Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • biodiversité
  • présomption
  • présomption d’innocence
  • transmission

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014–2015], texte de la commission n° 608 [2014–2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014–2015], avis n° 549 et 581 [2014–2015]) et sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).

Mes chers collègues, Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui se trouve à New York, nous a appelés voilà moins d’une heure pour s’excuser de son absence. Pour des raisons d’organisation des débats, il n’a pas été possible de changer la date du vote de ces textes.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, mes chers collègues, nous avons, je le crois, bien travaillé et amélioré ce projet de loi, d’abord en commission, puis en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Répond-il à tous nos vœux ? Évidemment non, mais il faut dire que le fait de traiter les sujets sur le fond, l’ouverture d’esprit de Mme la ministre, qui a accepté des amendements venus de toutes les travées et qui a fait remplacer, à notre demande, les ordonnances par des articles, le même état d’esprit de notre rapporteur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Mme Évelyne Didier. … du président et des membres de la commission ont été favorables à un bon débat parlementaire. Il est néanmoins dommage que certains de nos collègues se soient limités à un seul angle de vue – j’ai failli dire à un seul angle de tir…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Nos connaissances progressent et, avec elles, l’attention de nos concitoyens sur l’importance de favoriser la biodiversité en évitant, d’abord, de détruire les écosystèmes. Nous avons le devoir, nous, parlementaires, d’entendre cette aspiration de la société.

Que savons-nous ? La biodiversité est foisonnante. Le vivant est un tout et l’humanité en est une composante. C’est la raison pour laquelle nous saluons la nouvelle définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif.

Nous approuvons la création des deux instances différentes et complémentaires que sont l’Agence française pour la biodiversité terrestre, aquatique et marine et le Comité national de la biodiversité. Nous souhaitons, à défaut d’une intégration, un rapprochement de l’ONCFS avec l’Agence pour une approche pluridisciplinaire, pour une meilleure cohérence des expertises, des stratégies, des missions et de la police. Nous demandons également que les salariés soient pleinement associés et valorisés par la possibilité d’une intégration au statut. Un personnel motivé est indispensable à la réussite du projet.

Nous soulevons de nouveau la question des moyens. Les ressources additionnées des structures existantes ne suffiront pas, et les prélèvements sur les fonds de roulement des agences de l’eau doivent cesser.

Nous réaffirmons la pertinence du principe de solidarité écologique. Nous voulons que l’échelon départemental soit considéré comme une contribution essentielle pour un travail de proximité.

Nous avons apporté notre soutien à la ratification du protocole de Nagoya proposée par Mme la ministre ainsi qu’à l’élargissement aux milieux aquatiques et marins du champ d’intervention.

La lutte pour préserver cette biodiversité est un long combat. Le projet de loi en constitue une étape importante.

Nous sommes satisfaits de l’adoption d’amendements de notre groupe. Nous défendons l’idée forte qu’il faut préserver la planète, particulièrement les océans, des matières plastiques. Mme la ministre a d’ailleurs été favorable à notre amendement visant à interdire les cotons-tiges composés d’une tige en plastique, et le Sénat l’a adopté, mais elle s’est finalement déclarée défavorable à l’interdiction des microbilles dans les produits d’hygiène, d’entretien et cosmétiques. Nous le regrettons, et nous y reviendrons. Certes, cela bousculerait les fabricants, mais, déjà, certains États des États-Unis s’acheminent vers une telle interdiction dès 2018. Dans ce domaine, ceux qui anticiperont seront in fine les gagnants de demain.

Nous devrons aussi revenir sur la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

… même si, sur ce sujet, nous devons faire preuve de mesure.

Nous saluons l’engagement des associations qui pourront agir en cas de manquement à des obligations environnementales, à la suite de l’adoption de l’un de nos amendements. Elles ont un rôle moteur dans notre société.

Nous regrettons que l’interdiction des néonicotinoïdes soit fixée à l’horizon de 2018 et non de 2016, comme nous le demandions. C’est trop tard !

Nul ne peut et ne doit s’approprier le vivant. C’est pourtant la tendance aujourd’hui. Certaines firmes y voient de nouvelles promesses de profit. C’est la raison pour laquelle ce texte doit acter fortement la position de la France dans ce domaine. Notre pays doit défendre cette conviction dans les instances européennes et mondiales.

L’une des grandes avancées du projet de loi est sans aucun doute la prise de position de l’ensemble du Sénat sur la non-brevetabilité du vivant. Nous avons inscrit dans le projet de loi le principe de l’interdiction du brevet sur tout ou partie de plantes ou d’animaux issus de procédés essentiellement biologiques, ainsi que sur leurs gènes natifs. Nous espérons que les députés confirmeront cette avancée. Il s’agit ni plus ni moins d’éviter une privatisation des ressources naturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Mme la ministre a apporté son soutien, en indiquant qu’il serait cohérent d’étendre les obligations de traçabilité des OGM aux produits issus de nouvelles techniques de modification génétique pour une meilleure traçabilité de ces produits. Nous attendons avec impatience la communication de l’Union européenne à ce sujet.

Nous regrettons que ne soient pas interdites les plantes devenues tolérantes aux herbicides par mutagénèse. En revanche, nous approuvons la ratification du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques, qui garantit un partage juste et équilibré des avantages y afférant et des savoirs traditionnels autochtones.

Enfin, nous voulons exprimer notre total désaccord avec le principe des réserves d’actifs naturels.

Si le projet de loi établit explicitement la hiérarchie dite « ERC » – éviter, réduire, compenser –, ce dont nous nous réjouissons, la possibilité de compenser à travers le financement de réserves d’actifs naturels crée de fait un marché financier. Aujourd’hui, c’est la Caisse des dépôts et consignations qui en est l’opérateur principal, mais demain ? Si, et je l’admets, cela peut permettre d’assurer une compensation de qualité par des opérateurs compétents, on introduit l’idée que tout se vaut, ce qui est fondamentalement une faute en termes de biodiversité. Il n’existe pas d’équivalence écologique. C’est regarder le vivant sous le prisme du marché, qui, à proprement parler, n’est pas un prisme économique, mais est bien une vision financière qui poussera, comme à chaque fois, à rentabiliser, c’est-à-dire à rechercher le profit au détriment de l’objet principal, à savoir protéger la biodiversité.

Nous formons le vœu que les députés respecteront ce travail et que la navette parlementaire permettra un approfondissement et non un détricotage sous les coups des intérêts de certains au détriment de l’intérêt général. Malgré nos réserves – et elles ne sont pas mineures –, notre groupe prend acte de l’importance de valider les nombreuses avancées contenues dans ce texte. Il approuvera donc le projet de loi tel qu’il est ressort de nos travaux, en formulant un autre vœu : que ce texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture, pour une application le plus tôt possible dès la fin de 2016.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Hervé Poher, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc à l’heure du bilan et du positionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Soyons honnêtes, beaucoup ont reconnu que cela aurait pu être pire…

Difficile de dresser un bilan objectif de ce débat, ai-je dit. C’est vrai, tout d’abord parce que l’objectivité ne fait pas partie de la nature humaine. C’est normal ! Nous avons tous des humeurs, des penchants, des passions. Imaginez en plus que nous avons examiné un texte de 72 articles, sur lequel ont été déposés 677 amendements, qui parle de notre environnement, de sa perception, de son usage, de sa survie.

Oui, c’est bien un texte sur l’environnement ! Or l’environnement touche tout le monde, toutes les activités, tous les milieux.

Ce n’est pas une loi sur la chasse. C’est vrai, et cela a été dit. Reste que, quand elle n’est pas directement citée, la chasse est souvent en filigrane dans plusieurs articles. C’est logique !

De même, ce n’est pas une loi agricole. C’est vrai, cela a été dit, mais l’agriculture est omniprésente dans ce texte. C’est normal !

Je pourrais continuer à énoncer ainsi les différents domaines : économie, recherche, santé… Tout le monde est présent dans ce texte et tout le monde y est intéressé, à un moment ou à un autre.

Je l’ai dit, il est difficile de faire un bilan détaillé des débats et du projet de loi. Un collègue a récemment déclaré que ce texte était un « monstre ». C’était de sa part non pas une critique, mais simplement le constat que, du fait de son intitulé – projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages –, le texte comptait plusieurs têtes pour un seul corps. Force est de constater que nous avons en plus pris un malin plaisir à en ajouter…

Permettez-moi ensuite de ne pas m’aventurer sur le terrain qualitatif, car le mot « qualité » est à géométrie variable selon les pôles d’intérêt, le milieu et les circonstances. Dans cet hémicycle, un article peut avoir beaucoup de qualités pour les uns ou, a contrario, être porteur de tares rédhibitoires pour les autres.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi d’adresser quelques remerciements à certains de nos collègues : tout d’abord à ceux qui, malicieusement, ont prolongé les débats uniquement pour nous prouver que les paysages nocturnes étaient différents des paysages diurnes §; à ceux ensuite qui nous ont fait rêver en évoquant la richesse des territoires ultramarins ; à celle aussi qui nous a fait sourire en nous racontant la fabuleuse et incroyable aventure du coton-tige.

J’adresse enfin mes remerciements, de façon très sincère, à Jérôme Bignon, notre rapporteur. Il a mis en évidence que la fonction de rapporteur n’est pas une activité de tout repos et a su défendre certaines de ses convictions avec une vigueur que j’oserai qualifier de décoiffante…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Lors de la discussion générale, j’avais déclaré que nous disposions de tous les éléments pour écrire une belle histoire. Or je me suis trompé, et je vous prie de m’en excuser. Sans doute ai-je péché par inexpérience ou par fausse naïveté, mais je n’avais pas réalisé l’importance du vocabulaire dans cette maison. Normatif, déclaratif, contentieux, droit : il est difficile, même pour les plus imaginatifs, de créer de belles histoires avec ces mots-là. En revanche, il est vrai qu’on peut légiférer.

Pour terminer, je voudrais revenir sur ce qu’on appelle la « conduite à tenir ». Avant de décider d’une conduite à tenir, il faut faire un bilan.

Premier point de ce bilan : 677 amendements ont été examinés sur ce texte. Un certain nombre d’entre eux ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, mais dans leur ensemble, et personne ne peut dire le contraire, ils ont permis d’aborder des sujets différents, des sujets d’actualité parfois, des sujets parfois irritants, mais qui, sans être consensuels, devaient être évoqués : les néonicotinoïdes, les actions de groupe, la police de l’environnement, le préjudice écologique, la gestion et l’usage des réserves naturelles.

En matière de gestion publique, rien n’est pire qu’éluder un problème sous prétexte qu’il pourrait provoquer des décharges d’adrénaline. De toute façon, un sujet sociétal contourné, occulté, évité, finit toujours par revenir sur le devant de la scène.

Deuxième point de ce bilan : si tout ne peut pas plaire à tout le monde, tout ne peut pas déplaire à tout le monde non plus. Certains pointeront donc du doigt ce qu’ils considèrent comme des reculs quand d’autres mettront en valeur ce qui leur semble être des avancées… Le problème en matière d’environnement, c’est que ce que certains considèrent comme un recul, d’autres le voient comme une avancée. En outre, nous n’étions qu’en première lecture et certaines améliorations et précisions sont attendues en deuxième lecture.

Troisième et dernier point de ce bilan : aucun article ou amendement ne prône le statu quo. Tout le monde l’admet : il y a urgence. On ne peut plus se permettre d’avoir des états d’âme. L’action s’impose et la nature n’attendra pas la fin de nos discussions. C’est l’un des paradoxes de notre démarche : nous devons réagir rapidement alors que la biodiversité a mis des millions d’années à se constituer.

En résumé, si l’on veut acter l’idée du préjudice environnemental, le principe de la réparation, l’application du protocole de Nagoya, une nouvelle forme de gouvernance, la confortation de certains outils que nous avons déjà, une nouvelle approche des paysages et si nous voulons sauver certaines de nos richesses non monétaires, nous ne pouvons pas rester l’arme au pied, car il y a urgence. Le groupe socialiste et républicain votera donc ce texte et la proposition de loi organique qui y est associée.

Quant à la belle histoire de la biodiversité, d’autres l’écriront probablement dans d’autres lieux et avec des mots plus appropriés. Ce serait malheureux de passer à côté !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Quand Rachel Carson écrivit Printemps silencieux en 1962, quand Jean Dorst publia Avant que Nature meure, ils subirent tous deux les railleries des tenants d’un productivisme débridé. Qui aurait alors pu croire que, en 2016, le Sénat débattrait de façon constructive d’un projet de loi sur la biodiversité et autoriserait la ratification du protocole de Nagoya ?

Pour cela, il aura fallu le travail documenté et continu des ONG et même de militants radicaux comme Paul Watson, qui comparait hier notre humanité aux passagers d’un vaisseau dont l’équipage et les soutiers représenteraient toutes les autres espèces et serviraient à les nourrir ; peu à peu, les passagers prendraient la place de l’équipage, l’empêcheraient de travailler et jetteraient même des matelots par-dessus bord.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Capitaine-rapporteur Bignon, nous l’avons bien vu, vous avez eu fort à faire pour tenir la barre la semaine dernière !

Il aura fallu des films comme Terra, de Yann Arthus-Bertrand, ou Les Saisons, de Jacques Perrin, qui montrent qu’il suffit de comprendre pour se mobiliser. Pour cela, il nous faut des scientifiques – avec une gratitude particulière pour ceux du Muséum –, dont le texte favorisera à la fois la récolte des données et leur mise à disposition du public.

Il aura fallu des méthodes nouvelles, comme le Grenelle de l’environnement, car on ne mobilise pas en faveur de la biodiversité en jouant les uns contre les autres.

Il aura fallu la volonté politique d’agir du Gouvernement, car la démocratie est mise à mal quand les débats n’ont pas de suite. Il aura fallu un travail inédit et de la volonté pour effacer les ordonnances et rendre au Parlement tout son rôle.

Sans ignorer les incertitudes, à commencer par celles qui pèsent sur les moyens qui seront alloués à l’Agence française pour la biodiversité, les écologistes se félicitent des avancées contenues dans le projet de loi en provenance de toutes les travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Le bilan est pourtant contrasté.

Comment ne pas se réjouir de la reconnaissance du préjudice écologique, de l’action de groupe en matière d’environnement, de l’obligation d’autorisation pour les activités en haute mer ?

Les contributions des écologistes ont précisé que dans, « éviter, réduire, compenser », il s’agit d’abord d’éviter, que compenser demandera des garanties financières du maître d’ouvrage et fera l’objet de mesures correctives en cas de non-succès.

Dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, nous avons inscrit l’assurance de plans d’action opérationnels ou de mesures de protection renforcées pour les espèces « en danger critique » ou « en danger », afin de garantir leur restauration.

Nous avons élargi la possibilité des échanges de semences, empêché collectivement la brevetabilité des matières biologiques issues de gènes natifs, garanti la restitution aux communautés d’habitants des savoirs obtenus à partir des variétés et espèces qu’elles ont depuis longtemps identifiées et utilisées et dont certains souhaitent pourtant prendre les ressources génétiques. Nous avons aussi formalisé quelques méthodes de dialogue avec ces communautés.

L’outre-mer a bénéficié d’une attention exceptionnelle, ce qui est juste pour la biodiversité.

En revanche, il y a eu des moments difficiles : celui où le Sénat a fait du mot « usage » un synonyme de « chasse », celui où le symbole fort d’un objectif de « non-régression » a été sacrifié, celui où l’on a inversé la logique en passant de « réserve sans chasse sauf autorisation » à « réserve avec chasse sauf interdiction », ceux, enfin, où l’on a convié l’Europe – comme toujours, au mauvais moment – pour empêcher l’interdiction des pesticides, dont les néonicotinoïdes, lesquels seront encadrés mais non supprimés, et pour empêcher la culture de végétaux issus de mutagénèse et résistants aux herbicides. On oublie pourtant de la convier lorsqu’elle nous demande d’interdire la chasse à la glu…

Il y eut aussi des frustrations, ou des victoires difficiles, chaque fois que le rapporteur ou la ministre recadrait les débats, arguant que ce n’était pas « le bon projet de loi ».

Il y eut donc des refus. Nous voulions valoriser par étiquetage les huîtres nées en mer, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la consommation ». Nous voulions épargner les mammifères en période de reproduction, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la chasse ». Nous voulions protéger les arbres des petites parcelles privées, mais « on ne touche pas au code civil ».

Et il y eut des victoires sur le fil : la bonne tenue d’un registre des utilisateurs de produits phytosanitaires, bien que le texte ne soit pas un projet de loi agricole, la fin du privilège que constitue la faible taxation de l’huile de palme, laquelle ravage nos artères et le territoire des orangs-outans, bien que le texte ne soit pas un projet de loi de finances.

Eh oui, ce n’est qu’un projet de loi sur la biodiversité, mais les causes de la régression de celle-ci justifient pourtant des modifications dans tous les codes : artificialisation, confiscation du vivant sélectionné au point de menacer le bien commun, sur-prédation. Heureusement, le texte étant un projet de loi sur les paysages, la reconnaissance patrimoniale des alignements d’arbres a été votée.

En revanche, bien que le texte ne soit pas non plus un projet de loi sur la pêche, nous avons assisté, malgré le vibrant plaidoyer de la ministre et les solides arguments du rapporteur, au sinistre retour du chalutage en eaux profondes. Il s’agit là d’une véritable régression pour la biodiversité, mortifère pour les fonds marins, destructrice pour les stocks et, à terme, suicidaire pour les pêcheurs eux-mêmes. Je rappelle au passage que cette forme de pêche est très consommatrice d’énergie et qu’elle conduit à mettre sur les étals les espèces de poissons les plus chargées en mercure. Bon appétit ! Ce fut sans doute le coup de canif le plus blessant dans ce projet de loi pour la biodiversité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes encore en période de vœux : en termes de calendrier, nous souhaitons que ce texte revienne au Sénat le plus vite possible ; pour l’avenir, nous souhaitons que des moyens étoffés et pérennes soient attribués à l’Agence française pour la biodiversité ; pour les océans et pour les pêcheurs, nous souhaitons que l’on en revienne à la version initiale du texte, qui prévoyait la fin du chalutage en eaux profondes.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur la biodiversité n’est qu’un pan de la politique nationale que nous devons conduire en matière d’environnement. La preuve en est : ont été insérées dans ce texte un certain nombre de dispositions – je pense à l’huile de palme ou aux produits phytosanitaires – qui n’ont qu’un rapport très lointain avec la biodiversité.

Protestations sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En tout cas, un rapport relativement lointain… D’autres mesures auraient encore pu être ajoutées.

Cela étant, je me félicite des dispositions qui ont été votées, car elles constituent globalement des avancées, ce qui nous change de certaines mesures prises par le Gouvernement. Je pense par exemple à l’abandon de l’écotaxe, qui est une catastrophe en matière d’environnement. Je ne comprends pas qu’un ministre de l’environnement puisse prendre des décisions aussi aberrantes que celle-ci.

La biodiversité est certes un élément important qu’il faut protéger, mais il faut aussi être cohérent dans notre action et reconnaître – ce que Mme le ministre de l’environnement ne fait pas toujours – que nous devons être exemplaires par rapport aux autres pays, parfois sous-développés, notamment en Afrique ou en Asie, auxquels nous prétendons régulièrement donner des leçons de protection des animaux. Nous expliquons aux pays africains qu’il faut protéger les rhinocéros, les lions, les éléphants… Ces pays font ce qu’ils peuvent pour protéger leur biodiversité, mais souvent ils peuvent peu, leurs moyens étant malheureusement insuffisants.

Or, nous qui avons des moyens, nous sommes parfois vis-à-vis de la biodiversité extrêmement en retrait. Mme le ministre de l’environnement traîne les pieds pour défendre les ours dans les Pyrénées, pour défendre les loups, alors que nous avons les moyens économiques et financiers de mettre en place un certain nombre d’actions. Si nous ne sommes pas capables de défendre deux espèces de mammifères qui sont à mon sens moins importantes que des éléphants, des lions ou des tigres, comment, nous, pays européens développés, pouvons-nous prétendre donner des leçons à des pays africains dans lesquels les gens se battent simplement pour avoir à manger ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’en termine, monsieur le président.

Les lois sur la biodiversité ne doivent pas être détournées. Une chose m’inquiète de plus en plus : certains écologistes détournent ces lois pour se battre dans un but tout à fait différent, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En se servant de trois ou quatre espèces menacées, ils dévoient en fait les lois sur la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’avais prévu de commencer mon propos par une remarque qui, de fait, tombe à plat, en disant qu’il est des moments où la politique prend la mesure de sa responsabilité envers les générations futures et est capable de consensus. Évidemment, je ne pouvais pas imaginer que cette phrase ferait suite à l’intervention que vient de faire M. Jean Louis Masson…

Au terme de cette première lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, je tiens à saluer le travail accompli sur ce texte, d’abord par mon compatriote Philippe Martin, ancien ministre, qui en a été à l’origine, et l’esprit coconstructif, comme l’a souligné Mme la ministre à plusieurs reprises, qui a prévalu tout au long des travaux, inspirés et parrainés par de grands noms du monde scientifique ; ont été cités Hubert Reeves, Jean-Marie Pelt et d’autres.

La ministre a constamment été à l’écoute des parlementaires pour améliorer le présent projet de loi. Nos collègues députés ont enrichi le texte et la commission du développement durable, son rapporteur, M. Jérôme Bignon – comme cela a déjà été souligné –, son président, M. Hervé Maurey, et les rapporteurs pour avis, Mmes Sophie Primas et Françoise Férat, ont fait un travail remarquable.

Dans le projet de loi sont inscrits des progrès notables et réalistes que nous souhaitons voir maintenus au cours de la navette. Nous avons reçu un courrier de Mme la ministre qui nous assure que le travail du Sénat sera respecté, nous l’espérons, par l’Assemblée nationale. Ainsi, je me réjouis de voir consacrés la reconnaissance du préjudice écologique pur et le principe de sa réparation, résultant de la proposition de loi de notre collègue Bruno Retailleau, adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

Est également bienvenue la modification du délai de prescription des délits de pollution des eaux marines et fluviales, désormais calculé à partir de la découverte du dommage et non du fait générateur.

Je tiens particulièrement à souligner l’extension de l’exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques, pour l’obtention des végétaux et des animaux, à leurs parties et composantes génétiques par l’adoption d’un amendement que vous avions proposé, à l’instar d’autres groupes, ainsi que la limitation de la protection conférée à ces brevets ou encore l’interdiction de protéger par un certificat d’obtention végétale les semences non reproductibles. Il s’agit avant tout de prévenir les contournements des dispositions relatives à la propriété intellectuelle par certaines grandes firmes, qui entravent l’accès de tous aux ressources naturelles et constituent un frein à l’innovation. Ces pratiques inadmissibles, cautionnées par l’office européen des brevets, pénalisent nos agriculteurs, qui ne peuvent user librement de certaines semences. L’action de la France auprès de l’Union européenne devra être poursuivie.

En matière de gouvernance, les missions de l’Agence française pour la biodiversité ont été précisées. La composition de son conseil d’administration garantit une meilleure souplesse grâce à la mise en place de collèges. Mon collègue Guillaume Arnell, animateur du pôle « développement durable » de la collectivité de Saint-Martin, avait fortement insisté sur l’indispensable représentation de tous les territoires ultramarins en raison de la richesse et de la spécificité de leur biodiversité. À ce titre, nous ne pouvons qu’être satisfaits du maintien de la représentation de chaque bassin écosystémique au sein de l’Agence.

Nous avons, par ailleurs, procédé à la ratification du protocole de Nagoya, qui met en place un dispositif d’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, dont la traduction figure à l’article 18 du projet de loi.

La définition de la « nouvelle utilisation » d’une ressource à des fins commerciales, soumise à autorisation, a été précisée pour en renforcer la sécurité juridique auprès des utilisateurs. En outre, le plafond des contributions financières versées par ces derniers a été baissé à 1 %, au lieu de 5 %, du chiffre d’affaires annuel hors taxes conformément à un amendement que nous avions déposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Le progrès et l’innovation doivent être encouragés. Ce pourcentage nous paraît, par conséquent, plus proportionné.

