en France. Pour 2015, les estimations sont à la hausse. Airbus est le leader mondial sur le marché des avions commerciaux, des hélicoptères, lanceurs et satellites. Pour ce qui est du secteur de la sécurité et de la défense, avec 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires, nous sommes dans le peloton de tête mondial, dominé par trois géants américains, et en première position en Europe.

Airbus est le premier partenaire industriel de l'État français pour les armées. Présent sur le théâtre de nombreuses opérations armées particulièrement difficiles, il est numéro un en Allemagne et en Espagne, et numéro deux au Royaume-Uni, juste derrière British Aerospace (BAE). Il ne faut donc pas perdre de vue l'importance de notre présence sur ce marché militaire.

Des commandes supplémentaires ont été passées en décembre, dans le cadre de la révision de la loi de programmation militaire, au regard des priorités opérationnelles. Sept hélicoptères tigres, six hélicoptères de transport pour l'armée de terre et huit ravitailleurs MRTT ont été notamment notifiés ce même mois, ces derniers étant multirôles, faisant à la fois du ravitaillement et du transport logistique. Avec Thalès Alenia Space, nous avons reçu une commande conjointe de système de communication par satellite pour les armées, Comcast.

Nous constituons le fer de lance des exportations nationales. Nous avons livré à ce titre 321 avions commerciaux en 2015. L'excédent de la filière dans son ensemble est passé de 10 à 23 milliards d'euros entre 2001 et 2014, tandis que le déficit commercial de la France est passé dans le même temps de 2 à 54 milliards d'euros, soit deux évolutions à l'opposée.

Les effectifs ont augmenté d'un tiers dans le même temps. Ils étaient 139 000 fin 2014, dont 37 % sont implantés en France. Sachant qu'à chaque emploi direct correspond un emploi indirect (via la sous-traitance) et un emploi induit (pour les infrastructures nécessaires à la vie des salariés). On comptabilise 27 400 salariés du groupe en Midi-Pyrénées, 9 250 en Ile-de-France et 9 200 en Provence-Alpes-Côte d'azur (PACA).

Pour ce qui est de l'aviation commerciale, Airbus a reçu plus de 1 000 commandes en 2015, ce qui représente pas moins de dix années de production, et a livré 635 appareils, contre 629 l'année précédente. Le solde net entre les commandes et les livraisons est donc fortement positif.

Sur ces 635 avions livrés, 491 étaient des A 320, cet appareil constituant notre « best-seller », dans ses versions classique comme néo. Il permet d'utiliser de 15 à 20 % de carburant en moins, comme quoi préoccupations économiques et écologiques se rejoignent dans notre filière. 70 % de la recherche et développement de notre groupe est d'ailleurs liée à des préoccupations environnementales, comme vous l'avez souligné Monsieur le Président.

Les livraisons d'A 350, notre nouveau long courrier, se sont élevées à 14 exemplaires. Nous ambitionnons d'en livrer au moins 50 en 2016, et une dizaine chaque mois en 2018. Cela représente un véritable défi pour nous et nos sous-traitants.

S'agissant des A 380, 27 ont été livrés en 2015. Nous avons enregistré à cette occasion trois nouvelles commandes, dont je vous tairai le nom du client car il souhaite l'annoncer lui-même. Ce modèle a entraîné un véritable changement d'approche dans la relation-client : de nombreux voyageurs souhaitent emprunter cet avion, quelle que soit la compagnie aérienne qui le propose.

Les prévisions à long terme sont positives pour le secteur aérien, puisque le trafic devrait augmenter de 4,6 % par an durant les vingt prochaines années. Cela représente un besoin de 32 600 nouveaux avions, soit, par projection de nos parts de marché actuelles, 16 000 pour notre groupe. Ces évolutions ont des soubassements sociétaux, le voyage aérien constituant le symbole de l'entrée dans la classe moyenne. L'Inde et la Chine sont au tout début de ce phénomène, qui implique un potentiel de croissance phénoménal pour le secteur.

J'en viens à présent à l'espace. Sans que l'on en ait bien conscience, il fait partie de la vie de tous les jours : imaginez les conséquences catastrophiques d'une coupure généralisée des satellites sur toute la planète ! Il occupe 18 000 personnes chez nous, et représente un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros, soit 10% de celui du groupe. En 2015, nous avons fourni six Ariane V et fait lancer cinq satellites de télécommunication que nous avons réalisés.

