Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 3 février 2016 à 14h30
Droit individuel à la formation pour les élus locaux — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, à la suite de l’adoption d’un amendement de notre collègue Antoine Lefèvre, l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat a ouvert à ces derniers la faculté de se constituer un droit individuel à la formation. Cet article était la concrétisation législative d’une recommandation formulée par l’auteur de cet amendement, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui soulignait à quel point « la question de l’après-mandat est une préoccupation majeure des élus locaux. ». Cet instrument devrait favoriser « la diversification des profils sociologiques des responsables politiques locaux. » M. Sueur vient de le dire.

La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur vise à conforter ce dispositif.

La commission des lois, soucieuse d’assurer l’effectivité d’un mécanisme conçu pour contribuer à la vitalité de la démocratie locale, a approuvé l’objet de la proposition de loi qu’elle a complétée pour remédier aux conséquences d’une censure constitutionnelle, point sur lequel je reviendrai plus tard.

Le droit individuel à la formation, ou DIF, ainsi constitué est d’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat et financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 % du montant des indemnités de fonction versées par la collectivité. La cotisation est collectée par un organisme national.

La mise en œuvre du DIF relève de l’initiative de chacun des élus concernés. Il peut être utilisé pour des formations sans lien avec l’exercice du mandat dans la perspective de la réorientation professionnelle de l’élu après la fin de son mandat.

La fixation des modalités de mise en œuvre du DIF, notamment les conditions de la collecte de la cotisation, a été renvoyée à un décret en Conseil d’État, lequel n’a pas été publié à ce jour. Par conséquent, et au terme d’une approche comparative, le recours à la loi pour mettre en œuvre le DIF est apparu nécessaire. En effet, pour deux dispositifs proches de celui qui est l’objet du présent texte, le fonds de financement de l’allocation différentielle de fin de mandat et le système d’information du compte personnel de formation des actifs, le législateur a expressément désigné l’organisme gestionnaire : la Caisse des dépôts et consignations.

Comme l’a dit M. Sueur, le nouveau dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2016.

Le nombre de bénéficiaires potentiels est constitué des 550 000 élus locaux de tous les niveaux de collectivités. Parmi eux, les 190 000 conseillers qui perçoivent une indemnité de fonction seraient assujettis au versement de la cotisation.

Le montant total ainsi collecté au taux plancher de 1 % est estimé à 14 millions d’euros par an, selon les éléments transmis par la Direction générale des collectivités locales, ou DGCL.

La proposition de loi qui nous est soumise présente un triple objet. Premier objet, créer un fonds pour le financement du DIF des élus locaux. Deuxième objet, en confier la gestion à la Caisse des dépôts et consignations qui en assurerait la gestion administrative, technique et financière, ainsi que l’instruction des demandes de formation. Sur ce dernier point, il s’agirait d’un examen technique destiné à vérifier la régularité des demandes en termes de droits constitués, le nombre d’heures disponibles et la compatibilité de la formation souhaitée avec les champs ouverts au DIF. Troisième objet, prévoir une information annuelle du comité des finances locales sur la gestion du fonds.

La compétence de la Caisse des dépôts et consignations s’est imposée à l’auteur de la proposition de loi en raison « de son expérience et de son expertise dans le domaine de la formation ».

Les représentants de la Caisse que nous avons auditionnés se sont déclarés prêts à assumer cette nouvelle mission. En effet, cette instance assure déjà la gestion des régimes de retraite et de protection sociale des élus – le fonds de pension des élus locaux, le FONPEL, le régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC –, ainsi que le fonds de financement de l’allocation différentielle de fin de mandat, déjà mentionné.

Elle s’y est d’ailleurs préparée dans le cadre d’une réflexion conduite avec le ministère de la décentralisation avant qu’une intervention législative ne s’impose. Elle a ainsi identifié les différents aspects de cette mission : recouvrement des cotisations qui pourrait être annuel, en fin d’exercice ; calcul des droits des bénéficiaires ; instruction des demandes ; règlement des prestations des organismes de formation et paiement des frais de déplacement et de séjour des stagiaires ; information des élus ; gestion financière et comptable ; établissement d’un tableau prévisionnel de financement du fonds.

Les cotisations, pour la première année 2016, pourraient être exigibles dès le mois de septembre, afin de permettre le financement des formations dès janvier 2017.

D’après les éléments recueillis auprès de la Caisse et de la Direction générale des collectivités locales, les formations ouvertes aux élus pour leur reconversion professionnelle seraient les suivantes : les formations qualifiantes telles qu’elles sont prévues par le code du travail ; les formations comprises dans le socle de connaissances et de compétences ; les formations pouvant conduire à l’acquisition de diplômes dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience des élus locaux.

