Mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cet amendement intervient effectivement à un moment crucial de notre débat et, dirai-je, il a une portée historique.
Nous venons d’adopter le titre IV, titre majeur de ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Vous venez de décider des conditions efficaces de lutte contre la biopiraterie, du partage équitable des ressources, de la dignité des hommes et des femmes qui sont à l’origine de ces ressources et à qui vous avez donné le droit d’exercer un certain contrôle et d’être respectés.
C’est l’application même du protocole de Nagoya ! Vous avez d’ailleurs été nombreux, à l’instar du Gouvernement, à expliquer au cours du débat que les amendements présentés visaient à adapter et appliquer ce protocole.
Je voudrais, en quelques mots, en rappeler l’historique. La première étape a été l’adoption, en 1992, lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro, de la convention sur la diversité biologique.
Pour la première fois, un objectif international consistant à assurer un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées a été instauré. Ainsi, la convention sur la diversité biologique a-t-elle affirmé, d’une part, la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, dont les ressources génétiques, et, d’autre part, les droits des communautés d’habitants sur leurs propres connaissances traditionnelles, étant rappelé que nous venons d’adopter toute une série de dispositions allant dans le sens de ces deux orientations.
Cette souveraineté des États, désormais bien articulée avec les droits des communautés, se traduit par deux principes clefs.
Le premier est le principe du consentement préalable en connaissance de cause, que toute personne souhaitant accéder à une ressource génétique ou à une connaissance traditionnelle se devra désormais d’obtenir. Il y a là une avancée considérable.
Le second est le principe du partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces ressources.
C’est sur ces fondements que le protocole de Nagoya, visant à compléter et préciser la convention sur la diversité biologique, a été adopté en 2010.
En particulier, afin de mettre les parties prenantes sur un pied d’égalité, dans un esprit partenarial, le protocole de Nagoya précise que le partage des avantages doit faire l’objet de conditions convenues d’un commun accord. Rien n’est donc imposé à personne, à part l’objectif à atteindre : les États, les communautés d’habitants, les chercheurs et les entreprises doivent se mettent d’accord sur les modalités de partage des avantages justes et équitables. Vous venez précisément, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter les principes législatifs sur lesquels ce partage devra désormais s’appuyer.
La France a signé le protocole de Nagoya en 2011. En 2014, l’Union européenne, ainsi que l’Espagne, la Hongrie et le Danemark ont rejoint les cinquante premières parties à le ratifier. Le protocole est ainsi entré en vigueur au niveau international, sans la France, et il est temps que celle-ci le ratifie.
Tout d’abord, comme nous l’avons vu, la France est un pays de tout premier plan pour sa biodiversité. Trois dispositifs similaires sont déjà en vigueur sur son territoire, puisque le parc amazonien de Guyane, la Polynésie française et le sud de la Nouvelle-Calédonie ont mis en œuvre des dispositions analogues avant l’heure.
Comme nous l’avons vu, le titre IV du projet de loi s’en inspire et vise à harmoniser à l’échelle nationale, dans le respect des compétences des collectivités ultramarines, les savoir-faire ainsi acquis.
À cet égard, il est tout à fait judicieux que la France soit en mesure de ratifier le protocole de Nagoya avant la treizième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique, dite « COP13 », qui se tiendra au Mexique en décembre 2016, juste après la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, et au moment de l’adoption, par la représentation nationale, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Par ailleurs, cette ratification permet à la France d’honorer ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne, puisque le règlement européen demande aux États membres de mettre en place les dispositions opérationnelles de lutte contre la biopiraterie.
La France rejoint ainsi un vaste mouvement international. D’autres pays très riches en biodiversité réglementent déjà l’accès à leurs ressources génétiques. Nos voisins européens, du moins certains d’entre eux, ayant compris l’intérêt de ce dispositif innovant, ont déjà ratifié le protocole de Nagoya.
C’est pourquoi je remercie vraiment votre commission et votre rapporteur de vous donner l’occasion de permettre à la France de franchir une étape essentielle – la ratification du protocole de Nagoya –, et ce en parfaite cohérence avec les dispositions que vous venez d’adopter, visant à appliquer ledit protocole.
Nous obtenons ainsi un dispositif opérationnel complet, mettant la France en situation de montrer qu’elle a entendu ce qui s’est dit à la COP21 et de bien préparer la COP13 sur la biodiversité.