La réunion

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La réunion est ouverte à 10 h 17

Puis la commission examine le rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur, sur la proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel Le Scouarnec et plusieurs de ses collègues (256, 2015-2016).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) sera examinée dans le cadre de leur « espace réservé » le 4 février prochain.

Ses auteurs dressent un constat assez sombre que nous partageons largement, tant les résultats des politiques du logement sont décevants. La crise du logement, cependant, est fortement territorialisée avec, d'une part, des zones « tendues », en particulier l'Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), les grandes métropoles régionales, les zones frontalières de la Suisse et, d'autre part, des zones où il n'y a pas de problèmes de production de logement neufs, l'offre étant largement supérieure à la demande, mais où l'on rencontre plutôt des problèmes de qualité des logements, par exemple en matière de rénovation énergétique.

Nos collègues considèrent que la crise du logement provient principalement de la réduction des aides publiques consacrées au logement social - en particulier les aides à la pierre - et d'une régulation insuffisante du parc privé, source de renchérissement des prix.

Ils estiment également que les promesses formulées par le Président de la République lors de sa campagne de 2012 de réaliser 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ne pourront être honorées d'ici 2017, et ils entendent donc, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, « redéfinir les priorités » de la politique du logement et proposer « des outils permettant une baisse effective des loyers et la construction de logements adaptés pour tous ».

Mais au-delà du nombre de logements construits et du prix des loyers, nos collègues ont également souhaité poser le problème de la mixité sociale dans le parc HLM et y apporter une réponse.

Voilà pour l'ambition affichée de ce texte : elle n'est pas mince.

La politique en faveur du logement représente une dépense publique de plus de 40 milliards d'euros, dont 16 milliards sont destinés au financement du logement social. Son pilotage est médiocre, faute d'outillage statistique fiable, comme nous l'avions souligné dans le rapport de notre groupe de travail sur la fiscalité du logement en septembre dernier.

Nos collègues du groupe CRC nous proposent une politique du logement alternative, qui repose sur une augmentation des crédits consacrés aux aides à la pierre et sur une mobilisation des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations pour financer la construction de nouveaux logements sociaux et la réhabilitation des logements dégradés du parc existant.

Pour abonder le financement du logement social, ils nous proposent de mettre fin aux dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement locatif des particuliers dans le parc privé, dont, selon leurs termes, « l'efficacité sociale » serait « plus que limitée » et qui viendraient alimenter « une rente » tout en créant « des effets d'aubaine ».

L'article 1er supprime le dispositif « Pinel » de soutien à l'investissement locatif dans le logement intermédiaire.

Pour favoriser la mixité sociale au sein du parc HLM, l'article 2 augmente de 10,3 % les plafonds de ressources des différentes catégories de logements sociaux (PLA-I, PLUS, PLS et même PLI), revenant ainsi sur la baisse opérée en 2009 à l'initiative de Christine Boutin dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion - qui ne faisait en fait qu'ajuster ces plafonds à une période d'augmentation soutenue du salaire minimum.

La construction de nouveaux logements sociaux devenant indispensable avec ces nouveaux plafonds, nos collègues nous proposent de dégager les moyens nécessaires via l'abrogation du « Pinel ».

L'article 3, enfin, est un gage.

Si je considère, à l'instar des auteurs de la proposition de loi, que la politique du logement actuellement menée présente des résultats insuffisants, notamment au regard du montant des dépenses publiques qui y sont consacrées, j'estime néanmoins qu'il convient de ne pas adopter ces différents articles, et, par conséquent, de ne pas adopter cette proposition de loi.

Relever les seuils comme nos collègues nous le proposent ici, reviendrait à ouvrir le logement social à quasiment toute la population. Aujourd'hui, 30,2 % des ménages sont déjà éligibles aux PLA-I, les logements sociaux destinés aux plus défavorisés et 65,5 % des ménages peuvent demander à se loger dans un logement financé grâce à un PLUS. Quant aux PLS et aux PLI, ils sont déjà respectivement accessibles à 81,4 % et 86,9 % des ménages. Or, 60 % des familles logées en PLUS sont sous plafond du PLAI, c'est-à-dire qu'elles sont en droit d'accéder à un logement moins onéreux, signe que le véritable problème réside dans le fait que nous ne disposons pas des logements adaptés aux ressources des ménages. Le relèvement des plafonds ne ferait qu'accentuer ce défaut.