En matière de simplification, les zones prioritaires pour la biodiversité qui figuraient à l’article 34 ont été supprimées par le Sénat en commission, évitant ainsi la multiplication des zonages qui ajoutaient une complexité dont l’utilité nous paraissait contestable.

En ce qui concerne les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, notre hémicycle a adopté une position que je considère, pour ma part, équilibrée. Elle tient compte de la récente étude de l’ANSES, qui nous alerte sur les effets néfastes pour les pollinisateurs dans le cadre de certains usages encore autorisés, en dépit du moratoire adopté sur trois substances. Un arrêté du ministre de l’agriculture viendra encadrer les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes pour tenir compte de cette étude, mais aussi des conséquences sur la production agricole. Nous le savons, cette action est peut-être insuffisante ; elle devra être poursuivie auprès des instances européennes.

Enfin, le groupe du RDSE exprime très majoritairement sa satisfaction sur les dispositions relatives à la chasse et à la pêche de loisirs. Je me réjouis notamment de l’adoption d’un amendement pour permettre le maintien des associations communales de chasse agréées en cas de fusion de communes. §Et nous nous réjouissons de l’avis favorable donné sur cet amendement par Mme la ministre, ce qui préjuge d’un très probable maintien lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Nous savons du reste que nos collègues du RDSE et notre collègue député Joël Giraud y veilleront.

Si les avancées sont réelles, je regrette, pour ma part, que les comités départementaux pour la biodiversité n’aient pas été créés ou encore, sur le principe de prévention, la suppression de l’objectif « pas de perte nette ».

Enfin, quatorze de nos amendements ont été retenus en séance publique et d’autres ont été satisfaits au cours de la discussion.

Le groupe du RDSE votera unanimement en faveur du présent projet de loi. La nature, dans la richesse de sa diversité, est une source d’enseignement et d’innovation : le biomimétisme et la bio-inspiration sont les meilleures pistes de développement durable pour les entreprises du génie écologique, qui feront de la France un modèle d’excellence environnementale pour la croissance verte et bleue. Peut-être avons-nous pris conscience, aujourd'hui, des paroles du chef Seattle, qui, en 1854, disait : « Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même ».

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui l’examen en première lecture d’un texte qui, après l’impulsion donnée par le Grenelle de l’environnement, apporte sa contribution à l’inversion de la courbe de la fragilisation de la biodiversité. Néanmoins, avec un décalage de près de deux ans entre son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale et son examen par le Sénat, il m’est également arrivé de douter du caractère prioritaire de ce texte pour le Gouvernement…

Je commencerai par une remarque d’ordre général. L’importance de la préservation de la biodiversité ne fait de doute pour personne. Il s’agit d’un enjeu capital pour la survie de l’homme et celle de notre planète. Il existe aujourd'hui un consensus pour considérer que, au-delà de son apport fondamental à l’environnement, la biodiversité contribue à l’économie, à l’attractivité du territoire et offre une matière première essentielle favorisant l’innovation, notamment en matière agricole. Il est donc indispensable de lutter contre l’érosion de la biodiversité, et cet enjeu est loin d’être secondaire pour la France, où existe, tant en métropole qu’outre-mer, une réserve considérable de biodiversité.

Ainsi, tout au long de l’examen de ce texte, la préoccupation constante de notre groupe a été de favoriser la préservation de la biodiversité tout en l’articulant avec les contraintes, mais aussi les opportunités liées au développement économique.

Deux principes ont guidé notre démarche.

Nous avons décidé de ne pas adopter, dans la précipitation, des dispositions dont l’impact n’aurait pas été sérieusement mesuré. Car, pour répondre à l’intention proclamée par la ministre de l’écologie, passer d’une « écologie punitive » à une « écologie positive » nécessite d’être attentif aux conséquences de nos décisions.

Nous avons privilégié une approche constructive avec l’ensemble des acteurs de la biodiversité pour éviter une confrontation dogmatique qui aboutit invariablement à des blocages. Aussi, cette stratégie des « petits pas »…

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Ils sont considérables !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

… est peut-être plus lente, mais elle est plus efficace et plus solide que la logique antagoniste qui a trop longtemps prévalu dans nos débats ainsi qu’à l’Assemblée nationale.

Dans cette perspective, notre groupe a été l’origine d’améliorations substantielles de ce texte.

Nous nous félicitons de l’insertion par notre rapporteur, Jérôme Bignon, de la proposition de loi du président de notre groupe, Bruno Retailleau, sur le préjudice écologique. §Ce texte avait été voté à l’unanimité par le Sénat.

Nous nous félicitons également de la ratification, sur l’initiative de notre rapporteur, du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages. Ce mécanisme met en œuvre le droit des États à protéger leur patrimoine, pour lutter notamment contre la biopiraterie et l’appropriation abusive de ressources collectives.

Toutefois, à l’issue de ce premier examen, des craintes subsistent pour les acteurs économiques autour de la notion de « nouvelle utilisation » et des risques de distorsion de concurrence déloyale au niveau international. Nous appelons de nos vœux à une réflexion sur ces sujets en deuxième lecture.

Concernant les secteurs de la chasse et de la pêche, nous nous sommes mobilisés avec le groupe d’études, tout particulièrement son président, Jean-Noël Cardoux, afin de rappeler le rôle essentiel des chasseurs et des pêcheurs, premières vigies de la biodiversité. Nous nous réjouissons de la suppression de dispositions provocatrices qui n’avaient pas leur place dans le projet de loi et menaient à des confrontations inutiles.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 38, qui permet par exemple de confier à un comité des pêches la gestion d’une réserve naturelle.

En ce qui concerne le secteur agricole, notre groupe s’est positionné avec force afin de rassurer une profession particulièrement inquiète. En effet, le monde agricole, exaspéré et fragilisé par les crises, découragé par les contraintes toujours plus nombreuses, ne doit pas être la cible de ce projet de loi, sans quoi, ce dernier sera totalement rejeté, y compris par nous !

Ainsi, dans le texte, pour sauver les espèces protégées, une approche partenariale a été préférée à la mise en place d’un nouveau zonage, engendrant la suppression des « zones prioritaires de biodiversité ». Les obligations réelles environnementales ont été sécurisées et encadrées juridiquement.

Les problématiques de compensation ont fait l’objet d’un large débat, même s’il reste un travail important à engager sur ce thème entre les deux lectures. La compensation ne peut pas être financiarisée, elle doit néanmoins être repensée pour corriger ses effets secondaires, notamment sur la consommation des terres agricoles, premier support de la biodiversité.

Nous tenons aussi à saluer la reconnaissance de l’activité humaine, en particulier de l’élevage, dans les paysages. Cette disposition constitue un signal certain adressé à une activité qui traverse aujourd’hui d’importantes difficultés.

Sur la question sensible des néonicotinoïdes, le Sénat a réaffirmé dans sa très grande majorité le rôle de l’ANSES et a adopté, dans sa sagesse, un amendement déposé par notre collègue Nicole Bonnefoy. Celui-ci permettra au ministère de l’agriculture de prendre un arrêté sur les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes, au regard de l’avis de l’ANSES publié opportunément le 7 janvier 2016, tout en prenant en compte les conséquences sur la production agricole. À ce sujet, je tiens à le rappeler, l’ANSES ne préconise en aucun cas l’interdiction des néonicotinoïdes, mais émet des réserves sur leurs conditions d’utilisation sur certaines cultures et à certaines périodes. Au-delà du débat législatif, nous pourrions donc considérer qu’il appartient désormais à l’Agence d’intégrer les conclusions de son avis dans ses critères d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires.

Enfin, et plus largement, le projet de loi est désormais épuré de mesures d’affichage de portée limitée, telles que l’obligation faite aux futurs centres commerciaux d’intégrer sur leur toiture des procédés de production d’énergies renouvelables ou des systèmes de végétalisation. Le Sénat a ainsi rempli son rôle en privilégiant l’obligation de résultat à l’obligation de moyens et en ne complexifiant pas des dispositifs par ailleurs déjà adoptés dans la loi ALUR ou la loi relative à la transition énergétique.

Néanmoins, un certain nombre de points nécessitent d’être retravaillés pour la seconde lecture et d’autres suscitent de vives réactions.

L’Agence française pour la biodiversité est conceptuellement une bonne idée, permettant de mutualiser les services et de définir une stratégie nationale de la biodiversité cohérente et partagée par tous les acteurs. Toutefois, nous opposons deux réserves.

La première concerne les modalités de son financement. En effet, sans moyen supplémentaire, la perspective de voir les budgets de chaque agence mutualisés dans un budget unique fait craindre un dévoiement du principe de fléchage des ressources, qui veut par exemple que « l’eau paye l’eau ». C’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui a inquiété l’ONCFS.

La seconde réserve a trait à l’organisation territoriale.

Le principe de solidarité écologique est également une source d’inquiétudes pour les acteurs économiques. Il devra indiscutablement faire l’objet d’une expertise juridique plus poussée afin d’éviter les dérives trop souvent observées du principe de précaution.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Enfin, je tiens à exprimer, au nom de mon groupe, notre opposition totale à la disposition visant à créer une action de groupe spécifique pour les dommages environnementaux. Cet amendement, adopté par ailleurs contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement, ouvre un champ d’application beaucoup trop large et exposerait les acteurs économiques à une insécurité juridique permanente.

Pour conclure

Marques d’impatience sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

, je dirai que nous avons un avis favorable à l’issue de cette première lecture mais que nous serons très attentifs à la seconde.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’un débat que nous attendions depuis trop longtemps, le texte de loi que nous nous apprêtons à voter a abouti à un étrange compromis, qui satisfait des objectifs parfois contradictoires.

La biodiversité, ou « fraction du vivant sur la planète », est la condition de notre existence. Elle permet l’évolution et la résilience. De telles connaissances scientifiques sont aujourd’hui très abouties et doivent nous éclairer dans notre rôle de législateur. Or ce texte de loi respecte parfois la science, parfois les traditions.

Nous avons à plusieurs reprises été étonnés par la virulence de certaines oppositions, sur un sujet qui est pourtant scientifiquement bien étayé, comme si la biodiversité était une question de société. Il n’en demeure pas moins qu’aucune position n’est illégitime, car les transitions invoquées sont lourdes de conséquences économiques et sociales. J’entends les interrogations sur l’environnement, qui bloquerait nos projets et notre croissance. J’entends aussi ceux qui nous expliquent que, si nous étions si vertueux et si nous surtransposions véritablement les directives, nous n’aurions pas autant de contentieux avec l’Union européenne. J’entends surtout que, là où l’État devrait nous accompagner, il est trop souvent procédurier, et c’est bien le vrai sujet. Les débats ont donc été vifs, et c’est normal.

Monsieur Poher, vous vous êtes ému que l’on parle de la chasse, mais nous avons plus que jamais besoin de la chasse quand les équilibres naturels sont perturbés.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Mme Chantal Jouanno. Il est vrai que nous pouvons parfois avoir une vision différente du rôle de la chasse. Pour ma part, je ne la vois pas comme un loisir, mais comme un partenaire central dans la régulation des équilibres de la biodiversité. C’est pourquoi il me semblait absolument indispensable que les chasseurs intègrent l’Agence française pour la biodiversité.

MM. Alain Bertrand et Jeanny Lorgeoux applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

De nombreux articles du projet de loi constituent autant de messages très négatifs pour la biodiversité, tout du moins en raison de leur présentation. Ainsi, alors que le rythme d’extinction des espèces est de cinquante à six cents fois supérieur au rythme naturel et que la France a une responsabilité particulière dans le monde, nous avons refusé d’inscrire le principe de non-régression de la biodiversité dans le projet de loi. Pourtant, il s’agit, selon nous, d’un principe de bon sens. De même – c’est un sujet que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur –, quel dommage de ne pas interdire le chalutage en eaux profondes !

M. le rapporteur opine. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Un siècle de dégâts, pour moins de 1 % des pêcheurs concernés !

Et je ne parle pas des néonicotinoïdes ! Derrière ce terme parfois barbare pour ceux qui ne le connaissent pas se cache un vrai sujet environnemental et de santé publique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

… sur lequel nous sommes parvenus à un étrange compromis, qui ignore, monsieur Bizet, vous qui êtes si attaché à la science, les conclusions du rapport de l’ANSES.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Lisez l’étude scientifique sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Il est regrettable que Mme la ministre de l’environnement ne soit pas cosignataire du fameux arrêté qui a été proposé, puisque les pollinisateurs ne sont pas seulement domestiques, ils sont aussi sauvages.

À l’inverse, très étrangement, ce texte contient des positions pour le moins audacieuses sur le plan écologique : il intègre l’action de groupe environnementale, dont il faudra bien peser les conséquences en termes de responsabilité des élus, il inscrit la notion de préjudice écologique dans le code civil, il étend la protection au plateau continental, il intègre les problématiques des perturbations nocturnes de la biodiversité, il défend les semences traditionnelles et la permaculture ou encore il instaure une taxation de l’huile de palme.

Nous aboutissons finalement à un texte étrange, traversé d’aspirations contradictoires. Il constitue tout de même une progression par rapport au droit existant en raison des deux avancées fondamentales que sont la création de l’Agence française pour la biodiversité et la ratification du protocole de Nagoya.

L’Agence française pour la biodiversité permettra d’opérer une mutualisation des moyens et de réaliser des expertises. Souhaitons qu’elle puisse aider les collectivités dans leur rôle central en matière de biodiversité.

Quant au protocole de Nagoya, il permet une protection des ressources génétiques. Les enjeux financiers étant énormes, il convient d’empêcher la spoliation des peuples autochtones de leurs connaissances traditionnelles et de leurs ressources. On adresse ainsi un signal fondamental selon lequel la biodiversité est un patrimoine naturel.

Pour conclure, je voudrais remercier tous les passionnés qui ont suivi ce débat. Ils ont parfois assisté à des oppositions virulentes, mais qu’ils sachent que nous parlons tous avec nos convictions. Je remercie également notre rapporteur, qui, lui aussi, est un passionné et le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a été présent tout au long de nos discussions.

Nombre de collègues de mon groupe se sont également investis dans ces travaux. Ils étaient parfois porteurs de positions contradictoires – il faut le reconnaître –, mais étaient tous animés d’une vraie sincérité. Au terme de ce débat, malgré les insatisfactions et les reculs, nous voterons donc majoritairement ce texte, parce qu’il reste un progrès par rapport au droit existant.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues MM. Jean Desessard, Claude Haut et Jackie Pierre, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à quinze heures cinquante, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :

Le Sénat a adopté.

Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, je souhaite en cet instant remercier le président de la commission et le rapporteur, dont, je le sais, la tâche n’a pas toujours été facile : le résultat atteste de la qualité du travail qu’ils ont effectué.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser l’absence de Mme Royal, qui était en déplacement en Inde avec le Président de la République et qui est actuellement aux États-Unis, où elle participe au premier grand forum des investisseurs de l’économie bas carbone mis en place lors de la COP 21.

La biodiversité est directement liée aux enjeux climatiques. Les travaux du Sénat ont beaucoup amélioré le texte.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Nous tenons à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs. Après la COP 21, vous avez su transcender les clivages partisans pour rapprocher les points de vue en recherchant l’intérêt général de notre avenir commun et en mettant la France très en avance sur les enjeux de la biodiversité et du climat.

Ces trente-deux heures de débat ont permis d’enrichir le texte, que ce soit en créant l’Agence française pour la biodiversité, en autorisant le Gouvernement à ratifier le protocole de Nagoya pour lutter contre la biopiraterie, en protégeant nos agriculteurs face aux risques de la brevetabilité du vivant, ou encore en créant les nouveaux outils pour concilier écologie et économie et favoriser les emplois de la croissance verte et bleue.

Comme vous le savez, Ségolène Royal a retenu la plupart des propositions de vos commissions, celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ainsi que celle des affaires économiques, en particulier lorsqu’elles ont souligné l’excès de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances. Au terme d’un travail important, aucune habilitation du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ne subsiste dans le texte définitif.

Le Gouvernement veillera à ce que dans la suite du débat les travaux de l’Assemblée nationale respectent les travaux du Sénat.

Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

Ségolène Royal souhaite que ce texte puisse être examiné en deuxième lecture rapidement afin qu’il soit adopté dans les meilleurs délais.

Nous avons la conviction que votre œuvre fera date, dans l’histoire de cet hémicycle et dans celle du pays

Marques d’approbation sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d'État

, car elle est tout entière dédiée à relever des défis majeurs, pour le temps présent et les temps à venir, et surtout parce qu’elle va permettre aux entreprises du génie écologique de développer leur activité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous passons au scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Ce texte prévoit pour l’essentiel que le président ou la présidente du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité figure parmi les personnalités dont la désignation est soumise à l’article 13 de la Constitution, ce qui donnera aux commissions permanentes compétentes des deux assemblées la possibilité de bloquer, à la majorité des trois cinquièmes, une nomination qui ne leur conviendrait pas. Il renforce donc les pouvoirs du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, afin de permettre à la conférence des présidents de se réunir et avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La sé ance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, à seize heures.

Elle a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 26 JANVIER 2016

À 16 heureset le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’information de l’administration par l’institutionjudiciaire et à la protection des mineurs (texte de la commission, n° 294, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (texte de la commission, n° 275, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

MERCREDI 27 JANVIER 2016

À 14 h 30

- Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la luttecontre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actesterroristes dans les transportscollectifs de voyageurs (texte de la commission, n° 316, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (texte de la commission, n° 311, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

MERCREDI 27 JANVIER 2016

Le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie (texte de la commission, n° 307, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi

JEUDI 28 JANVIER 2016

À 10 h 30

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, 1930 (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 318, 2015-2016)

- Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombreminimal d’actionnaires dans les sociétés anonymesnon cotées (procédure accélérée)(texte de la commission, n° 296, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier, à 17 heures

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 janvier, à 11 heures

Éventuellement, à 16 h 15 et le soir

- Suite de l’ordre du jour du matin

SEMAINE SÉNATORIALE

MARDI 2 FÉVRIER 2016

À 14 h 30

- Proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentéepar MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er février, à 17 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 2 février, à 12 h 30

À 17 h 45, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentéepar MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016

De 14 h 30à 18 h 30(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillagealimentaire (texte de la commission, n° 269, 2015-2016)

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016

De 14 h 30à 18 h 30(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)(suite)

- Proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droitindividuel à la formation, présentée par M. Jean-Pierre SUEUR (procédure accélérée) (n° 284, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principesfondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution, présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues (258, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE)(suite)

- Proposition de loi organique visant à supprimer les missionstemporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires (3, 2015-2016) et proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d’une mission temporaire (4, 2015-2016), présentées par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues

Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 2 février, à 17 heures

JEUDI 4 FÉVRIER 2016

À 10 h 30

- Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire présentée, en application de l’article 73 quinquies du Règlement, par M. Michel BILLOUT et plusieurs de ses collègues (rapport et texte de la commission, n° 270, 2015-2016) (demande du groupe communiste républicain et citoyen)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

- Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentéepar MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

JEUDI 4 FÉVRIER 2016

À 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

- Proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plusgrand nombre, présentée parM. Michel LE SCOUARNEC et plusieurs de ses collègues(256, 2015-2016) (ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin

- Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autoritéspubliques indépendantes (225, 2015-2016) et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autoritéspubliques indépendantes (226, 2015-2016), présentées par Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, M. Jean-Léonce DUPONT et M. Jacques MÉZARD (demande du groupe Les Républicains)

Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 9 FÉVRIER 2016

À 9 h 30

- 27 questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

• n° 1229 de M. Patrick MASCLET à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Assouplissement des règles de gestion de trésorerie des communes

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1244 de M. Dominique de LEGGE à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Communication du fichier DGF aux collectivités locales

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1248 de M. Jean-Paul FOURNIER à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Prise en compte de la problématique des « ruisseaux couverts » de l’ex -bassin houiller cévenol

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1258 de M. René DANESI à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Du glissement de la réglementation à la recommandation normative

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1259 de Mme Sylvie ROBERT à M. le secrétaire d’État chargé du budget

Améliorations fiscales pour les établissements publics de coopération culturelle

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1262 de M. Yannick BOTREL à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mise en œuvre des temps d’activités périscolaires dans les établissements privés

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1276 de Mme Maryvonne BLONDIN à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation des enfants intersexes

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1282 de M. Rémy POINTEREAU transmise à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Création d’une zone d’aménagement concerté

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1284 de M. Jacques GENEST transmise à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Assouplissement des normes pour les artisans et les petites et moyennes entreprises

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1285 de M. Mathieu DARNAUD transmise à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Avenir de l’artisanat et du commerce de proximité

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1287 de Mme Agnès CANAYER à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Difficultés d’accès aux mesures agro -environnementales et climatiques en Seine -Maritime

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

MARDI 9 FÉVRIER 2016

À 9 h 30(suite)

• n° 1290 de Mme Chantal DESEYNE à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Pénurie de médecins en Eure -et -Loir

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1292 de M. Philippe KALTENBACH à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Destruction de 750 logements sociaux récemment rénovés à Clamart

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1295 de M. Henri de RAINCOURT à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Traitement des déchets de certaines entreprises

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1297 de Mme Corinne IMBERT à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Mutualisation des fonctions de direction et comptabilité des centres sociaux

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1298 de M. Olivier CIGOLOTTI à M. le ministre de la défense

Zones d’entraînement à très basse altitude et croissance verte

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1299 de Mme Marie-Pierre MONIER à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie

Désengagement financier de certains départements pour les actions de prévention spécialisée

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1304 de M. Jean-Jacques FILLEUL à M. le ministre des finances et des comptes publics

Situation fiscale des établissements et services sanitaires, sociaux et médico -sociaux privés non lucratifs

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1305 de M. Christian FAVIER à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

Accueil des mineurs isolés étrangers dans le département du Val -de -Marne

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1306 de M. François MARC à M. le ministre des finances et des comptes publics

Circuits d’évasion fiscale organisée

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1308 de Mme Nicole BONNEFOY à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Présence de chlorure de vinyle monomère dans l’eau potable

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1309 de Mme Françoise FÉRAT à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Rénovation des voies de chemins de fer capillaires en France

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1310 de M. Dominique BAILLY à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Accueil des personnes handicapées au sein des établissements médico -sociaux en France

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1314 de M. Jacques MÉZARD à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Desserte ferroviaire d’Aurillac à Brive

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

MARDI 9 FÉVRIER 2016

À 9 h 30(suite)

• n° 1324 de M. Thierry FOUCAUD à M. le secrétaire d’État chargé du budget

Urgence douanière

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1331 de M. Roland COURTEAU à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Étapes de réalisation de la ligne à grande vitesse Montpellier -Perpignan

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• n° 1353 de M. Jean-Claude LENOIR à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mise en œuvre du plan numérique dans les établissements d'enseignement

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

À 14 h 30, le soiret la nuit

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 7 minutes pour chaque groupe, à raison d’un orateur par groupe, et 3 minutes pour l’orateur des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 février, à 17 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 26 janvier après-midi, mercredi 27 janvier matin, après-midi et, éventuellement, le soir

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 4 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 février matin et à la suspension de l’après-midi, mercredi 10 février matin et à la suspension de l’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 février, à 17 heures

MERCREDI 10 FÉVRIER 2016

À 14 h 30, le soiret la nuit

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

JEUDI 11 FÉVRIER 2016

À 10 h 30

- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes

• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes

- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (483, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (340, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (74, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (803, 2013-2014)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 9 février, à 17 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site i nternet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 février, à 11 heures

À 16 h 15, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 12 FÉVRIER 2016

À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

MARDI 16 FÉVRIER 2016

À 15 h 15

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 15 février, à 17 heures

De 16 heuresà 16 h 30

- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (15, 2015-2016)

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site i nternet du Sénat

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 16 février, à 12 h 30

À 17 h 45et le soir

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration (AN, n° 3128)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février, à 17 heures

MERCREDI 17 FÉVRIER 2016

À 14 h 30

- Suite de l’ordre du jour de la veille

- Proposition de loi organique (278, 2015-2016) et proposition de loi (279, 2015-2016), adoptées par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règlesapplicables à l’élection présidentielle

Ces textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 16 février, à 17 heures

À 17 h 30

- Débat préalable à la réunion duConseil européen des 18 et 19 février

Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes

8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 16 février, à 17 heures

8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des affaires européennes

Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes

Le soiret la nuit

- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi

Je consulte le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Fin 2015, je suis déjà intervenu pour faire un rappel au règlement au sujet des conditions de plus en plus déplorables dans lesquelles le Gouvernement répond aux questions écrites des parlementaires.

