Intervention de Corinne Bouchoux

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 3 février 2016 à 9h30
Modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Examen du rapport pour avis

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Bien que n'étant pas fanatique, à titre personnel, de l'hyper présidentialisation, je pense que les propositions qui nous sont soumises méritent toute notre vigilance, et notamment l'article 4 de la proposition de loi organique.

Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles en démocratie qu'il faut renoncer. Ce n'est pas parce que durant trois semaines, l'organisation des médias se trouve un peu compliquée par la règle de l'égalité dans les temps de parole qu'il faut renoncer. Cette difficulté s'est traduite, lors des dernières élections, par une forme de renoncement des médias, qui ont eu tendance à en faire moins. N'oublions pas non plus la désaffection croissante de nos concitoyens à l'égard de la politique, qui se traduit soit par des votes extrêmes soit par une abstention de plus en plus importante, y compris à l'élection présidentielle, traditionnellement la plus prisée des électeurs.

C'est bien pourquoi nous considérons qu'il est essentiel de maintenir, durant ces trois semaines, le principe d'égalité, d'autant que l'apparition des primaires, comme l'a justement rappelé notre rapporteure, donne une visibilité accrue à quelques grands candidats et à leurs grands partis. Si l'on veut que le débat public reste ouvert, que des idées nouvelles et des candidats nouveaux puissent s'y exprimer, il faut accepter ce petit désagrément de trois semaines, durant lesquelles tous les candidats sont traités à égalité - tel qui a naguère pu être ministre ou président, comme tel autre qui, moins connu, ne vient pas pour autant de nulle part mais bien de la société civile et a reçu l'investiture des maires, les premiers élus de la République.

Substituer à ce principe d'égalité un régime d'équité revient à considérer qu'un maire n'est pas capable de discernement lorsqu'il accorde son parrainage - dont il sera bientôt fait publicité quasiment en temps réel... C'est faire affront à nos maires qui, en cette période de bouleversement des périmètres territoriaux, sont soumis à toujours plus de contraintes et jouissent de moins en moins de pouvoir symbolique. Dévitaliser ainsi le pouvoir reconnu à chaque maire d'accorder son parrainage à qui il l'entend - car ce qui nous est ici proposé revient à cela - entamera un peu plus ce pouvoir symbolique. En jetant la suspicion sur les maires, en laissant penser qu'ils accorderaient trop facilement leur signature à des inconnus, on entrave de surcroit de nouvelles entrées en politique, au risque de dévitaliser le débat public.

Or, nous sommes attachés au débat public, à la diversité des points de vue qui s'y expriment : les difficultés d'organisation que rencontrent les médias durant les trois semaines de campagne intermédiaire ne justifient pas que l'on revienne sur le principe d'égalité. Cette proposition de loi organique, ainsi que l'a justement souligné la rapporteure, procède peut-être d'une bonne intention, mais elle répond avec des moyens du siècle passé aux problèmes du XXIe siècle. Ce n'est pas en substituant, sur une période de trois semaines, au principe d'égalité un régime dit d'équité que l'on résoudra les problèmes de notre démocratie.

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