Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le groupe du RDSE soumet à l’examen du Sénat une proposition de loi organique visant à supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, de confier une mission temporaire à un parlementaire.
Avec un profond souci de l’histoire du droit et de nos institutions, ainsi qu’un goût prononcé pour les anecdotes qui donnent à réfléchir, M. le rapporteur a exposé de manière fort intéressante une question qui mérite toute notre attention.
Le rappel de l’origine de cette pratique permet de mieux en saisir l’esprit. Elle est apparue sous la IIe République, dont les institutions étaient pourtant marquées par une séparation absolue des pouvoirs. Sous les IIIe et IVe Républiques, régimes parlementaires, la logique changea, puisque les membres du Conseil des ministres conservaient leur mandat parlementaire, comme c’est encore le cas de nos jours dans la très grande majorité des régimes parlementaires européens. En revanche, les parlementaires pouvaient se voir confier par le pouvoir exécutif des missions rémunérées, ainsi que des responsabilités administratives très élevées, notamment en ambassade ou dans une préfecture.
Afin d’instaurer une plus grande séparation des pouvoirs et de prévenir les dérives, les institutions de la Ve République ont, d’une part, interdit le cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction ministérielle, et, d’autre part, posé le principe du non-cumul du mandat parlementaire avec une fonction publique non élective.
Toutefois, nos institutions conservant également certains des traits essentiels d’un régime parlementaire, les relations constructives entre les pouvoirs législatif et exécutif sont non seulement permises, mais souhaitables, notamment dans le cadre des missions temporaires confiées par le Gouvernement à des parlementaires.
Rappelons d’abord que le parlementaire qui accepte une mission proposée par le Gouvernement est entièrement libre de l’organisation de son travail et de ses conclusions.
Ensuite, il convient de redire ici que l’exercice d’une mission temporaire par un parlementaire ne peut donner lieu au versement d’aucune rémunération, gratification ou indemnité.
Enfin et surtout, un véritable intérêt commun motive l’association des parlementaires aux travaux techniques réalisés à la demande du Gouvernement, en amont du processus législatif, par l’administration centrale, les inspections générales, le Conseil d’État, ainsi que par des institutions indépendantes du pouvoir exécutif, comme la Cour des comptes. L’apport d’un regard souvent plus proche du terrain, la recherche du consensus par l’association, sur certains sujets, de parlementaires de l’opposition sont autant de facteurs qui viennent éclairer la décision, faciliter l’adoption et surtout la mise en œuvre des réformes.
C’est pourquoi de nombreuses réformes d’ampleur pour la société française ont été préparées et rendues possibles par le travail approfondi de parlementaires en mission. On peut citer, par exemple, la création de la couverture maladie universelle en 1999, à la suite de la publication d’un rapport du député Jean-Claude Boulard, en 1998.
Depuis 2012, le Gouvernement a également eu l’occasion de solliciter l’expertise de nombreux sénateurs et députés. Ainsi, les travaux du député Richard Ferrand sur les professions réglementées ont été directement utilisés pour l’élaboration de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
De la même manière, le rapport du député Pascal Terrasse sur l’économie collaborative contribuera sans aucun doute à l’élaboration d’une réflexion sur l’adaptation du droit et de la fiscalité aux nouvelles formes d’initiatives économiques.
De tels enjeux nécessitent un travail approfondi, en particulier lorsqu’il s’agit de dessiner des perspectives sur le long terme : le rapport de la députée Martine Pinville sur l’anticipation, la prévention et l’adaptation de la société face au vieillissement a ainsi guidé le Gouvernement vers une solution législative ambitieuse. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, promulguée le 28 décembre dernier, en est l’aboutissement.
Les missions temporaires préparent parfois la conclusion d’accords entre les deux assemblées et entre les différentes sensibilités politiques qui y sont représentées. Encore tout récemment, l’adoption définitive de la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a montré l’importance de conduire de telles missions avant de légiférer sur des questions d’éthique qui touchent chacun dans ses convictions les plus intimes. Les travaux des députés Jean Leonetti et Alain Clayes ont donc participé à la recherche d’un compromis entre les différentes sensibilités politiques, ainsi qu’entre députés et sénateurs, pour aboutir à un texte commun.
Je veux souligner ici le rôle joué par un certain nombre de sénateurs. M. Alain Bertrand, membre du groupe du RDSE, a ainsi mené un travail remarquable, que je tiens à saluer, sur les territoires hyper-ruraux, auprès de Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.