Intervention de Sophie Primas

Réunion du 28 janvier 2016 à 15h00
Chambres de commerce et d'industrie et chambres de métiers et de l'artisanat — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens ce soir au nom de notre collègue Élisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui reprend les dispositions adoptées par le Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi dit « Macron », et censurées par le Conseil constitutionnel, qui y a vu des cavaliers législatifs. Le Gouvernement soumet donc de nouveau ces mesures au Parlement.

Dans son article 1er, relatif aux chambres de commerce, le texte rend opposable les schémas directeurs élaborés par les chambres de région. Il crée un nouveau schéma régional d’organisation de missions, également opposable, et il étend les possibilités de fusion entre les CCI départementales.

Dans son article 2, relatif aux chambres de métiers et de l’artisanat, il autorise la fusion de chambres départementales et précise les modalités de regroupement des chambres de niveau infrarégional en chambres de région.

Enfin, dans son article 3, le texte ratifie une ordonnance prise en application de la loi NOTRe. Pour les CCI, cette ordonnance prévoit les modalités de fusion des CCIR pour mettre ce réseau en conformité avec la nouvelle carte des régions, sans attendre les élections consulaires prévues à la fin de 2016. Pour les chambres de métiers, elle adapte leur réseau à la nouvelle carte territoriale, le choix de la forme juridique de la nouvelle chambre de niveau régional devant être arrêté avant le 31 janvier 2016.

L’objectif global de ce texte est donc d’adapter les deux réseaux consulaires à la nouvelle carte des régions, entrée en vigueur depuis le début de cette année, et de renforcer le mouvement de régionalisation de ces réseaux, entamé avec la loi du 23 juillet 2010. Comme le soulignait le rapport de nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat, la loi de 2010 a enclenché un mouvement de « régionalisation à la carte ». Il s’agit aujourd’hui de faire un pas supplémentaire et de passer de la régionalisation à la « rationalisation » du réseau.

À ce stade, je veux saluer l’action des réseaux consulaires : chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat, sans oublier les chambres d’agriculture, que M. le rapporteur a d’ailleurs auditionnées pour établir son rapport. Ces trois réseaux forment un maillage territorial dense et jouent un rôle important dans l’accompagnement des entreprises, la formation et l’apprentissage.

En ce qui concerne l’apprentissage, en particulier, ces réseaux consulaires sont, à l’évidence, très performants, malgré une conjoncture peu favorable depuis le début de ce quinquennat – il faut le dire ! Les choix opérés en début de mandat par le Gouvernement ont en effet provoqué une baisse significative du nombre d’apprentis, de 8 % en 2013 et de 3, 2 % en 2014. Parallèlement, le taux de chômage des jeunes n’a cessé d’augmenter, et le nombre d’emplois non pourvus s’élève toujours à plus de 300 000. Cette situation est ubuesque ! C’est la raison pour laquelle la délégation aux entreprises présentera très prochainement une proposition de loi portant sur ce sujet, à l’élaboration de laquelle le réseau consulaire sera naturellement associé.

Quoi qu’il en soit, nous devons veiller à ce que les réseaux consulaires, en tant qu’acteurs importants de la formation professionnelle et de l’apprentissage, puissent poursuivre leur mission dans de bonnes conditions.

Il s’agit de trouver un juste équilibre entre une dispersion des chambres consulaires, qui peut rendre leurs actions parfois illisibles, et une organisation qui soit suffisamment proche des acteurs de terrain – je pense notamment au milieu rural. En effet, depuis quelques décennies, le processus de « métropolisation » a vu les grandes villes se tourner vers des activités à fort potentiel de valeur ajoutée, comme la conception, la recherche, la gestion, la finance, le commerce interentreprises, tant et si bien que les grandes métropoles concentrent désormais les meilleurs PIB de notre pays, avec un tiers du PIB français pour la seule région parisienne, par exemple.

Cette concentration, si elle permet de tirer l’économie de la France vers le haut, est parfois intervenue au détriment des territoires éloignés des grandes métropoles, des territoires ruraux, qui se sentent aujourd’hui délaissés, avec une activité économique qui peut être à la peine et des Français qui tendent à se paupériser. Le réseau consulaire, dans sa réorganisation, doit ainsi particulièrement veiller à sa proximité avec les entreprises de ces territoires, des TPE, PME ou ETI, qui y maintiennent une activité et des emplois.

À cet égard, les choix de réorganisation basés uniquement sur des chiffres bruts et décontextualisés ne sont pas les bons : en imposant un seuil de 10 000 ressortissants pour le maintien d’une CCI, le Gouvernement a commis la même erreur que pour la taille des EPCI dans la loi NOTRe, c’est-à-dire qu’il n’a pas tenu compte des situations locales, où, d’ailleurs, les petites CCI n’ont pas de technostructure coûteuse, mais où elles ont, en revanche, de vraies valeurs de proximité. C’est pourquoi je défendrai le texte de la commission, qui prévoit le principe d’une CCI par département ou, éventuellement, d’une CCI interdépartementale, au cas où quelques réseaux départementaux le souhaiteraient. À défaut d’être examiné ce soir, ce point devra probablement être abordé en CMP. Le bon dosage entre régionalisation, rationalisation et proximité nous semble essentiel.

Les chambres consulaires doivent rester des interlocuteurs attentifs ayant les moyens financiers et territoriaux d’accompagner au plus près les entreprises et le commerce. Notons qu’au lieu d’être soutenues dans leurs missions, les CCI ont vu leurs moyens drastiquement réduits ces dernières années, avec près de 400 millions d’euros en moins en raison du plafonnement des taxes affectées, combiné au prélèvement sur leurs fonds de roulement.

Voilà quelques mois, en déplacement avec la délégation aux entreprises, nous avons été accueillis par un président de CCI par ces mots : « Bienvenue dans une chambre de commerce et d’industrie qui va mourir ! » Vous le voyez, la situation de certaines chambres est désormais très fragile. Ainsi, vous vous souvenez que nous avons été contraints de créer un fonds de péréquation entre les CCI, doté de 18 millions d’euros, qui a notamment pour objectif de venir en aide aux CCI les plus en difficulté financièrement.

Pour conclure, je voudrais insister sur ce qui doit être notre objectif commun, à savoir le développement de l’activité économique, car c’est bien sûr de là que viendra la création d’emplois durables. À cet effet, écoutons ce que les chefs d’entreprise, que nous les rencontrons régulièrement avec la délégation aux entreprises, nous disent. Le constat est le même partout sur le territoire : ils demandent moins de contraintes réglementaires étouffant leur activité, moins d’impôts et de charges finançant les dépenses publiques et un système de formation davantage en adéquation avec les besoins réels du marché. Sur tous ces points, je le répète, l’action et le soutien des réseaux consulaires sont absolument cruciaux.

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