Le paysage a fortement évolué dans ce secteur, avec l'apparition de nouveaux acteurs privés. Alors que l'espace n'était pas une industrie comme les autres auparavant, car les retours sur investissement n'y étaient pas garantis, ces nouveaux opérateurs ont démontré qu'il pouvait en être autrement. Ils nous ont poussés à revoir notre stratégie, ce qui s'est traduit par le lancement du projet Ariane VI et la création de Airbus Safran Launchers.

Le projet de One Web que vous avez cité, Monsieur le Président, illustre cette transformation spectaculaire du secteur : il donne lieu, pour la première fois, à la fabrication de satellites en série, là où il n'y avait avant que du « sur mesure ». Il y a là un défi technologique et industriel extraordinaire ; il correspond bien à l'esprit pionnier habitant notre industrie, celui-là même qui m'a fait la choisir, car elle inspire le rêve et la passion.

Le comité de concertation État-industrie sur l'Espace (COSPACE) a été instauré en 2013 par la ministre en charge de la recherche de l'époque, Mme Geneviève Fioraso. Les acteurs privés et publics du secteur s'y retrouvent pour coordonner leurs décisions, ce qui est une très bonne chose.

L'espace est un investissement d'avenir, dans lequel il faut poursuivre nos efforts. À cet égard, la conférence interministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) fin 2016 se doit d'être un succès. Nous devons en effet notre situation actuelle aux investissements continus que nous avons réalisés, et qui se sont élevés à un millième de notre produit intérieur brut (PIB), soit un montant très raisonnable au regard de leurs retombées fortement positives.

Je voudrais à présent énumérer les facteurs clefs du succès pour notre industrie :

- un effort de R&D conséquent. Il s'est élevé à 3,4 milliards d'euros en 2014, soit 5,5 % du chiffre d'affaires. Ces financements devraient se pérenniser, et même continuer d'augmenter en valeur absolue. 38% de la R&D autofinancée est réalisée dans notre pays, où nous sommes le huitième plus important déposant de brevets, après Safran mais devant Thalès.

Il faut maintenir notre avance technologique, notamment face aux pays émergents, d'où vient la principale menace. Ils possèdent en effet des ressources humaines parfaitement qualifiées, des moyens financiers, une économie dynamique, et investissent massivement. À cet égard, le crédit d'impôt recherche (CIR) a démontré son importance ; il convient donc de le maintenir, voire de le développer, tout comme le panel d'avances remboursables contenu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA). Notre réussite ne nous autorise pas, en effet, à relâcher nos efforts en la matière.

Par exemple, pour AIRBUS Helicopters, nous avons lancé de nouveaux programmes - hélicoptères X4, puis X6 - en partenariat avec l'État.

Dans la R&D militaire, nous ne pourrons rivaliser sur chaque équipement avec les États-Unis ; il nous faudra en revanche investir là où nous sommes les plus performants.

- une filière solidaire et intégrée. L'ensemble de ses membres est intéressé à son succès collectif. C'est le sens de l'action du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), que je préside jusqu'en 2017, et qui réunit à un rythme mensuel les présidents de ses sociétés-membres ;

- une forte présence sur les marchés émergents. Dans l'aéronautique civile, un quart de notre carnet de commande provient ainsi du Moyen-Orient, et un autre quart d'Asie-Pacifique. Nous créons de fortes capacités de production en Chine et aux États-Unis pour l'A 320. Il ne faut pas avoir peur de gérer un appareil de production à l'échelle mondiale. C'est l'approche que nous avons chez Airbus, mais c'est aussi celle de toute la filière, et notamment de nos petites et moyennes entreprises (PME), extrêmement dynamiques ;

- une forte visibilité sur l'avenir. Il faut résolument s'y tourner. La recherche et l'innovation, le renouvellement de nos ressources humaines sont essentiels. Or, dans nos sociétés, les métiers techniques n'ont pas la cote. Il nous faut prendre à bras le corps la révolution numérique ; c'est le sens de l'initiative que nous avons prise en 2015.

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