Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2016 à 10h17
Accès au logement social pour le plus grand nombre — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur :

Cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) sera examinée dans le cadre de leur « espace réservé » le 4 février prochain.

Ses auteurs dressent un constat assez sombre que nous partageons largement, tant les résultats des politiques du logement sont décevants. La crise du logement, cependant, est fortement territorialisée avec, d'une part, des zones « tendues », en particulier l'Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), les grandes métropoles régionales, les zones frontalières de la Suisse et, d'autre part, des zones où il n'y a pas de problèmes de production de logement neufs, l'offre étant largement supérieure à la demande, mais où l'on rencontre plutôt des problèmes de qualité des logements, par exemple en matière de rénovation énergétique.

Nos collègues considèrent que la crise du logement provient principalement de la réduction des aides publiques consacrées au logement social - en particulier les aides à la pierre - et d'une régulation insuffisante du parc privé, source de renchérissement des prix.

Ils estiment également que les promesses formulées par le Président de la République lors de sa campagne de 2012 de réaliser 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ne pourront être honorées d'ici 2017, et ils entendent donc, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, « redéfinir les priorités » de la politique du logement et proposer « des outils permettant une baisse effective des loyers et la construction de logements adaptés pour tous ».

Mais au-delà du nombre de logements construits et du prix des loyers, nos collègues ont également souhaité poser le problème de la mixité sociale dans le parc HLM et y apporter une réponse.

Voilà pour l'ambition affichée de ce texte : elle n'est pas mince.

La politique en faveur du logement représente une dépense publique de plus de 40 milliards d'euros, dont 16 milliards sont destinés au financement du logement social. Son pilotage est médiocre, faute d'outillage statistique fiable, comme nous l'avions souligné dans le rapport de notre groupe de travail sur la fiscalité du logement en septembre dernier.

Nos collègues du groupe CRC nous proposent une politique du logement alternative, qui repose sur une augmentation des crédits consacrés aux aides à la pierre et sur une mobilisation des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations pour financer la construction de nouveaux logements sociaux et la réhabilitation des logements dégradés du parc existant.

Pour abonder le financement du logement social, ils nous proposent de mettre fin aux dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement locatif des particuliers dans le parc privé, dont, selon leurs termes, « l'efficacité sociale » serait « plus que limitée » et qui viendraient alimenter « une rente » tout en créant « des effets d'aubaine ».

L'article 1er supprime le dispositif « Pinel » de soutien à l'investissement locatif dans le logement intermédiaire.

Pour favoriser la mixité sociale au sein du parc HLM, l'article 2 augmente de 10,3 % les plafonds de ressources des différentes catégories de logements sociaux (PLA-I, PLUS, PLS et même PLI), revenant ainsi sur la baisse opérée en 2009 à l'initiative de Christine Boutin dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion - qui ne faisait en fait qu'ajuster ces plafonds à une période d'augmentation soutenue du salaire minimum.

La construction de nouveaux logements sociaux devenant indispensable avec ces nouveaux plafonds, nos collègues nous proposent de dégager les moyens nécessaires via l'abrogation du « Pinel ».

L'article 3, enfin, est un gage.

Si je considère, à l'instar des auteurs de la proposition de loi, que la politique du logement actuellement menée présente des résultats insuffisants, notamment au regard du montant des dépenses publiques qui y sont consacrées, j'estime néanmoins qu'il convient de ne pas adopter ces différents articles, et, par conséquent, de ne pas adopter cette proposition de loi.

Relever les seuils comme nos collègues nous le proposent ici, reviendrait à ouvrir le logement social à quasiment toute la population. Aujourd'hui, 30,2 % des ménages sont déjà éligibles aux PLA-I, les logements sociaux destinés aux plus défavorisés et 65,5 % des ménages peuvent demander à se loger dans un logement financé grâce à un PLUS. Quant aux PLS et aux PLI, ils sont déjà respectivement accessibles à 81,4 % et 86,9 % des ménages. Or, 60 % des familles logées en PLUS sont sous plafond du PLAI, c'est-à-dire qu'elles sont en droit d'accéder à un logement moins onéreux, signe que le véritable problème réside dans le fait que nous ne disposons pas des logements adaptés aux ressources des ménages. Le relèvement des plafonds ne ferait qu'accentuer ce défaut.

Comment améliorer la mixité sociale ? En imposant une part de PLAI et de PLUS dans les programmes de construction, mais aussi en agissant sur le parc ancien, où des pistes existent, comme la remise en ordre des loyers : nous en débattrons lors de l'examen du projet de loi « Égalité des territoires et citoyenneté », annoncé avant l'été.

Quant à la suppression du « Pinel », je n'y suis pas favorable. D'abord, parce que les acteurs demandent de la stabilité fiscale. Or ce dispositif n'a qu'un an et quatre mois.

En outre, il paraît mieux calibré que ne l'était le « Duflot ». D'après les professionnels de l'immobilier - l'administration, elle, ne dispose que des chiffres des quatre derniers mois de 2014 -, le « Pinel » aurait permis la construction de 47 000 logements en 2015 : la situation paraît donc évoluer dans la bonne direction.

Pour ces différentes raisons, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi.

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