Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Je le rappelle, ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 7 octobre dernier, après engagement de la procédure accélérée. Initialement, il avait été déposé par le Gouvernement au mois de juillet 2013 ; il a fait l’objet d’une lettre rectificative au mois de juin 2015.

Le Gouvernement souhaitait réduire le volume du projet de loi en renvoyant certaines dispositions à des ordonnances. Cette méthode a cependant échoué à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ayant réintroduit la plupart de ces dispositions dans le texte, qui ne comporte aujourd’hui pas moins de 80 articles.

On ne peut que déplorer la dispersion entre plusieurs textes adoptés depuis 2013 des dispositifs de transparence de la vie publique. À mon sens, il aurait été plus cohérent d’examiner ce texte en même temps que la loi sur la transparence de la vie publique : leurs objectifs sont comparables.

Ainsi que Mme la ministre l’a rappelé, le projet de loi comporte deux volets : l’un de clarification des obligations déontologiques des agents publics, l’autre de traduction des résultats du dialogue social dans la loi.

Au mois de décembre dernier, la commission des lois a adopté 138 amendements, en cherchant à atteindre deux objectifs.

Le premier objectif était d’articuler et de définir les dispositifs déontologiques applicables aux agents publics, afin d’en assurer l’efficacité et la lisibilité, en vue d’une harmonisation avec les dispositions adoptées antérieurement, pour les parlementaires, les membres du Gouvernement et les magistrats de l’ordre judiciaire.

Le second objectif que je me suis fixé en qualité de rapporteur est de garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs.

Comme je le disais en commençant, il est utile de rappeler le contexte. Le statut général est un socle fondamental, apte à évoluer. Mme la ministre a insisté tout à l’heure sur l’unicité de la fonction publique.

Le secteur public comprend 5, 4 millions d’agents, dont 40 % travaillent pour l’État, 35 % pour les collectivités territoriales et 21 % pour le secteur hospitalier. Parmi tous ces agents, seuls 70 % ont le statut de fonctionnaire.

Les agents de la fonction publique sont régis par un statut général constitué de quatre lois, adoptées entre 1983 et 1986.

Ce statut n’est évidemment pas intangible. Il a évolué pour répondre à l’évolution des modes d’exercice de l’action publique. Pas moins de 212 lois l’ont modifié depuis 1983 ! Il a aujourd'hui de nouveau vocation à évoluer, et ce pour deux raisons.

Premièrement, de nombreux principes déontologiques applicables aux fonctionnaires ne figurent pas explicitement dans le statut général.

En outre, l’effet dissuasif des sanctions disciplinaires ou pénales prévaut aujourd'hui en matière de déontologie, au détriment de l’action préventive. Le texte a également pour objectif de prévenir les conflits d’intérêts. En l’occurrence, le droit en vigueur prévoit uniquement un cadre répressif. Il manque aux agents un cadre préventif qui leur donne la possibilité d’éviter ou de faire cesser d’eux-mêmes un tel conflit. Nous changeons donc d’état d’esprit et de logique, en privilégiant la prévention par rapport à la sanction ou aux mesures répressives.

Deuxièmement, il faut mettre en œuvre les accords sociaux conclus entre l’État et les partenaires sociaux. Je pense notamment à l’accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations, ou PPCR.

Il importe de poursuivre certaines réformes du droit de la fonction publique. Je pense notamment à la loi du 12 mars 2012, dite « loi Sauvadet », dont l’ambition était de résorber la précarité dans la fonction publique.

Mme la ministre ayant déjà présenté les grands axes du projet de loi de manière pédagogique et exhaustive, je puis vous faire grâce d’une partie de l’intervention que j’avais préparée. §J’aborderai donc dès à présent les apports de la commission des lois du Sénat. Car nous avons pris des initiatives.

Tout d’abord, nous nous sommes fixé comme objectif de renforcer l’efficacité du contrôle déontologique en simplifiant les procédures.

Il s’agit de mieux articuler et de définir les différents dispositifs déontologiques.

Nous vous proposons de consacrer au plan législatif le devoir de réserve, en vue non de remettre en cause la jurisprudence en la matière, mais de la conforter.

Nous souhaitons doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique des mêmes prérogatives pour le contrôle des déclarations des fonctionnaires que celles qu’elle exerce pour le contrôle des responsables politiques.

Nous suggérons également d’assurer la constitutionnalité des dispositifs déontologiques.

