Intervention de Michel Houel

Réunion du 28 janvier 2016 à 15h00
Chambres de commerce et d'industrie et chambres de métiers et de l'artisanat — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Michel HouelMichel Houel :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes saisis, en première lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

Depuis près de dix ans, des efforts considérables ont été fournis par ces deux réseaux pour se réorganiser.

Historiquement, les chambres de commerce et d’industrie ont toujours eu un ancrage territorial et une influence variables, liés aux caractéristiques du bassin économique dans lequel elles évoluent et, bien évidemment, à la qualité de leurs ressortissants. Toutefois, la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a donné l’élan et les moyens nécessaires à la structuration des CCI autour de l’échelon régional, conduisant ainsi à une régionalisation « à la carte », pour mieux épouser les particularismes locaux.

De création plus récente, les chambres de métiers et de l’artisanat ont historiquement été organisées autour de l’échelon départemental, mais la loi du 23 juillet 2010 a également entendu faire de l’échelon régional le niveau structurant du réseau en autorisant trois modes de regroupement au niveau régional, assurant une intégration plus ou moins poussée en fonction des besoins exprimés par les membres du réseau.

Le mouvement de rationalisation ainsi engagé reste cependant inabouti, car il se heurte parfois à une volonté d’autonomie encore très marquée des chambres infrarégionales. Or la poursuite de la rationalisation des réseaux est rendue d’autant plus nécessaire du fait de l’érosion des ressources publiques octroyées aux chambres consulaires. Au total, s’agissant des chambres de commerce, la baisse des recettes issues de la taxe pour frais de chambres a été de l’ordre de 35 % entre 2012 et 2016. Pour les chambres de métiers, le montant du plafond de la taxe pour frais de chambres a baissé de 12, 5 % entre 2013 et 2016. Ce à quoi l’on assiste aujourd'hui doit, bien sûr, faire prendre conscience aux deux chambres de la difficulté de rester en l’état.

En outre, la nouvelle carte des régions implique une réorganisation des réseaux, car, dans les nouvelles régions instituées le 1er janvier 2016, le principe d’une structuration au niveau régional a pour conséquence de rendre inévitables des fusions entre certaines chambres de niveau régional ou, à tout le moins, la transformation de leur périmètre d’action.

Afin d’approfondir cette démarche de rationalisation, le Gouvernement a déposé, au cours de l’examen du projet de loi Macron, des amendements tendant à insérer plusieurs articles additionnels relatifs à la gouvernance des réseaux consulaires, qui ont été adoptés sans opposition par les deux chambres du Parlement. Dans sa décision du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a cependant estimé que ces dispositions avaient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. La loi a donc été promulguée sans ces articles.

Voilà pourquoi le Parlement est de nouveau saisi de dispositifs semblables à ceux que nous avons examinés il y a déjà plus de six mois. Cette reprise n’est toutefois que partielle : les dispositions les plus urgentes ont fait l’objet d’une ordonnance, prise le 26 novembre dernier, sur le fondement d’une habilitation figurant dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ». Les dispositions du présent projet de loi, qui n’ont guère été modifiées sur le fond par l’Assemblée nationale, apportent donc des correctifs ponctuels à la gouvernance des CCI et des CMA.

Pour les chambres de commerce, les plus notables consistent en un renforcement des prérogatives des chambres de région, en particulier en donnant aux schémas directeurs un caractère prescriptif et en créant des nouveaux schémas d’organisation des missions, opposables aux chambres territoriales ou départementales rattachées.

Pour les chambres de métiers, il faut évoquer la possibilité, désormais offerte, d’instituer des chambres interdépartementales et de renforcer l’intégration au niveau régional avec la suppression des chambres de métiers de région dites « partielles ».

Enfin, introduit par l’Assemblée nationale, l’article 3 du projet de loi procède à la ratification sans modification de l’ordonnance du 26 novembre 2015.

Le présent projet de loi s’inscrit dans une démarche de renforcement de l’échelon régional, rendu d’autant plus nécessaire compte tenu du nouveau poids des régions dans notre organisation territoriale. Il apporte donc des outils ponctuels nécessaires à la poursuite de la démarche de rationalisation en cours. On peut en partager l’objectif, mais il faut souligner que les effets immédiats de l’approfondissement de cette réorganisation, alliée à la réduction des ressources des réseaux, se traduiront d’abord par des réductions importantes des personnels des chambres – celles-ci pourront toutefois réembaucher ces personnes en priorité une fois leur réorganisation effectuée. Mais si, à l’avenir, cette rationalisation permet effectivement un meilleur accompagnement des entreprises et, ce faisant, un développement de l’emploi marchand, elle mérite sans doute d’être soutenue.

En outre, d’une ambition très mesurée, ce texte n’épuise pas toutes les problématiques que peut soulever l’organisation consulaire actuelle. Pourtant, il doit pouvoir être adopté rapidement : les réseaux attendent ces mesures depuis plus de six mois déjà, par le seul fait d’une regrettable erreur de procédure parlementaire commise par le Gouvernement. Toutes les personnes auditionnées ont ainsi insisté sur la nécessité d’une adoption rapide de ce texte afin que la campagne pour les élections consulaires, qui auront lieu au début du dernier trimestre de 2016, puisse s’ouvrir dans un environnement juridique stabilisé. Votre commission est donc favorable à son adoption.

J’ajoute que nous avons également auditionné des représentants des chambres d’agriculture, qui se trouveront peut-être confrontées, tôt ou tard, à des problèmes financiers. Nos interlocuteurs ont été très attentifs, et je pense qu’ils pourront faire œuvre commune sur certains points.

Cette démarche de rationalisation des réseaux et de renforcement des prérogatives de l’échelon régional n’est acceptable que si, dans le même temps, elle ne fait pas disparaître leurs implantations de « proximité » – nous sommes très attachés à cette proximité, tout comme les habitants des territoires ruraux, à qui l’on a déjà retiré beaucoup de choses. Certes, l’esprit de la réforme de 2010 était d’inciter les chambres à se regrouper, en adoptant les stratégies territoriales que, compte tenu des caractéristiques des bassins économiques concernés, les élus consulaires considéraient comme les plus pertinentes, mais le droit positif, modifié par le projet de loi, offre une large palette de solutions juridiques envisageables pour que le lien avec les territoires soit maintenu.

Pour autant, soucieuse de garantir un maillage territorial suffisant des réseaux consulaires, seul à même de garantir le maintien d’une offre de service de proximité indispensable à un bon accompagnement des entreprises sur le terrain, votre commission des affaires économiques a imposé la présence minimale d’une entité du réseau des chambres de commerce – délégation de la chambre régionale ou chambre territoriale, selon le cas – dans chaque département.

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