Intervention de Alain Fouché

Réunion du 28 janvier 2016 à 10h30
Sécurité publique dans les transports collectifs de voyageurs — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la tentative d’attentat qui s’est produite dans le Thalys le 21 août 2015 a démontré, s’il le fallait, la fragilité structurelle des infrastructures de transport terrestre face à la menace terroriste. Lieux ouverts et facilement accessibles, les trains, les gares et les stations de métro concentrent des flux importants d’usagers, qui constituent une cible privilégiée pour les terroristes, tout comme ils rendent plus complexe la protection des espaces.

Dès le mois de septembre dernier, j’ai souhaité que le Sénat s’empare de cette question, en proposant une commission d’enquête. Nous avons finalement choisi l’option, plus rapide, d’une mission d’information conjointe à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des lois, dont j’ai eu l’honneur d’être nommé rapporteur, avec François Bonhomme.

Je voudrais revenir quelques instants, monsieur le secrétaire d'État, sur les conclusions de ce travail mené au cours des trois derniers mois, car il permet d’éclairer le travail législatif sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Première observation : l’économie actuelle des transports terrestres, qui repose, je l’ai dit, sur une grande accessibilité et des flux importants d’usagers, nous a semblé devoir être préservée. Cela conduit à affirmer l’impasse d’une transposition à l’identique du modèle de sécurité aéroportuaire aux transports terrestres.

En effet, l’espace contraint des gares et des stations de métro et les flux de passagers qu’elles drainent rendent l’installation de portiques sur l’ensemble des quais physiquement impossible. Je rappelle que la station Châtelet est traversée quotidiennement par 1, 5 million de personnes… Outre que cette mesure allongerait de façon considérable le temps de trajet des usagers et les détournerait de ces modes de transport, elle pourrait déplacer le risque terroriste sur les files d’attente créées par ces nouveaux contrôles. En Russie, en 2013, une femme kamikaze s’était fait exploser dans la file d’attente de portiques de sécurité situés dans une gare, provoquant la mort de dix-sept personnes.

Dans ce contexte, l’installation de portiques pour sécuriser les trains Thalys, demandée par la ministre de l’écologie, Mme Ségolène Royal, ne nous paraît pas satisfaisante.

Tout d’abord, elle ne sert à rien si nos voisins belges et allemands ne font pas de même. Je rappelle que l’auteur de l’attaque du Thalys était monté à Bruxelles. Or les représentants des ambassades que nous avons rencontrés nous ont dit que ces pays n’étaient pas prêts à installer des portiques.

Ensuite, cette mesure laisse entière la question de la protection des autres services ferroviaires, en particulier les trains de banlieue. Il s’agit donc, finalement, d’une mesure très coûteuse - 7, 5 millions d’euros par an pour la location des matériels et la rémunération des personnels, mes chers collègues ! –, pour une efficacité limitée.

Aussi, avec François Bonhomme, j’ai préconisé de remplacer ce dispositif par la réalisation de contrôles aléatoires au moyen de portiques déplaçables, plus légers, qui seraient déployés sur l’ensemble du réseau, sans que les usagers en soient préalablement informés. Cette mesure aurait l’avantage de contribuer à la sécurisation de l’ensemble des réseaux, y compris les trains de banlieue et les métros, à un coût raisonnable, en créant un climat d’incertitude pour les personnes souhaitant commettre des actes terroristes.

Nous en avons aussi appelé à une unification de la coordination des services étatiques chargés de la sécurité dans les transports, pour en améliorer l’efficacité. Trop de structures sont impliquées ; il est urgent d’améliorer cet aspect du dispositif.

Beaucoup des autres propositions que nous avons formulées sont d’ordre législatif. Je me félicite que nous ayons pu les intégrer dans le texte de la commission, pour celles qui n’y figuraient pas déjà.

Il en est ainsi des dispositions prévoyant un contrôle adapté du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, sur les agents des services internes de sécurité de la SNCF, la sûreté générale ou SUGE, et de la RATP, le GPSR, ou de l’autorisation de transmettre en temps réel aux forces de l’ordre des images filmées par les opérateurs dans les gares et dans les matériels roulants.

Dans la gare du Nord, par exemple, des opérateurs placés derrière les caméras voient tout ce qui se passe. En revanche, nul ne voit ce qui se passe dans les trains de banlieue et dans les voitures du métro. Nous savons bien qu’il ne pourra pas se trouver des agents derrière toutes les caméras. Nous proposons donc qu’un système permette de contrôler, d’une façon variable, les différents trains qui circulent.