En ce qui concerne la mise en œuvre du DIF, je souhaite préciser que, si la demande doit être introduite avant l’expiration du mandat, la formation elle-même devrait pouvoir s’accomplir postérieurement, dans un délai toutefois contraint, puisque les droits sont constitués jusqu’à l’achèvement du mandat.

De plus, la Caisse et la DGCL estiment qu’il conviendrait également de réfléchir à instaurer un plafonnement de la prise en charge par l’organisme collecteur, à l’instar de ce qui est pratiqué pour la prise en charge des frais de formation au titre du compte personnel de formation des actifs.

La commission des lois a ajusté le texte pour corriger des erreurs de références d’articles et clarifier la rédaction des dispositions encadrant le DIF, afin de bien distinguer son financement de ses bénéficiaires. Le droit individuel à la formation est en effet financé par une cotisation assise sur les indemnités de fonction, mais il bénéficie à l’ensemble des élus, qu’ils perçoivent ou non une indemnité de fonction. Il faut bien le préciser.

De plus – et c’est le second acte –, la commission des lois a accepté de tirer les conséquences d’une censure constitutionnelle en complétant cette proposition de loi par un amendement du Gouvernement, afin de remédier à la décision de non-conformité de l’article 115 de la loi de finances rectificative. Celui-ci précisait l’entrée en vigueur et le champ d’application de l’article 42 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a réformé le régime indemnitaire des syndicats de communes et des syndicats mixtes. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire.

Ainsi, l’article 3, ajouté lors des travaux de la commission, prévoit le report de la réforme opérée par l’article 42 de la loi NOTRe à l’expiration d’un délai de deux ans après la publication de celle-ci, c’est-à-dire au 9 août 2017. Il prévoit également l’application, dans l’intervalle, du dispositif indemnitaire antérieur à la loi NOTRe pour les présidents et vice-présidents des syndicats de communes et mixtes, avec effet rétroactif au 9 août 2015. Enfin, il prévoit l’extension, à compter du 9 août 2017, aux présidents et vice-présidents des syndicats mixtes ouverts dits « restreints » du versement d’indemnités – et non des défraiements de frais – selon le système prévu par la loi NOTRe pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes fermés.

En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi a été modifié, également sur proposition du Gouvernement. Je sais que ce dernier va nous présenter un amendement visant à modifier le délai du report de la réforme, et je l’en remercie par avance. Nous en discuterons tout à l’heure.

J’en viens au report limité de la mise en application de l’article 42 de la loi NOTRe. J’entends bien la position du Gouvernement, lequel lie ce report à la rationalisation de la carte des EPCI à fiscalité propre et des syndicats et aux nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale qui verront le jour en 2017.

Toutefois, je souhaite attirer son attention sur les conséquences de l’arrêt du versement des indemnités aux présidents et vice-présidents des syndicats de communes ou mixtes qui seront toujours en exercice en 2017 et qui seront donc légitimes puisque ces syndicats n’auront pas été dissous.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il ne me paraît pas équitable de changer les règles du jeu en cours de partie, si vous me permettez cette expression. Il me semblerait plus sage de prolonger la dérogation jusqu’à la fin des mandats électifs en cours qui interviendra, dans la plupart des cas, à la fin du premier trimestre de l’année 2020. Seul le Gouvernement a la possibilité de proposer une prolongation du dispositif en ce sens.

Si vous en êtes d’accord – nous verrons quelles sont vos positions –, nous pourrions prendre acte du fait que l’article 3 de cette proposition de loi est une première étape, afin que ce texte recueille un vote conforme à l’Assemblée nationale – et dans des délais brefs, je sais que c’est important –, texte dont la mise en application est rendue nécessaire notamment eu égard au DIF, officiellement en vigueur depuis le 1er janvier 2016. L’enjeu est, surtout, de légaliser le versement des indemnités, auquel il est procédé actuellement, mais qui est dépourvu de fondement juridique depuis plusieurs mois. Il est donc en effet urgent de trouver un accord avec l’Assemblée nationale.

Cela étant, nous attendons un engagement du Gouvernement – peut-être l’aurons-nous ce soir – d’étudier cette demande de prolongation jusqu’à la fin du mandat en cours, prolongation qui devrait faire l’unanimité sur les travées du Sénat. Nos collègues élus locaux ont été choqués par les conséquences de l’article 42 de la loi NOTRe. Ils sont vent debout et nous interpellent chaque fois que nous les rencontrons !

J’en termine en vous remerciant, madame la ministre, de votre compréhension, du travail positif que nous avons pu mener en commun et de votre action future jusqu’à l’échéance de 2020.

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