D’abord, il faut écarter l’insertion de la déclaration d’intérêts dans le dossier du fonctionnaire. Ensuite, il importe de circonscrire plus précisément le périmètre des fonctionnaires tenus de confier la gestion de leurs instruments financiers à des tiers. Enfin, il convient de prévoir l’envoi de la déclaration patrimoniale après la nomination du fonctionnaire, et non avant, car elle permet de contrôler l’évolution du patrimoine uniquement pendant l’exercice des fonctions publiques, et non antérieurement à celui-ci.

Nous recommandons aussi de débattre du rôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. J’avais proposé que la Commission de déontologie soit intégrée à la Haute Autorité à compter du 1er janvier 2019, afin d’assurer une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité du dispositif. Au terme d’un débat approfondi, notre commission a toutefois considéré qu’il convenait, avant cette extension des compétences de la Haute Autorité, de dresser un premier bilan de son action depuis sa création, en 2013. D’ailleurs, nous avons eu ce matin un débat sur l’opportunité d’adopter des amendements, en considérant qu’il faudrait peut-être procéder à une évaluation avant d’aller plus loin dans certaines dispositions.

Certains remettent également en cause la pertinence de confier les missions de la Commission de déontologie à une autorité administrative indépendante. Le débat demeure. Mme Di Folco défendra un amendement dont le dispositif reprend ce que j’avais proposé. Cela permettra à chacun de s’exprimer sur l’intérêt d’adopter une telle mesure, sinon aujourd'hui, du moins à terme.

Nous avons aussi pour objectifs d’harmoniser et de préciser les règles applicables aux magistrats administratifs et financiers. Cette proposition a été retenue par la commission.

Nous souhaitons harmoniser ce texte et le projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, que nous avons adopté au mois de novembre dernier, notre collègue François Pillet étant rapporteur.

C’est le cas de la transmission de la déclaration d’intérêts après l’entretien déontologique, et non avant, et de la transmission de la déclaration d’intérêts au collège de déontologie uniquement en cas de doute du supérieur hiérarchique, afin de ne pas surcharger le collège.

Ce matin, la commission a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à donner la possibilité au candidat de modifier sa déclaration d’intérêts après cet entretien.

Un travail préalable a été réalisé au début du mois de janvier avec le ministère de la défense et la DGFAP, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, pour étendre les dispositions déontologiques du présent projet de loi aux militaires. Un équilibre globalement satisfaisant semble avoir été trouvé ; nous le verrons en examinant les amendements de séance que le Gouvernement a déposés et que nous avons examinés en toute fin de parcours.

Nous voulons aussi garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs. Nous voici dans le deuxième volet.

Afin de garantir les droits des agents publics, nous souhaitons un assouplissement du régime de cumul d’activités, pour ne pas supprimer la capacité entrepreneuriale des fonctionnaires, et la prolongation du plan de titularisation « Sauvadet » jusqu’en 2020. Je propose également l’aménagement de l’exclusion temporaire pour une durée maximale de trois jours, avec la faculté pour le fonctionnaire de demander la réunion préalable du conseil de discipline.

J’ai bien noté qu’il y avait débat sur ce point, madame la ministre. J’ai essayé de trouver une solution de compromis, mais je n’ai pas l’assurance qu’elle pourra satisfaire à la fois les personnes qui partagent votre position en faveur du maintien de cette sanction dans le deuxième groupe et les autres, qui voudraient qu’elle relève du premier groupe. Le débat n’est donc pas clos.

Je propose également le rétablissement de la présidence par un magistrat administratif des conseils de discipline de la fonction publique territoriale. Lors des auditions, cette demande était unanime.

Je vous propose encore de renforcer la fluidité de la gestion des ressources humaines par le maintien de la faculté de recourir au travail intérimaire et par la modulation dans la fonction publique territoriale de la part de la prime d’intéressement collectif perçue par chaque fonctionnaire d’un service en fonction de son engagement professionnel et de sa manière de servir. Je suggère aussi de porter de deux à trois ans la durée maximale, dans la fonction publique territoriale, des contrats destinés à pourvoir des vacances temporaires d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

Nous avons la volonté de ne pas alourdir la procédure de recrutement sans concours d’agents de catégorie C.

Enfin, pour réformer les centres de gestion, nous suggérons d’accroître la mutualisation au niveau régional et de conforter certaines compétences. Le débat se poursuivra en séance. Quatre amendements ont été déposés sur ce thème, notamment par notre collègue Catherine Di Folco.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des lois a clarifié ce texte et en a accru l’efficacité. J’espère que, sous le bénéfice de ces observations, nous serons unanimes pour adopter le présent projet de loi.

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