Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le secteur de la pêche, et de façon beaucoup plus visible que pour l’agriculture, le projet de loi nous semble obéir à une logique de libéralisation plus forte que nous ne le souhaiterions.
Il risque de conduire à un démantèlement brutal de la logique interprofessionnelle, qui a pourtant permis à la pêche et aux pêcheurs de s’adapter au défi de la diminution des ressources halieutiques et fossiles.
Ce démantèlement pourrait se dérouler en plusieurs actes, avec tout d’abord une diminution des outils d’intervention en privatisant les instruments de régulation, une recentralisation de la décision politique, une délégitimisation des instances en réduisant très sensiblement la représentation des salariés, l’asphyxie financière en imposant une redistribution des patrimoines locaux et en ne dotant pas une nouvelle fois les instances concernées à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées.
J’en suis convaincue, un tel abandon sera très durement ressenti dans les régions maritimes de France et les territoires ultramarins, où les structures interprofessionnelles jouent un rôle crucial pour le développement endogène d’une économie bleue porteuse de beaucoup d’espoirs.
Le présent projet de loi se refuse à aborder les questions financières. J’en veux encore pour exemple le crible de l’article 40 qui a touché nombre de nos amendements, alors même que ces questions demeurent au cœur du processus de modernisation, sauf à confondre rénovation et ravalement.
Ce paradoxe néfaste se vérifie malheureusement à nouveau pour la pêche. La seule véritable proposition se limite à la recherche systématique d’économies d’échelle et à l’externalisation, en sacrifiant l’échelon local des structures interprofessionnelles et en transférant les nouvelles prérogatives aux organisations de producteurs.
Comment accepter ces mesures quand on sait que, dans le même temps, les salariés ne seront plus représentés à l’échelon national, à la différence des employeurs qui verront leur quote-part augmenter, et ne le seront pas non plus d’ailleurs dans les conseils d’administration des organisations de producteurs, auxquels ils contribuent pourtant ?
Pour notre part, nous refusons cette pêche à deux vitesses, qui condamne toute perspective de développement durable de la filière.
La division organisée par ce texte entend s’exercer de plusieurs façons, notamment en favorisant des conflits de représentation à l’échelon local, qui décrédibiliseront fortement le secteur, et en paralysant les structures par le biais du tarissement de leurs sources de financement.
À cet égard, la disparition de la représentation de l’aval, et donc des cotisations professionnelles du premier acheteur, représente un coup d’arrêt particulièrement brutal.
Que vont devenir également les salariés des comités locaux quand les comités régionaux ou départementaux ne disposeront plus des moyens nécessaires pour les réembaucher ?
Plus grave encore, comment ces structures vont-elles concrètement assumer leurs nouvelles responsabilités, alors qu’elles sont déjà débordées par l’inflation des réglementations européennes et la diversification de leurs engagements, notamment écologiques ? D’autant que, dans le même temps, les moyens des différents services maritimes de l’État n’ont cessé de baisser !
Par conséquent, l’État reconnaît que ces instances, qui assument en réalité des missions de service public, devraient de ce fait bénéficier d’un soutien public adapté et réintégrer l’ensemble des composantes de la filière et donner lieu à une révision ambitieuse des autres modes de financement.
Je veux aussi dénoncer, à nouveau, l’usage par trop systématique de l’article 40.
Actuellement, il n’existe aucune disposition permettant de définir des conditions assurant aux représentants des marins pêcheurs leur couverture au regard du régime de l’Établissement national les invalides de la marine dans le cadre de leur mission de représentation. Ils ne bénéficient donc d’aucune couverture pendant leur activité de représentation et ne cotisent pas pour leur retraite.
Nous ne pouvons pas continuer à accepter cette situation. Le fonctionnement de la démocratie professionnelle exige, elle aussi, des moyens dont l’État doit impérativement contribuer à la mise en œuvre sans compter seulement sur les collectivités locales.