Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 28 janvier 2016 à 10h30
Sécurité publique dans les transports collectifs de voyageurs — Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens dans un premier temps à remercier notre rapporteur, qui a su éviter toute surenchère sur ce texte et qui a aussi proposé la suppression de cavaliers législatifs – je pense en particulier à l’article 11 de la proposition de loi initiale –, ainsi que de mesures qui sont en contradiction avec notre tradition, comme le port obligatoire d’une pièce d’identité.

Cela dit, cette proposition de loi nous inquiète. En effet, comment accepter que, dans un même texte, puissent être abordées la lutte contre le terrorisme et celle contre la fraude ? Comment accepter l’utilisation d’une émotion et d’une inquiétude légitimes pour privatiser les pouvoirs régaliens de l’État ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un transfert des missions de maintien de l’ordre public de la police et de la gendarmerie nationale vers les personnels de sécurité de la SNCF et de la RATP.

Certes, ces personnels de sécurité disposent, à l’heure actuelle, d’une délégation des missions de sécurité, en vertu des dispositions de la loi relative à la sécurité intérieure. Cette exception leur a été accordée en raison de la qualité d’entreprises publiques, investies de missions de service public et dont le personnel relève d’un statut particulier.

Or, nous assistons depuis quelques années à une banalisation des transferts de compétences et à un glissement progressif vers un régime de prestation marchande des services de sécurité. Pour notre part, nous refusons d’élargir encore ce transfert de compétences. Les agents des entreprises de transport ne sont pas des policiers !

Cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, qui est confiée aux personnels des entreprises que je viens de citer, à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d’assurer la fluidité et la continuité de la circulation. Sur ce point, la proposition de loi est muette. Rien n’est dit sur la nécessité de renforcer les investissements, par exemple dans le matériel roulant ou la rénovation des infrastructures.

Ainsi, dans son premier volet, la proposition de loi continue à dessaisir l’État d’une parcelle de souveraineté dans le domaine de la sûreté et de la sécurité. Après avoir fortement incité les entreprises à se protéger par elles-mêmes contre des risques et menaces de toute nature, elle prolonge, au-delà d’un contexte particulier, l’idée de la contribution de la sécurité à but lucratif à la sécurité générale ; elle consacre donc un glissement vers une privatisation.

L’État ne se donne plus les moyens d’entretenir une force publique répondant à la demande des citoyens. Face à ce mouvement, comment pouvons-nous continuer à affirmer que l’État a le monopole de la contrainte légitime ? Ce principe constitue pourtant le fondement de l’État de droit. Et le contrôle a posteriori des actions des personnels des entreprises de transport n’est pas suffisant.

Sur le second volet relatif à la lutte contre la fraude et les incivilités, nous sommes plus que dubitatifs… Les moyens coercitifs sont renforcés, les sanctions sont multipliées, mais rien n’est fait pour un renforcement de la présence humaine dans les gares et points d’accueil ou sur les quais.

Nous le savons tous, pour peu que nous les prenions au quotidien, ce qui est mon cas, dans les transports collectifs, les sentiments sont exacerbés. Le sentiment d’insécurité, l’impatience et l’énervement augmentent au rythme des dysfonctionnements, malheureusement très nombreux du fait d’un manque d’investissements sur les réseaux. Je prends tous les matins la ligne B du RER et je peux vous dire que c’est parfois très difficile.

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