Plusieurs collègues m’ont indiqué que les choses allaient de mal en pis et, depuis mon précédent rappel au règlement, j’ai également constaté une dérive supplémentaire ! Celle-ci m’a d’ailleurs été confirmée grâce aux statistiques réalisées par les services du Sénat sur le taux de réponse du Gouvernement.

Cela étant, un collègue a interrogé le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement par le biais d’une question écrite portant sur le même sujet. Ledit secrétaire d’État a été lui-même incapable de répondre dans les délais ! Il a répondu six mois après…

Si même le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement se moque complètement du Parlement et est totalement indifférent à ce problème, où allons-nous ? La moindre des choses pour un secrétaire d’État chargé de ce portefeuille est qu’il fasse au moins semblant de respecter le Parlement, en tenant compte des délais de réponse aux questions écrites.

En outre, dans cette réponse, le Gouvernement indiquait, comme d’habitude, qu’il y a beaucoup de questions écrites… C’est totalement faux, puisque, à l’Assemblée nationale, chaque député n’a plus la possibilité de poser qu’une seule question écrite par semaine. Et si, au Sénat, un certain nombre d’entre nous – dont je suis – posent parfois des questions écrites répétitives, c’est tout simplement parce que nous n’avons pas de réponse ! Récemment, j’ai été obligé de poser de nouveau une dizaine de questions, qui avaient été déposées il y a plus de deux ans et qui, faute de réponse, étaient devenues caduques… Or j’avais déjà été contraint de poser ces questions deux fois il y a plus de deux ans, faute de réponse…

Si le Gouvernement ne fait pas son travail, nous sommes effectivement obligés de poser quatre fois une question sur un même sujet… Et tout cela, pour ne toujours pas avoir de réponse ! Nous sommes vraiment dans une situation particulière…

Nous avons, certes, la possibilité de poser des questions orales, ce que j’ai fait ce matin. J’ai donc été obligé de poser une question orale pour avoir une réponse…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’ai calculé que, si je dois poser une question orale pour obtenir une réponse aux questions écrites auxquelles je n’ai pas eu de réponse et en monopolisant toutes les questions orales de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, je serai amené à poser de telles questions jusqu’en 2022 !

Quelque chose ne va pas ! Et j’aimerais bien que le Gouvernement soit un peu plus correct avec le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Par ailleurs, cette question a été soulevée lors de la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’est engagé à faire le nécessaire auprès des membres du Gouvernement pour qu’ils répondent aux questions écrites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il faudrait que lui-même commence à répondre…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs (projet n° 242, texte de la commission n° 294, rapport n° 293).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner un projet de loi tout entier dédié à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs.

Ma collègue garde des sceaux étant retenue par un Conseil européen à Bruxelles, je m’exprimerai devant vous en notre nom à toutes les deux.

Vous vous en souvenez évidemment, au cœur de l’été dernier, nous avions déjà abordé avec vous ces questions. Et dès la décision rendue par le Conseil constitutionnel, nous avions pris l’engagement de revenir devant le Parlement avec un nouveau texte et de prendre toutes les garanties juridiques pour trouver le juste équilibre entre, d’une part, l’impératif de protection des mineurs et, d’autre part, l’exigence tout aussi importante de respect de la présomption d’innocence.

C’est précisément cet équilibre qui a été atteint dans le texte examiné par l’Assemblée nationale et adopté – je le rappelle – à l’unanimité des députés le 8 décembre dernier.

Votre assemblée ne s’est pas désintéressée non plus de cette question, en y apportant cependant une réponse très différente, sur le fond, de celle du Gouvernement. Vous avez ainsi adopté, à l’automne dernier, la proposition de loi de Mme Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs pour une personne condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Je ne vous l’apprends pas, l’adoption de cette proposition de loi n’a pas conduit le Gouvernement à renoncer au principe d’un projet de loi. Et j’estime que le présent texte est à la fois mieux centré sur la réponse à apporter aux dysfonctionnements systémiques, qui ont été constatés par les inspections générales de nos ministères en Isère et en Ille-et-Vilaine, et qu’il bénéficie de la sécurité juridique fournie par l’examen du Conseil d’État.

Au fond, ce que la garde des sceaux et moi-même avons voulu, c’est vous proposer un projet de loi de principe permettant d’en finir avec une situation insécurisante pour les magistrats, inconfortable pour les administrations et, à dire vrai, inconcevable pour les familles, qui, toutes, nous ont dit leur attente d’un service public irréprochable et exemplaire.

Ce n’est pas que rien n’ait été fait ces dernières années, mais nous avions collectivement toléré d’en rester à un cadre incertain et de vivre sur une faille juridique béante, visible de tous, et d’abord visible et connue des prédateurs – il ne faut pas en douter un instant !

Ce dont nous discutons – vous le savez bien – n’est ni virtuel ni exceptionnel. Et la tragédie qui s’est déroulée l’an passé à Villefontaine nous a fait prendre conscience de l’urgence qu’il y avait à donner enfin un cadre juridique clair à des transmissions d’informations trop souvent incertaines et traitées de manière aléatoire par la justice.

Avec ce projet de loi, nous adressons donc à la société un signal fort de notre intransigeance à l’égard de ces violences insoutenables, mais aussi un signal de la détermination commune de nos institutions pour combattre celles-ci.

En particulier, nous avons voulu fixer enfin dans la loi la réponse à plusieurs questions difficiles : celle du moment où il convient de transmettre les informations ; celle des agents concernés par cette transmission ; celle, enfin, des infractions qui rendent cette dernière nécessaire.

Nous introduisons donc deux articles nouveaux dans le code de procédure pénale avec la volonté, d’une part, de déterminer un cadre général qui concerne toutes les administrations et tous les agents et, d’autre part, de définir un régime particulier visant les personnes en contact habituel avec des mineurs et pour des infractions qui sont spécifiquement énumérées.

Ces dispositions forment l’essentiel du projet de loi, qui comporte également des nouveautés concernant les contrôles judiciaires et modifie d’autres codes – le code de l’action sociale et des familles, le code du sport et le code de l’éducation.

Je note que ces dernières dispositions sont assez consensuelles, ce qui tranche avec les deux principaux articles que j’évoquais plus tôt et au sujet desquels nous avons, avec le texte soumis au débat, des divergences de fond, dont les amendements, que le Gouvernement a déposés sur le texte de votre commission, témoignent.

À ce stade, je voudrais simplement vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles ont été nos intentions.

Je l’ai dit en introduction à mon propos, nous avions en quelque sorte l’obligation de concilier deux exigences essentielles dans ce projet de loi. D’un côté, nous avons l’obligation juridique et morale d’assurer la protection des mineurs qui sont placés sous la responsabilité de nos institutions et de nos administrations ; de l’autre, nous avons aussi l’impérieuse nécessité de respecter les grands principes de notre droit, en particulier la présomption d’innocence, que nous devons à toute personne poursuivie.

Parce que je connais votre sensibilité légitime sur ce sujet, nous avons apporté, avec le concours du Conseil d’État et la contribution de l’Assemblée nationale, le plus grand soin à vous proposer un texte dans lequel l’affirmation des principes s’accompagne de garanties fortes et proportionnées à chacune des hypothèses que nous avions à traiter.

En effet, se contenter d’une information au stade de la condamnation définitive, comme le proposent les auteurs de certains amendements, reviendrait à priver les procureurs de toute capacité à informer les administrations d’un danger. Et à cela, je ne m’y résous pas !

Je ne souscris pas davantage au refus de principe d’une délivrance d’information laissée à l’appréciation des procureurs, en cours de procédure, voire en cas de garde à vue ou d’audition libre, dès lors qu’il existe des indices graves ou concordants d’une participation à des délits ou crimes très graves.

Si je ne partage pas le raisonnement adopté par la commission des lois, ce n’est pas par dogmatisme, car je suis, comme vous, très attachée au respect de la présomption d’innocence, mais c’est parce que nous avons, avec ce projet de loi, trouvé l’équilibre juste qui permet d’apporter aux personnes mises en cause des garanties et des protections fortes que je veux rappeler : une telle personne qui fera l’objet d’un signalement à son administration sera informée de cette transmission d’informations. Si celle-ci intervient très en amont, c’est-à-dire au stade de la garde à vue ou de l’audition libre, la personne pourra faire une déclaration, qui sera consignée dans un procès-verbal. Toute transmission s’effectuera par écrit.

Si la décision de justice conclut à l’absence de culpabilité, il faudra non seulement que l’autorité judiciaire transmette à l’employeur cette décision, mais aussi que la mention antérieure soit effacée du dossier de la personne concernée. Nous rappelons par ailleurs dans ce texte que l’obligation du secret professionnel s’applique à tout destinataire de ces informations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n’avons pas voulu opposer dans ce texte la protection des mineurs et la présomption d’innocence. Nous n’avons pas voulu renoncer sur l’autel de l’efficacité institutionnelle aux principes essentiels et aux garanties dues aux personnes mises en cause, mais nous n’avons pas davantage voulu éviter cette confrontation des principes ou bien refuser de trancher, précisément parce que les professionnels, sur le terrain, nous demandent de prendre nos responsabilités et de leur apporter enfin un cadre juridique sécurisé.

Tel est le sens du projet de loi que nous avons préparé. Il représente une rupture majeure dans les relations entre l’autorité judiciaire et l’administration, mais il est respectueux de la Constitution. En effet, le Conseil d’État nous a assurés, au terme de son étude, que ce texte parvenait à préserver l’équilibre essentiel entre une protection des mineurs renforcée et le respect de la présomption d’innocence.

Voilà l’esprit du projet de loi que je défends et que je défendrai encore devant vous avec détermination lors de nos échanges. Je le ferai parce que les professionnels de terrain, mais aussi tous les acteurs que nous avons consultés, adhèrent très largement aux principes que nous avons retenus et sont déjà prêts à les mettre en œuvre.

La garde des sceaux et moi-même avons beaucoup travaillé pour créer les conditions d’un changement radical des pratiques dans nos deux institutions et mettre en œuvre l’intégralité des recommandations du rapport des inspections générales, afin que les liens aléatoires qui pouvaient exister entre nos services deviennent des procédures claires et sécurisées.

Dès le printemps 2015, nous avions réuni à la Sorbonne les procureurs généraux et les recteurs d’académie – ces deux corps se trouvaient rassemblés pour la première fois –, afin de leur rappeler la grande vigilance dont ils doivent faire preuve dans ces domaines. Nous les avions aussi chargés de travailler pour améliorer la fluidité des échanges d’information entre nos services.

À la rentrée dernière, nous avons installé des référents « éducation nationale » dans chaque parquet et des référents « justice » dans chaque rectorat. Nous avons, par circulaire commune du 16 septembre 2015, mis en place des procédures officielles et sécurisées d’échange d’informations. En fin d’année dernière, les référents de mon ministère ont été formés pendant trois jours avec l’appui de la Chancellerie, pour que chacun maîtrise ces nouvelles procédures et connaisse le cadre juridique dans lequel s’inscrit cette transmission d’informations, ainsi que les décisions que l’administration sera amenée à prendre, à titre conservatoire ou disciplinaire.

Avec le renfort de ce projet de loi, nous pourrions donc enfin construire ce que vingt-deux circulaires n’étaient pas parvenues à créer. Voilà notre ambition et voilà le défi que nous devons collectivement relever, avec votre soutien, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs !

Ce texte est très attendu. Les administrations seront ainsi sécurisées, mais elles seront aussi pleinement responsabilisées, car nous avons tenu à ce que les garanties s’imposent non seulement au parquet avant qu’il transmette une information, mais aussi à l’administration détentrice d’une information communiquée par l’autorité judiciaire.

C’est pour cela que tous les destinataires de l’information au sein de l’administration seront soumis au secret professionnel. C’est pour cela aussi que toutes les transmissions devront se faire par écrit. C’est pour cela enfin que les informations figurant au dossier de l’agent devront être effacées lorsque l’enquête se sera conclue par une décision de non-culpabilité.

Je vous ai dit que nous souhaitions tirer toutes les conséquences du rapport des inspections générales. Celles-ci nous ont invités au débat que nous avons aujourd’hui ; mais elles nous ont aussi rappelé une situation préoccupante que je veux évoquer en citant ce rapport : « Rien ne permet d’affirmer, à ce jour, que toutes les condamnations concernant des agents en fonction dans des établissements scolaires ont bien été transmises à l’éducation nationale ; il ne peut, en conséquence, être exclu que des situations identiques à celles de l’Isère et de l’Ille-et-Vilaine se reproduisent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Parce que l’administration ne fait pas son boulot !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Face à cette situation, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Jusqu’alors, l’administration n’avait accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire de ses fonctionnaires qu’au moment du recrutement. Nous avons donc, après avoir consulté le Conseil d’État et la CNIL, publié, le 31 décembre dernier, un décret qui nous permettra désormais d’avoir une vision précise du bulletin n° 2 du casier judiciaire de nos agents sur l’ensemble de leur carrière.

Enfin, j’ai pris mes responsabilités en faisant publier ce matin même au Journal officiel un arrêté qui définit cette procédure de contrôle pour les agents de mon ministère. Ce texte, pour lequel la CNIL a donné un avis favorable, est très important, car près de 850 000 agents de l’éducation nationale pourront ainsi voir leur casier contrôlé.

Cette procédure, je le dis clairement, est non pas un acte de défiance à l’égard des agents de mon administration, mais un engagement collectif pour que des dysfonctionnements majeurs tels que ceux que nous avons connus ne se reproduisent plus. J’ai évidemment consulté les organisations syndicales qui adhèrent à cette opération nécessaire.

Comme ma collègue Christiane Taubira, je suis déterminée à tenir les engagements que nous avons pris : l’engagement de ne plus laisser nos professionnels se débrouiller seuls avec un cadre flou et insécurisant ; l’engagement de ne plus seulement dénoncer les dysfonctionnements, mais d’agir résolument.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ignore pas que les drames qui sont survenus dans l’Isère au printemps dernier vous ont tout autant marqués que nous. Je sais que chacun d’entre vous a beaucoup réfléchi à ces questions et que votre rapporteur et votre commission vous proposent une solution assez différente de celle que nous vous avons présentée.

Vous aurez donc un choix à faire dans quelques instants et je vous engage sincèrement à suivre les propositions que je vous soumettrai lors de l’examen de ce texte. Vous feriez ainsi le choix d’une loi ambitieuse, qui pourrait être mise en œuvre immédiatement, comme l’ont souhaité unanimement vos collègues députés. Vous feriez aussi le choix d’une loi respectueuse de nos valeurs, attentive à préserver les équilibres, même lorsqu’il s’agit d’affaires extrêmement pénibles que nous aimerions ne plus revoir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est de nouveau réunie pour débattre de la question des communications d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration. J’ai bien dit l’« autorité » judiciaire, car l’intitulé du texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale mentionnait l’« institution » judiciaire. La différence peut paraître anecdotique, mais elle a constitué pour nous un premier signal : une telle approximation dans le titre du projet de loi pouvait laisser à penser que son examen avait peut-être été insuffisant et que sa rédaction était perfectible.

Nos discussions s’inscrivent dans le prolongement des affaires dramatiques dites « de Villefontaine » et « d’Orgères » qui avaient malheureusement défrayé la chronique. L’été dernier, le Gouvernement avait donc déposé des amendements lors de l’examen d’un texte de transposition de directives européennes, amendements qui avaient été adoptés. Tout à fait logiquement, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, dans la mesure où elles n’avaient aucun lien avec le texte étudié. En l’espèce, il a laissé entendre qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation.

Au Sénat, nous savons ce qu’est la vitesse, puisque, le 20 octobre dernier, la Haute Assemblée a, exactement sur le même sujet, discuté et adopté une proposition de loi très proche du texte qui nous est proposé aujourd’hui, déposée par notre collègue Catherine Troendlé, qui s’était d’ailleurs beaucoup investie. Malheureusement, de façon assez incompréhensible, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont refusé que la navette parlementaire se poursuive, ce que je déplore, alors que ce texte apportait une réponse aux attentes du Gouvernement, en dépit de quelques divergences de vues. La poursuite de la navette parlementaire nous aurait surtout permis de gagner du temps !

Le Gouvernement a donc décidé de ne pas s’intéresser au travail parlementaire, autrement que comme référence, de perdre du temps et de nous présenter aujourd’hui ce projet de loi qui revient sur des questions que nous avons déjà abordées à maintes reprises et qui, pour l’essentiel, recueillent un consensus.

Or, madame la ministre, je n’ai pas bien compris comment vous pourriez créer une divergence de vues artificielle entre le Sénat et vous-même, car nous sommes quasiment d’accord sur tout. Nous vous proposons même d’aller un peu plus loin en matière de contrôle judiciaire. Le seul point sur lequel nous ne transigerons pas est le respect des principes constitutionnels, en l’occurrence la présomption d’innocence.

L’article 1er du présent texte est le plus important, car il modifie de manière très substantielle le code de procédure pénale. Je dois dire que c’est un honneur de vous accueillir, madame la ministre de l’éducation nationale, à l’occasion de l’examen de ce texte, car votre avis nous aurait manqué.

Toutefois, nous aurions également aimé entendre Mme Taubira, garde des sceaux, s’exprimer devant nous sur ce sujet très important, d’autant plus que les modifications envisagées ont donné lieu à des appréciations très divergentes, non seulement au Sénat, mais également dans le monde de la magistrature – je veux parler de la Conférence nationale des procureurs généraux et la Conférence nationale des procureurs de la République. En effet, l’opinion de Mme le garde des sceaux ne nous a pas toujours paru très claire sur cette question et il aurait été intéressant de la confronter avec les hésitations de certains parlementaires présents cet après-midi dans notre hémicycle. Nous comprenons cependant qu’elle doive répondre à des obligations internationales et nous vous remercions, madame la ministre, d’être présente aujourd’hui.

L’article 1er crée un régime général de communication d’informations à l’administration. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les décisions susceptibles d’être transmises pourraient concerner une condamnation, même non définitive, la saisine d’une juridiction de jugement ou une mise en examen. Ce régime trouverait à s’appliquer à un large champ d’infractions qui ne se limite pas aux infractions sexuelles commises contre des mineurs. Il s’agit de la possibilité, pour le parquet, d’informer l’autorité administrative de tous les crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Ce régime général s’appliquerait non seulement aux administrations, mais aussi aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public – pour l’essentiel des associations –, ainsi qu’aux ordres professionnels.

Parallèlement est créé un régime d’information renforcé pour les infractions les plus graves, notamment contre des mineurs, commises par des personnes exerçant une activité supposant un contact habituel avec des mineurs. En vertu de ce régime, le ministère public serait tenu d’adresser à l’administration les décisions de condamnation et de placement sous contrôle judiciaire assorties de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact habituel de mineurs. Pour ces mêmes infractions, le ministère public aurait également la possibilité d’informer l’administration ou l’employeur de la garde à vue ou de l’audition libre, lorsqu’il existerait des indices graves ou concordants… – je n’insiste pas davantage, puisque je m’adresse à des spécialistes des questions pénales.

Lors de son examen par les députés, le projet de loi n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles. Ce consensus assez étonnant a succédé à des débats très rapides. Je m’en étonne, car le sujet est loin d’être anecdotique. Lors des discussions des textes précédents, de nombreuses hésitations et divergences de vues avaient pu être constatées au sein des groupes politiques les plus nombreux.

Je veux le redire très clairement, au Sénat, personne ne conteste la nécessité d’assurer la protection la plus efficace possible aux mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles, en particulier dans le milieu scolaire, mais je veux redire aussi que, en tant que législateurs d’un État de droit, nous sommes tenus au respect absolu de notre ordre constitutionnel, dont fait partie intégrante le principe de la présomption d’innocence, qui suppose le respect du secret de l’instruction et de l’enquête.

Entre ces deux exigences contradictoires, le chemin est particulièrement étroit, mais j’ai le sentiment que le texte de la commission des lois, qui connaît ce sujet depuis des années, parvient mieux à les concilier que la version qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale, et à laquelle semble tenir le Gouvernement.

Pour ce qui concerne la phase située après une reconnaissance de culpabilité, il n’y a aucune difficulté : la transmission systématique de l’information est bien sûr nécessaire et va de soi.

De même, comme nous l’avions prévu dans la proposition de loi votée au mois d’octobre, nous souhaitons que la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité auprès de mineurs soit, en cas d’infractions sexuelles en lien avec les mineurs, prononcée de manière plus systématique, dans le respect des prescriptions du Conseil constitutionnel sur l’individualisation des peines.

À cet égard, je dois dire, madame la ministre, que nous ne comprenons pas votre position : nous vous faisons une proposition qui est complètement dans l’esprit de ce que vous défendez, à savoir permettre qu’il y ait plus de décisions de justice assorties du contrôle judiciaire, et vous vous y opposez mordicus. Il s’agit là d’une contradiction que, je le répète, nous n’arrivons pas à comprendre. En tout cas, sur ce point, j’appelle le Sénat à reprendre la position qu’il avait retenue au mois d’octobre.

S’agissant de la transmission d’informations pénales sur des procédures en cours, la commission des lois a logiquement infléchi sa position. J’y insiste, cet infléchissement n’allait pas de soi et il a suscité un débat très approfondi, bon nombre de membres de la commission demeurant résolument hostiles à toute idée d’une communication avant condamnation. Telle n’est pas la thèse que je défends en cet instant, mais il faut savoir qu’elle est soutenue par certains parlementaires.

Si nous avons accepté, au regard de l’avis du Conseil d’État, le principe d’une information en cas de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction de jugement, nous y avons posé deux conditions : d’une part, une telle information doit demeurer facultative, car il faut faire confiance aux magistrats, et, d’autre part, elle doit s’accompagner de garanties réelles, avec un minimum de contradictoire, ce qui permettra à la personne mise en cause simplement de faire connaître sa position.

Pour le reste, nous nous en sommes tenus à notre position constante, c’est-à-dire le refus d’autoriser l’information de l’administration dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre. Une telle information porterait en effet une atteinte tout à fait excessive à la présomption d’innocence. Je précise, puisque vous avez cité les magistrats tout à l’heure, madame la ministre, que la Conférence nationale des procureurs généraux et la Conférence nationale des procureurs de la République y sont tout à fait défavorables.

De plus, j’ai conscience de m’exprimer devant bon nombre d’élus locaux, qui ont tous compris qu’il s’agissait d’un transfert de responsabilité du juge vers l’employeur, souvent le maire – certains d’entre nous sont actuellement confrontés à ce type de sujet –, or nous ne souhaitons pas que ce transfert se fasse sans un minimum de garanties. En effet, ce dispositif peut avoir des conséquences importantes sur la vie des administrations, les relations avec les syndicats, et entraîner des recours en tout genre auprès des juridictions administratives.

La commission a, dans le même esprit, exclu certaines infractions du régime de transmission obligatoire. Je ne développe pas ce point, qui fait l’objet d’un consensus.

En tout état de cause, l’efficacité de ces mesures se heurtera nécessairement aux moyens dont disposent actuellement les parquets. Souvenons-nous que M. Nadal, au mois de novembre 2013, pointait la lourde charge de travail des magistrats des parquets et des greffes « qui ne peuvent plus répondre à l’ensemble de leurs missions ».

À cette inadaptation des effectifs du parquet s’ajoute celle des moyens informatiques, avec les dysfonctionnements du logiciel Cassiopée, que tous les spécialistes connaissent.

Mes chers collègues, aujourd’hui, les parquets ne disposent pas d’outils d’alerte informatiques leur permettant de remplir la mission que vise à leur confier ce projet de loi, et l’étude d’impact précise que lesdits moyens informatiques ne seront pas déployés avant l’échéance du premier trimestre 2017. Ainsi, on comprend mal que le Gouvernement nous oppose l’urgence, même si nous partageons ce sentiment, tout en avouant que les moyens n’y sont pas actuellement.

