La présente proposition de loi, que j’ai rédigée avec les présidents Retailleau et Zocchetto, ainsi que notre rapporteur, Michel Mercier, est destinée à renforcer les moyens de la justice, à élargir le champ des incriminations réprimant le terrorisme et à empêcher que les condamnés pour faits de terrorisme, leur peine purgée, ne se perdent dans la nature, sans surveillance.
Nous avons à relever un double défi. Le premier, ô combien capital, consiste à garantir la sécurité ; de ce point de vue, les tragédies que nous avons vécues en 2015 nous confortent dans notre volonté inébranlable de fermeté face au terrorisme. L’autre défi, c’est de pouvoir le faire conformément à nos traditions démocratiques et à nos valeurs républicaines, dans le respect de l’État de droit, ce qui suppose que nous fassions preuve d’une certaine prudence en ce qui concerne les restrictions susceptibles d’être apportées aux libertés : ces restrictions doivent être justifiées et proportionnées.
De nombreuses dispositions ont déjà été adoptées en matière de lutte antiterroriste, qui concernent principalement les pouvoirs de la police ; je pense en particulier à celles résultant de la loi relative au renseignement, que nous avons votée l’année dernière.
L’efficacité de toutes les mesures que nous pouvons prendre se heurte à certaines limites, qu’il faut connaître avant de franchir un nouveau pas dans le renforcement de notre arsenal juridique.
Ainsi, le terrorisme est un phénomène multiforme, alimenté par des facteurs à la fois internationaux et nationaux sur lesquels notre maîtrise ne peut pas être totale. La situation du Proche-Orient et celle de certains pays d’Afrique sont évidemment présentes à tous nos esprits ; l’écho de ces situations est une réalité incontestable au sein même de la société française, où l’islamisme radical, porteur de dérives terroristes et de risques élevés, est fortement présent. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de donner un coup d’arrêt aux revendications communautaristes, dans les entreprises comme dans les services publics. Nul ne doit pouvoir s’exonérer du respect de la loi en invoquant ses croyances ou ses origines !
L’état d’urgence a créé une situation nouvelle – le Gouvernement nous proposera demain de le proroger pour trois mois supplémentaires – : il permet de renforcer les pouvoirs du ministre de l’intérieur et des préfets, ainsi que des forces de police et de gendarmerie.
La proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter porte, quant à elle, sur la justice, et exclusivement sur elle. Il ne s’agit en aucun cas pour nous de renforcer les pouvoirs de l’autorité administrative aux dépens de ceux du procureur et du juge, mais, au contraire, de renforcer les prérogatives de ces derniers.
Plus précisément, il s’agit d’abord de renforcer les pouvoirs d’enquête des procureurs, ce dont nous avions déjà débattu au début de l’année dernière. J’avais, à cette époque, écrit à M. Manuel Valls, Premier ministre, pour lui soumettre des propositions que nous avons reprises dans ce texte.
Nous avons pu, dans le cadre du comité de suivi de l’état d’urgence, vérifier à quel point la mise en œuvre de ces propositions est attendue par le parquet ; le procureur Molins, au cours de son audition, n’a pas manqué de souligner cette attente. Il faut assurer la continuité de l’enquête, de l’ouverture d’une enquête de flagrance par le procureur à l’enquête préliminaire, puis à l’instruction, en sorte que les précieux éléments de preuve qui ont été réunis puissent être exploités sans rupture dans l’examen des dossiers.
C’est pourquoi les auteurs de la proposition de loi souhaitent autoriser les perquisitions de nuit dans les domiciles en cas d’enquête préliminaire, faciliter le recueil dans le cadre judiciaire de données informatiques, même à l’insu de leur détenteur, et rendre possible l’utilisation par la justice de dispositifs auxquels la loi relative au renseignement permet aux seuls services de renseignement de recourir : ainsi, si la proposition de loi est adoptée, les IMSI catchers et les sonorisations de lieux privés seront des instruments que les procureurs pourront utiliser, comme le font déjà la police dans ses activités de renseignement ou la Direction générale des services extérieurs.