Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi, déposée par les membres du groupe CRC et débattue dans le cadre de leur ordre du jour réservé, prévoit, pour la résumer, de supprimer le dispositif d’investissement locatif Pinel et d’en réaffecter les crédits au financement du logement social, dont le texte relève également les plafonds d’accès. Il est aussi proposé de réduire le taux du CICE pour gager les deux premiers articles
L’examen des articles me donnera l’occasion de détailler les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime que cette proposition de loi est inopportune, et même porteuse d’effets néfastes, tant pour le secteur de la construction que pour l’accès au logement. Vous me permettrez, en guise de propos liminaire, de les évoquer.
Il est d’abord proposé d’abroger le dispositif Pinel, alors même que le secteur du bâtiment connaît enfin une légère reprise en 2015, après huit années de difficultés.
En effet, en 2015, le nombre de permis de construire accordés, ainsi que les mises en chantier ont connu une légère hausse, de respectivement 1, 8 % et 0, 3 %.
Ces chiffres sont encourageants et doivent nous inciter à poursuivre les efforts engagés. Sur les trois premiers trimestres, les ventes dans le neuf ont également progressé, de 19 %. Cette hausse a été principalement soutenue par le dispositif d’investissement locatif intermédiaire entré en vigueur le 1er janvier 2015.
À lui seul, il enregistre une augmentation de 63 %, correspondant à une trajectoire de 15 000 logements supplémentaires construits par an, soit environ 50 000 au total. Sa simplicité et sa lisibilité sont les conditions de son succès. En outre, la possibilité de louer à un ascendant ou à un descendant a permis de le rendre plus attractif et de débloquer de nombreuses opérations. Pour toutes ces raisons, il a été reconduit à l’identique dans la loi de finances pour 2016.
Nous devons surtout souligner son rôle essentiel dans la production de logements intermédiaires, c’est-à-dire destinés à celles et ceux qui ne sont pas éligibles au logement social, mais qui peinent à se loger dans le parc privé.
Il est enfin mieux calibré, car ciblé sur les secteurs géographiques connaissant un déficit important et une forte demande de logements.
À ce titre, les dispositifs Duflot et Pinel, qui ont succédé au Scellier, ont permis, par l’ajustement des plafonds de loyers, d’accroître une offre intermédiaire abordable sur les secteurs connaissant une tension locative importante.
La réforme du zonage « ABC » visant à mieux adapter ces dispositifs logement, notamment celui de l’investissement locatif, aux réalités du marché a sans conteste renforcé l’attractivité du Pinel.
Par ailleurs, il convient également de noter que ces investissements locatifs permettent des recettes fiscales supplémentaires, en termes notamment de TVA et d’imposition des revenus locatifs.
D’une manière plus globale, le secteur de la construction a pu limiter les destructions d’emplois, grâce au logement social, mais aussi largement grâce à l’investissement locatif, même si ses effets sont nécessairement progressifs dans le temps, en raison du délai incompressible entre la vente, la mise en chantier et la livraison.
Son abrogation mettrait donc en péril plusieurs milliers de projets de construction, ainsi que les emplois qui y sont liés, alors que la dynamique de la relance est désormais engagée et que le Pinel y contribue.
Une telle suppression n’est donc ni envisageable ni souhaitable.
Le Gouvernement estime que le secteur a besoin de stabilité, notamment fiscale, comme cela est souligné dans le rapport de la commission des finances.
Mais, je veux aussi le dire, encourager l’investissement locatif intermédiaire n’est ni contradictoire ni inconciliable avec la production de logement social. Au contraire : pour favoriser l’accès au logement de chacun de nos concitoyens, nous devons diversifier les offres et les moyens.
Le Gouvernement n’a d’ailleurs jamais opposé logement intermédiaire et logement social. Il s’est engagé à dynamiser conjointement la production de l’un et de l’autre.
Les aides financières à la construction de logement social sont essentielles pour maintenir un niveau élevé de production qui réponde aux besoins des territoires et de nos concitoyens. Elles assurent la modération des loyers.