Par ailleurs, je m’étonne que le Gouvernement évalue à quinze minutes le temps nécessaire à un magistrat du parquet pour décider de transmettre ou non l’information. Ce n’est franchement pas sérieux !

Mme Catherine Troendlé manifeste son accord.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Au total, nous sommes un peu dubitatifs, et vous comprendrez, madame la ministre, que nous ayons apporté des modifications qui sont, de votre point de vue, très significatives, mais qui, à notre sens, respectent l’esprit du texte. C’est aussi une façon pour nous de rappeler que le texte que nous avions déposé était assez conforme au vôtre.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi ainsi modifié.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, effectivement, les agressions sexuelles n’ont jamais été virtuelles et elles ne sont pas apparues récemment. Simplement, pendant très longtemps, elles n’ont pas été connues ni poursuivies ; pis, elles étaient parfois même tolérées.

Les agressions sexuelles à l’égard des mineurs, qu’elles se produisent dans le cercle familial ou dans le milieu scolaire, sont intolérables et doivent être réprimées. Elles sont souvent dues à des comportements pulsionnels que certaines personnes ne savent pas maîtriser et que nous devons savoir freiner en temps utile.

En 2015, à Villefontaine et à Orgères, sont survenus des faits que tout le monde connaît désormais. À chaque fois, il s’agissait de personnes qui avaient déjà été condamnées en 2006 et 2008 ; s'agissant de l'affaire d'Orgères, le prévenu avait en plus fait l’objet de poursuites en 2011. À cet égard, Mme la ministre, je vous sais gré de ne pas avoir fait de politique politicienne en renvoyant la responsabilité de ces affaires sur les personnes alors au pouvoir. Là n’est pas le sujet.

Comme vous l’avez dit et reconnu, il est exact aussi que vingt-deux circulaires de ministres de la justice successifs n’ont pas réussi à aboutir à un résultat. Espérons que nous ferons mieux, mais il faut bien reconnaître que ces questions, au-delà de la loi, restent complexes.

À la suite des affaires que j’ai évoquées, vous avez su, avec Mme la garde des sceaux, réagir très rapidement en mettant en place une mission conjointe à vos deux administrations. Celle-ci a remis, avant l’été 2015, un rapport comprenant quinze préconisations, dont neuf de nature technique et réglementaire, que vous avez très vite reprises dans une circulaire conjointe du 16 septembre 2015 généralisant les référents « justice » et les référents « éducation nationale », dont vous avez parlé.

Par ailleurs, la mission préconisait six mesures d’ordre législatif qui doivent permettre aux procureurs, et parfois même les obliger, à donner des informations à des administrations ou à des organismes employant ces personnes condamnées ou soupçonnées, de manière à prévenir des infractions.

Madame la ministre, à partir du constat que des infractions sexuelles sur des mineurs avaient pu être commises par des personnes ayant été condamnées préalablement pour détention d’images pédopornographiques, vous avez toutefois souhaité aller plus loin avec ce texte et prévoir une information générale à l’égard de toute administration pour des infractions commises.

Cette volonté pose des problèmes de principe, et, vous avez raison, monsieur le rapporteur, le Sénat ne doit pas être timoré sur ce sujet, mais il doit surtout être sage et garant des principes fondamentaux.

Ainsi, nous devons absolument respecter la présomption d’innocence, que rappellent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, même si elle est mise à mal quotidiennement par la presse. Il est exact qu’un enseignant mis en garde à vue peut fort bien faire l’objet d’une dénonciation par voie de presse. Est-ce pour autant un comportement que l’autorité peut se permettre ? C’est un autre sujet, mais, en même temps, nous devons tenir compte de ce contexte médiatique qui s’impose à nous.

Lorsque la personne a été condamnée, il n’y a pas de difficulté, puisque la condamnation est le fruit d’un jugement en audience publique, donc par définition connu. Partant, celui-ci peut être naturellement communiqué.

Lorsque la personne condamnée en première instance fait appel et que les voies de recours ne sont pas épuisées, nous sommes dans la même situation, dans la mesure où une condamnation a été rendue publique, même si les voies de recours ouvertes rendent possible une relaxe de l’intéressé.

Dans ces deux cas, l’information est légitime et ne pose pas de problème. Elle doit simplement être organisée. À ce sujet, j’espère que votre circulaire, avec la mise en place des référents « justice », la sensibilisation des procureurs et des magistrats, la fourniture de moyens, notamment informatiques, y parviendront.

La situation devient un peu plus compliquée lorsque la personne concernée fait l’objet de mesures d’investigation, mais n’est pas encore condamnée.

S’il s’agit d’une mise examen, le juge d’instruction saisi peut ordonner une mise sous contrôle judiciaire, ce qui lui permet de prendre éventuellement un certain nombre de précautions, notamment l’interdiction de fréquenter l’établissement scolaire ou de fréquenter des enfants.

Cependant, il faut savoir que, dans nombre de cas, notamment dans les poursuites engagées pour consultation de sites internet ou détention de vidéos pédopornographiques, la condamnation intervient après une citation directe en correctionnelle plutôt qu’après une procédure, par nature lourde, menée par un juge d’instruction.

Le contrôle judiciaire n’étant donc pas possible, la solution est alors la communication par le procureur de la République, à laquelle il peut procéder, aussi bien pour un mineur que pour un majeur, à condition, comme le précise le Conseil d’État, de préserver un juste équilibre entre les droits ou intérêts légitimes de la personne et les impératifs de protection d’autres droits ou intérêts de même valeur.

C’est bien cette question de la balance, sur laquelle la justice se penche en permanence, qu’il nous faut avoir à l’esprit en examinant ce texte. Ce n’est pas simple et, pourtant, madame la ministre, je crois que vous avez trouvé, avec l’Assemblée nationale, des solutions qui sont différentes et qui vont bien plus loin que celles que prévoit la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé et que le Sénat a votée en octobre.

Dans la phase préparatoire de ce texte, le Conseil d’État vous a donné les pistes nécessaires, qui nous paraissent pour l’essentiel satisfaisantes, même si nous aurons l’occasion d’aborder, au détour d’amendements, quelques soucis techniques et de modes de fonctionnement, le sujet étant complexe. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez raison, il faut se poser la question des moyens des procureurs.

En revanche, au groupe socialiste et républicain, nous sommes convaincus que nous irions trop loin dans le non-respect de la présomption d’innocence en autorisant le procureur à informer à l’issue de la garde à vue ou d’une audition. D’ailleurs, le Conseil d’État relève qu’« il s’agit du seul cas pour lequel l’information communiquée par le parquet serait susceptible de ne pas être suivie de la saisine d’une juridiction et ainsi la procédure pourrait se clore par une décision du ministère public » prononçant un classement sans suite. Or, nous le savons, les mises en examen sont publiquement connues, à la différence des ordonnances de non-lieu ; une poursuite est connue, mais je ne suis pas sûr que le classement sans suite le soit. Et les dommages occasionnés à la personne peuvent être extrêmement importants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Le Conseil d’État relève également l’hypothèse dans laquelle le ministère public dispose d’indices suffisamment graves et concordants pour une mise en examen. Dans ce cas, soit le procureur saisit un juge d’instruction, soit le ministère public considère qu’il a tous les éléments pour poursuivre et il procède alors à une citation directe, voire à une comparution immédiate. La procédure prévue par le présent texte peut alors être suivie, dans le respect à la fois de la présomption d’innocence et des droits de la défense.

Monsieur le rapporteur, vous avez raison de ne pas parler d’« institution judiciaire », mais si vous respectez l’autorité judiciaire, comme le groupe socialiste et républicain, alors laissez-lui la liberté d’agir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

… et ne retenez pas, comme vous l’aviez fait lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Troendlé, le principe des peines automatiques.

L’autorité judiciaire peut prononcer des interdictions d’exercer, mais n’est pas obligée de le faire. Elle peut déterminer des obligations dans le cadre d’un contrôle judiciaire, lesquelles obligations sont renforcées par le texte. On ne peut pas la contraindre à le faire, ce qui nous donne le sentiment de mesures qui relèvent plus de l’affichage que de la nécessité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise clairement à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions qui impliquent un contact habituel avec des mineurs. Pour ce faire, le texte encadre juridiquement la transmission d’informations entre les autorités judiciaires et administratives. Sont alors concernés les enseignants, les agents des trois fonctions publiques, les contractuels employés par la fonction publique, mais aussi les professionnels ou bénévoles relevant d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public.

Cet encadrement juridique est tout à fait légitime et bienvenu, car les pratiques d’information ne reposaient jusqu’alors que sur des circulaires ministérielles dont la validité juridique, au regard des dispositions de l’article 34 de la Constitution, pouvait être sujette à caution.

L’enjeu est également fondamental, puisqu’il s’agit de la protection de nos enfants, qui ne doivent plus être les victimes de dysfonctionnements dans le circuit de transmission des informations entre les juridictions et les administrations chargées de les accueillir. Nous avons tous en mémoire les sordides affaires de Villefontaine et d’Orgères et souhaitons, sur toutes les travées de cet hémicycle, que de tels événements ne puissent plus jamais se produire !

La nécessité de légiférer en la matière fait également consensus au sein du Parlement, qui a déjà évoqué cette question à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Ce fut d’abord le cas l’été dernier lors de l’examen des amendements proposés par le Gouvernement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne – dispositions finalement invalidées par le Conseil constitutionnel. Ce fut le cas plus récemment lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est donc, à tous égards, nécessaire, et il est urgent que certaines des dispositions qu’il contient entrent en vigueur.

Toutefois, il est capital, en matière de protection des mineurs, comme en matière de lutte contre le terrorisme, d’ailleurs, de toujours garder en tête que la défense des droits fondamentaux doit être notre seul guide en ces temps troublés.

La question qui se pose finalement à nous aujourd’hui est de savoir si ce projet de loi atteint le délicat équilibre entre l’impératif de protection des mineurs et l’indispensable respect du principe constitutionnel de présomption d’innocence.

Face au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, la réponse était positive, particulièrement après la suppression par la commission des lois sénatoriale de la possibilité d’informer l’administration en cas de garde à vue ou de simple audition libre. Cette disposition nous semblait tout à fait excessive et contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de présomption d’innocence.

Toutefois, la commission des lois ne s’est pas contentée de ce texte relativement équilibré et a souhaité introduire deux dispositions supplémentaires, issues de la proposition de loi de Mme Troendlé.

Ces dispositions mettent en place, d’une part, l’automaticité de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur ; d’autre part, l’automaticité du placement sous contrôle judiciaire, assorti de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d’information.

Les membres du groupe écologiste considèrent que ces dispositions constituent une certaine défiance à l’endroit des magistrats et qu’elles sont contraires au principe de l’individualisation de la peine. Nous ne pouvons donc les accepter et avons déposé des amendements de suppression.

En fin de compte et bien que le texte soit globalement positif, le groupe écologiste déterminera son vote en fonction du sort réservé à ses amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe a une tradition, l’inlassable défense des libertés publiques et des libertés individuelles. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous n’avons jamais manqué à cette tradition, quels que soient les gouvernements.

J’ai souvenance d’avoir bataillé, il y a quelques années, avec mes collègues du groupe socialiste contre ce qu’on appelait les « lois médiatiques » des gouvernements Fillon. Les gouvernements changent, les méthodes restent les mêmes !

Madame la ministre, je ne sais pas si je dois vous dire « pas vous, pas ça ». Ce que je sais, c’est que, contrairement à ce que vous nous avez indiqué tout à l’heure, vous nous présentez non un texte d’équilibre, mais un texte de rupture. Je le dis parce qu’il y a une hiérarchie dans les principes et parce qu’il est des principes sur lesquels on ne peut ni tergiverser ni faire de compromis.

Tous les membres de cette assemblée sont attachés à ce que la protection des enfants soit assurée. Pour autant, ce n’est pas parce qu’il existe des failles dans l’administration qu’il est justifié de déposer un texte mettant à bas la présomption d’innocence – c’est en effet de cela qu’il s’agit !

Notre position est simple et l’objet de notre amendement est de rendre l’information obligatoire, systématique lorsqu’il y a une condamnation définitive. Cela me paraît un principe protecteur par rapport aux enfants.

Ensuite, soyons réalistes et raisonnables. S’il y a des faits graves, l’autorité judiciaire, qui s’est d'ailleurs exprimée sur ce texte, dispose d’une panoplie de mesures adaptées – le contrôle judiciaire, la comparution immédiate et toute une série de mesures qui ont d’ailleurs été rappelées afin de protéger les victimes potentielles ou celles qui ont déjà subi un ou plusieurs actes.

Il arrive que des procédures s’étalent dans le temps. Lorsqu’elles aboutissent à une condamnation définitive, nous considérons que l’information doit être systématique et obligatoire. Tel est l’objet de notre amendement. Je le dis d’emblée, s’il n’est pas adopté, aucun des membres de mon groupe ne votera le présent texte. Soit ils voteront contre, soit ils s’abstiendront.

Au nom des principes sur lesquels nous ne pouvons transiger, je remercie M. Zocchetto des efforts qu’il a faits pour que la rédaction issue des travaux de la commission soit nettement améliorée par rapport au projet de loi du Gouvernement.

Le texte de la commission autorise quand même la transmission, puisqu’il dispose : « Le ministère public peut informer ». Cela signifie que la situation changera en fonction des magistrats du parquet. Certains choisiront d’informer systématiquement l’administration, d’autres ne le feront pas. On ne peut pas dire que ce soit un système judicieux !

Le texte de la commission autorise l’information de l’administration lorsqu’il y a condamnation, même non définitive, lorsqu’il y a une simple saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction et lorsqu’il y a une simple mise en examen. Je remercie le rapporteur de nous avoir évité la garde à vue et un certain nombre de dispositions semblables. Évidemment, tout cela est attentatoire – complètement attentatoire ! – au principe de la présomption d’innocence.

Et il y a encore d’autres textes. La décision du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2010 sur une question prioritaire de constitutionnalité visait la possibilité pour l’autorité judiciaire de prendre des mesures restrictives des libertés avant qu’il y ait condamnation. Rappelée dans le rapport de M. Zocchetto, elle est tout à fait normale. Le Conseil constitutionnel n’est pas allé au-delà.

Il n’en est pas moins clair qu’on ne peut pas fouler aux pieds l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen relatif à la présomption d’innocence au motif que des professionnels se plaignent, entre autres, que, sur le terrain, leur travail est rendu plus difficile !

Surtout, je le redis après avoir eu l’occasion de le rappeler dans cet hémicycle en séance publique il n’y a pas longtemps, tant que, dans ce pays, on réagira et surréagira aux programmes diffusés en continu par les chaînes d’information telles BFM TV ou iTELE, tant que l’on considérera qu’il faut faire un projet de loi chaque fois que ces médias en « remettent une louche », on n’ira pas dans le bon sens ! Nous l’avions dit sous les gouvernements dirigés par François Fillon, nous le redisons aujourd'hui, parce que, pour nous, ce n’est pas acceptable ! On ne peut pas transiger sur ce point ! Si vous ouvrez cette brèche sur la présomption d’innocence, il n’y a ni barrage ni protection !

Oui, il faut protéger davantage les enfants. S’agissant de l’administration, vous avez pris beaucoup de circulaires, et c’est très bien. Il faut que l’information circule pour ne plus voir les errements qui ont conduit aux drames qui ont été rappelés.

Concernant les principes que j’ai évoqués, je doute que les juridictions européennes considèrent ce texte comme une avancée. Le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par le Gouvernement n’est pas acceptable pour nous. Bien que la commission des lois l’ait amélioré, si le Sénat ne limite pas l’information de l’administration à la condamnation définitive, aucun des membres de mon groupe ne pourra le voter.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai par sur les tragiques événements qui se sont produits dans l’Isère et en Ille-et-Vilaine. Je sais que vous les avez tous en tête, ne serait-ce que parce nous avons déjà débattu de ce sujet à deux reprises dans cet hémicycle : d’abord, l’été dernier, lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement au projet de loi relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit « projet de loi DDADUE », dispositions qui ont finalement été retoquées par le Conseil constitutionnel, le 13 août dernier, dans sa décision n° 2015-719 DC ; ensuite, le 20 octobre dernier, lors de l’examen et de l’adoption de ma proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles. Aujourd’hui enfin, nous traitons de nouveau, pour la troisième fois, du même sujet, à l’occasion de la discussion d’un texte gouvernemental !

J’aimerais simplement vous rappeler que le but que nous partageons tous est celui de protéger les enfants de prédateurs qui ne devraient pas être au contact de jeunes publics.

Ce but n’est pas antinomique, bien au contraire, avec le soutien que je souhaite apporter aux professionnels concernés, notamment de l’éducation, ainsi qu’à tous les bénévoles qui œuvrent au contact des enfants. Je désire leur rendre ici hommage. En effet, il s’agit de très belles vocations qui agissent au profit des plus jeunes et forment les futurs esprits de demain. Aussi, je pense nécessaire de préciser qu’aucun des textes dont nous traitons sur ce sujet ne saurait jeter l’opprobre sur ces professionnels et ces bénévoles, qui comptent parmi les plus méritants.

Cela dit, il faut se rendre à l’évidence suivante : malgré le constat d’une parole heureusement de plus en plus libérée dans notre société sur ces agissements criminels, au sein que ce soit de l’administration ou des familles, et malgré des dispositions du code pénal et du code de l’action sociale et des familles qui encadrent de plus en plus précisément le risque pédophile, la répression de celui-ci et le suivi des personnes incriminées nous conduisent à dresser un bilan dramatique. Je ne dispose pas des chiffres de 2015, madame la ministre, mais seize révocations d’enseignants sont encore intervenues en 2014 dans ce cadre !

Où se situent les dysfonctionnements ? Ils se trouvent dans le non-respect non seulement de l’application de la circulaire du 26 août 1997 portant instruction concernant les violences sexuelles qui détermine la ligne de conduite à suivre au sein du ministère de l’éducation nationale, mais également de la dépêche du 29 novembre 2001 relative à l’avis à donner aux administrations à l’occasion des poursuites pénales exercées contre des fonctionnaires et agents publics.

Par conséquent, il apparaît que c’est au stade de la condamnation qu’une faiblesse de notre droit demeure, laquelle a pu conduire aux récents dysfonctionnements. L’interdiction d’exercer toute profession au contact d’enfants pour des personnes concernées par ce type de crime ou de délit est considérée comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge. Temporaire ou définitive, l’interdiction peut être décidée par le juge en complément d’une peine principale.

À cet égard, j’aimerais remercier vivement notre excellent rapporteur, François Zocchetto, de son travail, de son écoute, mais aussi de sa détermination à rendre efficace le présent projet de loi. Celui-ci a permis de reconnaître le travail qui a été réalisé par les députés et les sénateurs, notamment à partir de la proposition de loi du député Claude de Ganay examinée le 3 décembre dernier à l’Assemblée nationale, et de la proposition de loi que j’ai moi-même déposée et qui a été examinée dans notre enceinte le 20 octobre dernier, sans pour autant méconnaître les travaux de notre collègue sénatrice Sylvie Goy-Chavent et du député Pierre Lellouche.

Ces différents travaux rendent complet, à mon sens, le texte issu de la commission des lois sous l’égide de notre rapporteur, texte qui tient compte de tous les débats et de toutes les questions qui ont pu être mises en évidence sur le sujet. Il répond à la situation que nous connaissons et devrait, je l’espère, protéger nos jeunes d’éventuels prédateurs.

À titre personnel, je tiens à préciser que je suis opposée à la transmission d’informations dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre que vous préconisez, madame la ministre. Cela serait contraire au principe de la présomption d’innocence et pourrait jeter le discrédit sur des personnes innocentes. De plus, nous savons tous que des dérives pourraient avoir lieu dans un tel cas de figure, ces informations étant transmises trop tôt.

C’est pourquoi je soutiens plus particulièrement la disposition présentée par M. le rapporteur et adoptée en commission des lois qui prévoit une communication certes antérieure à la condamnation, mais au seul moment de la mise en examen et du renvoi devant une juridiction de jugement, tout en renforçant les garanties et les droits de la défense pour la personne mise en cause.

Madame la ministre, le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale était imparfait : je m’étonne, en vérité, que vous n’ayez nullement tenu compte des débats auxquels Mme la garde des sceaux a assisté au Sénat : ma proposition de loi, je me permets de le rappeler, avait alors été adoptée, la majorité présidentielle s’étant largement abstenue.

Mme Taubira m’avait fait part de son adhésion à ce texte, sous réserve, je le reconnais, d’une réticence, qui portait uniquement sur le fait que le texte n’avait pas été soumis pour avis au Conseil d’État. Avec M. le rapporteur, François Zocchetto, le président de la commission des lois et mes collègues commissaires, nous avions proposé un texte qui se voulait le plus protecteur possible, mais également respectueux du principe fondamental de la présomption d’innocence. Il abordait largement les différentes situations possibles et, je l’affirme haut et fort, il répondait non pas à une émotion, mais à un constat : celui de l’inefficacité des dispositifs existants.

Madame la ministre, vous n’êtes sans doute pas étonnée que le Sénat, dans sa grande sagesse et dans sa constance, propose ce jour un texte amendé de façon qu’il corresponde au mieux au travail de fond déjà réalisé par le Sénat sur ce sujet de la plus haute importance.

J’en appelle au respect de ce travail et au respect du débat législatif qui s’est déroulé à l’automne dernier.

Je forme le vœu que ce texte dorénavant équilibré soit rapidement adopté et mis en application, pour le bien de tous, en particulier des plus jeunes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà saisis, pour la troisième fois en sept mois, des questions de la transmission de l’information à l’administration par les parquets et de la protection des mineurs.

Après que le Conseil constitutionnel a censuré pour des raisons de procédure, le 13 août dernier, des dispositions similaires de la loi DDADUE et après l’adoption par le Sénat, au mois d’octobre, de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles, le présent texte porte sur les mêmes sujets.

Si nous avions souligné, lors de l’examen de cette proposition de loi, l’opportunisme politique de la droite sur de telles questions, alors que le Gouvernement soumettait au même moment son texte au Conseil d’État, nous regrettons en revanche aujourd’hui la méthode employée par le Gouvernement, méthode un tant soit peu irrespectueuse de l’initiative parlementaire et des travaux du Sénat.

Sur le fond, ce projet de loi organise la possibilité pour les parquets de communiquer à l’administration certaines décisions prises par l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse d’une condamnation ou de l’existence de poursuites pénales.

Aux termes de deux articles qu’il est proposé d’introduire dans le code de procédure pénale – l’article 11-2 et l’article 706-47-4 –, sont institués à la fois un régime général, applicable à toutes les personnes exerçant des activités soumises à contrôle mises en cause pour des infractions de tous types, et un régime particulier pour les personnes en contact avec les mineurs qui se voient mises en cause pour certaines infractions.

Il y a à l’évidence urgence à améliorer notre système de transmission d’informations pénales, au vu des pratiques disparates des parquets en la matière et des actuelles incertitudes juridiques entourant cette problématique.

Il y a aussi besoin d’améliorer la diffusion de ces informations dans l’ensemble de nos administrations, d’autant plus que le rapport d’étape conjoint de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche a estimé qu’il ne pouvait en l’état « être exclu que des situations identiques à celles de l’Isère et de l’Ille-et-Vilaine se reproduisent. »

Néanmoins, la question de la transmission de l’information se pose en des termes différents selon que la communication porte sur des condamnations – aucun problème alors quant à la transmission, qui doit être rapide et systématique – ou sur des éléments d’une procédure en cours.

À cet égard, la commission des lois, par l’intermédiaire de son rapporteur, François Zocchetto, dont je salue le travail, a rendu le texte plus acceptable, notamment en supprimant la possibilité de la transmission d’informations à l’issue d’une garde à vue ou d’une audition libre, dispositions que le Gouvernement – nous y reviendrons – souhaite rétablir par voie d’amendement. Or cette transmission, si elle est effectuée à un stade trop précoce et dans un cadre procédural non contradictoire, ne permettrait effectivement pas à la personne mise en cause de bénéficier des droits de la défense.

