Intervention de Sophie Primas

Réunion du 20 janvier 2016 à 21h00
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 18

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Ainsi que Mme la ministre l’a souligné, l’article 18 ouvre le titre IV, qui est consacré à l’accès et au partage des avantages tirés de l’exploitation de la biodiversité des ressources génétiques.

Le génie génétique se déploie dans des champs de plus en plus larges : l’agriculture et l’alimentation, à travers l’innovation variétale, mais aussi la pharmacie, la cosmétique, les biomatériaux et bien d’autres domaines encore.

De nombreux organismes, publics ou privés – je pense notamment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, que nous avons auditionné –, grands ou petits – la précision a son importance - ont constitué des collections d’espèces végétales et organisé leur conservation ; ils les utilisent aujourd’hui pour la recherche.

Tout cela s’est effectué sans encadrement juridique particulier jusqu’en 1992, date à laquelle la Convention sur la diversité biologique de Rio de Janeiro a posé le principe d’un partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation de ressources génétiques, avec une double préoccupation : permettre l’utilisation de ces ressources, mais également ne pas spolier les États ou les communautés d’habitants dont elles sont issues.

Vous l’avez indiqué, madame la ministre, il a fallu attendre le protocole de Nagoya, en 2010, pour disposer d’instruments juridiques permettant la mise en œuvre du principe posé en 1992.

Au niveau européen, un règlement du mois d’avril 2014 demande une traçabilité des autorisations d’utilisation des ressources génétiques par les opérateurs économiques, mais il appartient aux États membres de l’Union de mettre en place les dispositifs d’accès et de partage des avantages sur leur propre territoire.

C’est ce qui est proposé à l’article 18, qui a suscité beaucoup d’interrogations des professionnels, non pas sur son principe – il faut le dire très clairement –, mais sur ses modalités d’application.

Un point a particulièrement attiré notre attention : la nécessité d’obtenir une autorisation, sur la base d’une preuve de l’origine des ressources utilisées, pour les « nouvelles utilisations » de ces ressources. Cette disposition inquiète fortement la recherche. En effet, on utilise souvent des collections anciennes, comprenant du matériel végétal collecté depuis de nombreuses années et dont il est difficile de déterminer l’origine. Je pense aux grandes entreprises, mais aussi aux toutes petites entreprises de sélectionneurs, qui ont des collections assez anciennes et qui sont aujourd'hui en difficulté du fait de l’absence de précisions.

Une telle incertitude risque de détourner les chercheurs des collections détenues en France. Ils préféreront se prémunir de toute contestation ultérieure en allant trouver leur matériel de recherche dans d’autres pays. Par ailleurs, le concept de nouvelle utilisation – j’y reviendrai – mérite d’être précisé pour éviter toute fragilité juridique.

Enfin, les tarifs appliqués pour avoir le droit d’accéder aux ressources génétiques ainsi protégées risquent d’être très élevés, avec un taux maximum de 5 % du chiffre d’affaires mondial, ce qui peut être considérable, même s’agissant d’un maximum.

Lors des débats, il est apparu que le secteur agricole et semencier, couvert par un autre traité international, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ou TIRPAA, était largement à l’écart du nouveau dispositif.

Il n’en reste pas moins que d’autres secteurs, comme la pharmacie ou la cosmétique, sont légitimement inquiets des conséquences pour la recherche du mécanisme d’accès et de partage mis en place dans ce projet de loi.

Pour lever les doutes et les interrogations, notamment quant aux effets rétroactifs du dispositif, j’avais proposé un amendement à la commission des affaires économiques, amendement qui n’a pas été retenu par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il nous faut absolument clarifier ce point, et j’espère que nos débats y contribueront. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens. Je ne doute pas de leur sort, mais ils permettront au moins de susciter un débat et des échanges, qui seront retranscrits.

J’espère que nos discussions permettront de trouver le bon équilibre entre innovation et complexité.

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