Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous, le logement constitue le premier poste de dépenses des ménages, devant l’alimentation et les transports. En 2010, un ménage sur deux consacrait presque un cinquième de ses revenus au seul logement.
Parallèlement, le nombre de mal-logés est considérable, puisqu’il se situe entre 2, 7 millions et 3, 5 millions. Il convient d’ailleurs de souligner que tous ces mal-logés ne demandent pas tous un logement social : au mois de juillet 2015, on enregistrait « seulement », si j’ose dire, 1, 8 million de demandes de logement social !
Alors que les objectifs de construction sont de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, pour répondre aux besoins, force est de constater que nous sommes bien loin du compte. À la fin du mois de décembre 2015, il y avait seulement 351 800 logements commencés.
De même, les objectifs de construction de logements sociaux ne sont pas remplis depuis plusieurs années. En 2015, 120 000 logements sociaux auront été construits. C’est un des maux majeurs dont souffre notre pays, alors même que, sur le plan financier, l’effort de la Nation en faveur du logement est estimé à environ 40 milliards d’euros d’aides.
En 2016, outre 12 milliards d’euros de dépenses fiscales, l’État consacrera au logement 18 milliards d’euros de crédits budgétaires, en grande partie destinés au financement des aides personnalisées au logement, les APL, l’État se désengageant depuis plusieurs années du financement des aides à la pierre. Notons d’ailleurs que les bailleurs sociaux contribuent de manière plus importante au financement des aides à la pierre et qu’ils doivent de plus en plus souvent faire appel à leurs fonds propres pour financer la construction de logements sociaux, la part des aides de l’État dans leur financement étant passée de 7 % à 1 %, ce qui est inquiétant pour la solidité des bailleurs sociaux.
Nous avons eu un débat très riche et intéressant en commission des affaires économiques sur les moyens de répondre à cette crise du logement. Nous avons même pu constater avec étonnement que des experts aussi éloignés politiquement que Mme Estrosi Sassone et Mme Lienemann faisaient le même constat non seulement sur l’état des lieux, mais également sur une partie des solutions. Alors, même si la solution proposée ici par notre collègue Michel Le Scouarnec n’a pas été retenue par notre commission, elle a au moins permis le débat, l’échange et la réflexion.
Nous divergeons sur la solution qui nous est proposée ici, et ce pour plusieurs raisons.
L’article 1er prévoit l’abrogation du dispositif Pinel. À cet égard, il convient de rappeler que les dispositifs d’investissement locatif ont vocation à encourager la construction et à développer l’offre de logements locatifs, leur objectif étant différent de celui des aides destinées au logement social, qui ont pour objet de développer des logements à loyer faible à destination de ménages à revenus modestes, voire très modestes.
Il est vrai qu’on a pu s’interroger sur le coût de ces dispositifs d’investissement locatif et sur leur adéquation au regard des besoins. Cependant, un rapport du Gouvernement annexé à la loi de finances indique qu’ils ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs et qu’ils ont indirectement favorisé la détente du marché locatif. En outre, les conditions posées pour le dispositif Pinel, notamment en matière de loyer, doivent permettre de contribuer à la production de logements à loyer modéré. Ce dispositif permet également de favoriser le développement de logements intermédiaires, c’est-à-dire de logements dont le niveau des loyers se situe entre les plafonds des loyers des logements sociaux et ceux du marché libre.
Le coût d’une génération du dispositif Duflot/Pinel est estimé à 1, 75 milliard d’euros, dont 240 millions d’euros pour l’année 2016. Il doit cependant être mis en regard du nombre de constructions attendues : 50 000 logements en 2015 et 50 000 en 2016.
Abroger le dispositif Pinel aurait donc des conséquences négatives sur le secteur de la construction, alors même que ce dispositif représente une part non négligeable des ventes réalisées par les promoteurs immobiliers, que ces derniers constatent une nette amélioration de la situation depuis sa mise en place et que la conjoncture demeure encore fragile dans ce secteur d’activité.
En outre, nous n’avons nullement la certitude que l’État récupérerait effectivement 1, 75 milliard d’euros en cas d’abrogation du dispositif Pinel. Il est plus probable que les bénéficiaires de cet avantage fiscal se tourneraient vers d’autres niches fiscales. Je le rappelle, les investisseurs dans le locatif privé sont dans leur grande majorité de petits propriétaires ne possédant qu’un ou deux logements.
Cependant, au regard des sommes importantes qui sont consacrées à ce dispositif, il nous faut être attentifs au respect des conditions de ressources et de loyer exercés par les contribuables dans ces logements, afin de limiter les effets d’aubaine. Ainsi, sans aller jusqu’à mettre en place un plan national de contrôle sur pièces, comme l’envisageait la mission d’évaluation de la politique du logement pour le dispositif d’investissement Scellier intermédiaire dans un rapport non publié à ce jour par le Gouvernement, il pourrait être envisagé de mettre en place des contrôles fiscaux ciblés permettant de vérifier le respect dans le temps du contrat des conditions du dispositif Pinel.