Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît depuis de nombreuses années une grave crise du logement. Nous le savons tous dans cet hémicycle. Nous savons tous également que l’engagement de campagne du Président de la République de faire construire 500 000 logements par an d’ici à 2017, dont 150 000 logements sociaux, ne sera pas respecté. C’est bien regrettable ; c’est le moins que l’on puisse dire.
D’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus de 3 800 000 personnes sont mal logées en 2016. Environ 900 000 personnes sont privées de domicile personnel, dont 140 000 sont sans domicile fixe.
Au-delà des 4 300 000 personnes qui occupent des logements surpeuplés, la situation de nos concitoyens au regard de leur logement est de plus en plus contrainte. Le logement est le premier poste de dépenses des ménages, et les prix de l’immobilier ont parfois tellement augmenté ces vingt dernières années qu’ils ont tout simplement conduit à l’exclusion de nombreuses personnes de certaines zones urbaines.
Cette situation d’exclusion de nos concitoyens par les prix est d’autant plus paradoxale que l’une des spécificités économiques de la France est que l’épargne de nos ménages, historiquement abondante, a majoritairement été orientée vers la pierre. Le livret A en est l’un des exemples les plus significatifs, puisque l’une des missions historiques de la Caisse des dépôts était justement de financer la construction du logement social grâce à l’épargne des Français.
En 2014, la Caisse a ainsi consenti plus de 16 milliards d’euros de prêts en vue de la construction ou de la réhabilitation de logements sociaux. Toutefois, le logement social ne représente pas l’horizon indépassable de toute politique du logement en France. À cet égard, la Caisse des dépôts a su diversifier ses activités en développant des filiales dédiées au logement intermédiaire.
Je crois que nous pouvons ainsi dessiner les grandes lignes de la question du logement en France. Tout le monde a besoin d’un logement, mais tout le monde ne souhaite pas nécessairement demeurer toute sa vie dans un logement social. En outre, au-delà de cet arbitrage, se pose la question du financement, aussi bien du logement social que du logement intermédiaire.
Aussi, le principal mérite de la proposition de loi de nos collègues communistes est de poser clairement la question. Faut-il sacrifier les efforts budgétaires et fiscaux de la Nation en faveur du logement intermédiaire pour stimuler le développement de l’offre de logements sociaux auprès de nos concitoyens les plus modestes et des classes moyennes ?
Cela revient à dire qu’il faudrait par nature favoriser le logement social sur les autres formes de logement en raison des modalités publiques de son financement.
Nos collègues du groupe communiste nous donnent une vision très nette du modèle qu’ils proposent en matière de politique du logement. Cela se résume en trois points : suppression des avantages fiscaux liés au logement intermédiaire ; extension du périmètre du logement social ; saupoudrage de dépenses publiques pour combler les manques ici et là.
C’est, peu ou prou, la dynamique qui apparaît à la lecture des trois articles de la présente proposition de loi. Vous en conviendrez, mes chers collègues, au regard de l’enjeu pour nos concitoyens, c’est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’on favorise principalement le logement social comme forme du logement en France. Nous avons des besoins très clairs en la matière. Mais je ne comprends pas que, lorsque l’on observe la nature du mal-logement ou les difficultés d’accès au logement pour les plus démunis de nos concitoyens, on s’attache prioritairement à augmenter de 10 % les conditions de ressources permettant d’accéder au logement social.
Cela est d’autant plus regrettable que ce type d’initiative cristallise les oppositions sur un sujet devenu hautement symbolique depuis l’entrée en vigueur de la loi SRU. À cet égard, la position des élus locaux et des maires est très claire : le logement social n’est pas la solution unique à la crise du logement en France. Cette offre sociale n’est pas de nature à satisfaire la totalité de la demande ; vous le savez très bien.
Dès lors, il n’est pas légitime de sacrifier sur l’autel du financement du logement social le logement intermédiaire, qui devrait être naturellement destiné aux classes moyennes.
Certes, je peux comprendre qu’il soit tentant de supprimer ces dispositifs d’incitation fiscale, et je vois bien l’avantage budgétaire que nous pourrions tirer de la suppression du Pinel.
Pourtant, cela ne serait pas opportun : ces dispositifs fiscaux d’incitation à la construction semblent fonctionner. D’après les services de la commission des finances, plus de 750 000 logements auraient été construits ces trente dernières années au moyen des dispositifs Robien, Scellier ou autre Pinel.
Le véritable problème vient de la difficulté de dynamiser le fonctionnement du marché de la construction. Le prix du foncier, principalement en zone tendue, est un frein financier considérable. Les coûts de construction ne cessent de croître. Il y a, certes, le coût du travail, mais on ne mesure pas suffisamment le coût des normes de construction et leurs conséquences sur les chantiers.
Nous devrions, me semble-t-il, développer l’aide aux maires constructeurs, ce que l’on a commencé à faire. Si l’on veut obtenir une vraie mixité sociale, si l’on veut permettre un parcours résidentiel, ce que tous les élus semblent appeler de leurs vœux, il faut faire plus confiance aux maires et accroître leurs droits d’attribution dans les logements sociaux. Aujourd’hui, le taux de 20 % est très insuffisant ; c’est un frein à la construction de logements dans beaucoup de communes.