Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 21 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 33

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon, rapporteur :

Ce débat n’étant pas commode, je vais m’efforcer d’être aussi pédagogue que possible ; j’ai déjà essayé de l’être à plusieurs reprises, mais je n’ai réussi que vis-à-vis d’un nombre limité de personnes, ce qui m’oblige à recommencer cet après-midi.

Deux malentendus entourent la rédaction de cet article qui me paraît pourtant suffisamment claire.

Le premier procède du mot « obligation », qu’une personne non avertie interprète comme une contrainte.

Le second malentendu s’attache à la durée de l’obligation réelle environnementale. En tout état de cause, cette durée ne peut être supérieure à quatre-vingt-dix-neuf ans. Si cela n’avait pas été précisé, personne ne s’en serait ému. En inscrivant cette limite dans le projet de loi, nous nous sommes, pour ainsi dire, tiré une balle dans le pied. Tout de suite, en effet, les gens ont cru qu’ils seraient obligés de s’engager pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans. Or telle n’est pas du tout la réalité.

L’article L. 132-3 que l’article 33 du projet de loi introduit dans le code de l’environnement commence ainsi : « Il est permis ». Il ne s’agit donc pas d’une obligation, mais d’une possibilité.

La notion d’« obligation » désigne un contrat par lequel deux personnes physiques ou morales s’obligent réciproquement, l’une à agir dans un sens et l’autre à apporter une contrepartie. On parle d’obligation synallagmatique. Cette notion, vieille comme le droit romain, s’est maintenue dans le droit à toutes les époques ultérieures, puis a été intégrée dans le code civil. Il est vrai qu’elle est complexe.

Les magistrats de la Cour de cassation, ayant constaté que deux personnes ne pouvaient s’obliger éternellement, ont fixé le terme de quatre-vingt-dix-neuf ans.

L’article 33 autorise donc les propriétaires de biens immobiliers à « contracter avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires successifs du bien, les obligations réelles que bon leur semble ».

J’insiste sur ce point : ils font ce que bon leur semble. D’aucuns soutiennent que cette expression doit être supprimée, car elle ne voudrait rien dire, puisqu’elle ne serait pas formulée en « bon » français. J’observe qu’elle figure dans le code civil depuis 1804 : si ce n’était pas du français, voilà sans doute un moment que certains s’en seraient aperçus ! Bref, les parties agissent à leur guise, de manière discrétionnaire.

L’article précise encore que les obligations doivent avoir pour finalité « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques dans un espace naturel, agricole ou forestier ». En d’autres termes, l’obligation contractée doit présenter un caractère environnemental. En somme, il est possible, mais non obligatoire, de contracter des obligations réelles environnementales, et on contracte celles que l’on veut.

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