La CNCDH a été désignée rapporteure nationale sur la traite des êtres humains par le plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains adopté en mai 2014. Aussi avons-nous préparé un rapport évaluant la mise en oeuvre de ce plan, qui paraîtra fin février. Si ce plan révèle une véritable prise de conscience de ce que doit être la lutte contre la traite des êtres humains, cette lutte est encore loin d'être effective et bon nombre des mesures prévues n'ont pas été mises en place. Or la bonne volonté ne saurait suffire ! Seule une application concrète, par les pouvoirs publics, des mesures contenues dans le plan serait opérante. Des moyens financiers supplémentaires sont nécessaires et la lutte contre la traite doit être bien articulée et coordonnée au niveau national. La CNCDH rappelle que toutes les formes de traite doivent retenir la même attention des pouvoirs publics. Pourtant, les victimes de traite à des fins économiques, de mendicité ou d'esclavage domestique, par exemple, sont rarement identifiées comme telles par les instances compétentes.
La CNCDH recommande, pour renforcer l'intelligibilité et l'autorité du dispositif de lutte contre la traite et l'exploitation, de lui conférer un caractère général plutôt que de favoriser une approche spécifique à l'exploitation de la prostitution et à la traite visant la prostitution. Elle recommande donc la création d'une instance interministérielle spécifiquement dédiée à la coordination de la lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains, rattachée au Premier ministre. Certes, la MIPROF fait un travail extraordinaire, mais ses moyens sont dérisoires.
Il faut également mettre en place un financement conséquent, pérenne et transparent. Il s'agit non seulement de doter l'instance de coordination de la lutte contre la traite des moyens financiers et humains nécessaires à son bon fonctionnement, mais aussi d'attribuer aux associations des moyens concrets et durables.
Dans la loi de finances pour 2016, le budget consacré au programme 137 a doublé en apparence - mais il ne s'agit que de réaffectations de crédits et non de nouveaux moyens. Dans l'ensemble, les crédits sont insuffisants.
La proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel prévoit la création d'un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. La CNCDH salue cette création et souhaite que l'ensemble des victimes de traite en bénéficient. Reste que pour l'heure, les ministères concernés rechignent à abonder ce fonds - à l'exception du secrétariat d'État aux droits des femmes. Il est prévu que les revenus issus de la confiscation des biens des personnes et réseaux coupables de traite financent ce fonds : or celui-ci doit être alimenté de manière continue et pérenne alors que ce type de revenu est aléatoire.
La CNCDH recommande au Gouvernement de sensibiliser davantage le grand public aux différents types de traite, en organisant des campagnes d'information et de sensibilisation. Elle suggère au Gouvernement de faire de la lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains une grande cause nationale. Elle invite la MIPROF, les ministères et les organismes concernés à ne pas retarder davantage l'élaboration et la publication de nouveaux outils de formation, harmonisés et mutualisés, prenant en compte l'ensemble des formes d'exploitation visées par la traite. Policiers et gendarmes, magistrats et tous les professionnels susceptibles d'être en contact avec des victimes de traite, comme les inspecteurs du travail, le personnel de la protection de l'enfance ou le personnel hospitalier, doivent être formés à l'identification et à l'accompagnement des victimes dans le cadre de la formation initiale et continue.
Un accompagnement individualisé des victimes doit être mis en place sans discrimination entre les formes de traite. La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de mettre effectivement en oeuvre les mesures 7 et 8 du plan, qui prévoient d'augmenter et d'adapter les solutions d'hébergement pour les victimes de la traite, de développer et de faire connaître l'accueil sécurisant prévu dans le cadre du dispositif Ac.Sé (Accueil Sécurité). Grâce aux efforts de la MIPROF, ce dispositif est mieux connu, or les moyens n'ont pas augmenté et il est proche de la saturation.