Toutefois, dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois, cette transmission reste possible en cours de procédure, en cas de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction, c’est-à-dire avant que la condamnation ne soit définitive. Selon nous, et comme le rappelait à l’instant Jacques Mézard, cette dernière modalité de transmission porte gravement atteinte au principe constitutionnel de présomption d’innocence.

Comme le soulignait justement Alain Anziani en commission, ce projet de loi invente une nouvelle catégorie juridique : désormais, une personne interpellée reste présumée innocente, mais son employeur est alerté par le parquet de sa possible culpabilité. La présomption d’innocence deviendrait dès lors proportionnelle au retentissement médiatique de la mise en accusation dans de telles affaires.

Quoi qu’il en soit, et tout particulièrement dans la période actuelle, nous ne pouvons transiger sur les principes et les droits fondamentaux. Rappelons que la présomption d’innocence, qui figure à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans notre code pénal et dans notre code civil, consiste en ce que nul ne peut être déclaré coupable sans qu’un procès public l’ait établi.

De plus, face au manque flagrant de moyens du parquet, force est de constater la portée infime d’un tel projet de loi, qui revêt davantage le caractère d’un texte d’affichage.

Le principe d’un régime général de transmission d’informations, sous certaines garanties, se heurte nécessairement à l’état de fonctionnement des parquets, qui ne peuvent plus répondre à l’ensemble de leurs missions, lesquelles n’ont par ailleurs cessé d’augmenter en matière civile comme en matière pénale, ainsi que le rappelle le rapport remis par Jean-Louis Nadal au mois de novembre 2013. Ce qui nous conduit à douter de l’efficacité d’un tel dispositif.

Et, comme le souligne la Conférence nationale des procureurs de la République sollicitée par le rapporteur, « les juridictions ne disposent à ce jour d’aucun outil informatisé d’alerte permettant de remplir les nouvelles missions imposées par le texte ». Cela importera d’autant plus s’il faut mettre en œuvre les nouvelles dispositions législatives alors même que des milliers de procédures concernées sont en cours.

De plus, le rapport des inspections générales concernées est clair : ce sont essentiellement des problèmes techniques et organisationnels qui font obstacle à la transmission d’informations, tels une insuffisance de moyens informatiques, le manque d’interlocuteurs bien identifiés et assumant des responsabilités claires au sein des rectorats, l’absence de dispositif d’alerte structuré.

Tous ces dysfonctionnements ne seront résolus que par une nécessaire réorganisation des services judiciaires et de l’éducation nationale et non par une loi. À charge, bien sûr, pour le Gouvernement de s’emparer des neuf recommandations de nature technique et organisationnelle formulées par les inspections générales concernées. C’est, semble-t-il, ce qu’il a commencé à faire par voie réglementaire.

Face à une problématique de cette gravité, et afin de protéger efficacement nos mineurs de personnes effectivement dangereuses pour eux, il nous paraît essentiel de réfléchir calmement aux réelles dispositions qui doivent être mises en place, en dehors de l’effervescence et de la confusion qui entourent ce projet de loi et qui dénotent l’émotion et l’affichage médiatique latents.

En outre, au regard de l’atteinte inadmissible portée au principe de présomption d’innocence et du manque de moyens nécessaires pour mener à bien tout projet de réorganisation des services judiciaires et de l’éducation nationale, nous ne pourrons voter en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le 20 octobre dernier, la Haute Assemblée avait examiné la proposition de loi de Catherine Troendlé relative à la protection des mineurs contre les agressions sexuelles. Ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Nous sommes saisis aujourd’hui d’un projet de loi portant sur le même sujet, présenté par le Gouvernement. Il comporte cinq articles, qui reprennent l’économie générale des amendements déposés par l’exécutif l’été dernier sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit « DDADUE pénal ».

Ces dispositions avaient été proposées à la suite de deux affaires de pédophilie survenues dans le milieu scolaire au printemps 2015. Les articles additionnels insérés alors dans le projet de loi DDADUE avaient été censurés par le Conseil constitutionnel au motif qu’ils ne présentaient pas de lien, même indirect, avec l’objet du texte.

Attachée à la protection de l’enfance sous toutes ses formes, je ne rentrerai pas dans un débat politique stérile pour reconnaître la paternité, ou plutôt la maternité, devrais-je dire, des mesures proposées. Je déplore cependant, tout comme mes collègues, que le travail parlementaire ait été méprisé.

Ce qui m’importe, c’est que le texte soit adopté et, surtout, appliqué au plus vite pour éviter que les affaires de Villefontaine et d’Orgères ne se reproduisent.

La protection de l’enfance, c’est l’école de la rigueur, de la volonté et surtout de l’humilité. Elle demande donc une attention toute particulière.

Le constat a été dressé : l’organisation des relations entre l’autorité judiciaire et l’administration de l’éducation nationale est défaillante. Le cadre légal applicable est également porteur d’incertitudes juridiques pour les parquets, chargés de la transmission des informations, dès lors qu’une procédure pénale est en cours.

Quitte à me répéter par rapport à la discussion générale qui s’est tenue au mois d’octobre dernier et à réitérer les propos de précédents orateurs, je souhaite réaffirmer deux choses.

D’une part, nous devons adopter la plus grande fermeté face à des crimes commis sur des mineurs. D’autre part, s’il faut préserver un environnement sans danger pour les enfants, il faut aussi respecter les libertés individuelles et l’ordre constitutionnel. Nous devons donc nous doter d’un dispositif garantissant la plus grande sécurité juridique, tout en instaurant un partage d’informations efficace et respectueux de la présomption d’innocence.

Je félicite le rapporteur, François Zocchetto, pour son implication sur ce texte, tout comme précédemment sur celui de Catherine Troendlé.

La commission des lois a adopté dix-neuf amendements, dont dix-huit présentés par son rapporteur, qui ont pour objet de renforcer, dans le cadre du régime général d’information, les garanties pour la personne concernée : il s’agit de lui donner la possibilité de faire des observations pour toutes les décisions que le ministère public transmet à l’administration, observations qui seront ensuite transmises à celle-ci.

Cette personne aura également la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance ou le premier président en cas de non-transmission par le ministère public d’une décision de relaxe ou d’acquittement. C’est l’objet de l’article 1er.

Concernant le régime de transmission obligatoire, je me rallie volontiers à la voix de la raison et à la position de notre rapporteur, à savoir supprimer la faculté pour le ministère public de transmettre l’information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, et exclure certaines infractions de ce régime tout en les maintenant dans le champ du régime facultatif, les laissant à la libre appréciation des parquets.

Bien que le caractère facultatif puisse être considéré comme un fléchissement à l’encontre de la protection des mineurs, le respect de la présomption d’innocence s’impose évidemment. Je fais toute confiance aux magistrats, qui sauront prendre les décisions appropriées et proportionnées aux situations.

Je félicite la commission des lois qui a adopté plusieurs amendements et ainsi amélioré, d’une part, le dispositif en faveur de la protection des mineurs, et, d’autre part, la sécurité juridique de l’article 1er. Inscrire au fichier des personnes recherchées les individus interdits d’activité au contact des mineurs me semble ainsi une piste intéressante.

Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi contiennent des dispositions qui reprennent celles qu’a adoptées la Haute Assemblée lors de l’examen de la proposition de loi précitée de Mme Troendlé. Je n’ai donc pas de remarques particulières à émettre.

L’article 2 modifie des dispositions relatives à l’interdiction d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs.

L’article 3 étend l’incapacité de diriger des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le code de l’action sociale et des familles ou d’y exercer en cas de condamnation définitive pour certains délits.

L’article 4 modifie le régime disciplinaire des chefs d’établissement d’enseignement du premier degré privé.

Je salue, enfin, la commission des lois qui a repris l’article 1er de la proposition de loi de Mme Troendlé. Cet article prévoit que la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle sur mineur ait un caractère automatique. La juridiction de jugement ne pourra y déroger que par une décision spécialement motivée prise au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera en faveur de ce texte. Il n’y a plus de temps à perdre. La vulnérabilité de nos enfants n’est pas un sujet que l’on peut prendre à la légère. Elle ne peut et ne doit faire l’objet d’aucune récupération politicienne.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est complexe, difficile, car sont en jeu trois principes fondamentaux auxquels nous avons de bonnes et solides raisons de tenir : premièrement, la protection des mineurs ; deuxièmement, la présomption d’innocence ; troisièmement, le secret de l’enquête et de l’instruction.

Je dois vous dire très franchement, madame la ministre, que lorsque nous nous sommes retrouvés en commission mixte paritaire, à l’Assemblée nationale, pour examiner le projet de loi DDADUE, nous n’étions pas en accord avec la rédaction adoptée par les députés. Nous avions en effet considéré que celle-ci ne prenait pas suffisamment en compte la présomption d’innocence.

Le travail mené conjointement par notre collègue député Dominique Raimbourg, que je veux saluer, par vous-même, madame la ministre, et par Mme la garde des sceaux a permis d’améliorer le texte.

Le Conseil constitutionnel a pris une position radicale en éradiquant vingt-cinq ou vingt-six cavaliers, ce qui n’est pas sans conséquence. Cette décision, mes chers collègues, donnera lieu à davantage de projets et propositions de loi. Car si l’on se prive de la facilité d’adjoindre diverses dispositions à divers textes, il faut faire un texte sur chaque sujet.

Toujours est-il que nous sommes parvenus à un point d’équilibre qui n’est sans doute pas parfait, mais qui me paraît être la meilleure solution possible.

Sans revenir sur le cas brillamment évoqué par Jacques Bigot, j’évoquerai deux points.

Sur la peine automatique, tout d’abord, nous sommes en désaccord avec M. le rapporteur.

Vous connaissez le principe, même si l’on peut y déroger. Expliquer la dérogation, c’est s’inscrire dans une logique d’automaticité. Mon groupe y a toujours été hostile. C’est pourquoi nous n’avons jamais souscrit aux peines planchers. Nous avons confiance, en effet, dans l’indépendance du juge, dans sa capacité à juger en fonction des circonstances, de la personnalité de l’auteur de l’infraction et, bien entendu, de la loi.

Nous ne pourrons pas voter le présent projet de loi, pour cette seule raison que nous rejetons le principe de la peine automatique.

Le mot « pouvoir » est d’ailleurs important dans la rédaction actuelle du projet de loi. En cas de condamnation définitive, il n’y a pas de difficulté : il faut transmettre l’information. Mais lorsqu’il y a mise en examen, ce qui suppose l’existence de faits concordants et d’indices sérieux, le procureur pourra – du verbe « pouvoir » – communiquer. Cela veut dire qu’il aura une capacité d’interprétation et de jugement. C’est d’ailleurs sa fonction que de juger.

Sur ce point de l’automaticité de la peine, nous ne sommes donc pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, cher François Zocchetto.

Pour ce qui concerne le second point que je voulais évoquer, la garde à vue, nous sommes en revanche d’accord avec le rapporteur, mais pas avec le Gouvernement. Même si la disposition est assortie d’un certain nombre de considérations, notamment sur la gravité des faits, de deux choses l’une : soit il existe des raisons de mettre en examen, et dans ce cas le juge procédera à la mise en examen, soit on en est seulement au stade de la garde à vue. Dans ce dernier cas, nous pensons qu’un problème se posera, si le texte reste en l’état, au regard de la présomption d’innocence.

Telle est notre conviction sur ces deux points. Nous considérons, bien entendu, que de grands progrès ont été faits en termes de prise en compte des trois principes fondamentaux précités de notre République auxquels nous sommes fortement attachés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° La section 5 du chapitre II est complétée par un article 222-48-3 ainsi rédigé :

« Art. 222 -48 -3. – En cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 du présent chapitre et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 3° de l’article 222-45. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;

2° Après l’article 227-31, il est inséré un article 227-31-1 ainsi rédigé :

« Art. 227 -31 -1. – En cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 6° de l’article 227-29. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 5 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L’amendement n° 9 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je n’aurai pas besoin de m’expliquer longuement, car, Jean-Pierre Sueur vient de le rappeler, nous avons déjà débattu de ce sujet.

Nous considérons qu’il y a en France trois pouvoirs : le pouvoir exécutif ; le pouvoir parlementaire, lequel est d’ailleurs indépendant de l’exécutif – raison pour laquelle, madame la ministre, nous ne sommes pas en phase avec vous sur tous les points de votre texte ; le pouvoir judiciaire, qui doit être indépendant et dans lequel nous devons avoir confiance, ce pouvoir que vous qualifiez, monsieur le rapporteur, d’« autorité judicaire ».

À partir du moment où le législateur donne au juge les moyens de décider, il appartient à celui-ci de le faire. Le fait de prévoir une peine accessoire automatique, comme si le magistrat risquait d’oublier de la prononcer alors qu’il dispose de plus en plus souvent de formulaires types où sont posées toutes les questions, c’est exprimer de la défiance à l’égard du juge.

Par ailleurs, prévoir que le juge, pour respecter l’individualisation de la peine, peut déroger à ce principe par décision motivée n’est rien de moins qu’un artifice. En effet, cette décision motivée ne sera jamais contestée par la Cour de cassation, même si elle sera peut-être appréciée de manière différente par la cour d’appel.

Encore une fois, le présent article traduit une défiance à l’égard du magistrat, à moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie de communication visant à dire au public : « Voyez, nous sommes plus sévères que d’autres ! ».

Je maintiens, au nom du groupe socialiste et républicain, cet amendement et constate avec plaisir que je ne suis pas le seul à souhaiter la suppression de l’article 1er A.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 1er A, issu d’un amendement du rapporteur, vise à donner à la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs un caractère automatique pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle sur mineur.

Nous considérons, pour notre part, que le principe d’individualisation de la peine doit primer. Nous ne pouvons donc pas souscrire au principe d’automaticité prévu au présent article.

Nous estimons également que ce genre de mécanisme constitue l’expression d’une certaine défiance à l’endroit des magistrats, ce que nous regrettons. Nous proposons en conséquence, à l’instar de nos collègues du groupe socialiste et républicain, la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 9.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Il ne surprendra personne que j’adopte la position exprimée par Mme la garde des sceaux au mois d’octobre dernier : nous ne sommes pas favorables aux dispositions qui portent une atteinte inutile et très contestable au principe d’individualisation des peines.

Nous préférons faire confiance aux magistrats pour qu’ils adoptent la sanction la plus adaptée à l’auteur des faits.

Tout a été dit sur le caractère d’affichage que peut revêtir cette disposition, mais, de surcroît, je relève qu’elle ne répond nullement à l’objet même de ce projet de loi, qui est d’améliorer la transmission des informations entre l’autorité judiciaire et nos administrations.

Concentrons-nous sur le sujet, celui qui a mis au jour des dysfonctionnements structurels auxquels nous apportons des réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous avons déjà longuement débattu de cette question des peines que certains appellent « automatiques », et pas seulement au sujet des infractions commises à l’encontre des mineurs – je pense à nos discussions concernant les peines planchers ou d’autres textes de procédure pénale –, question sur laquelle nous avons des divergences de vues.

Je dois reconnaître aux représentants de l’opposition sénatoriale la constance de leur position, une position que je respecte, même si nous n’avons pas la même et que je ne pourrais pas les convaincre d’adopter la nôtre.

En revanche, je comprends moins la position du Gouvernement. Il nous présente un projet de loi qui va loin, et même très loin, jusqu’à bafouer, pensons-nous, le principe fondamental de la présomption d’innocence, et ce sur un sujet très important, au motif que tous les moyens seraient bons pour assurer la protection des mineurs. Et alors que nous proposons un dispositif qui n’est pas innovant puisqu’il existe dans d’autres matières et est parfaitement constitutionnel, comme le reconnaît d’ailleurs le Gouvernement dans l’objet de son amendement, Mme la ministre entend s’y opposer.

Je le répète, je ne comprends pas cette incohérence dans le raisonnement. C'est la raison pour laquelle je tiens à rappeler combien nous sommes attachés au dispositif que nous proposons. L’ambition, madame la ministre, est non pas simplement de faire un texte administratif, voire technocratique qui organiserait la transmission de l’information, mais d’assurer la protection des mineurs par différentes voies. Or s’il est un moyen permettant d’assurer la protection des mineurs, c’est bien de faciliter le prononcé de mesures de contrôle judiciaire, en l’espèce une interdiction d’exercice d’une activité en contact avec les mineurs.

Dois-je le rappeler, dans les affaires déjà citées – Orgères et Villefontaine –, qui ne sont malheureusement que deux parmi bien d’autres, les juges n’avaient pas prononcé de peine d’interdiction d’exercer une activité au contact des mineurs. Si une telle peine avait été prononcée, les faits n’auraient probablement pas eu lieu ou, tout du moins, il y aurait eu une plus forte probabilité qu’ils ne se produisent pas.

Donc, nous souhaitons, c'est vrai, inciter les magistrats à prononcer ces peines.

Sur le respect du principe de l’individualisation des peines, outre le fait que ce dispositif a été totalement validé par le Conseil constitutionnel, il respecte parfaitement la liberté de choix du magistrat puisqu’il suffit que ce dernier motive sa décision « en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur » - une motivation très facile à rédiger en pratique -, pour que la peine complémentaire ne soit pas prononcée.

Nous souhaitons donc maintenir cette mesure que nous avons adoptée, car elle sera efficace et, j’oserais même dire, parce qu’elle est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cette question des peines complémentaires a toujours posé problème. Et il est toujours bon de s’opposer les uns aux autres, que l’on soit dans l’opposition ou dans la majorité, et cela change désormais assez souvent…

Mais il est grand temps de revenir à la réalité des choses.

Il ne s’agit pas ici du prononcé obligatoire d’une peine. Vous savez bien, monsieur Bigot, vous qui êtes un praticien, que ce que prévoit le projet de loi existe déjà à de nombreux autres endroits du code pénal – je pense au moins à une dizaine de cas. La loi ne demande qu’une chose au magistrat : qu’il s’interroge sur la peine complémentaire et donne sa réponse dans le jugement. Elle n’exige rien d’autre !

Le juge peut prévoir cette peine ou non. Je rappelle, mon cher collègue, que, pour les peines planchers, dans 60 % des cas, le magistrat a écarté cette mesure, en l’indiquant.

Dans le cas présent, il lui est demandé non pas de prononcer obligatoirement la peine complémentaire, mais de dire de façon systématique s’il ne la prévoit pas. C’est ainsi que le texte est rédigé, et c’est ainsi que, chaque fois qu’un tel mécanisme est inscrit dans le code pénal, il est appliqué et interprété. C'est ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel à de nombreuses reprises.

Cela ne traduit donc pas une méfiance à l’égard des magistrats, comme certains ont pu le dire, et l’individualisation de la peine joue pleinement, car, je le redis, le magistrat doit obligatoirement se poser la question et y répondre dans son jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous ne voterons pas ces amendements de suppression, mais nous ne sommes pas non plus d’accord avec l’article 1er A, car nous estimons – je l’ai déjà dit très clairement – qu’il manque un mot dans sa rédaction, et ce mot, c’est l’adjectif « définitive », à propos de la condamnation. Je sais bien que c'est volontaire, mais nous avons l’habitude de défendre toujours la même ligne.

Quant à l’automaticité, je lis dans l’objet de l’amendement du Gouvernement qu’il faudrait supprimer l’article 1er A parce qu’il porte « une atteinte inutile et contestable au principe d’individualisation de la peine » et qu’il répond « uniquement à des motivations d’affichage dénotant une défiance injustifiée envers l’autorité judiciaire » : je regrette que Mme la garde des sceaux ne soit pas là ! Je lui dirais que depuis qu’elle est ministre de la justice, il y a tous les jours une atteinte « inutile et contestable au principe d’individualisation de la peine », et je n’oserai pas aller jusqu’à dire « pour des motivations d’affichage »…

En effet, comme l’a rappelé notre collègue Michel Mercier, il existe toute une série de mesures, dont les peines planchers, qui peuvent être écartées par le juge sur décision spécialement motivée. Alors, si l’on considère ici qu’il s’agit d’une atteinte inutile et contestable, que dire de nombreuses dispositions analogues qui sont appliquées de cette manière quotidiennement en France ? Là aussi, il faut revenir au respect des principes.

Je le répète, nous ne voterons pas ces amendements, en regrettant – vous le savez, monsieur le rapporteur – que vous n’ayez pas ajouté le mot « définitive » à la rédaction de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

J’ai écouté avec grand intérêt les propos des différents intervenants, en particulier ceux de notre collègue et ancien garde des sceaux Michel Mercier.

Cela a été dit et répété, il n’y a pas d’automaticité. J’ai bien compris que vous étiez des puristes, chers collègues de l’opposition

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

… il faut cesser de raisonner en puriste ou en linguiste et se pencher véritablement sur la question, laquelle mérite selon moi une attention particulière.

Cela étant, selon que l’on est dans la majorité ou dans l’opposition, il peut nous arriver à tous d’être des puristes. Rappelez-vous, mes chers collègues – le sujet n’a rien à voir, mais cet exemple montre bien que l’on peut toujours changer d’idée –, de nos débats sur la clause générale de compétence : il y avait aussi des puristes, et ils ont changé d’avis quand ils ont changé de camp !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Un certain nombre ! La majorité de la majorité, si j’ose dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Il faut s’interroger et aller au-delà d’une analyse pointilleuse des mots en n’oubliant pas que, derrière, il y a des enfants et des drames.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1, 5 et 9.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er A.

L'article 1 er A est adopté.

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :

« Art. 11-2. – I. – Le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement :

« 1° La condamnation, même non définitive ;

« 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction ;

« 3° La mise en examen.

« Le ministère public ne peut procéder à cette information que s’il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.

« Le ministère public peut informer, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées aux 1° à 3° du présent I prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.

« II. – Dans tous les cas, le ministère public informe sans délai la personne de sa décision de transmettre l’information prévue au I et de son droit à présenter des observations écrites. L’information est transmise à l’administration, ou aux personnes ou ordres mentionnés au dernier alinéa du même I, accompagnée, le cas échéant, des observations écrites de la personne concernée.

« Le ministère public notifie sans délai à l’administration, ou aux personnes ou ordres mentionnés au dernier alinéa du même I, l’issue de la procédure et informe la personne concernée de cette notification. Si celle-ci constate la méconnaissance de cette obligation à l’issue de la procédure, elle peut saisir le président du tribunal de grande instance ou le premier président de la cour d’appel compétente par requête motivée afin qu’il ordonne l’exécution de cette obligation.

« L’administration, ou la personne ou ordre mentionné au dernier alinéa du I, qui est destinataire de l’information prévue au même I ne peut la communiquer qu’aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité mentionnée aux premier et dernier alinéas dudit I.

« Cette information est confidentielle. Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve de l’avant-dernier alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. Toute personne ayant eu connaissance de ladite information est tenue au secret, sous les mêmes peines. Le fait justificatif prévu au 1° de l’article 226-14 du même code n’est pas applicable lorsque la personne mentionnée à ce même 1° a eu connaissance des faits par la transmission prévue au I du présent article.

