Séance en hémicycle du 3 février 2016 à 22h20

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de M. Hervé Marseille.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean Claude Lenoir, Michel Houel, Mmes Sophie Primas, Anne-Catherine Loisier, MM. Yannick Vaugrenard, Martial Bourquin et Jean Pierre Bosino ;

Suppléants : MM. Gérard Bailly, Alain Bertrand, Roland Courteau, Serge Dassault, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure et M. Jean Jacques Lasserre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (proposition n° 3, texte de la commission n° 331, rapport n° 330).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi organique du RDSE, revisitée par notre rapporteur et la commission des lois, est de supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires. Il s’agit, en français standard, de supprimer les « parlementaires en mission ».

Pourquoi cette idée saugrenue, penserez-vous ? Pourquoi priver le Parlement de ce moyen de faire connaître à l’exécutif, qui ne l’entend guère, son sentiment sur des sujets importants ? Telles sont les questions que se posent un certain nombre de nos collègues. Y répondre exige un détour et quelques explications complémentaires.

D’abord, qu’est-ce qu’un « parlementaire en mission » aux termes de la législation actuelle ? C’est tout simplement un député ou un sénateur chargé discrétionnairement par le Gouvernement d’une mission de six mois. Celle-ci se limite généralement à la rédaction d’un rapport, mais elle peut parfois consister en l’exercice de véritables fonctions administratives, telles que celles de préfet, de président de comité, de ministre plénipotentiaire, etc. À l’inverse, on ne retrouve parfois trace d’aucune activité du chargé de mission.

Durant ces six mois, le parlementaire, qui conserve son statut et peut même déléguer son droit de vote, continue d’exercer normalement son mandat parallèlement à la mission qui lui a été confiée. Quand, à la demande du Gouvernement, la mission se prolonge, son mandat cesse et il est alors remplacé par son suppléant ou par son suivant de liste, pour les sénateurs élus à la proportionnelle, sans qu’il soit besoin d’organiser une élection partielle.

Si la nomination d’un parlementaire en mission prend la forme d’un décret, celui-ci n’est pas toujours publié et peut rester muet sur l’objet de la mission.

Les bénéficiaires sont le plus souvent des parlementaires appartenant à la majorité présidentielle ou à ses franges, mais ils peuvent aussi être issus de l’opposition, dès lors qu’ils partagent les opinions de la majorité sur le sujet en cause. Le fin du fin consiste à nommer des binômes associant un parlementaire de la majorité et un de l’opposition, ne divergeant que sur les détails.

Enfin, pour un même parlementaire, ces missions, séparées de brèves interruptions, peuvent se succéder dans le temps.

On aura remarqué que cette pratique est tout d’abord une violation assumée du principe de la séparation des pouvoirs et des fonctions, à la différence des missions consultatives plus ou moins informelles confiées par un ministre au titre de la préparation d’un projet de loi ou de son suivi ; qu’elle constitue ensuite une « entourloupe » au regard du suffrage universel : les électeurs n’ayant pas voté pour un binôme exerçant alternativement un mandat parlementaire et des fonctions gouvernementales, la moindre des choses serait que le siège abandonné soit pourvu par le biais d’une élection partielle ; que la nomination ainsi que la décision de prolongation, enfin, sont le fait du Gouvernement, le Parlement ne pouvant s’y opposer.

Ce sont là autant de raisons qui, justifiant la suppression des parlementaires en mission, ont conduit la commission des lois à soutenir la proposition de loi organique du RDSE. Elle l’a fait d’autant plus volontiers que cette pratique, d’occasionnelle et parfois justifiée par les aptitudes de la personne nommée à l’exercice de la mission à elle confiée – ce fut le cas pour la nomination du premier parlementaire en mission, en 1849, en pleine affaire de Rome –, est devenue habituelle. Ainsi, il y a eu 76 parlementaires en mission durant la législature 1997-2002, 108 durant la législature 2002-2007, 113 durant la législature 2007-2012 et déjà 100 depuis 2012, en seulement trois ans ! On a même l’impression d’une amplification du phénomène en cette fin de mandat présidentiel.