Comment améliorer la mixité sociale ? En imposant une part de PLAI et de PLUS dans les programmes de construction, mais aussi en agissant sur le parc ancien, où des pistes existent, comme la remise en ordre des loyers : nous en débattrons lors de l'examen du projet de loi « Égalité des territoires et citoyenneté », annoncé avant l'été.

Quant à la suppression du « Pinel », je n'y suis pas favorable. D'abord, parce que les acteurs demandent de la stabilité fiscale. Or ce dispositif n'a qu'un an et quatre mois.

En outre, il paraît mieux calibré que ne l'était le « Duflot ». D'après les professionnels de l'immobilier - l'administration, elle, ne dispose que des chiffres des quatre derniers mois de 2014 -, le « Pinel » aurait permis la construction de 47 000 logements en 2015 : la situation paraît donc évoluer dans la bonne direction.

Pour ces différentes raisons, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Merci pour cette présentation honnête de notre texte. Vous constatez comme nous que, malgré les dispositifs anciens et nombreux censés faciliter la construction par de l'incitation fiscale, quelque 1,7 million de demandes de logement social restent insatisfaites. Nous aurons le débat en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je partage le constat de nos collègues du groupe CRC, notre politique du logement est inadaptée : elle est très coûteuse, pour des résultats décevants, la Cour des comptes nous le rappelle fréquemment. Nous avons donc besoin de refondre l'ensemble de nos dispositifs, d'être bien plus audacieux pour le parc ancien, où les enjeux sont très importants. Cependant, je ne crois pas que la suppression du « Pinel » serait bénéfique, sans la réforme de fond que je viens d'évoquer : au contraire, elle pénaliserait encore le secteur de la construction, sans résoudre le problème. Je voterai donc contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je partage les objectifs et les constats de cette proposition de loi, conformes à ceux de notre groupe de travail, et j'ajouterai que nos politiques du logement sont insuffisamment territorialisées, que nous n'avons pas nécessairement besoin des mêmes outils ni du même déploiement dans les zones « tendues » et dans celles où la vacance est forte. Cependant, le « Pinel », qui a été élargi, assoupli, facilité, a contribué à la hausse de 23 % des ventes de logements neufs l'an passé et des mises en location de logement neufs : ce n'est certainement pas le moment de le supprimer.

J'ai la même position, négative, sur l'article 2, qui rehausse le plafond d'éligibilité au point que tout le monde deviendrait éligible au logement social : un tel relèvement augmenterait les files d'attentes, tout en écartant les ménages les plus pauvres, ceux qui en ont le plus besoin. Enfin, une telle mesure viendrait diminuer les recettes tirées des surloyers.

L'article 3, qui gage ces mesures sur une diminution du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), me paraît une provocation... Le problème n'est pas le montant des moyens consacrés aux politiques du logement, mais leur efficacité.

Je voterai donc contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

L'aide à la pierre dans le privé est financée par la solidarité nationale - via notamment le « Pinel » - alors que l'aide à la pierre dans le logement social est financée par les locataires via la mutualisation des moyens des offices HLM au sein du Fonds national des aides à la pierre : c'est une injustice flagrante que démasque, derrière les termes techniques et les circuits si complexes de la politique du logement, l'expertise des gestionnaires de terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je partage le constat des auteurs de la proposition de loi même si la situation est loin d'être la même sur tout le territoire.

Sur la question de la mutualisation des moyens des offices HLM dans le cadre du Fonds national des aides à la pierre, je partage le diagnostic de Jean-Claude Boulard : il me paraît peu équitable que les aides à la pierre pour le logement social soient financées uniquement par les locataires. En outre, cela revient à faire de la solidarité inversée, puisqu'on transfère des crédits des territoires en perte de vitesse aux territoires plus dynamiques, dans la mesure où s'opère une redistribution des organismes des zones détendues vers ceux des zones tendues. Il en va du reste de même avec les crédits d'Action logement.

Il faut prendre garde au décalage croissant entre les zones tendues, où les outils sont bien mobilisés en particulier pour la rénovation énergétique, et les zones moins denses, où la rénovation manque de moyens : on aggrave la fracture territoriale, avec des logements confortables et aux normes thermiques dans les zones dynamiques et des logements peu attractifs dans les zones moins urbanisées.

J'ajoute pour finir que dans certains endroits il faudra procéder à des déconstructions, pour lesquels des financements attractifs devront être dégagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Pourquoi les maires n'attribuent-ils, en moyenne, que le cinquième des logements sociaux ? C'est un frein à la construction, il faudrait leur laisser attribuer au moins la moitié de ces logements, qu'ils font construire d'abord pour leurs administrés, sur leur territoire communal.

