Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui était très attendue, nous parvient enfin. En effet, les dispositions essentielles du présent texte avaient déjà été adoptées dans deux véhicules législatifs : la loi relative à la transition énergétique et la loi Macron. Par la suite, le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions figurant dans la loi relative à la transition énergétique au motif qu’il s’agissait de cavaliers législatifs. Quant à celles inscrites dans la loi Macron, elles avaient été supprimées par l’Assemblée nationale.
La présente proposition de loi, cosignée par des députés représentant tous les groupes politiques, fait suite à ces deux échecs. Deux textes avaient à l’origine été déposés à l’Assemblée nationale sur ce thème : un premier par Frédéric Lefebvre et Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Républicains, un second par Guillaume Garot, pour le groupe socialiste. En fin de compte, une proposition de loi issue de la fusion de ces deux textes a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.
Parallèlement, l’activité du Sénat et des sénateurs centristes n’en a pas été moins soutenue. Notre collègue Nathalie Goulet a fait adopter dans la loi Macron un amendement, devenu l’article 10 quater A, autorisant les grandes surfaces à organiser la collecte des denrées alimentaires invendues au profit des associations. Cet article a ensuite été supprimé par l’Assemblée nationale. À la suite de cette suppression, Nathalie Goulet a déposé une proposition de loi le 17 août 2015, que le groupe UDI-UC devait inscrire dans sa niche parlementaire et dont Chantal Jouanno devait être la rapporteur. Notre collègue rapporte aujourd’hui le texte adopté à l’Assemblée nationale.
Comme la proposition de loi de Nathalie Goulet, le texte qui nous est aujourd'hui soumis reprend les dispositions introduites à l’article 103 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, lesquelles avaient été censurées par le Conseil constitutionnel. Il prévoit plusieurs mesures de lutte contre le gaspillage : l’inscription dans le code de l’environnement d’une hiérarchie de la lutte contre le gaspillage alimentaire allant de la prévention à la méthanisation ; l’obligation de recourir à une convention pour les dons réalisés entre un distributeur de denrées alimentaires et une association caritative ; l’interdiction de la javellisation des invendus ; l’obligation, pour les surfaces de plus de 400 mètres carrés, de proposer, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente proposition de loi, une convention de don à une ou plusieurs associations pour la reprise de leurs invendus alimentaires encore consommables ; l’information et l’éducation à la lutte contre le gaspillage dans les écoles ; l’intégration de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le reporting social et environnemental des entreprises. Le texte semble donc assez complet.
Soulignons que ces dispositions ont été adoptées à l’unanimité par le Sénat en juillet 2015.
L’urgence de lutter contre le gaspillage alimentaire en France est telle que la commission a adopté le texte sans le modifier. Nous comprenons ses raisons légitimes. Pour autant, je pense que la proposition de loi est encore perfectible. Elle pourrait ainsi être complétée sur trois points. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements.
Le premier a trait au don de denrées alimentaires. Nous convenons tous que le don est nécessaire et central dans le dispositif. Cependant, il est tout aussi nécessaire que l’intégrité des denrées alimentaires données soit assurée en amont, afin notamment que l’image des associations qui les redistribuent ne soit pas affectée.
De nombreuses collectivités territoriales constatent, dans le circuit de gestion des déchets, qu’une masse grandissante des invendus alimentaires donnés aux associations n’est pas redistribuée. Ces collectivités ne souhaitent pas que ces denrées non redistribuées, car de mauvaise qualité, finissent dans le circuit de collecte des déchets ménagers, à la charge du contribuable local. En nous assurant de la qualité des produits donnés, nous pourrons atteindre un pourcentage de redistribution des invendus plus élevé, ce qui permettra de réduire les déchets.
Le deuxième amendement porte sur la convention conclue entre les associations et les commerces de détail alimentaires. Nous pensons qu’il est indispensable pour lutter contre le gaspillage que cette convention assure également une garantie de reprise, par le commerce de détail alimentaire, des denrées alimentaires qui ont été données aux associations, mais qui n’ont pas été distribuées. Une fois encore, il s’agit de ne pas faire supporter au contribuable le coût de gestion des déchets alimentaires résiduels en provenance des distributeurs du secteur alimentaire.
Enfin, nous pensons utile d’ajouter, après l’alinéa 15 de l’article 1er, que la convention conclue entre l’association et le commerce de détail détermine les modalités de la valorisation ou de l’élimination de tous les dons alimentaires qui n’ont pas été distribués par l’association. L’objectif est toujours de ne pas faire supporter au contribuable le coût de la gestion des déchets résiduels provenant des distributeurs du secteur alimentaire. Il est aussi d’anticiper les conséquences du transfert des denrées alimentaires d’une entité à une autre, au regard de la responsabilité du producteur des déchets.
J’espère que ces préoccupations seront entendues.
Pour terminer, je tiens à féliciter notre rapporteur, Chantal Jouanno.