Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, d’après l’ADEME, le gaspillage alimentaire a été multiplié par deux depuis 1974. Il représente aujourd’hui dans la consommation des ménages vingt kilos par an et par personne de déchets, dont sept kilos de déchets alimentaires non consommés encore emballés, soit un coût de 100 à 160 euros par an et par personne.
Sans tomber dans la démagogie, ce gaspillage invite à la réflexion sur notre société de surconsommation, sur notre volonté ou pas de maîtriser celle-ci. De façon plus pragmatique, nous devons nous interroger sur les outils à mettre en place pour éduquer à une meilleure consommation, c’est-à-dire une consommation maîtrisée.
Les collectivités locales sont directement concernées par le gaspillage alimentaire en tant que gestionnaires de la restauration scolaire, en raison des actions menées dans le cadre de leurs compétences dans le domaine des affaires sociales ou encore du fait de leurs relations de proximité avec les acteurs de la solidarité. Depuis 2010, dans le cadre de l’Agenda 21, l’agglomération du Havre, par exemple, s’est engagée dans une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, initialement dans le cadre de la prévention des déchets.
Ainsi, nous nous sommes attachés à mettre en place des actions de prévention par l’éducation jusqu’à l’installation de composteurs dans les écoles.
Dans nos cantines scolaires, où sont servis 8 600 repas quotidiennement, nous avons mis en place une politique alimentaire qui a permis de créer des réflexes naturels pour éviter le gâchis : confection sur place à partir de produits issus de la filière courte, enfants servis à table par petite quantité, menus variés… Les enfants de primaire sont aussi invités à des ateliers pédagogiques spécifiques. Les restes de stocks sont distribués en fin d’année à la Banque alimentaire.
En parallèle, pour réduire le gaspillage alimentaire domestique, des actions pédagogiques auprès des familles sont organisées. Elles prennent la forme non seulement de supports pratiques, tels qu’un livret de recettes, une liste de course ou un fascicule sur le rangement du frigidaire, mais aussi d’ateliers culinaires sur l’art d’accommoder les restes. Au-delà de la maîtrise du gaspillage, j’y vois un outil pour maîtriser son budget, éduquer à une alimentation équilibrée et à l’art de partager un repas cuisiné autour d’une table.
À l’heure où le nombre de bénéficiaires de la distribution alimentaire augmente, les associations qui collectent ont besoin de plus en plus de denrées. Si la proposition de loi Garot sécurise les dons des invendus aux associations caritatives, une incertitude n’en demeure pas moins quant à la qualité des dons effectués. J’entends par ce terme la problématique des dates limites d’utilisation optimale et des dates limites de consommation.
Le transfert obligatoire des invendus des grandes surfaces vers les associations locales doit impérativement être encadré avec précision, de sorte que les associations caritatives ne deviennent pas les « poubelles » des entreprises de distribution. Il importe que la responsabilité du gâchis alimentaire ne soit pas transférée vers les associations caritatives, qui seraient dans l’impossibilité de gérer des stocks imprévisibles. En effet, les partenariats existant aujourd’hui entre acteurs de la grande distribution et associations caritatives montrent que, dans la majorité des cas, les denrées alimentaires mises à disposition ont des dates limites d’utilisation optimale dépassées et des dates limites de consommation très proches. Il en résulte que de nombreuses denrées sont jetées par les bénéficiaires du fait de leur non-connaissance de la signification des dates.
Par ailleurs, les quantités excessives de produits ne trouvent pas toujours de destinataire. Il faudra donc être attentif et exigeant sur la prévention et travailler pour une meilleure connaissance des dates limites d’utilisation et de consommation. Il sera également nécessaire de donner aux associations caritatives les moyens de connaître en amont les stocks dont elles pourront bénéficier. Ce sont à mes yeux des actions fortes qui éviteront aussi le gaspillage alimentaire.
Je voterai donc ce texte qui, dans le contexte actuel de la précarisation de nombreuses personnes, apporte une réponse de bon sens et encourage à la solidarité de tous.