« II bis. – Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue en application de l’article 775-1 du présent code ne peuvent être communiquées à l’initiative du ministère public, sauf en application du 2° du II du présent article à la suite d’une première information transmise en application du I. Dans ce cas, l’information fait expressément état de la décision de ne pas mentionner la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

« III. – Hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, lorsque la procédure pénale s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement, l’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I supprime l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les modalités de recueil des observations écrites de la personne concernée par l’information, les formes de la transmission par le ministère public de l’information et des observations éventuelles de la personne concernée, les modalités et les formes de transmission des décisions à l’issue des procédures et les modalités de suppression de l’information en application du III. » ;

2° Après le 12° de l’article 138, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :

« 12° bis Ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise ; »

bis (nouveau) Au 2° de l’article 230-19, après la référence : « 12°, », est insérée la référence : « 12° bis, » ;

ter (nouveau) L’article 706-47 est ainsi rédigé :

« Art. 706-47. – Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes :

« 1° Crimes de meurtre ou d’assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, précédés ou accompagnés d’un viol, ou lorsqu’ils sont commis avec tortures ou actes de barbarie, ou lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale ;

« 2° Crimes de tortures ou d’actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code ;

« 3° Crimes de viols prévus aux articles 222-23 à 222-26 dudit code ;

« 4° Délits d’agressions sexuelles prévus par les articles 222-27 à 222-31 du même code ;

« 5° Délits et crimes de traite des êtres humains à l’égard d’un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code ;

« 6° Délit et crime de proxénétisme à l’égard d’un mineur prévus au 1° de l’article 225-7 et à l’article 225-7-1 du même code ;

« 7° Délits de recours à la prostitution d’un mineur prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code ;

« 8° Délit de corruption de mineur prévu à l’article 227-22 du même code ;

« 9° Délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans par un majeur, prévu à l’article 227-22-1 du même code ;

« 10° Délits de captation, d’enregistrement, de transmission, d’offre, de mise à disposition, de diffusion, d’importation ou d’exportation, d’acquisition ou de détention d’image pornographique d’un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d’un paiement d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition des images pornographiques de mineurs, prévus à l’article 227-23 du même code ;

« 11° Délits de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, prévus à l’article 227-24 du même code ;

« 12° Délit d’incitation d’un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu à l’article 227-24-1 du même code ;

« 13° Délits d’atteintes sexuelles prévus aux articles 227-25 à 227-27 du même code. » ;

3° Après l’article 706-47-3, sont insérés des articles 706-47-4 et 706-47-5 ainsi rédigés :

« Art. 706 -47 -4. – I. – Par dérogation au I de l’article 11-2, le ministère public informe par écrit l’administration d’une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration.

« Il informe également par écrit l’administration, dans les mêmes circonstances, lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.

« Les II à III de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.

« II. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’administration dans les conditions prévues au I du présent article sont :

« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code ;

« 2° Les crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-7, 222-8, 222-10 et 222-14 du code pénal et, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans, les délits prévus aux articles 222-11, 222-12 et 222-14 du même code ;

« 3° Les délits prévus à l’article 222-33 dudit code lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans ;

« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code ;

« 5° Les crimes et les délits prévus aux articles 421-1 à 421-6 du même code.

« III. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise :

« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;

« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;

« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information ;

« 4° Supprimé

« Art. 706-47-5 (nouveau). – Sauf si la personne est placée en détention provisoire, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ordonne, sauf décision contraire spécialement motivée, le placement sous contrôle judiciaire assorti de l’obligation mentionnée au 12° bis de l’article 138 d’une personne exerçant une activité mentionnée au I de l’article 706-47-4 mise en examen pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du même article 706-47-4. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 18

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 11 -2. – I. – Le ministère public informe par écrit l’administration de la condamnation d’une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elle est définitive et qu’elle concerne un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

« II. – Le ministère public informe sans délai la personne de sa décision de transmettre l’information prévue au I. » ;

II. – Alinéas 34 à 49

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je répéterai ce que le président Mézard a dit : il est indispensable que les individus convaincus, par le jugement définitif, de délits sexuels sur mineur ne puissent exercer d’activité les mettant en rapport avec ceux-ci, ce qui suppose d’en informer leurs employeurs. On peut d’ailleurs se demander pourquoi ce n’est pas déjà le cas, comme on peut s’étonner que l’on entende ainsi pallier les défaillances d’une administration par des lois.

On nous dit qu’il faut choisir entre des principes. Pas seulement ! On doit aussi choisir entre des malheurs. En effet, la simple diffusion d’un soupçon injustifié de pédophilie est, quoi qu’on fasse, la garantie d’une vie brisée. Et ce n’est pas une question théorique ou un problème de linguistique : ce sont des malheurs bien réels.

Rappelez-vous Outreau. Dans l’introduction du rapport de la commission d’enquête présidée par André Vallini – il était nettement meilleur dans cette fonction-là ! –, il était indiqué que, sur 60 000 personnes incarcérées alors dans les prisons de France – il y en a beaucoup plus maintenant ! –, 20 000 étaient en détention provisoire et que, sur ce nombre, 2 000 seraient sans doute reconnues innocentes.

Autant d’affaires d’Outreau dont on ne parlera jamais !

Mais posons-nous la question : combien de personnes cela concerne-t-il ? On n’a pas de statistiques sur les personnes qui, ayant été inquiétées pour des problèmes de pédophilie, ont finalement été innocentées, mais on connaît le nombre de demandes d’indemnisation adressées à la commission qui en est chargée : entre 2004 et 2008, il y en a eu 140 par an – c’est un minimum, puisque cela ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas demandé d’indemnisation. Il s’agit donc en gros de 200 personnes par an !

Il n’est pas ici question de grands principes et de présomption d’innocence, mais de la réalité ! Je sais que, face à ces crimes abominables dont les enfants sont victimes, on a tendance à faire pencher la balance d’un certain côté, mais je voudrais qu’on réalise bien les enjeux en présence. Qu’on ne vienne pas pleurer ensuite, quand il y aura de nouveaux Outreau ! Je sais néanmoins que ce sera la même chose : on pleurera sur les victimes, mais il faudra pleurer en l’occurrence les victimes de la justice !

Alors, soyons un peu réalistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 15

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. 11 -2. – I. – Le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsque, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, cette information est nécessaire pour lui permettre de prendre les mesures utiles au maintien de l’ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public :

« 1° La condamnation, même non définitive, prononcée pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

« 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

« 3° La mise en examen pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

« Le ministère public peut informer, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées aux 1° à 3° du présent I prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.

« II. – Dans tous les cas, le ministère public informe :

« 1° La personne de la transmission prévue au I ;

« 2° L’administration, ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du même I, de l’issue de la procédure.

« L’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I qui est destinataire de l’information prévue au même I peut la communiquer aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité mentionnée aux premier et dernier alinéas dudit I. Cette information ne peut être diffusée à d’autres personnes.

« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve du quatrième alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« III. – Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue en application de l’article 775-1 du présent code ne peuvent être communiquées à l’initiative du ministère public, sauf en application du 2° du II du présent article à la suite d’une première information transmise en application du I. Dans ce cas, l’information fait expressément état de la décision de ne pas mentionner la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

« IV. – Hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, lorsque la procédure pénale s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement, l’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« V. – Un décret détermine les conditions d’application du présent article, notamment les formes de la transmission de l’information par le ministère public et les modalités de retrait de l’information en application du IV. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

J’ai eu l’occasion de m’expliquer lors de mon propos introductif sur cet amendement. J’ai la conviction que le travail réalisé au Conseil d’État puis à l’Assemblée nationale constitue une base solide à partir de laquelle votre commission des lois a pu apporter son éclairage et ses ajouts. Néanmoins, le Gouvernement ne souhaite pas reprendre à son compte les modifications introduites par la commission, dispositions dont je doute de l’intérêt.

En effet, celles-ci finissent par rendre le texte proposé pour l’article 11-2 du code de procédure pénale à la fois moins précis, trop complexe et, en fin de compte, très difficilement applicable.

D’où cet amendement, qui vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 1er du projet de loi, adoptée, je le rappelle, à l’unanimité des députés.

Quelques exemples significatifs justifient cette position.

Premier exemple, votre commission a prévu la possibilité pour la personne mise en cause de faire, à propos de toutes les décisions que le ministère public transmet à l’administration, des observations, qui doivent elles-mêmes être transmises à l’administration. Cela paraît inutile, notamment quand il sera question d’une condamnation publique, puisque la personne condamnée pourra, dans le cadre de la procédure disciplinaire, faire toutes les observations nécessaires devant son administration.

Deuxième exemple, votre commission a prévu la possibilité d’une saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d’appel compétente en cas de non-transmission par le ministère public d’une décision de relaxe ou d’acquittement. Là encore, il s’agit selon moi d’une procédure lourde et inutile, dès lors qu’un recours est possible devant le procureur général, supérieur hiérarchique du procureur de la République, et que, par ailleurs, la personne peut toujours communiquer elle-même ladite décision à son administration.

Enfin, troisième exemple, votre commission a renvoyé pour les modalités d’application du texte à un décret en Conseil d’État et non à un décret simple, comme l’avait pourtant préconisé le Conseil d’État lui-même, ce qui retardera inutilement l’entrée en vigueur de la réforme, que nous estimons pourtant tous urgente.

Les ajouts que vous avez introduits ne m’ayant donc pas convaincue, je vous propose d’adopter notre amendement de rétablissement du texte initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Milon, D. Laurent, Béchu, Chasseing, Revet, Joyandet, Laufoaulu, Dufaut et Cardoux, Mme Di Folco, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle et de Raincourt, Mme Mélot, MM. G. Bailly et Charon, Mmes Gruny et Deromedi, MM. Savary, Laménie et Kennel, Mme Deroche, MM. Lefèvre, Houpert et Pillet, Mme Lopez, M. Chaize et Mme Lamure, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Après les mots :

à titre bénévole

insérer les mots :

ou contre un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

ou à l’égard d’un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Les assistants familiaux ou les assistants maternels accueillent des mineurs et exercent, pour une grande majorité d’entre eux, leur activité professionnelle à domicile. Aussi, il convient que les conseils départementaux, qui leur délivrent un agrément et qui, très souvent, les emploient, puissent avoir connaissance des crimes ou délits qui auraient pu été commis par un des membres de leur famille.

Les conseils départementaux ont l’obligation d’assurer la sécurité des mineurs accueillis chez les assistants maternels ou les assistants familiaux ; il faut donc élargir le dispositif d’information aux membres de la famille vivant au domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 34 à 49

Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :

3° Après l’article 706-47-3, il est inséré un article 706-47-4 ainsi rédigé :

« Art. 706 -47 -4. – I. – Lorsqu’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration est condamnée, même non définitivement, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, le ministère public informe par écrit l’administration de cette condamnation.

« Il en est de même lorsque la personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.

« Le ministère public peut également informer par écrit l’administration de la mise en examen ou de la poursuite devant la juridiction de jugement par le juge d’instruction ou le procureur de la République d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I pour une des infractions mentionnées au II.

« Le ministère public peut informer par écrit l’administration de l’audition dans les conditions prévues à l’article 61-1 ou de la garde à vue d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I dès lors qu’il existe, à son issue, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cette personne ait pu participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’une ou de plusieurs des infractions mentionnées au II. Dans ce cas, il ne peut transmettre l’information qu’après avoir recueilli ou fait recueillir, par procès-verbal, les observations de la personne, le cas échéant selon les modalités prévues à l’article 706-71, ou l’avoir mise en mesure de le faire. Lorsque la procédure pénale s’est terminée par un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, l’administration retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« Les II à III de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.

« II. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’administration dans les conditions prévues au I du présent article sont :

« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code ;

« 2° Les crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-7, 222-8, 222-10 et 222-14 du code pénal et, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans, les délits prévus aux articles 222-11 à 222-14 du même code ;

« 3° Les délits prévus aux articles 222-32 et 222-33 du même code ;

« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code ;

« 5° Les crimes et les délits prévus aux articles 421-1 à 421-6 du même code.

« III. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il détermine notamment :

« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;

« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;

« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information ;

« 4° Les modalités de retrait de l’information en application de l’avant-dernier alinéa du I. »

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Là encore, je vous propose de rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement estime en effet que plusieurs des modifications que la commission des lois a adoptées sur l’article 706-47-4 du code de procédure pénale ne sont pas justifiées. Par ailleurs, nous souhaitons supprimer l’alinéa insérant dans le même code un article 706-47-5 qui institue un contrôle judiciaire obligatoire, parce que cela nous semble contraire à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 706-47-4, je ne suis pas favorable à la suppression de la faculté, pour le ministère public, de transmettre à l’administration une information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, alors que cette transmission peut s’avérer indispensable, j’y insiste, pour protéger les mineurs. Il ne s’agit pas que de cas théoriques, mesdames, messieurs les sénateurs, et je veux évoquer des situations concrètes qui seraient couvertes par une telle disposition.

Les actes en question, par exemple la pédopornographie, donnent généralement lieu à des enquêtes longues et ne débouchent pas nécessairement sur l’ouverture d’une information judiciaire. Serait-il normal, selon vous, que l’éducation nationale ne soit pas tenue informée de tels faits tant qu’aucune information n’est ouverte ?

Autre situation dont nous avons été témoins, celle d’un instituteur placé en garde à vue pour des caresses inappropriées sur son fils et qui avait reconnu les faits. Il avait été remis en liberté le temps d’être soumis à une expertise psychiatrique – obligatoire pour ce type de faits – et, pendant ce délai, aucune information ne pouvait être transmise à l’éducation nationale. Voilà pourquoi il est important que l’information puisse être transmise rapidement.

Ce projet de loi ne concerne d’ailleurs pas que des agents de mon ministère ; il répond aussi à des attentes exprimées par les élus locaux, qui ont validé à l’unanimité ce texte lors de son examen par le Conseil national d’évaluation des normes.

Par ailleurs, dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d’État a clairement validé cette disposition essentielle du projet de loi, estimant que l’atteinte à la présomption d’innocence que représente la transmission d’informations en amont des condamnations ne présentait pas de caractère excessif et était justifiée par l’intérêt général, à savoir la prévention des atteintes à la sécurité des mineurs.

En outre, je rappelle que la saisine du Conseil d’État a conduit le Gouvernement à introduire des garanties spécifiques dans ce texte, telles que le caractère écrit des transmissions d’informations, l’exigence d’indices graves ou concordants pour justifier une information au stade de la garde à vue, le recueil des observations de l’intéressé en amont de l’information ou encore l’effacement des informations du dossier de l’agent lorsque l’enquête a conclu à sa non-culpabilité.

Enfin, le Gouvernement ne partage pas du tout l’appréciation vous ayant conduits à exclure certaines infractions du dispositif de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, notamment l’exhibition sexuelle et les violences sur mineurs ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail. Il ne fait aucun doute, en effet, que le mineur en contact avec une personne ayant commis l’une de ces infractions est potentiellement en danger. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait exclure ces actes du dispositif.

Cela étant dit, je ne méconnais pas les améliorations apportées par votre commission au texte. Ainsi, nous maintenons par cet amendement la suppression des crimes de tortures et actes de barbarie de la liste des infractions de l’article 706-47-4. En effet, vous avez raison, ces crimes sont déjà visés par l’article 706-47, dont la commission a procédé à une réécriture explicite.

En ce qui concerne maintenant le nouvel article 706-47-5, dont je conteste l’introduction par votre commission des lois, il institue pour la première fois dans notre procédure pénale le placement obligatoire sous contrôle judiciaire – cela n’a pas échappé aux sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, qui ont déposé un amendement identique tendant à la suppression du nouvel alinéa.

Une telle disposition porte une atteinte manifestement excessive et est contraire à la Constitution, à la présomption d’innocence et aux principes de nécessité et de proportionnalité de la peine, car elle concerne non une personne condamnée, mais une personne mise en examen et donc présumée innocente. Cela me paraît par conséquent aller bien au-delà de ce qui est permis par la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 4 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Il s’agit de supprimer l’obligation pour le juge d’instruction ou pour le juge des libertés et de la détention de prononcer un placement sous contrôle judiciaire assortie de l’obligation adaptée. Je m’en suis expliqué précédemment, donc je ne développe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mon collègue l’a indiqué et je l’ai aussi précisé tout à l’heure, nous sommes contre l’automaticité de ce dispositif qui met à mal le principe d’individualisation des peines et oblige les magistrats à prendre certaines décisions. Nous proposons donc de supprimer cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’amendement n° 7 rectifié de MM. Mézard et Collombat a déjà fait l’objet d’un exposé très clair. Il a le mérite de s’inscrire dans la continuité d’une position constamment réitérée par ses auteurs, ce qui ne peut qu’être respecté.

À ce stade de notre réflexion, nous avons une divergence de vues, puisque vous proposez, mes chers collègues, d’interdire toute information au stade présentenciel, c’est-à-dire avant toute condamnation définitive. Ce n’est pas l’orientation de la commission, d’où l’avis défavorable qu’elle émet sur cet amendement.

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement et tendant à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, m’inspire plusieurs remarques.

Mme la ministre veut supprimer les garanties que la commission des lois a apportées à la personne mise en cause, au motif qu’elles seraient complexes et difficilement applicables. Combattre le principe de la présomption d’innocence est déjà lourd, mais y ajouter la réduction des droits de la défense en supprimant toute notion du droit au contradictoire et toute expression d’une opinion différente de celle du parquet me paraît un peu excessif ! Cela n’est vraiment pas acceptable.

Par ailleurs, la complexité évoquée par le Gouvernement est certes réelle dans certains cas, mais tel est le droit français, qui offre à chacun la possibilité de se défendre.

Il s’agit tout de même d’un texte qui, au nom de la protection des mineurs – évidemment très importante –, introduit une première inflexion au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. C’est tout de même sérieux. Cela a été suffisamment souligné par nos collègues Collombat et Mézard pour qu’on s’attarde un peu sur les détails du texte.

Par ailleurs, le Gouvernement voudrait que le procureur puisse se prononcer sur l’opportunité d’une transmission d’informations au regard du bon fonctionnement du service public.

Je souhaite rappeler la position de la Conférence nationale des procureurs de la République et de la Conférence nationale des procureurs généraux : un tel critère, source d’insécurité juridique, n’est pas acceptable en droit pénal.

Le bon fonctionnement du service public ne saurait relever de l’appréciation du ministère public, il s’agit là d’une question de fond. Si les procureurs doivent désormais décider de ce qui est bon ou non pour le fonctionnement du service public, notamment de l’éducation, où allons-nous ? Il faudra revoir toute l’organisation judiciaire de la France !

Les missions du procureur sont étrangères à cette notion de « bon fonctionnement du service public ». Pardon d’y insister, mais il s’agit d’un sujet fondamental, auquel tiennent non seulement les magistrats du parquet, mais aussi la très grande majorité, si ce n’est la totalité des législateurs que nous sommes - ou alors, je ne comprends plus…

Madame la ministre, l’amendement que vous avez présenté tend également à supprimer le dispositif que nous proposons permettant de sanctionner la divulgation des informations à la presse. Selon nous, ce dispositif fait, lui aussi, partie des garanties dont doit légitimement bénéficier la personne mise en cause.

Enfin, vous déclarez qu’un décret en Conseil d'État n’est pas nécessaire et qu’un décret simple suffit. Permettez-moi de vous dire que, s’agissant de mesures d’application de dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, et compte tenu de certaines imprécisions que nous avons relevées dans le texte, nous préférons un décret en Conseil d'État. Ce n’est pas faire offense à la qualité de vos services : nous considérons simplement que nul n’est à l’abri d’une erreur en ces matières.

Madame Imbert, votre amendement soulève la question tout à fait importante de l’agrément permettant aux assistants familiaux et aux assistants maternels de prendre en charge des enfants à leur domicile. Néanmoins, j’en sollicite le retrait, car l’amendement n° 12, que je présenterai tout à l'heure, me semble répondre parfaitement à votre attente. J’espère que cet amendement, qui a reçu l’approbation de la commission des lois, en particulier des membres de votre groupe, vous donnera satisfaction.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 11, le second qu’a déposé le Gouvernement sur cet article en vue de rétablir son texte initial. Je serai bref, puisque nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet, au demeurant assez simple.

Vous voulez rétablir, madame la ministre, la possibilité d’information au stade de la garde à vue et de l’audition libre – bref, en toutes circonstances.

Franchement, nous avons montré que nous étions prêts à consentir un effort. Notre réflexion a évolué depuis les discussions que nous avons eues en juillet dernier avec notre collègue député Dominique Raimbourg, qui avait alors une position très ferme sur le sujet et qui, à mon avis, ne doit pas être excessivement réjoui des dispositions que vous avez fait voter à l’Assemblée nationale, encore que je ne connaisse pas les circonstances du débat…

Donc, autant nous avons fait un pas vers vous, en affirmant que, sur la base de l’avis du Conseil d'État, nous pouvions adopter une ligne médiane, consistant à accepter l’information au stade présentenciel, pour tout ce qui est condamnation, même non définitive, mise en examen et transmission à la juridiction de jugement, autant nous ne saurions accepter la possibilité d’une information au stade de la garde à vue ou de l’audition libre.

Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces procédures pénales sont malheureusement parfois détournées dans le cadre de procédures civiles. §Tous les praticiens du droit savent que l’action pénale est relativement facile à mettre en mouvement dans notre pays. Si c’est une bonne chose en soi, il arrive aussi que l’on utilise les procédures pénales pour créer un dommage irréversible aux personnes mises en cause. Tout le monde aura compris les cas que je vise ici, relevant notamment du droit de la famille !

Oui, nous avons très légèrement réduit le champ des infractions incluses dans le régime de transmission obligatoire. Nous en avons ainsi exclu l’exhibition sexuelle, délit d’acception extrêmement large, mais qui, dans certaines circonstances, peut avoir un lien très éloigné avec la protection des mineurs, et les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail : faut-il prévoir, par exemple, qu’une condamnation pour une gifle donnée en dehors du cadre professionnel soit systématiquement transmise à l’administration ou à l’employeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous préférons que le procureur juge de l’opportunité de transmettre l’information – cela devrait vous satisfaire, madame la ministre, puisque vous avez contesté, tout à l'heure, le caractère automatique du dispositif de peines complémentaires que nous soutenions. Je ne pense pas dénaturer l’esprit du texte avec une telle proposition !

Pour terminer, je suis défavorable aux amendements identiques n° 2 et 4, pour des raisons qui ont déjà été exposées lors de l’examen de l’article 1er A.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, cela ne vous surprendra pas, le Gouvernement ne peut pas accepter l’amendement n° 7 rectifié, dont l’adoption limiterait terriblement la portée du projet de loi. Ne perdons pas de vue ce que nous sommes en train de construire ici !

Bien sûr, entre la présomption d’innocence et la nécessaire efficacité, permettant que les informations utiles soient transmises le plus tôt possible à l’administration lorsqu’il s'agit d’adultes en contact avec des enfants, un équilibre doit être trouvé – je l’ai suffisamment répété pour ne pas y revenir longuement.

L’équilibre que nous avons recherché vous est présenté dans ce texte, qui a été validé et donc conforté par le Conseil d'État, lequel nous avait cependant invités, comme je l’ai déjà dit, à prévoir davantage de garanties, notamment procédurales, ce que nous avons fait.

En fait, voter cet amendement consisterait à revenir sur cet équilibre, en limitant de façon excessive les possibilités d’information par le procureur.

D’une certaine façon, non seulement son dispositif ne répond pas aux situations de Villefontaine et d’Orgères, mais son adoption marquerait encore un recul par rapport à la pratique qui, dans les faits, était celle des magistrats ces dernières années

M. Pierre-Yves Collombat proteste.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Tout à l'heure, j’ai donné l’exemple d’un instituteur dont il est établi qu’il détenait des images pédopornographiques sur son ordinateur personnel. On ne va tout de même pas attendre que cet enseignant ait été condamné définitivement, quand on sait le temps que cela prend, pour informer l’éducation nationale de ses agissements ! Au reste, je pourrais citer des tas d’exemples de ce genre.

Pour cette raison, je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai bien évidemment un avis défavorable.

Madame Imbert, votre amendement aborde un sujet très intéressant : il met en lumière une vraie difficulté, celle de la présence, au domicile des assistants maternels ou familiaux, de personnes pouvant avoir commis des actes graves et répréhensibles sur mineurs.

Je suis d’accord avec vous : nous devons trouver une solution à ce problème. Cependant, la rédaction de votre amendement pose quelques difficultés, que M. le rapporteur a assez justement résumées – je n’y reviens pas. En revanche, je suis favorable à l’amendement que celui-ci présentera dans un instant sur le sujet : son dispositif devrait remédier à la situation.

Monsieur Bigot et madame Benbassa, j’émets évidemment un avis très favorable sur vos amendements, qui ont le même objet que l’amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 7 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je veux revenir sur plusieurs points.

Premièrement, je m’étonne qu’il n’y ait pas d’étude d'impact annexée au projet de loi – en tout cas, s’il y en a une, je ne l’ai pas trouvée –, alors que ce document est, en principe, obligatoire. Avec une étude d'impact, on saurait au moins de quoi l’on parle !