Cette inflation montre, à elle seule, que la désignation de parlementaires en mission, à la discrétion du Gouvernement, représente plus souvent une décoration – méritée, je n’en disconviens pas – qu’un moyen d’améliorer la pratique gouvernementale ou d’enrichir la vie parlementaire. Personnellement, j’y vois un moyen de contrôle soft du Parlement.

C’est un moyen habile qui s’ajoute à l’encadrement constitutionnel connu sous le nom de parlementarisme rationalisé, à l’autocensure du Parlement, désormais converti à l’usage extensif des articles 40 et 41 de la Constitution, parfois de l’article 34, de la règle de l’« entonnoir » inventée par le Conseil constitutionnel, infatigable gardien des prérogatives que s’attribue le Gouvernement. Le Parlement se trouve ainsi bridé par les règles qu’il s’impose à lui-même ou qu’il accepte de se voir imposer par sa propre administration – je le dis en connaissance de cause –, sans parler des conseils discrets et amicaux distillés par les cabinets ministériels aux rapporteurs pour le bien du Parlement, dont la cote de popularité se mesure désormais à l’aune de la rapidité avec laquelle il vote les projets de loi.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’entretient avec un sénateur au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je vois que mes propos n’intéressent pas grand monde… Monsieur le secrétaire d’État, si je suis de trop, je peux quitter la tribune !

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Oh non, monsieur le sénateur, je vous en prie, continuez !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J’espère que je ne dérange pas trop vos apartés ? Je sais bien qu’il s’agit d’un exercice formel, mais tout de même…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est parce qu’il s’agit d’une initiative parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Parlement est bridé par le parlementarisme rationalisé, disais-je, mais il s’impose aussi volontiers aussi un certain nombre de règles, et je ne dis rien des conseils amicaux des cabinets ministériels…

À cela s’ajoute une autre dérive : le prolongement des missions au-delà de six mois pour organiser l’« exfiltration » de l’intéressé vers des fonctions plus prestigieuses ou plus lucratives que celles précédemment exercées, sans prendre le risque d’organiser une élection partielle pour le remplacer au Parlement.

Pour nous en tenir à la chronique récente, la dernière affaire de la « présidence normale » fut, on le sait – après la tentative d’exfiltration de Pierre Moscovici vers la Commission européenne sans organiser une élection législative partielle, rendue impossible par le calendrier imposé par Bruxelles –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat . … la migration de François Brottes de la présidence de la commission des affaires économique de l’Assemblée nationale – chargée, soit dit en passant, du contrôle de Réseau de transport d’électricité, RTE – à la présidence du directoire de cette entreprise, via une mission parlementaire formatrice sur « la sécurité de l’approvisionnement électrique ».

Rires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat . Ça ne s’invente pas !

M. Yves Détraigne rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cette mission ayant été opportunément prolongée, son suppléant a pu le remplacer à l’Assemblée nationale sans qu’il soit besoin de demander l’avis des électeurs… On a ainsi gagné du temps !

À nos collègues tentés de conserver le système actuel tout en rendant impossible sa déviation la plus voyante, que je viens de mettre en lumière, je ferai observer que, pour non recommandables qu’elles soient, ces pratiques ne sont que l’arbre qui cache la forêt : la réduction comme peau de chagrin des pouvoirs d’un Parlement que le pouvoir exécutif contrôle non seulement par des voies constitutionnelles connues d’aucun régime démocratique, mais encore par un ensemble de pratiques dont les finalités et les résultats sont exactement les mêmes, bien qu’elles soient en apparence plus anodines.

Les dispositions constitutionnelles ou législatives ne valent pas en elles-mêmes, mais en fonction des pratiques de l’époque. Conçue comme un remède à l’instabilité parlementaire d’une époque, ce qui explique l’attribution de pouvoirs exorbitants à l’exécutif, la Constitution de la Ve République finissante fonctionne avec des majorités en béton. Tout le pouvoir, ou presque, est à l’Élysée, et l’on cherche en vain les contre-pouvoirs institutionnels capables de le tempérer, d’où l’impression d’un blocage institutionnel, que ressentent même les citoyens les moins attentifs à la vie politique, et le tour d’« émeutes électorales » que prennent de plus en plus les élections.

