Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Le bilan est pourtant contrasté.

Comment ne pas se réjouir de la reconnaissance du préjudice écologique, de l’action de groupe en matière d’environnement, de l’obligation d’autorisation pour les activités en haute mer ?

Les contributions des écologistes ont précisé que dans, « éviter, réduire, compenser », il s’agit d’abord d’éviter, que compenser demandera des garanties financières du maître d’ouvrage et fera l’objet de mesures correctives en cas de non-succès.

Dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, nous avons inscrit l’assurance de plans d’action opérationnels ou de mesures de protection renforcées pour les espèces « en danger critique » ou « en danger », afin de garantir leur restauration.

Nous avons élargi la possibilité des échanges de semences, empêché collectivement la brevetabilité des matières biologiques issues de gènes natifs, garanti la restitution aux communautés d’habitants des savoirs obtenus à partir des variétés et espèces qu’elles ont depuis longtemps identifiées et utilisées et dont certains souhaitent pourtant prendre les ressources génétiques. Nous avons aussi formalisé quelques méthodes de dialogue avec ces communautés.

L’outre-mer a bénéficié d’une attention exceptionnelle, ce qui est juste pour la biodiversité.

En revanche, il y a eu des moments difficiles : celui où le Sénat a fait du mot « usage » un synonyme de « chasse », celui où le symbole fort d’un objectif de « non-régression » a été sacrifié, celui où l’on a inversé la logique en passant de « réserve sans chasse sauf autorisation » à « réserve avec chasse sauf interdiction », ceux, enfin, où l’on a convié l’Europe – comme toujours, au mauvais moment – pour empêcher l’interdiction des pesticides, dont les néonicotinoïdes, lesquels seront encadrés mais non supprimés, et pour empêcher la culture de végétaux issus de mutagénèse et résistants aux herbicides. On oublie pourtant de la convier lorsqu’elle nous demande d’interdire la chasse à la glu…

Il y eut aussi des frustrations, ou des victoires difficiles, chaque fois que le rapporteur ou la ministre recadrait les débats, arguant que ce n’était pas « le bon projet de loi ».

Il y eut donc des refus. Nous voulions valoriser par étiquetage les huîtres nées en mer, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la consommation ». Nous voulions épargner les mammifères en période de reproduction, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la chasse ». Nous voulions protéger les arbres des petites parcelles privées, mais « on ne touche pas au code civil ».

Et il y eut des victoires sur le fil : la bonne tenue d’un registre des utilisateurs de produits phytosanitaires, bien que le texte ne soit pas un projet de loi agricole, la fin du privilège que constitue la faible taxation de l’huile de palme, laquelle ravage nos artères et le territoire des orangs-outans, bien que le texte ne soit pas un projet de loi de finances.

Eh oui, ce n’est qu’un projet de loi sur la biodiversité, mais les causes de la régression de celle-ci justifient pourtant des modifications dans tous les codes : artificialisation, confiscation du vivant sélectionné au point de menacer le bien commun, sur-prédation. Heureusement, le texte étant un projet de loi sur les paysages, la reconnaissance patrimoniale des alignements d’arbres a été votée.

En revanche, bien que le texte ne soit pas non plus un projet de loi sur la pêche, nous avons assisté, malgré le vibrant plaidoyer de la ministre et les solides arguments du rapporteur, au sinistre retour du chalutage en eaux profondes. Il s’agit là d’une véritable régression pour la biodiversité, mortifère pour les fonds marins, destructrice pour les stocks et, à terme, suicidaire pour les pêcheurs eux-mêmes. Je rappelle au passage que cette forme de pêche est très consommatrice d’énergie et qu’elle conduit à mettre sur les étals les espèces de poissons les plus chargées en mercure. Bon appétit ! Ce fut sans doute le coup de canif le plus blessant dans ce projet de loi pour la biodiversité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes encore en période de vœux : en termes de calendrier, nous souhaitons que ce texte revienne au Sénat le plus vite possible ; pour l’avenir, nous souhaitons que des moyens étoffés et pérennes soient attribués à l’Agence française pour la biodiversité ; pour les océans et pour les pêcheurs, nous souhaitons que l’on en revienne à la version initiale du texte, qui prévoyait la fin du chalutage en eaux profondes.

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