Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi et la proposition de loi organique dont il est question aujourd’hui visent à toiletter en profondeur les autorités administratives indépendantes et à poser les bases d’un statut juridique commun. Après plusieurs rapports parlementaires sur le sujet, notamment celui de la commission d’enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx avec pour rapporteur Jacques Mézard, ces textes sont légitimes et posent de bonnes questions.
Le rapport de la commission d’enquête pointait les dérives du dispositif : le nombre des structures, leur mode de mise en place, le coût total pour les caisses de l’État – environ 600 millions d’euros par an –, les problèmes de déontologie, voire les risques de conflit d’intérêts. Nous confirmons ce constat. Les autorités administratives sont effectivement trop nombreuses. Elles peuvent aussi parfois contribuer à l’affaiblissement du Parlement, accentuer un certain entre soi sociologique qui freine tout changement – mêmes élus, mêmes grands corps, mêmes grandes écoles – en comptant in fine trop peu de citoyennes et de citoyens venant d’horizon divers ou de personnes issues d’entreprises en région.
Les présents textes se veulent donc radicalement emblématiques. Mais le choix de ses auteurs ne doit pas nous faire oublier que c’est à nous que certaines autorités administratives indépendantes doivent leur existence. Parfois, en effet, quand les politiques ne peuvent ou ne veulent résoudre un problème, quoi de plus confortable que de créer une autorité administrative indépendante ? Cela a été souligné, à l’origine, en 1978, des autorités comme la CADA ou la CNIL furent créées – sous la houlette, si j’ai bien compris, d’un certain Alain Richard, député – pour fluidifier la vie publique et administrative et améliorer les droits. Néanmoins, au fil du temps, on a créé des autorités administratives indépendantes censées résoudre des problèmes parfois insolubles.
Dans les textes examinés ce jour, le souci d’apporter une stabilité juridique, de renforcer la transparence, la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts va dans le bon sens.
Si le diagnostic est bon, selon nous, écologistes, le remède pèche peut-être par sa radicalité – ce qui n’est pas si surprenant de la part d’un radical… §À nos yeux, la liste des autorités administratives indépendantes retenues mériterait d’être davantage discutée.
Nous approuvons que la création d’une autorité administrative indépendante soit réservée au législateur, sur l’exemple du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, créé par la loi de programmation militaire de 2013. Cependant, il nous semble problématique d’envisager de supprimer la qualité d’AAI à certaines instances. Cette possibilité peut être mal perçue, comme nous le remarquons déjà. Je rappelle, par exemple, à propos de la structure que je viens d’évoquer, que c’est pour sortir d’une impasse, sur laquelle tout le monde s’accordait, à savoir le faible nombre de dossiers d’indemnisation des victimes des essais nucléaires traités, que l’on avait transformé un comité qui ne fonctionnait pas en une autorité, laquelle recueillait au moins l’assentiment des victimes et avait été totalement approuvée par le ministère de la défense et la Haute Assemblée. À cet égard, nous pensons que le rapport peut inutilement inquiéter certaines personnes.
Nous regrettons également que le médiateur national de l’énergie ne fasse pas partie de la liste qui fait débat. L’application de cette réforme pourrait, par sa brutalité, mettre en danger l’indépendance et, surtout, la liberté de parole du médiateur, qui œuvre pourtant efficacement à la protection des consommateurs d’énergie, et ce alors même que nous venons d’étendre ses compétences dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La proposition de loi n’est donc pas totalement « raccord » avec ce que nous venons de voter.