Sans prétendre apporter une réponse à cette redoutable question, les auteurs de la proposition de loi organique suggèrent très modestement de desserrer, sur un point précis, l’un des liens qui, subtilement, permettent à l’exécutif de neutraliser le peu de pouvoirs qui reste au Parlement !

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC. –MM. Michel Mercier et Hugues Portelli, rapporteur, applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique présentée par le groupe du RDSE porte sur un sujet qui n’est pas très souvent traité, y compris dans les facultés de droit : les parlementaires en mission, catégorie pourtant très intéressante.

Ayant commencé mes travaux par quelques recherches dans les archives, j’ai découvert que le premier utilisateur de cette procédure ne fut autre qu’Alexis de Tocqueville : il en fut non pas le bénéficiaire, mais l’instigateur, au tout début de la IIe République, régime de séparation des pouvoirs s’il en fut – si stricte était leur séparation que tout se termina par un coup d’État ! Or, malgré cette séparation absolue des pouvoirs, Alexis de Tocqueville, ministre des affaires étrangères, put, grâce à une loi votée fort opportunément en mars 1849, attribuer à l’un de ses amis, M. de Corcelle, député, le titre de « parlementaire en mission », moyennant quoi celui-ci put partir à Rome pour six mois en qualité de ministre plénipotentiaire.

Ainsi apparu dans notre histoire constitutionnelle, ce dispositif connut une éclipse, avant de reparaître sous la Ve République.

Il faut mesurer combien les premiers mois de celle-ci furent une époque bénie pour l’exécutif. Songez que le gouvernement Debré put, sur le fondement de l’article 92 de la Constitution, supprimé depuis, prendre une ordonnance lui permettant d’élaborer toutes les lois, notamment organiques, qu’il souhaitait. Ces lois ont pu être adoptées sans guère de contrôle de constitutionnalité et alors que le Parlement n’était pas encore en fonction : le Sénat, en particulier, ne fut élu qu’en avril 1959.

Dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, on introduisit le dispositif du parlementaire en mission, qui, dans un premier temps, ne prospéra guère. Il fallut attendre les années soixante-dix pour que se développe son utilisation, de manière bientôt exponentielle. Sous la présidence de Georges Pompidou, le gouvernement Messmer, en particulier, y recourut assez abondamment.

Le phénomène a pris, ces vingt dernières années, une ampleur extrême. Imaginez que onze parlementaires en mission ont été nommés au cours du seul mois de janvier dernier : ce chiffre est tout de même impressionnant !

Qu’est-ce donc qu’un parlementaire en mission ? Il s’agit d’un parlementaire de plein exercice, jouissant de la plénitude de ses droits de sénateur ou de député, notamment en matière d’indemnité, d’immunité, de droit de vote, et qui, dans le même temps, sur nomination du Gouvernement, exerce une mission publique non élective, dont la durée ne peut pas dépasser six mois. D’un point de vue constitutionnel, cette mission constitue une exception au principe d’incompatibilité entre le mandat parlementaire et toute fonction publique, élective ou non élective, principe en vertu duquel un sénateur ou un député qui entre au Gouvernement cesse d’être parlementaire, du moins provisoirement.

Dès l’origine, on a considéré que tout type de fonction publique non élective pouvait être confié à un parlementaire en mission. C’est ainsi que certains parlementaires en mission ont été amenés à exercer des fonctions importantes : M. Christian Nucci, ancien parlementaire bien connu, notamment des services de police et de la magistrature, fut haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, avec rang préfectoral.

