Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 21 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 33 A

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés à l’examen d’un article très important, qui porte sur la mise en œuvre de la compensation écologique.

Cet article a été inséré à l’Assemblée nationale et ne figurait pas au sein du projet de loi originel. Ainsi, il n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, ce qui, au regard de l’importance des dispositions qui y sont visées, nous semble poser question.

Cette unique raison pourrait justifier notre opposition et notre demande de suppression. Mais, si la forme fait débat, le contenu est, pour nous, encore plus contestable.

En effet, la biodiversité est unique, elle est liée au vivant, à un écosystème spécifique lié, quant à lui, à un territoire. L’idée que l’on pourrait reconstruire ou reproduire ailleurs ce que l’on détruit à un endroit donné est erronée ; elle n’est juste ni scientifiquement ni politiquement. Elle banalise au fond la perte de biodiversité en laissant croire qu’il pourrait y avoir des équivalences. Or, en matière de vivant, il ne peut y avoir vraiment d’équivalence : toute perte de biodiversité est une perte nette. Il peut y avoir gain ailleurs, mais cela ne sera jamais équivalent.

Selon le principe qui prévaut, il convient d’éviter de porter atteinte à l’environnement, puis de réduire ces atteintes, et enfin de les compenser. Nous sommes d’accord. Les mécanismes de compensation mis en œuvre dans cet article ouvrent la voie à la création d’un véritable marché de la compensation s’appuyant sur des opérateurs, voire des unités de compensation au sein de réserves d’actifs.

Or qui seront demain ces opérateurs de compensation gérant des unités ? Ce seront des banques, la Caisse des dépôts en tête. Nous recréons ainsi un marché potentiellement spéculatif sur la biodiversité. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse de la meilleure manière de la protéger à terme, tout simplement parce que les marchés financiers n’ont que faire des intérêts écologiques et humanistes : ils ne comprennent que la finance et le retour sur investissement !

Nous considérons qu’il ne faut pas adapter le système capitaliste aux impératifs environnementaux, mais bien au contraire, comme le propose Nicolas Hulot, oser changer de modèle économique, parce que ce modèle est celui-là même qui a souvent conduit aux plus grands désastres écologiques pour satisfaire les intérêts économiques et financiers des plus puissants. Lorsque l’on a affaire à des personnes conscientes de ce qu’elles font, cela se passe bien, mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.

Voilà, mes chers collègues, l’esprit qui nous anime et les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.

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