Monsieur le président, permettez-moi d’exposer la position générale de mon groupe sur cet article, ce qui me permettra de présenter de manière plus succincte les amendements que j’ai déposés. Nous gagnerons ainsi du temps.
La privatisation de la régulation n’est pas acceptable au moment où, à juste titre, chacun, ici-même et dans d’autres instances, appelle à la mobilisation la plus large de l’ensemble des acteurs pour sauver une pêche qui est en danger, notamment dans sa composante artisanale.
Les modalités d’application de la politique commune des pêches, en particulier la définition des règles de gestion des quotas et de distribution des licences ainsi que le contrôle des opérateurs, relèvent de chacun des États membres. On ne peut donc pas se réfugier derrière Bruxelles.
Le rapport de la commission justifie ce transfert au profit des organisations de producteurs par le fait que « la coexistence de deux autorités différentes pour la gestion des quotas et pour la délivrance des autorisations peut poser des problèmes pratiques importants ». Pour appuyer cette démonstration éloquente, le seul argument invoqué est le témoignage d’un responsable d’une organisation de producteurs particulièrement importante. Espérons qu’il existe d’autres sources d’information !
Pour notre part, même si la restructuration est nécessaire, nous estimons inacceptable cette négation des réalités du secteur de la pêche, de l’héritage et de l’efficacité des comités des pêches. À la page 195 du rapport, il est même précisé qu’« en confiant la discipline de la profession aux organisations de producteurs, la réforme responsabilise les acteurs de la pêche ». Est-ce à dire que cette responsabilisation n’existait pas auparavant ? Ce n’est pas l’impression que j’ai dans ma région. Cela sous-entend-il que seul l’aspect économique peut responsabiliser les acteurs ? Les actions des comités des pêches, notamment locaux, ont démontré maintes fois le contraire.
Pour illustrer mon propos, je m’appuierai moi aussi sur le témoignage d’un pêcheur. Il est de ma région, membre de la coopération maritime et très proche des organisations de producteurs. Il déclarait ceci en substance : une fois de plus, l’organisation de producteurs, par un tour de passe-passe, a montré qu’elle régnait en maîtresse sur nos pêcheries. Elle a partagé le gâteau de l’anchois – il pourrait bientôt en être de même pour la langoustine –, laissant une maigre part aux chalutiers lorientais et aux bolincheurs finistériens. Il y a beaucoup de convives, mais peu sont rassasiés et beaucoup resteront sur leur faim. Cela démontre aussi que le jour où les organisations de producteurs obtiendront le droit de délivrer toutes les licences, il faut s’attendre à une gestion dictatoriale de la pêche.
Monsieur le ministre, organisées en 2009 par votre prédécesseur afin de préparer la position de la France sur la réforme de la politique commune des pêches, les Assises de la pêche ont souligné l’importance de l’implication de tous les professionnels du secteur pour une gestion durable des ressources halieutiques permettant d’assurer la pérennité de cette activité, dans le cadre plus global d’une véritable gestion intégrée des zones côtières. Cette orientation a été portée par le Grenelle de la mer. Or vous semblez abandonner ces priorités aux mains d’un marché en pleine crise.
Monsieur le rapporteur, lorsque nous examinerons l’amendement n° 348 rectifié relatif aux délibérations approuvées par arrêté, je ne doute pas que vous évoquerez certaines dispositions du projet de loi qui pourraient être vécues comme un dessaisissement par les professionnels, qui restent attachés à leur rôle de régulation.
Ce ne sont pas seulement les pêcheurs dans leur capacité d’agir tous ensemble qui sont dessaisis, c’est toute une logique de régulation concertée qui est abandonnée. Nous ne pouvons l’admettre, à l’heure où la crise frappe ce secteur.
Il s’agit en l’occurrence de promouvoir une pêche encore plus respectueuse des équilibres écologiques, dont les pêcheurs ont, depuis longtemps déjà, pris conscience de l’extrême fragilité. Ils ont d’ailleurs montré que le cadre interprofessionnel au sein des comités des pêches, notamment locaux, demeurait le plus pertinent et le plus légitime pour agir.