Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 3 février 2016 à 14h30
Laïcité : inscriptions des principes de la loi de 1905 dans la constitution — Article unique

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Cette proposition de loi constitutionnelle rappelle l’importance du principe de laïcité, en en précisant le sens et les contours. Elle vise à donner un fondement constitutionnel à la loi de 1905, en en intégrant les principes fondamentaux à l’article 1er de la Constitution.

Toutefois, si, dans la période trouble que traverse notre pays, on peut souscrire à la nécessité de réaffirmer le principe de laïcité, est-il vraiment nécessaire d’en préciser la portée constitutionnelle ?

En effet, le caractère laïque de la République est déjà garanti par la Constitution, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a même reconnu la valeur constitutionnelle des principes de la loi de 1905. La notion de laïcité étant ainsi déjà parfaitement intégrée au bloc de constitutionnalité, je trouve que cette proposition de loi présente un intérêt limité.

En revanche, je m’inquiète sincèrement des conséquences qu’une telle modification aurait sur le régime concordataire d’Alsace-Moselle.

Si cet article devait être adopté, la laïcité telle qu’elle est vécue en Alsace-Moselle serait gravement fragilisée. Les trois départements concernés, qui dérogent aux principes posés par la loi de 1905, n’en sont en effet pas moins attachés à la laïcité et aux principes de la République. Ils font simplement la démonstration de la polyvalence de la notion de laïcité. Les Alsaciens y sont très attachés et l’existence de ce statut particulier se justifie historiquement.

La pratique concordataire assure une certaine paix religieuse en Alsace-Moselle et permet à l’État d’y entretenir des rapports transparents avec les cultes. Elle a permis, dans ces territoires, l’établissement d’un équilibre exemplaire dans les relations entre l’État et les cultes, ainsi qu’entre laïcité et liberté religieuse.

Si j’attache un intérêt plus particulier au cas de l’Alsace et de la Moselle, je n’en oublie pas, pour autant, les départements d’outre-mer, qui seraient confrontés au même risque de remise en cause de leur particularisme en matière d’organisation des cultes.

À la suite des événements tragiques qu’a connus notre pays, face au dévoiement par quelques-uns des croyances religieuses, il est normal que nous nous interrogions sur le phénomène religieux.

Toutefois, comme les autres sénatrices et sénateurs alsaciens, je tiens à exprimer, en mon nom comme en celui de Jacques Bigot et de Jean-Pierre Masseret, notre désaccord avec le texte qui nous est présenté. Évitons de défaire, sous le coup de l’émotion, l’équilibre fragile que les législations successives et la jurisprudence ont permis d’atteindre !

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