Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 4 février 2016 à 14h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Adoption d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les autorités administratives indépendantes et la régulation se sont développées, en France, sous l’influence du droit communautaire, dont la légitimité démocratique est elle-même sujette à caution. Elles ont souvent été créées sous impulsion européenne, pour assurer l’effectivité du droit de l’Union, du droit de la concurrence en particulier, au détriment, trop souvent, de la sauvegarde de l’intérêt général, dont l’État est le dépositaire. Les AAI ont ainsi « dépecé » l’État de son pouvoir politique sur les secteurs clés de l’économie.

Toutefois, et cela est symptomatique d’un recul du politique, dans d’autres cas, l’exécutif a fait le choix du « jeu de la défausse », pour reprendre les termes d’une éminente juriste, en créant une autorité administrative indépendante, qui lui permet de s’éloigner des tensions économiques, sociales et de se déresponsabiliser d’arbitrages qu’il ne veut pas assumer.

Ainsi, comme nous l’affirmons maintenant depuis de nombreuses années, la multiplication des autorités administratives indépendantes conduit à un démembrement et à un délitement de l’État. Les AAI remettent en cause le principe de l’unité consubstantielle à l’État, piétinant, de ce fait, l’intérêt général, car elles ne sont plus insérées dans la hiérarchie du pouvoir exécutif et du contrôle législatif, bien qu’elles soient dotées de pouvoirs régaliens, comme le pouvoir de sanction. D’ailleurs, le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2001, n’était pas favorable à l’évolution, pléthorique, qui consiste à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou commission consultative, puis en autorité administrative indépendante et parfois même en autorité publique indépendante.

En outre, poussée à l’excès, comme c’est le cas aujourd’hui, cette formule nous apparaît comme une entorse au principe démocratique qui postule la soumission de l’administration au politique. Ce mouvement entraîne un affaiblissement excessif de la responsabilité incombant au pouvoir politique procédant de l’élection, qu’il s’agisse du Parlement ou, indirectement, de l’exécutif.

Pour toutes ces raisons, je tiens à saluer l’initiative qu’ont prise la présidente et le rapporteur de la commission d’enquête en déposant cette proposition de loi et cette proposition de loi organique.

Aujourd’hui, on constate une insuffisance du dispositif de contrôle des AAI : celles qui sont financièrement autonomes, lesquelles bénéficient de ressources propres, ne voient pas leur budget annuel discuté au Parlement et parfois même ne présentent pas de rapport annuel public, car leurs textes statutaires ne le prévoient pas.

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