Cette possibilité pour un parlementaire de cumuler son mandat avec une fonction publique non élective place celui qui en bénéficie du côté de l’exécutif pendant une durée de six mois, au terme de laquelle, normalement, sa mission s’achève. Il redevient alors simple parlementaire. En revanche, si la mission se voit prolongée, la loi dispose que le mandat parlementaire cesse. On ne connaît que quelques exceptions à cette règle : l’exemple le plus connu est celui d’Edgar Faure, qui, chargé de préparer les cérémonies du bicentenaire de 1789, poursuivit sa mission au-delà des six mois prévus tout en demeurant député du Doubs. Il se trouva bien un électeur de sa circonscription pour saisir le Conseil constitutionnel, mais celui-ci ne donna pas suite, estimant qu’il ne pouvait être saisi, dans un tel cas, que par les instances de l’assemblée à laquelle appartient le parlementaire en mission.

Dans d’autres cas, les assemblées parlementaires font preuve de davantage de rigueur ; c’est ainsi que M. Nucci, encore lui, ayant vu sa mission renouvelée six jours trop tard, a perdu son mandat parlementaire.

J’en viens au contrôle exercé dans ce domaine.

Le Conseil constitutionnel, ainsi que je l’ai expliqué, ne peut être saisi, « en cas de doute », que par le bureau d’une assemblée ; en l’absence d’une telle saisine, il s’estime incompétent.

Quant au Conseil d’État, qui lui aussi a été saisi dans certains cas, il ne s’est prononcé ni sur la nature juridique de la mission ni sur son bien-fondé, même s’il a refusé de classer la nomination d’un parlementaire en mission parmi les actes de gouvernement. En revanche, il s’est hasardé à définir ce que pouvait être une véritable mission, car, après tout, le Premier ministre ou un ministre peut, de manière informelle, charger un parlementaire de suivre tel ou tel dossier, par exemple, sans prise d’un décret de nomination. Selon le Conseil d’État, l’exercice d’une mission suppose, a minima, la remise d’un rapport. Dans la vraie vie, il arrive que le rapport, voire le décret de nomination, se perde…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut reconnaître que cette pratique, parfois un brin erratique, fait un peu litière, sinon de l’esprit de la Constitution – j’ignore si la Constitution a un esprit §! –, du moins des traditions de la Ve République, notamment en matière d’incompatibilités : même si, à cet égard, les règles ont été assouplies en 2008 pour permettre aux membres du Gouvernement quittant leurs fonctions de retrouver leur siège de parlementaire sans qu’il faille recourir à de fâcheuses élections partielles, la tradition demeure de la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

En commission des lois, l’exemple du Royaume-Uni a été convoqué. C’est un mauvais exemple, car, dans ce pays, seuls les parlementaires en exercice peuvent entrer au Gouvernement et ils continuent alors de siéger au Parlement, le Premier ministre tirant d’ailleurs son autorité de sa qualité de chef de la majorité parlementaire.

Le système français, fondé sur les incompatibilités et la séparation des pouvoirs, est donc tout différent du britannique. Le parlementaire en mission est une bizarrerie qui jure tant avec le texte de la Constitution qu’avec la pratique parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

On objectera que ce système est utile, qu’il permet de faciliter les relations entre le Gouvernement et le Parlement. Certainement, mais pourquoi ne pas poser le problème à l’envers ? Pourquoi ne pas permettre au Parlement de faire davantage appel aux services du Gouvernement ? La révision constitutionnelle de 2008 a ouvert cette voie en autorisant les assemblées à saisir la Cour des comptes : pourquoi ne pas étendre et systématiser ce principe ?

C’est dans cette perspective que la commission des lois a adopté cette proposition de loi organique.

Applaudissements les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le groupe du RDSE soumet à l’examen du Sénat une proposition de loi organique visant à supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, de confier une mission temporaire à un parlementaire.

Avec un profond souci de l’histoire du droit et de nos institutions, ainsi qu’un goût prononcé pour les anecdotes qui donnent à réfléchir, M. le rapporteur a exposé de manière fort intéressante une question qui mérite toute notre attention.

Le rappel de l’origine de cette pratique permet de mieux en saisir l’esprit. Elle est apparue sous la IIe République, dont les institutions étaient pourtant marquées par une séparation absolue des pouvoirs. Sous les IIIe et IVe Républiques, régimes parlementaires, la logique changea, puisque les membres du Conseil des ministres conservaient leur mandat parlementaire, comme c’est encore le cas de nos jours dans la très grande majorité des régimes parlementaires européens. En revanche, les parlementaires pouvaient se voir confier par le pouvoir exécutif des missions rémunérées, ainsi que des responsabilités administratives très élevées, notamment en ambassade ou dans une préfecture.