Je crois, ensuite, que l'adjectif de « social » n'est pas heureux, je préfère celui d'habitat à loyer modéré ; car si on construisait autrefois des tours de 50 mètres de haut inhabitables, plus rien ne distingue désormais les logements sociaux que j'ai faits construire à Corbeille-Essonne grâce aux politiques mises en oeuvre par Jean-Louis Borloo de ceux du parc privés : ils sont confortables, possèdent un balcon, un petit jardin, etc. Les choses ont changé, changeons de vocable ! Au cours des années, j'ai pu diversifier les constructions, améliorer la ville dans son ensemble, développer le logement, sans oublier l'accession à la propriété... Ne nous enfermons pas dans des catégories administratives...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je partage l'ambition de ce texte, mais pas ses réponses puisqu'il se cantonne à l'investissement locatif, sans laisser la moindre place à l'accession à la propriété. Les locataires nous demandent souvent de pouvoir acheter. Pourquoi ignorer leurs voeux alors que des ventes donneraient aux bailleurs sociaux de nouveaux moyens d'investir ? Les bailleurs nous sollicitent dans ce sens mais, comme maire, je suis gênée par le fait qu'une fois vendu, le logement n'est plus comptabilisé comme social au titre de la loi « Solidarité et renouvellement urbain » (SRU) : ne pourrait-on pas valoriser l'accession à la propriété au même titre que le locatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Des aspects humain et financier se rencontrent ici, mais la réforme, difficile, doit être ambitieuse, ou bien elle n'aura guère de prise sur la réalité si complexe de notre temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Nous partageons tous l'objectif de ce texte, la part des dépenses pour le logement a doublé en vingt ans pour des résultats très modestes.

Si le « Pinel » a démontré son utilité pour soutenir le secteur de la construction, je suis malgré tout frappé, à Strasbourg, par la faible qualité des logements réalisés et par l'éloignement des propriétaires, qui achètent « en bloc » sans connaître ni le territoire, ni le logement : ne prépare-t-on pas, avec le « Pinel », les copropriétés dégradées de demain ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je m'inquiète également, car la présence physique des propriétaires bailleurs est indispensable : la défiscalisation créée un effet d'aubaine et favorise l'absence de lien du propriétaire avec le territoire et avec le logement. Il est probable qu'une part des logements qui seront construits grâce à ce dispositif soit vouée à une démolition rapide...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Je souhaitais rappeler que le Président de la République s'est engagé au début du mois à ce que le prélèvement de l'État sur le résultat de la Caisse des dépôts et consignations diminue de 1,5 milliard d'euros cette année afin de lui permettre de prêter de l'argent aux bailleurs sociaux sur vingt ans à taux zéro pour favoriser la construction de 50 000 logements sociaux supplémentaires.

Ensuite, l'expérience m'a montré que la vente des HLM à leurs locataires est bien souvent une fausse bonne idée, car on prend alors le risque d'un véritable mitage des résidences : dès lors que le changement de statut n'est que partiel parce que des locataires n'ont pas pu ou pas voulu acheter, les travaux d'amélioration deviennent plus difficiles, au détriment de l'ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je crois pour ma part que la vente des logements sociaux est possible et souhaitable, et que cela fonctionne bien, et permet d'éviter la constitution de « ghettos ».

Ensuite, je partage l'idée qu'il faudrait porter à dix ans après sa vente le délai dans lequel un logement social vendu reste comptabilisé comme logement social au titre de la loi SRU.

Enfin, comme Serge Dassault, je pense que la trop faible capacité attributive des maires est un frein à l'offre de logement : permettre aux maires de disposer de 50 % des attributions serait une initiative bienvenue. Nous l'avions du reste votée lors de l'examen de la loi d'orientation pour la ville...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Merci pour votre participation au débat. Nous ne nous contentons pas de supprimer le « Pinel », puisque nous réaffectons les crédits au logement social. Monsieur le rapporteur, l'USH a-t-elle été consultée sur le relèvement du plafond d'accès au logement social ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Oui, et elle ne le pense pas opportun. Nous en débattrons en séance plénière.

La commission n'adopte pas de texte sur la proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre.

En conséquence, et en application de l'article 42, alinéa premier, de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi.

La réunion est levée à 11 h 10.