Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer ma profonde satisfaction de vous présenter aujourd’hui la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux autorités administratives indépendantes ainsi qu’aux autorités publiques indépendantes, textes que j’ai cosignés avec MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard. En effet, leur inscription à l’ordre du jour du Sénat en cette semaine d’initiative parlementaire illustre la trajectoire quasi parfaite d’un travail de contrôle.
Cette proposition de loi et cette proposition de loi organique traduisent sur le plan législatif les propositions formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, qui a été créée en mai 2015 sur l’initiative du groupe du RDSE et que j’ai eu l’honneur de présider. Je veux rendre ici hommage à la qualité du travail accompli par son rapporteur, Jacques Mézard. Nous avons conduit les investigations de la commission en partageant les mêmes convictions quant à la manière de procéder : pas de chasse aux sorcières mais une revue de détail. Ainsi, à travers plus de quarante-deux auditions et l’élaboration d’un questionnaire approfondi sur les modalités de création, de fonctionnement et de contrôle des autorités administratives indépendantes, ainsi que sur les règles de leur composition, nous sommes parvenus à formuler des conclusions et à des préconisations qui ont été adoptées à l’unanimité des membres de la commission d’enquête.
L’adoption de ces deux propositions de loi, aujourd’hui au Sénat et – pourquoi pas ? – demain à l’Assemblée nationale, donnerait tout son sens à la fonction de contrôle du Parlement.
Comme je l’ai dit il y a un instant, nous entendions non pas mener une chasse aux sorcières, mais bien plutôt nous inscrire dans le droit fil des travaux du doyen Patrice Gélard, notre ancien collègue ; celui-ci, à travers deux rapports remis respectivement en 2006 et en 2014, s’inquiétait de la prolifération de ces autorités dépourvues de véritable définition juridique.
Le constat est en effet peu satisfaisant. Depuis la création, en 1978, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, plus de quarante autorités ont vu le jour sans corpus juridique et déontologique commun, alors même que certaines d’entre elles exercent des prérogatives considérables dans des secteurs clés. Les raisons d’être de ces organes sont variées et loin d’être toutes justifiées. Parfois, il s’agissait de garantir l’exercice de libertés publiques : tel est l’objet de la CNIL, du Défenseur des droits ou encore du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans d’autres cas, il convenait de réguler des secteurs économiques s’ouvrant à la concurrence et dans lesquels l’État constituait un acteur historique de poids. On peut citer l’Autorité de la concurrence, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou encore l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Dans ces deux derniers cas, l’État « contrôleur » veille à travers l’autorité administrative indépendante au respect des règles définies par l’État « acteur » au titre de ses compétences régaliennes ou en tant qu’acteur économique. La création d’une autorité administrative indépendante répondait aussi parfois à des obligations internationales ou européennes.
Force a été de constater que toutes ces autorités ne répondent pas à des critères juridiques bien identifiés. Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport public de 2001, invoquait autant la nécessité que le hasard pour justifier la création d’un certain nombre d’entre elles. Depuis lors, ce glissement n’a fait que s’accélérer : certaines autorités indépendantes ont été créées pour permettre à l’État, en quelque sorte, de se défausser. Il s’agissait de répondre à un scandale politique, avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ou encore de ne pas assumer des décisions impopulaires, avec la HADOPI ou le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.