Afin d’instaurer une plus grande séparation des pouvoirs et de prévenir les dérives, les institutions de la Ve République ont, d’une part, interdit le cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction ministérielle, et, d’autre part, posé le principe du non-cumul du mandat parlementaire avec une fonction publique non élective.

Toutefois, nos institutions conservant également certains des traits essentiels d’un régime parlementaire, les relations constructives entre les pouvoirs législatif et exécutif sont non seulement permises, mais souhaitables, notamment dans le cadre des missions temporaires confiées par le Gouvernement à des parlementaires.

Rappelons d’abord que le parlementaire qui accepte une mission proposée par le Gouvernement est entièrement libre de l’organisation de son travail et de ses conclusions.

Ensuite, il convient de redire ici que l’exercice d’une mission temporaire par un parlementaire ne peut donner lieu au versement d’aucune rémunération, gratification ou indemnité.

Enfin et surtout, un véritable intérêt commun motive l’association des parlementaires aux travaux techniques réalisés à la demande du Gouvernement, en amont du processus législatif, par l’administration centrale, les inspections générales, le Conseil d’État, ainsi que par des institutions indépendantes du pouvoir exécutif, comme la Cour des comptes. L’apport d’un regard souvent plus proche du terrain, la recherche du consensus par l’association, sur certains sujets, de parlementaires de l’opposition sont autant de facteurs qui viennent éclairer la décision, faciliter l’adoption et surtout la mise en œuvre des réformes.

C’est pourquoi de nombreuses réformes d’ampleur pour la société française ont été préparées et rendues possibles par le travail approfondi de parlementaires en mission. On peut citer, par exemple, la création de la couverture maladie universelle en 1999, à la suite de la publication d’un rapport du député Jean-Claude Boulard, en 1998.

Depuis 2012, le Gouvernement a également eu l’occasion de solliciter l’expertise de nombreux sénateurs et députés. Ainsi, les travaux du député Richard Ferrand sur les professions réglementées ont été directement utilisés pour l’élaboration de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

De la même manière, le rapport du député Pascal Terrasse sur l’économie collaborative contribuera sans aucun doute à l’élaboration d’une réflexion sur l’adaptation du droit et de la fiscalité aux nouvelles formes d’initiatives économiques.

De tels enjeux nécessitent un travail approfondi, en particulier lorsqu’il s’agit de dessiner des perspectives sur le long terme : le rapport de la députée Martine Pinville sur l’anticipation, la prévention et l’adaptation de la société face au vieillissement a ainsi guidé le Gouvernement vers une solution législative ambitieuse. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, promulguée le 28 décembre dernier, en est l’aboutissement.

Les missions temporaires préparent parfois la conclusion d’accords entre les deux assemblées et entre les différentes sensibilités politiques qui y sont représentées. Encore tout récemment, l’adoption définitive de la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a montré l’importance de conduire de telles missions avant de légiférer sur des questions d’éthique qui touchent chacun dans ses convictions les plus intimes. Les travaux des députés Jean Leonetti et Alain Clayes ont donc participé à la recherche d’un compromis entre les différentes sensibilités politiques, ainsi qu’entre députés et sénateurs, pour aboutir à un texte commun.

Je veux souligner ici le rôle joué par un certain nombre de sénateurs. M. Alain Bertrand, membre du groupe du RDSE, a ainsi mené un travail remarquable, que je tiens à saluer, sur les territoires hyper-ruraux, auprès de Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Il a formulé, dans son rapport, des propositions visant à restaurer l’égalité républicaine en adaptant nos politiques et en créant des dispositifs dédiés à ces territoires pour accroître leur développement. Ce rapport a constitué une base de travail primordiale pour les Assises de la ruralité.