Si nous cherchons à comparer les malheurs respectifs du gamin massacré et de l’innocent qui perd son emploi et qui est mis au ban de la société, à ce petit jeu-là, nous connaissons d’avance le résultat… Cela dit, le problème se pose quelque peu différemment si l’on sait que ce sont des centaines de personnes qui sont concernées chaque année. Nous aurions bien aimé disposer de ce type d’informations.

Deuxièmement, je veux rappeler que, s’il faut se méfier autant de ces accusations infondées, c’est précisément parce qu’elles prolifèrent, les dénonciations de crimes et, surtout, de délits sexuels reposant la plupart du temps sur de simples témoignages et seulement rarement sur des preuves matérielles – quand les preuves matérielles existent, il n’y a pas de difficulté.

Je veux aussi rappeler que, actuellement, les magistrats ne sont pas dépourvus d’armes pour éviter les contacts entre des enfants et des personnes dont on sait qu’elles ne sont pas fiables ou qu’elles sont dangereuses : le contrôle judiciaire et la détention provisoire… À cet égard, il est intéressant de savoir que le placement en détention provisoire d’innocents est onze fois plus fréquent dans les affaires de crimes à caractère sexuel et six fois plus fréquent en cas de délits sexuels que lorsqu’il s’agit de vols ou de stupéfiants ; il l’est même quatre fois plus qu’en cas de violences volontaires.

Il existe donc des outils pour ne pas provoquer ces malheurs que tous nous voulons éviter.

Je sais bien que les faits et la raison pèsent peu devant l’émotion, mais il faut envisager les risques pour toutes les parties. C’est la moindre des choses ! J’estime que l’on a tort de vouloir opposer des émotions et de chercher à privilégier un malheur sur un autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il correspond à nos convictions. Du reste, si celles-ci ne sont pas partagées par l’ensemble des groupes, elles le sont par certains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je n’en doutais pas, chère collègue présidente !

Il s’agit d’une question de fond. Oui, nous sommes attachés à des principes, pour nous fondamentaux.

Lorsqu’il a présenté son amendement de suppression de l’article 1 A, le Gouvernement a reproché au rapporteur d’être motivé par des considérations d’affichage. Je vous rétorquerai, madame la ministre, que, pour ce qui me concerne, je vois beaucoup d’affichage dans votre texte ! Il me semble que celui-ci fait suite à un certain nombre d’événements tout à fait regrettables et déplorables ayant donné lieu à une large publicité dans les médias nationaux – malheureusement, je constate que cette façon de légiférer est récurrente.

Par conséquent, je trouve assez original que l’on voie dans notre amendement une forme de régression par rapport à la situation actuelle, surtout quand vous ajoutez – si je vous ai bien comprise, mais peut-être ai-je mal interprété vos propos – qu’il arrive d'ores et déjà au parquet de transmettre des informations, donc en dehors de toute règle !

Peut-être cette pratique existe-t-elle

Mme la ministre le confirme.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Je an-Pierre Sueur

Nous nous abstenons !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Monsieur le président, je veux remercier M. le rapporteur et Mme la ministre d’avoir été attentifs à la question que j’ai soulevée au travers de cet amendement.

J’ai lu moi-même avec attention l’objet de l’amendement que M. le rapporteur a déposé à l’article 3. J’estime que c’est un bon dispositif. Cependant, je me demande en quoi celui que je propose pourrait être inopérant : il me paraît relativement facile, pour le parquet, de connaître la situation exacte de l’assistant familial ou maternel, conjoint ou parent de la personne mise en cause, qui bénéficie de l’agrément : il lui suffit d’appeler le conseil départemental. Cela ne doit pas être envisagé comme un frein. Des liens doivent exister entre le parquet et le département.

J’ai bien noté que le président du conseil départemental pourrait avoir à sa disposition le bulletin n° 2 du casier judiciaire au moment du traitement de la demande d’agrément. Qu’en est-il toutefois si une plainte est déposée contre le conjoint pendant la durée de validité de l’agrément, qui, je le rappelle, est délivré pour cinq ans ?

Mes chers collègues, vous savez bien que, lorsque la commission consultative paritaire départementale des assistants maternels et assistants familiaux est saisie d’une telle situation, le temps de la suspension, qui est limité à quatre mois, vient percuter le temps de l’action judiciaire, lequel est bien évidemment beaucoup plus long.

Il ne me semble pas que l’amendement n° 12, que va nous présenter M. le rapporteur, et celui que j’ai défendu soient incompatibles. J’aimerais comprendre en quoi l’adoption de mon amendement serait gênante.

Je maintiens donc l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 3 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Mme Imbert a raison, ces deux amendements sont différents.

Il s’agit de problèmes que nous rencontrons fréquemment dans nos départements. Il appartient à ces derniers de placer les enfants dans de bonnes conditions.

Nous travaillons régulièrement avec les parquets, qu’il s’agisse de la protection maternelle et infantile ou des mineurs étrangers isolés. Si le Gouvernement confie ces enfants au président du conseil départemental par le biais des parquets, c’est qu’il a confiance dans les services du département.

Pour mener cette mission à bien, nous avons besoin d’un certain nombre de garanties sans lesquelles on ne peut confier un mineur à une famille. Des problèmes sont déjà survenus et nous avons dû, en urgence, parfois de nuit, mettre à pied certaines personnes ou changer notre organisation. Pour protéger ces enfants, nous sommes malheureusement parfois amenés à compliquer encore leur existence.

Cela étant, l’amendement n° 3 rectifié bis, que je soutiens, porte sur l’information durant la période d’agrément des assistantes maternelles, à la différence de l’amendement de M. le rapporteur, qui traite de l’information au moment de la demande d’agrément. Ces deux amendements me semblent donc complémentaires.

Toujours est-il que la transmission de l’information au président du conseil départemental me paraît tout à fait importante. C'est la raison pour laquelle j’invite Mme le ministre et M. le rapporteur à soutenir cet amendement à la fois simple et, me semble-t-il, de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je me permets d’intervenir, car je vois que le rapporteur et Mme Troendlé restent muets face aux demandes de précision de Mme Imbert et de notre collègue René-Paul Savary.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

La question de Mme Imbert est claire : la rédaction de votre amendement n° 12, monsieur le rapporteur, permet-elle d’informer le président du conseil départemental non seulement au moment de la demande d’agrément, mais aussi durant la période d’activité de la personne concernée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Si tel n’est pas le cas, l’amendement de Mme Imbert doit être maintenu et, comme j’en suis l’un des cosignataires, je le voterai.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Un chiffre montre à lui seul pourquoi nos collègues peuvent nourrir une légitime inquiétude. Savez-vous combien d’enfants, dans un département moyen de 500 000 habitants, sont confiés chaque année au président du conseil départemental ? Environ 2 000 !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé. Nous savons tous que votre département n’est pas dans la moyenne, mais plutôt en dessous, mon cher collègue.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je plaisante…

Chaque jour, le président du conseil départemental et ses services doivent prêter une attention particulière aux enfants qui leur sont confiés ou qu’ils ont confiés à des assistantes maternelles.

Le président du conseil général doit donc disposer de l’information la plus large possible lui permettant d’éviter tout problème. Le moindre petit souci peut entraîner des conséquences sur le terrain que l’on n’imagine pas, comme une traînée de poudre.

C'est la raison pour laquelle cet amendement me paraît intéressant. La précision demandée par notre collègue Alain Vasselle mérite une réponse afin que nous puissions décider du sort de ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission des lois a examiné cet amendement avec la plus grande attention.

Il n’est dans l’esprit de personne de prétendre qu’il n’y a pas de problème. Nombre d’entre nous ont été ou sont conseillers départementaux. Nous connaissons d’expérience la situation et savons à quelles difficultés se heurte le président du conseil départemental, qui délivre les agréments, pour connaître la situation du foyer où l’enfant est accueilli.

En théorie, votre proposition est intéressante et tout à fait recevable. Mais qu’en sera-t-il en pratique ? Nous avons cherché, avec Catherine Troendlé, à inscrire dans ce texte des dispositifs efficaces.

Au regard de la situation actuelle des parquets, comme l’ont signalé Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard, et comme l’a reconnu le Gouvernement, ce qui est voté ne pourra être mis en œuvre – sauf à ce que le Gouvernement nous explique comment ! Or les représentants de la Conférence nationale des procureurs généraux et de la Conférence nationale des procureurs de la République nous ont dit que les parquets ne pourraient pas assumer cette mission.

Dans son étude d’impact, le Gouvernement évalue à quinze minutes le temps que passera le procureur pour transmettre ou non l’information. Il ne mentionne toutefois que les informations relatives aux condamnations et fait totalement l’impasse sur les moyens à mettre en œuvre concernant les transmissions d’informations pendant les procédures en cours. On est donc encore loin de la mise en place du dispositif voté !

Nous en revenons au débat déjà ouvert par certains : les lois d’affichage sont-elles suffisantes ou ne faut-il pas plutôt voter des lois montrant à nos concitoyens que nous sommes efficaces ?

Avec l’amendement n° 12, que je défendrai tout à l'heure, nous proposons un dispositif assez simple et dont l’exécution ne doit souffrir aucune exception. Il s’agit de permettre au président du conseil départemental de recevoir systématiquement le bulletin n° 2 du casier judiciaire de toutes les personnes majeures vivant au foyer de la personne accueillant l’enfant, en lieu et place du bulletin n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de comparer les deux bulletins connaissent la différence : sur les « B3 », on ne voit presque rien ; sur les « B2 », on voit toutes les condamnations. Je pense qu’il s’agit d’une disposition très efficace.

Pour vous répondre très clairement, monsieur Vasselle, non, il n’y aura pas de transmission du B2 durant toute la durée de validité de l’agrément. Il ne sera transmis qu’au moment de la demande d’agrément ou au moment où vous le solliciterez, si vous avez des doutes.

Il ne s’agit donc pas d’une mesure à même d’apporter une certitude absolue - mais qui peut prétendre proposer un dispositif permettant de réduire les risques à néant en ce domaine ?

Si nous votons l’amendement de Mme Imbert et de ses collègues, nous aurons peut-être l’illusion d’avoir traité le problème. En réalité – ce ne devrait pas être à moi de le dire, mais à la garde des sceaux –, notre analyse de l’étude d’impact montre que le Gouvernement ne pourra pas faire appliquer le dispositif qu’il présente.

Au risque de vous décevoir, voilà quelle est la situation aujourd’hui. Mais il s’agit aussi de la question du transfert de responsabilité, que j’ai déjà évoquée, du magistrat vers le maire, vers le président du conseil départemental ou vers le président d’association.

J’ajoute que nous risquons de constater une grande disparité de traitement : certains procureurs transmettront tout et d’autres ne transmettront rien, car ils sont indépendants. Voilà qui ne pourra que faire croître l’incertitude au fur et à mesure de l’application de ce texte.

Je dis tout cela à dessein, afin de relativiser ce que nous votons : chacun doit comprendre que des risques subsisteront toujours en matière de protection des mineurs. Et ces risques, c’est à nous, responsables publics, de les assumer.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je confirme que je le maintiens, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

Le code du sport est ainsi modifié :

1° Au II de l’article L. 212-9, les deux occurrences du mot : « a » sont supprimées ;

2° À l’article L. 212-10, les mots : « contre rémunération » sont remplacés par les mots : «, à titre rémunéré ou bénévole, ». –

Adopté.

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 133-6 est ainsi modifié :

a) Au 1°, la référence : « L. 221-6 » est remplacée par la référence : « 221-6 » ;

b) Au 2°, la référence : « L. 222-19 » est remplacée par la référence : « 222-19 » ;

c) Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’incapacité prévue au premier alinéa du présent article est applicable, quelle que soit la peine prononcée, aux personnes définitivement condamnées pour les délits prévus aux articles 222-29-1, 222-30 et 227-22 à 227-27 du code pénal et pour le délit prévu à l’article 321-1 du même code lorsque le bien recelé provient des infractions mentionnées à l’article 227-23 dudit code. » ;

a ) À la dernière phrase du cinquième alinéa, après les mots : « assistants familiaux est », sont insérés les mots : «, sous réserve des vérifications effectuées au titre du sixième alinéa du présent article, » ;

b) À la deuxième phrase du sixième alinéa, les mots : « casier judiciaire n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 3 du casier judiciaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 12, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

b) Le sixième alinéa est ainsi modifié :

- à la deuxième phrase, les mots : « casier judiciaire n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 2 du casier judiciaire » ;

- à la dernière phrase, les mots : « bulletin n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement, que j’ai à l’instant défendu, vise à permettre la transmission du bulletin n° 2 du casier judiciaire à la place du bulletin n° 3.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

L’adoption vraisemblable de ce texte dans la rédaction issue des travaux de la commission, et non dans celle du Gouvernement, présente un avantage : la navette parlementaire nous permettra d’améliorer encore ce projet de loi, notamment au regard des préconisations de Mme Imbert. Je suis très sensible au débat qui vient d’avoir lieu.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 12, tout en concevant qu’il puisse être encore amélioré dans le cadre de la navette parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je voudrais remercier Mme le ministre de son avis, qui envoie un signal dans la bonne direction.

Je voterai bien entendu l’amendement de M. Zocchetto.

Les explications du rapporteur montrent les limites de notre capacité à légiférer. Nous sommes en fait bloqués en raison de l’impossibilité du Gouvernement de mobiliser les moyens nécessaires à la circulation de cette information, impossibilité actuelle et sans doute encore d’actualité dans un avenir proche.

Or, dans cette situation extrêmement délicate et sensible, cette réponse apporte de l’eau au moulin de nos collègues Mézard et Collombat, qui nous ont expliqué qu’il était ici plus question d’affichage que de mesures concrètes. Nos concitoyens risquent d’être déçus de ce qui résultera de l’application de ce texte.

Cela me rappelle une intervention de M. Badinter qui, pour s’opposer à un amendement que nous avions déposé, à l’époque déjà, visant à ce que les maires soient informés de tous les délits constatés sur le territoire de leur commune, arguait de l’impossibilité de mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour répondre à cette demande.

Nous sommes dans une situation comparable ! Toutefois, Mme la ministre envisage, dans le cadre de la navette, d’améliorer la rédaction de cet amendement, pour répondre d’une manière aussi satisfaisante que possible à l’attente des présidents de conseil départemental.

Ne l’oublions pas, dans cette affaire, si le procureur fait de la rétention d’informations, c’est le président du conseil départemental qui risque d’être mis en accusation. Il faudra donc que le président du conseil départemental ait la faculté de se retourner contre le procureur ayant retenu l’information, au cas où un délit aurait été constaté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je vous remercie, madame la ministre, de l’avancée que vous venez de faire. Vous me rassurez, alors que le rapporteur avait soulevé en moi des inquiétudes et que je m’interrogeais sur l’intérêt d’adopter ce texte.

Il s’agit malheureusement d’un problème rencontré régulièrement.

Il y a tout de même une sacrée différence entre les deux versions du texte ! Aux termes de la première, le président du conseil départemental est prévenu par le procureur au moment de la constatation du délit, quand une condamnation ou une procédure pénale concerne le travailleur social ou un membre de sa famille. Aux termes de la seconde, l’envoi du bulletin n° 2 du casier judiciaire intervient, et encore pas systématiquement, au moment de la demande d’agrément. Or, je le rappelle, cet agrément est d’une durée de cinq ans, et est renouvelable.

Je vous remercie, madame la ministre, car nous avons besoin d’être soutenus dans cette affaire. Outre les difficultés juridiques, nous sommes confrontés à des problèmes budgétaires, compte tenu du nombre important d’enfants concernés. Je pense notamment aux familles déstructurées, de plus en plus nombreuses, ainsi qu’aux mineurs étrangers isolés, qui représentent une charge supplémentaire pour les départements. Vous connaissez bien ce problème, madame Lebranchu, et il n’est toujours pas réglé, je vous le rappelle !

Cette dépense obligatoire, qui n’est compensée par aucune recette de l’État, suscite de graves difficultés – ce ne sont pas les seules ! – aux départements et à ceux qui en ont la responsabilité directe, à savoir les présidents de conseil départemental.

Si nous n’avons ni les moyens ni la couverture juridique, nous ne pourrons pas effectuer le nécessaire travail de protection des mineurs, ce qui doit nous interpeller.

De nouveau, merci, madame la ministre. J’espère que vous serez soutenue par l’Assemblée nationale et que nous pourrons, grâce à la navette, améliorer ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je ne le dirai peut-être pas avec autant de fougue que mon collègue René-Paul Savary, mais je vous remercie, madame la ministre.

Chaque année, de telles situations sont présentées devant la commission consultative paritaire des assistants maternels et des assistants familiaux. Heureusement, elles restent rares ! En Charente-Maritime, on en rencontre une par an.

Selon moi, l’information doit pouvoir être transmise. Je compte sur vous, madame la ministre !

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

(Non modifié)

Au dernier alinéa de l’article L. 914-6 du code de l’éducation, les mots : « enseignement du second degré » sont remplacés par les mots : « enseignement du premier ou du second degré ». –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 1er de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 6, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi tendant à remplacer la présomption d’innocence par le principe « pas de fumée sans feu »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Le texte de cet amendement, qui a eu quelque peine à parvenir jusqu’à nous, a été trouvé dans une bouteille lancée à la mer…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il part du constat que nous assistons, depuis quelques années, à une évolution de fond : on ne juge plus les gens en fonction des actes qu’ils ont commis, mais en se fondant sur leur dangerosité supposée.

Nous avons eu la rétention de sûreté, une innovation à l’époque violemment combattue par la gauche. La mesure devait faire l’objet d’une modification, nous attendons toujours…

Puis nous avons eu la législation sur le terrorisme.

Nous avons aujourd'hui une législation nouvelle en matière de délits sexuels dont les victimes sont des enfants.

Il n’y a pas de raison de s’arrêter là ! Comme le dit le Premier ministre, expliquer, c’est déjà un peu excuser, et il ne faut pas excuser des actes aussi abominables.

Cet amendement vise simplement à reconnaître honnêtement ce fait. Finalement, loin d’établir un équilibre entre présomption d’innocence et principe de précaution, on consacre le nouveau principe de la justice française : il n’y a pas de fumée sans feu ! Et, comme il n’y a pas de fumée sans feu, il vaut mieux éteindre le feu !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je ne peux m’exprimer qu’à titre personnel, cet amendement n’ayant pas été étudié par la commission des lois, dans la mesure où il n’avait pas encore été transmis ce matin. Mais, heureusement, l’erreur est réparée, ce qui permet à notre collègue Pierre-Yves Collombat de redire d’un mot, avec une malice que je crois sérieuse, tout ce qu’il a développé au cours de nos débats.

C’est vrai, on peut s’étonner qu’un gouvernement qui tire sa légitimité d’un discours fondée sur la défense des libertés individuelles et de grands principes puisse proposer un texte comme celui-ci.

Pour ma part, je me félicite que certains nous aient rejoints dans l’appréciation des faits et sur la législation qui doit en découler.

Pour autant, cela reste surprenant. La majorité sénatoriale est satisfaite du grand pas en avant qui a été fait, tellement grand que nous avons d’ailleurs dû calmer le jeu, certains principes devant être respectés.

Je laisse le Sénat libre d’apprécier la proposition de M. Collombat. Toutefois, à titre personnel, je ne voterai pas cet amendement. J’espère que notre collègue ne m’en voudra pas !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Très sensible à la malice et à l’humour, je prendrai cet amendement sur le même ton…

Cela étant, le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en prends acte, vous considérez qu’il existe d’autres chemins que celui que propose le Gouvernement pour aboutir à l’efficacité recherchée dans la transmission d’informations par la justice, notamment à l’éducation nationale.

Je le regrette, car j’aurais souhaité que nous ayons dans cette assemblée la même unanimité que celle qui a prévalu à l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, ma détermination reste la même pour faire adopter, en l’améliorant sur certains points, le projet de loi tel que nous l’avons rédigé. En effet, l’équilibre que nous avons savamment obtenu et qui a été conforté par le Conseil d’État nous semble indispensable pour la protection des mineurs, tout en garantissant la présomption d’innocence.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la ministre, le Gouvernement a su proposer un texte qui permettra de trouver, pour l’essentiel, un équilibre difficile – M. Collombat vient de le dire – entre le principe de précaution et la présomption d’innocence.

Le principe de précaution doit s’appliquer, comme l’indique le Conseil d’État, lorsqu’il existe des risques de trouble grave à l’ordre public, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger des enfants.

En fait, vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, d’évoquer l’autorité judiciaire. Par ce texte, vous avez voulu lui donner, comme le préconisaient les rédacteurs du rapport de la mission, la possibilité d’établir une meilleure communication sur des sujets compliqués.

En effet, si l’information est évidente en cas de condamnation, même non définitive, elle demeure délicate pour ce qui concerne les procédures de mise en examen, et je ne reviens pas sur la position que nous avons clairement exprimée s’agissant de la garde à vue.

Pourtant, nous ne pourrons pas voter le texte tel qu’il a été modifié par la majorité sénatoriale, en raison de la défiance qu’il traduit à l’égard de l’autorité judiciaire, nous nous sommes déjà expliqués sur ce point. C’est dommage, c’était un bon texte. Nous nous abstiendrons donc avec regret, dans la mesure où nous aurions préféré retrouver, nonobstant des modifications, madame la ministre, l’unanimité que vous avez recueillie à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Contrairement à ce que vient de dire mon collègue, ce texte n’introduit aucun équilibre entre deux principes. La question est-elle d’ailleurs celle de l’équilibre ? Selon moi, il s’agirait plutôt de choisir la moins mauvaise solution…

Je regrette que l’on n’ait pas poussé plus loin l’analyse pour savoir combien de personnes pouvaient être concernées dans un cas et dans un autre. Et tout cela pour faire une loi de circonstance !

Pour ma part, j’ai toujours en mémoire l’affaire d’Outreau. Pendant des années, on a durci les lois et la procédure, parce qu’il fallait, disait-on, sauver les enfants et protéger les victimes. Et, un beau jour, on s’est aperçu que les victimes pouvaient aussi être celles d’une procédure un peu trop rapide, un peu trop accélérée. Conservons cette idée à l’esprit : aller trop loin dans un sens, c’est véritablement entraîner des dégâts considérables.

C’est pour cette raison que j’ai pris la peine d’essayer de déterminer combien de personnes pouvaient potentiellement être concernées. Nous sommes loin de l’équilibre, je ne reviendrai pas sur ce point. Progressivement, la présomption d’innocence se délite. Il n’en restera bientôt plus grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (projet n° 41, texte de la commission n° 275, rapport n° 274).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dans le moment de crise nationale que nous traversons – que nous avons traversé, je l’espère –, prend un relief particulier.

Les événements tragiques de l’année 2015 nous ont rappelé la solidité du lien qui unit les Français à leur fonction publique. Lorsque certains veulent attenter aux valeurs de notre République – en semant la terreur, en mettant à mal nos libertés fondamentales –, ils se heurtent à l’engagement sans faille de celles et ceux qui, chaque jour, œuvrent pour protéger, soigner, servir nos concitoyens.

Ne l’oublions pas : chaque jour, par leurs actes, tous les fonctionnaires construisent la République, chacun dans l’exercice de sa mission – qu’il s’agisse d’une mission de sécurité, de secours, de soins, ou de justice, d’éducation, de solidarité, de cohésion. Le service public est un édifice ; chaque agent participe de sa solidité.

Dans les temps troublés que nous vivons, il est important de se souvenir que l’action publique n’est pas désincarnée et qu’elle est portée par des hommes et des femmes qui, dans l’accomplissement de leur tâche, contribuent à enraciner la République dans tous les territoires de notre pays.

Le texte que vous vous apprêtez à examiner aujourd’hui rappelle l’importance du rôle dévolu aux fonctionnaires. Il ne se contente pourtant pas d’énoncer quelques principes symboliques : il contient des mesures précises qui, parce qu’elles s’intéressent aux droits et obligations des fonctionnaires, contribuent à renforcer la qualité de notre action publique.

Les enrichissements successifs dont ce projet de loi a bénéficié témoignent de l’intérêt que son élaboration a suscité.

Permettez-moi de rappeler que le projet de loi initial comprenait 59 articles ; nous avions fait le choix, en juin dernier, de réduire leur nombre à 25. Le projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, le 6 octobre dernier, compte 79 articles. Si tous les amendements qui visent à créer de nouveaux articles étaient adoptés, le texte final comporterait plus de 100 articles !

