C’est cette évidence qui fonde à mes yeux notre combat constant, dans cette enceinte, en faveur de la forêt, en particulier pour le maintien de l’Inventaire forestier national dans un cadre neutre, le mettant à même de bien mesurer la valeur écologique et économique de notre forêt. Depuis dix ou vingt ans, le secteur forestier français n’investit pas et vit sur ses acquis. Comme je l’ai déjà indiqué, ce désengagement trouve selon moi son origine dans la disparition du Fonds forestier national. Une donnée tout à fait objective permet d’en prendre la mesure : le nombre de plants achetés et plantés chaque année dans la forêt française. Force est de le constater, la chute est brutale depuis vingt ans : on n’achète plus de plants, on ne reboise plus !
Telle est l’exacte situation : notre forêt est riche… de ses acquis ! À condition de relancer d’urgence l’investissement forestier, on pourrait mobiliser 10 millions de mètres cubes supplémentaires de bois chaque année. La forêt est affaire de long terme. On peut faire des bêtises pendant vingt ans avant d’en constater les effets. C’est un vieux forestier, un vieux praticien qui vous parle. Monsieur le ministre, il m’appartient aujourd’hui de vous mettre en garde contre la chute de la production que l’on constatera dans vingt ans si nous ne recommençons pas à investir. Il faut en prendre conscience, la forêt n’intéresse plus les investisseurs. Même les communes forestières s’en inquiètent.
Monsieur le ministre, la profonde inquiétude que j’éprouve m’amène à soutenir la position, mesurée, de M. le rapporteur. Si la forêt française est actuellement en bon état, c’est parce que les générations précédentes ont fait ce qu’il fallait pour qu’il en soit ainsi. Il revient à la nôtre de prolonger leur action. Il convient de sensibiliser l’opinion au fait que nous devons continuer à investir dans notre forêt si nous voulons qu’elle reste belle. Pour l’heure, notre erreur a été de relâcher l’effort en matière de plantation d’arbres. Étant d’un naturel optimiste, il n’est nullement dans mes habitudes de dramatiser les choses, mais il s’agit là d’un point fondamental pour l’avenir.
Heureusement, la forêt bénéficie d’une énorme inertie, d’une résilience extraordinaire. Elle a surmonté les conséquences de conflits majeurs : je me bornerai à évoquer, à cet égard, les « bois de mitraille » de la Première Guerre mondiale. La forêt est capable de se relever de bien des crises, mais il est urgent de reprendre les investissements.