En termes de subventions directes, la capacité d’engagement des aides à la pierre est portée à 500 millions d'euros en 2016, au travers du nouveau fonds national dédié. Sa gouvernance sera partagée entre l'État, les bailleurs sociaux, les collectivités locales et les parlementaires, ce qui constitue une avancée indéniable.
L’État y participera à hauteur de 250 millions d’euros en 2016, malgré un contexte budgétaire contraint. Les bailleurs sociaux contribueront à la même hauteur au Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, apportant de meilleures garanties de sécurité, de pérennité et de visibilité au financement du parc social.
Ces subventions sont complétées par d’autres aides de nature fiscale. Je pense notamment au taux réduit de TVA pour les opérations d’acquisition de terrains et de logements et la construction de logements sociaux, ou à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, ou l’exonération d’impôt sur les sociétés.
Ces aides représentent dans leur ensemble 4 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux aides à la pierre. Elles permettent d’atteindre un taux moyen de subvention de 40 % d’un logement social. De surcroît, elles peuvent s’ajouter à certaines aides des collectivités locales et d’Action logement.
En outre, compte tenu du faible taux du livret A, que l'on a abaissé à 0, 75 % au mois d’août 2015, les conditions de crédit favorables représentent un autre levier important pour la production de logements sociaux.
Selon les chiffres publiés le 19 janvier dernier, nous avons enregistré en 2015 une augmentation du nombre de logements sociaux de 2, 3 % par rapport à 2014. Ainsi, 109 000 logements sociaux ont été agréés en métropole, auxquels il convient d’ajouter plus de 11 000 logements construits dans le cadre des opérations de rénovation urbaine de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.
Mais, au-delà de ce nombre, je souligne qu’un quart de ces logements ont été financés en prêts locatifs aidés d’intégration et sont ainsi destinés aux ménages les plus modestes. De plus, deux sur cinq sont situés en zone A, là où la demande est particulièrement forte. Car, s’il convient de construire plus de logements, notamment sociaux, il est essentiel de les construire là où sont les besoins.
Au-delà de la seule construction de logements sociaux, le Gouvernement a également souhaité renforcer leur rénovation. C’est une des grandes orientations, de l’« Agenda 2015-2018 », signé avec l’Union sociale pour l’habitat.
Ces résultats sont le fruit de l’action du Gouvernement, dans le cadre de la relance de la construction en faveur de l’accès au logement des ménages les plus modestes.
Ces efforts nécessitent cependant d’être poursuivis et pérennisés. Les mesures que j’évoquais y participeront incontestablement.
Je voudrais ensuite m’attarder sur la proposition, inscrite à l’article 2, de relever les plafonds d’accès au logement social. Elle nous paraît inadaptée à la réalité et à la mission du parc social.
En effet, nous devons promouvoir des parcours résidentiels ascendants et inciter ainsi les familles qui le peuvent à se tourner vers le parc locatif intermédiaire, privé dans certains cas, ou vers l’accession sociale à la propriété.
En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion avait diminué de 10, 3 % les plafonds de ressources pour l’attribution de logements sociaux. L’objectif était notamment d’accroître la mobilité dans le parc social et de le recentrer sur sa mission première, mais aussi de contrebalancer la hausse mécanique des plafonds de ressources indexés sur le SMIC horaire, qui avait augmenté lors du passage aux 35 heures.
Aujourd’hui, 66 % des ménages se situent sous les plafonds de ressources PLUS et 81 % sous les plafonds PLS. Ainsi, une très large majorité de nos concitoyens a déjà accès à la demande de logement social.
On relève pour autant que le fichier national ne comptabilise que très peu de demandeurs PLS. Ainsi, notre travail est avant tout de sensibiliser ces ménages et de faire évoluer l’image du parc social.
En outre, il me paraît antinomique de vouloir augmenter le plafond de ressources ouvrant théoriquement droit au parc de logements, alors même que l’on souhaite en prioriser l’attribution aux ménages les plus modestes. Je rappelle que les demandes demeurent supérieures à l’offre disponible, et ce malgré l’effort important de l’État pour soutenir la production de logements sociaux depuis plusieurs années.
Les ménages dont les ressources sont supérieures aux plafonds du logement social ont vocation à s’orienter notamment vers le logement intermédiaire.