Une des grandes forces de ce texte – vous avez été nombreux à le souligner – est d’être commun aux trois versants de la fonction publique – d’État, territoriale et hospitalière. Ce projet de loi rappelle que, dans notre pays, l’action publique est une, et qu’elle est portée conjointement par les trois versants de notre fonction publique, qui est elle-même une.

En faisant le choix d’un texte commun à ces trois versants, nous réaffirmons la force de notre action publique. C’est important pour nos concitoyens, mais aussi pour les fonctionnaires eux-mêmes.

D’une part, nos concitoyens sont d’autant plus convaincus de l’utilité des fonctionnaires qu’ils bénéficient des fruits d’une action publique forte, une action publique qui concerne tous les aspects de la vie, sur tous les territoires.

D’autre part, en rappelant aux fonctionnaires l’importance de leur mission, nous les aidons à ne pas perdre le sens de ce qu’ils font et des valeurs qu’ils incarnent dans l’exercice quotidien de leurs tâches.

C’est une des raisons pour lesquelles ce texte, puisqu’il est commun aux trois piliers de la fonction publique, ne prévoit qu’une réforme limitée des centres de gestion, mesure qui concerne la seule fonction publique territoriale.

Consolider notre action publique, cela suppose également de disposer d’une fonction publique qui soit, pour les citoyens, exemplaire. C’est tout le sens du texte que vous examinez aujourd’hui.

Plusieurs mesures viennent renforcer l’exemplarité de notre fonction publique, qu’il s’agisse d’assurer la transparence des recrutements sans concours au premier grade de la catégorie C, ou de mieux encadrer la possibilité du cumul d’activités – sans l’interdire pour autant.

Sur ce dernier point, il me semble qu’un bon équilibre a été trouvé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, même si quelques problèmes demeurent avec un certain nombre d’entreprises s’agissant du cumul de l’occupation d’un emploi de fonctionnaire à temps complet avec le statut d’auto-entrepreneur – nous y reviendrons.

Dans le même ordre d’idées, ce projet de loi prévoit l’harmonisation des sanctions disciplinaires dans les trois versants de la fonction publique.

S’agissant de l’exclusion temporaire d’activité, je suis attachée à ce que l’exclusion de trois jours demeure une sanction du deuxième groupe, soumise donc à un conseil de discipline. Il s’agit d’une mesure aux conséquences lourdes pour les agents : l’interdiction, pour une durée maximale de trois jours, de se rendre sur son lieu de travail et la privation de salaire pendant la même période.

J’ajoute – en off, devrais-je dire, mais en on, parce que nous sommes au Sénat §– que ce type de sanction fait souvent naître une forme de sentiment d’humiliation et d’indignité dont la portée dépasse largement la sanction elle-même – nous en reparlerons au cours de notre débat.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Il y va de la préservation des droits de la défense des fonctionnaires concernés, liberté fondamentale de notre République.

Ce texte vise justement à conforter les libertés fondamentales des fonctionnaires, notamment grâce aux dispositions qui permettent de protéger les lanceurs d’alerte dans la fonction publique, ou de réformer la suspension de fonctions ou la procédure disciplinaire par l’instauration de la prescription de l’acte.

J’insiste sur le fait que ces libertés fondamentales sont les mêmes pour tous les fonctionnaires. De la même façon que ce texte assigne à tous les fonctionnaires, qu’ils soient civils ou militaires, des obligations déontologiques comparables, il leur reconnaît également des droits identiques.

Nombreux sont les agents publics qui ont le sentiment d’entretenir une relation distante avec leur hiérarchie. Ce projet de loi, en rénovant profondément le dispositif déontologique, remédier en partie à cet état de fait – du moins je l’espère. Il assigne au supérieur hiérarchique une responsabilité spécifique : celui-ci devient responsable du contrôle déontologique des missions exercées par les agents placés sous son autorité.

C’est dans cette optique qu’ont été renforcées les prérogatives de la Commission de déontologie de la fonction publique : elle se voit confortée dans sa mission de contrôle des départs des agents vers le secteur privé, et lui sont également confiées de nouvelles missions de conseil et d’accompagnement des chefs de service dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités déontologiques.

En ce qui concerne la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale me semble équilibré – nous en avons parlé en commission. L’équilibre trouvé entre les missions de la Commission de déontologie et les prérogatives de la HATVP me paraît satisfaisant.

Renforcer le dispositif déontologique, permettre aux agents de bénéficier des conseils de référents déontologues, c’est aussi une manière de mieux prendre en compte l’aspiration des fonctionnaires à davantage de responsabilités dans la conduite de leur carrière.

Ces référents devront être généralisés, de telle façon que chaque agent public puisse en disposer. Leur mise en place se fera sous la responsabilité des employeurs, avec le maximum de souplesse, selon les spécificités de leur organisation.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui tend d’ailleurs à simplifier la mobilité des fonctionnaires grâce à la simplification des positions statutaires, une initiative très attendue par nombre d’entre vous.

Sur ce point, permettez-moi d’indiquer ici que la mise en œuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, voulu par le Gouvernement, renouvellera les opportunités de carrière des fonctionnaires. Qu’il soit de catégorie C ou de catégorie A+, chaque fonctionnaire doit bénéficier d’un égal accès à la mobilité, c’est-à-dire du droit à la carrière. J’insiste : les fonctionnaires n’ont pas la garantie de l’emploi, mais la garantie de la carrière.

Dans le même esprit, j’ai souhaité que ce projet de loi contribue à l’amélioration de la situation des contractuels. Le dispositif de résorption de la précarité mis en place par la loi du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet » – du nom de mon prédécesseur – sera ainsi prolongé jusqu’en 2018 - et non pas 2020, si vous adoptez l’amendement qui a été déposé pour en modifier le terme. Il permettra aux contractuels éligibles d’accéder à la titularisation comme fonctionnaires.

Ces mesures sont l’occasion de rappeler aux employeurs publics leur obligation d’accompagner leurs agents dans l’exercice de leurs missions, notamment dans leurs relations avec les usagers du service public, lesquelles sont malheureusement parfois difficiles, dans notre pays où le lien social se distend.

Ainsi, le rappel, à l’article 1er du projet de loi, de la laïcité comme valeur fondamentale de notre République suppose que les employeurs publics proposent à leurs agents des formations à la laïcité, dans le cadre de leur formation initiale ou de leur formation continue.

Chaque fonctionnaire doit avoir connaissance des textes qui lui interdisent le port de signes religieux dans l’exercice de sa mission, mais aussi qui encadrent l’affichage de signes religieux dans l’espace public ou les lieux de service public.

Surtout, chaque fonctionnaire doit savoir pourquoi il est garant des principes de laïcité. Il doit savoir qu’il porte les valeurs de la République et contribue à ce que son pays soit celui des valeurs de la République, valeurs qui non seulement font la France, mais nous permettent de résister à toutes les tentatives de déstabilisation.

En ce début d’année 2016, ces valeurs nous permettent d’espérer.

En matière de laïcité, c’est souvent la méconnaissance du droit qui crée des interrogations, et donc de l’inquiétude. Un module de formation à la laïcité a d’ailleurs été mis en place il y a un an dans la fonction publique de l’État et est en voie de généralisation. À l’université, une douzaine de facultés de droit proposent un diplôme universitaire intitulé « Religions et société démocratique », également accessible aux fonctionnaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’achever mon propos en rappelant certaines des priorités que nous devons nous fixer pour bâtir la fonction publique de demain, une fonction publique qui soit à l’image de notre société et en reflète toute la diversité.

Dans le sillage des orientations dégagées par les comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté, nous devons travailler à ouvrir le recrutement dans la fonction publique à toutes les catégories sociales. Il est nécessaire de permettre aux jeunes issus de tous les territoires de la République de rejoindre, s’ils le souhaitent, les rangs de la fonction publique.

À cet égard, le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, s’engage à faciliter le déploiement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale en prenant en charge une partie des coûts de formation des apprentis. Si vous adoptez l’amendement du Gouvernement déposé en ce sens, le texte que vous examinez aujourd’hui consacrera cette nouvelle mission du CNFPT.

Nous avons, ensemble, un message fort à envoyer à nos jeunes concitoyens : la fonction publique a besoin d’eux et de leurs talents !

Ces mesures d’ouverture de la fonction publique nous aideront à consolider les liens qui unissent nos concitoyens à leur service public. Je garde en mémoire le souvenir marquant de ces élèves de classes préparatoires intégrées nous expliquant à quel point ils pensaient, auparavant, que la fonction publique n’était pas pour eux !

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est porteur de notre ambition pour la fonction publique, à la fois parce qu’il garantit que les missions des agents publics s’exercent dans le respect des valeurs républicaines, et parce qu’il assure à l’ensemble de nos concitoyens un service public exemplaire.

Je suis convaincue qu’en confortant l’exemplarité de sa fonction publique, notre nation se donne les moyens de relever les défis auxquels elle doit faire face, et d’être ainsi à la hauteur de ses responsabilités en Europe et dans le monde. Nous avons, en effet, trop souvent oublié de rappeler nos valeurs, de faire République, de faire Nation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Je le rappelle, ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 7 octobre dernier, après engagement de la procédure accélérée. Initialement, il avait été déposé par le Gouvernement au mois de juillet 2013 ; il a fait l’objet d’une lettre rectificative au mois de juin 2015.

Le Gouvernement souhaitait réduire le volume du projet de loi en renvoyant certaines dispositions à des ordonnances. Cette méthode a cependant échoué à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ayant réintroduit la plupart de ces dispositions dans le texte, qui ne comporte aujourd’hui pas moins de 80 articles.

On ne peut que déplorer la dispersion entre plusieurs textes adoptés depuis 2013 des dispositifs de transparence de la vie publique. À mon sens, il aurait été plus cohérent d’examiner ce texte en même temps que la loi sur la transparence de la vie publique : leurs objectifs sont comparables.

Ainsi que Mme la ministre l’a rappelé, le projet de loi comporte deux volets : l’un de clarification des obligations déontologiques des agents publics, l’autre de traduction des résultats du dialogue social dans la loi.

Au mois de décembre dernier, la commission des lois a adopté 138 amendements, en cherchant à atteindre deux objectifs.

Le premier objectif était d’articuler et de définir les dispositifs déontologiques applicables aux agents publics, afin d’en assurer l’efficacité et la lisibilité, en vue d’une harmonisation avec les dispositions adoptées antérieurement, pour les parlementaires, les membres du Gouvernement et les magistrats de l’ordre judiciaire.

Le second objectif que je me suis fixé en qualité de rapporteur est de garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs.

Comme je le disais en commençant, il est utile de rappeler le contexte. Le statut général est un socle fondamental, apte à évoluer. Mme la ministre a insisté tout à l’heure sur l’unicité de la fonction publique.

Le secteur public comprend 5, 4 millions d’agents, dont 40 % travaillent pour l’État, 35 % pour les collectivités territoriales et 21 % pour le secteur hospitalier. Parmi tous ces agents, seuls 70 % ont le statut de fonctionnaire.

Les agents de la fonction publique sont régis par un statut général constitué de quatre lois, adoptées entre 1983 et 1986.

Ce statut n’est évidemment pas intangible. Il a évolué pour répondre à l’évolution des modes d’exercice de l’action publique. Pas moins de 212 lois l’ont modifié depuis 1983 ! Il a aujourd'hui de nouveau vocation à évoluer, et ce pour deux raisons.

Premièrement, de nombreux principes déontologiques applicables aux fonctionnaires ne figurent pas explicitement dans le statut général.

En outre, l’effet dissuasif des sanctions disciplinaires ou pénales prévaut aujourd'hui en matière de déontologie, au détriment de l’action préventive. Le texte a également pour objectif de prévenir les conflits d’intérêts. En l’occurrence, le droit en vigueur prévoit uniquement un cadre répressif. Il manque aux agents un cadre préventif qui leur donne la possibilité d’éviter ou de faire cesser d’eux-mêmes un tel conflit. Nous changeons donc d’état d’esprit et de logique, en privilégiant la prévention par rapport à la sanction ou aux mesures répressives.

Deuxièmement, il faut mettre en œuvre les accords sociaux conclus entre l’État et les partenaires sociaux. Je pense notamment à l’accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations, ou PPCR.

Il importe de poursuivre certaines réformes du droit de la fonction publique. Je pense notamment à la loi du 12 mars 2012, dite « loi Sauvadet », dont l’ambition était de résorber la précarité dans la fonction publique.

Mme la ministre ayant déjà présenté les grands axes du projet de loi de manière pédagogique et exhaustive, je puis vous faire grâce d’une partie de l’intervention que j’avais préparée. §J’aborderai donc dès à présent les apports de la commission des lois du Sénat. Car nous avons pris des initiatives.

Tout d’abord, nous nous sommes fixé comme objectif de renforcer l’efficacité du contrôle déontologique en simplifiant les procédures.

Il s’agit de mieux articuler et de définir les différents dispositifs déontologiques.

Nous vous proposons de consacrer au plan législatif le devoir de réserve, en vue non de remettre en cause la jurisprudence en la matière, mais de la conforter.

Nous souhaitons doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique des mêmes prérogatives pour le contrôle des déclarations des fonctionnaires que celles qu’elle exerce pour le contrôle des responsables politiques.

Nous suggérons également d’assurer la constitutionnalité des dispositifs déontologiques.

D’abord, il faut écarter l’insertion de la déclaration d’intérêts dans le dossier du fonctionnaire. Ensuite, il importe de circonscrire plus précisément le périmètre des fonctionnaires tenus de confier la gestion de leurs instruments financiers à des tiers. Enfin, il convient de prévoir l’envoi de la déclaration patrimoniale après la nomination du fonctionnaire, et non avant, car elle permet de contrôler l’évolution du patrimoine uniquement pendant l’exercice des fonctions publiques, et non antérieurement à celui-ci.

Nous recommandons aussi de débattre du rôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. J’avais proposé que la Commission de déontologie soit intégrée à la Haute Autorité à compter du 1er janvier 2019, afin d’assurer une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité du dispositif. Au terme d’un débat approfondi, notre commission a toutefois considéré qu’il convenait, avant cette extension des compétences de la Haute Autorité, de dresser un premier bilan de son action depuis sa création, en 2013. D’ailleurs, nous avons eu ce matin un débat sur l’opportunité d’adopter des amendements, en considérant qu’il faudrait peut-être procéder à une évaluation avant d’aller plus loin dans certaines dispositions.

Certains remettent également en cause la pertinence de confier les missions de la Commission de déontologie à une autorité administrative indépendante. Le débat demeure. Mme Di Folco défendra un amendement dont le dispositif reprend ce que j’avais proposé. Cela permettra à chacun de s’exprimer sur l’intérêt d’adopter une telle mesure, sinon aujourd'hui, du moins à terme.

Nous avons aussi pour objectifs d’harmoniser et de préciser les règles applicables aux magistrats administratifs et financiers. Cette proposition a été retenue par la commission.

Nous souhaitons harmoniser ce texte et le projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, que nous avons adopté au mois de novembre dernier, notre collègue François Pillet étant rapporteur.

C’est le cas de la transmission de la déclaration d’intérêts après l’entretien déontologique, et non avant, et de la transmission de la déclaration d’intérêts au collège de déontologie uniquement en cas de doute du supérieur hiérarchique, afin de ne pas surcharger le collège.

Ce matin, la commission a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à donner la possibilité au candidat de modifier sa déclaration d’intérêts après cet entretien.

Un travail préalable a été réalisé au début du mois de janvier avec le ministère de la défense et la DGFAP, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, pour étendre les dispositions déontologiques du présent projet de loi aux militaires. Un équilibre globalement satisfaisant semble avoir été trouvé ; nous le verrons en examinant les amendements de séance que le Gouvernement a déposés et que nous avons examinés en toute fin de parcours.

Nous voulons aussi garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs. Nous voici dans le deuxième volet.

Afin de garantir les droits des agents publics, nous souhaitons un assouplissement du régime de cumul d’activités, pour ne pas supprimer la capacité entrepreneuriale des fonctionnaires, et la prolongation du plan de titularisation « Sauvadet » jusqu’en 2020. Je propose également l’aménagement de l’exclusion temporaire pour une durée maximale de trois jours, avec la faculté pour le fonctionnaire de demander la réunion préalable du conseil de discipline.

J’ai bien noté qu’il y avait débat sur ce point, madame la ministre. J’ai essayé de trouver une solution de compromis, mais je n’ai pas l’assurance qu’elle pourra satisfaire à la fois les personnes qui partagent votre position en faveur du maintien de cette sanction dans le deuxième groupe et les autres, qui voudraient qu’elle relève du premier groupe. Le débat n’est donc pas clos.

Je propose également le rétablissement de la présidence par un magistrat administratif des conseils de discipline de la fonction publique territoriale. Lors des auditions, cette demande était unanime.

Je vous propose encore de renforcer la fluidité de la gestion des ressources humaines par le maintien de la faculté de recourir au travail intérimaire et par la modulation dans la fonction publique territoriale de la part de la prime d’intéressement collectif perçue par chaque fonctionnaire d’un service en fonction de son engagement professionnel et de sa manière de servir. Je suggère aussi de porter de deux à trois ans la durée maximale, dans la fonction publique territoriale, des contrats destinés à pourvoir des vacances temporaires d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

Nous avons la volonté de ne pas alourdir la procédure de recrutement sans concours d’agents de catégorie C.

Enfin, pour réformer les centres de gestion, nous suggérons d’accroître la mutualisation au niveau régional et de conforter certaines compétences. Le débat se poursuivra en séance. Quatre amendements ont été déposés sur ce thème, notamment par notre collègue Catherine Di Folco.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des lois a clarifié ce texte et en a accru l’efficacité. J’espère que, sous le bénéfice de ces observations, nous serons unanimes pour adopter le présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement propose de préciser les obligations déontologiques des militaires : c’est l’objet de son amendement n° 84 rectifié, portant article additionnel après l’article 2.

La rédaction retenue pour les militaires dépendra des débats et des votes qui seront intervenus pour les fonctionnaires, du chapitre Ier au chapitre III du titre Ier du projet de loi.

C’est pourquoi, monsieur le président, la commission souhaite réserver l’examen et le vote de cet amendement jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9, avant d’entamer l’examen du chapitre IV, qui porte sur la déontologie des membres des juridictions administratives et financières. De cette manière, le Sénat pourra adopter une position cohérente sur le statut des militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis donc saisi par la commission des lois d’une demande de réserve de l’amendement n° 84 rectifié du Gouvernement portant article additionnel après l’article 2, jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons tous été ici des employeurs publics ; certains d’entre nous le sont même encore. Et nous représentons les collectivités territoriales, qui emploient 1, 9 million d’agents.

Nous connaissons tous la qualité de ces fonctionnaires, qui se consacrent au quotidien à leurs concitoyens. Ils doivent pouvoir mener à bien leurs missions de service public dans des conditions favorables. Toutefois, les droits dont ils bénéficient doivent nécessairement s’accompagner de devoirs inhérents à leur position. Le texte dont nous commençons l’examen présente plusieurs apports dans le sens de cet équilibre.

Ce projet de loi clarifie les obligations déontologiques des agents publics, qui trouvent son origine dans l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » Il octroie également de nouveaux droits aux fonctionnaires et en consolide les obligations.

Les règles statutaires applicables à ces agents ont vocation à évoluer, pour éviter toute disparité non seulement par rapport au secteur privé et à son actualité, mais également entre les trois versants de la fonction publique – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

S’agissant des disparités par rapport au secteur privé, je tiens à préciser que l’initiative de M. de Montgolfier de proposer l’instauration de trois jours de carence pour les fonctionnaires est soutenue par mon groupe. Il s’agit d’une mesure d’équité, qui plus est bénéfique pour les finances publiques.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Pas tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la ministre, nous devons concilier les droits des fonctionnaires avec les impératifs des employeurs publics, confrontés à des tensions financières.

En France, la fonction publique génère trop souvent des passions qui nous font oublier les aménagements propres à la maintenir efficace. On l’oppose au monde de l’entreprise, comme si les deux devaient s’affronter : l’une est protégée, alors que l’autre ne l’est pas, la première refuse le changement, alors que le second y est contraint.

Or la fonction publique est, elle aussi, confrontée à ses propres besoins de souplesse. Il faut donc concilier la simplification et l’efficacité des procédures relatives à la déontologie, d’une part, avec le renforcement des droits des agents publics, d’autre part, le tout avec comme objectif l’efficacité du service public.

Pour notre groupe, cette souplesse est essentielle. Nous pensons que le concours doit demeurer la règle d’accès à la fonction publique. Cependant, il ne doit pas empêcher l’existence de contrats, plus souples, liée à des besoins momentanés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

De tels contrats servent au premier chef les usagers mêmes du service public et le principe d’intérêt général qui en gouverne l’action.

Ainsi, le maintien au recours à l’intérim dans l’ensemble des fonctions publiques ou l’allégement de la procédure de recrutement d’agents de catégorie C nous semblent des outils importants.

Quoique nous soyons attachés au statut général de la fonction publique, nous ne croyons pas que celui-ci soit immuable. Il peut évoluer, sans pour autant priver les fonctionnaires de la protection qui est nécessaire à l’exercice de leurs missions.

Ce statut a d’ailleurs déjà beaucoup évolué ; Bernard Pêcheur, dans son rapport, recense 212 lois qui ont modifié le statut général depuis trente ans. C’est beaucoup et cela montre combien l’assouplissement dont nous parlons est nécessaire. Il en va ainsi de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », qui a notamment ouvert la possibilité de titulariser des agents non titulaires par l’intermédiaire d’examens professionnels, de concours réservés ou de recrutements sans concours.

On voit donc que l’on peut, concrètement, améliorer et consolider la situation des agents contractuels tout en assouplissant l’activité de la fonction publique et en l’adaptant à des besoins en perpétuelle évolution. Pour autant, cet assouplissement n’est pas et ne doit pas être synonyme de précarité : il peut s’accompagner d’un renforcement de la protection des agents.

La commission des lois du Sénat a tenu, par la voix de son rapporteur, à maintenir cet équilibre ; nous l’en remercions. Nous proposerons certaines évolutions complémentaires à la marge.

Ainsi, nous proposerons que l’employeur qui ne rétablit pas dans ses fonctions initiales un agent mis en cause, après le délai de suspension et en l’attente d’éventuelles poursuites judiciaires, motive sa décision.

Nous appuierons également la suppression de la possibilité d’une saisine du conseil de discipline pour le fonctionnaire qui se voit infliger une exclusion temporaire de fonction de trois jours maximum. Cette nouvelle possibilité contraindrait de façon trop importante les collectivités territoriales, qui ont besoin de ce type de mesures pour assurer une discipline au sein de leur administration. Nous l’appuierons d’autant plus sereinement qu’il existe d’ores et déjà des possibilités d’actions permettant à l’agent concerné de voir ses droits à la défense respectés. En d’autres termes, nous souhaitons revenir au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

S’agissant des ressources humaines, le Sénat doit accompagner la commission dans sa volonté d’en fluidifier la gestion. Le groupe de l’UDI-UC croit qu’une bonne gestion est bénéfique pour l’exécution des missions et pour les finances des employeurs publics ; c’est l’une des clefs de l’efficacité.

Cette efficacité peut se trouver dans les compétences des centres de gestion, mais nous ne souhaitons pas que ces derniers se voient imposer ou prennent trop de compétences obligatoires. Il nous semble important que le recours à ces centres de gestion demeure en partie souple et que les collectivités qui en sont membres puissent, comme elles le souhaitent, décider de conserver une partie de la gestion des ressources humaines ou de la confier aux centres de gestion.

C’est pourquoi nous soutenons la suppression de l’ajout de deux compétences obligatoires aux centres de gestion, que sont la gestion administrative des comptes épargne-temps ainsi que la tenue du dossier individuel de chaque agent.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, notre groupe, dans sa très large majorité, s’apprête à soutenir ce projet de loi, tel qu’il a été amendé par la commission des lois et dont nous tenterons d’améliorer encore les dispositions grâce à nos travaux en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.