Il en est ainsi également de la clause de transfert de la compétence de police des transports, entendue comme le pouvoir de réglementer cette activité, au président de l’intercommunalité lorsque celle-ci est compétente en matière de transports. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité préciser que ce transfert n’était pas automatique, pour ne pas déposséder les maires qui y seraient opposés de leurs prérogatives dans ce domaine.

Nous avons aussi souhaité sécuriser ou améliorer plusieurs mesures qui avaient déjà été introduites par les députés : l’extension des possibilités de travail en civil pour les agents de la SUGE et du GPSR, à l’article 3 ; le dispositif d’enquêtes administratives préalables au recrutement ou à l’affectation de certains personnels, à l’article 3 bis, que nous avons étendu à l’ensemble des opérateurs de transport, et pas seulement à la SNCF et à la RATP. Nous y avons également prévu le cas d’un changement de comportement de la part d’une personne déjà affectée ou recrutée.

Toujours dans le volet « sécurité » de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, sur mon initiative, deux amendements qui ne s’inscrivent pas directement dans le cadre du rapport d’information.

En premier lieu, il nous a semblé utile d’autoriser, à titre expérimental, les agents de la SUGE et du GPSR à utiliser des caméras-piéton lorsqu’ils interviennent. Ces caméras, accrochées à la boutonnière des agents, leur permettront d’enregistrer des éléments de preuve en cas de comportements violents de la part des personnes contrôlées, ce qui dissuadera de tels comportements. Il s’agit là d’une mesure importante pour ces agents, malheureusement confrontés à une violence croissante.

Nous avons aussi proposé la suppression de l’article 6 quinquies, soit un rapport du Gouvernement au Parlement sur la création d’une redevance de sûreté. Nous sommes opposés à la création d’une nouvelle taxe – la SNCF n’est pas toujours très bien gérée, monsieur le secrétaire d’État ; de nombreux terrains délaissés n’ont pas été vendus, contrairement à ce qui était prévu dans la loi Duflot, des gares sont laissées à l’abandon… –, qui pourrait écarter un certain nombre d’usagers des transports en commun, mais nous avons montré, François Bonhomme et moi-même, que des mesures concrètes, à un coût maîtrisé, étaient possibles pour améliorer la sûreté.

Je me réjouis que la commission des lois ait adopté l’ensemble de ces amendements, qui tendent utilement à compléter le volet consacré à la sécurité de cette proposition de loi, sur lequel notre commission a émis un avis favorable.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a aussi émis un avis favorable sur le deuxième volet de la proposition de loi, consacré à la lutte contre la fraude dans les transports.

Si cet enjeu, qui est sans lien avec le premier, peut sembler relatif au regard de l’importance de la lutte contre le terrorisme, il n’en reste pas moins important pour les opérateurs et les autorités organisatrices de transport, puisqu’il se chiffre en effet à 500 millions d’euros en termes de manque à gagner.

Une augmentation des contrôles peut répondre en partie à ce phénomène, mais elle n’est pas suffisante tant que l’efficacité de ces contrôles n’est pas renforcée. En effet, les contrôleurs sont aujourd’hui désarmés lorsque les contrevenants donnent une fausse identité ou une fausse adresse, ce qui explique le très faible taux de recouvrement des amendes, de l’ordre de 10 %.

La proposition de loi comporte des avancées importantes dans ce domaine. L’article 9 prévoit par exemple la communication aux exploitants des services de transport des données relatives aux contrevenants par les administrations publiques et les organismes de sécurité sociale, ce qui leur permettra de vérifier l’adresse des contrevenants. Notre commission a adopté trois amendements visant à améliorer le dispositif prévu à cet article, repris par la commission des lois.

Au total, je me félicite de la qualité du travail mené par nos deux commissions sur cette proposition de loi et de notre étroite collaboration, qui a permis d’y intégrer plusieurs des mesures que nous avions préconisées dans notre rapport d’information.

Qu’il s’agisse de la sécurité face à la menace terroriste ou de la lutte contre la fraude, ce texte comporte des avancées importantes, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable soutient pleinement.

Chacun sait que nous faisons le maximum pour éviter des actes terroristes, mais le risque zéro n’existe pas.

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