Il y a deux semaines, les sénateurs Rudy Salles et Jérôme Durain se sont vu confier une mission auprès de Mme la secrétaire d’État chargée du numérique, afin de proposer un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo.

La semaine dernière, ce sont les sénateurs Élisabeth Lamure, Jérôme Bignon et René Vandierendonck qui ont été chargés d’une mission temporaire ayant pour objet le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité des principales portes d’entrée maritimes françaises.

De telles initiatives ne peuvent que renforcer le rôle du bicamérisme dans le fonctionnement de nos institutions.

Encore récemment, les députés Philippe Bies et Denis Jacquat, ainsi que les sénateurs Patricia Schillinger et André Reichardt, ont conclu une mission commune par la remise d’un rapport à Mme Marisol Touraine sur le régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle. De telles missions sont inspirées par la vie des territoires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Tous ces exemples démontrent que l’expérience des parlementaires est indispensable au bon fonctionnement de nos institutions.

Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à la suppression d’un outil dont l’emploi se traduit par une meilleure construction de l’action publique et qui permet de trouver les voies du bien commun.

Enfin, il me semble utile de souligner que le nombre des missions confiées à des parlementaires, loin de marquer une quelconque dérive, est resté remarquablement stable depuis 2002.

En conclusion, la suppression des missions temporaires ou de la possibilité de leur prolongation ne me semble pas constituer une piste constructive pour l’amélioration du fonctionnement de nos institutions, au sein desquelles pouvoirs exécutif et législatif doivent travailler en bonne intelligence, dans le respect de la séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je précise que la séance devra être levée à zéro heure cinq au plus tard, l’espace réservé consacré au groupe du RDSE étant limité à quatre heures.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 26 août 1789, les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, adoptaient la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce texte d’une grande valeur et d’une grande modernité demeure la référence constitutionnelle absolue pour l’organisation de notre démocratie parlementaire.

Parfois, il est bon de revenir aux textes fondamentaux et de les relire, ce que j’ai fait ! C’est ainsi que, en préambule à mon propos, je rappellerai que l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose le principe, mis en lumière par Montesquieu, de la séparation des pouvoirs en tant que condition indispensable à la définition de tout régime autre qu’autocratique : « Toute Société dans la laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

Le principe de la séparation des pouvoirs, ici du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, ne doit souffrir aucune entorse ou dérogation, faute de quoi l’on bascule très vite dans la confusion des pouvoirs. L’ensemble des institutions démocratiques s’en trouvent alors affaiblies. Par suite, à force de confusion, c’est la confiance entre le peuple et ses représentants, ce lien démocratique si précieux, qui est remise en cause.

Aussi la présente proposition de loi déposée par mes collègues du groupe du RDSE et moi-même visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires s’inscrit-elle dans le vaste chantier de la refondation de nos institutions politiques. À l’heure où l’on recherche plus de transparence et de clarté, nous proposons une mesure simple, concrète, qui permettra de remettre de l’ordre démocratique là où des années de dérives et de mélange des genres ont affaibli et abîmé notre démocratie parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : mettre un terme à cette pratique déviante des missions parlementaires confiées par le Gouvernement à des députés ou à des sénateurs, c’est renouer avec l’essence du régime parlementaire, c’est poursuivre un processus, devenu indispensable, de retour aux valeurs démocratiques.

Non, cette proposition de loi n’a rien de cosmétique ! Elle est ambitieuse en ce qu’elle vise à en finir avec des pratiques d’un autre âge, qui participent de l’affaiblissement de nos institutions, Parlement comme Gouvernement. Puisqu’il s’agit de séparation des pouvoirs, c’est, ni plus ni moins, une question de principe. Or, en matière tant constitutionnelle que démocratique, on ne badine pas avec les principes ; ils sont essentiels !

Il est intéressant de noter que, comme le relève fort justement M. Portelli dans son excellent rapport, le Conseil constitutionnel n’a jamais été appelé à examiner la constitutionnalité des dispositions organiques qui traitent de ces missions temporaires.

Notre proposition de loi vient compléter le corpus des textes déjà déposés par le RDSE ces dernières années pour moderniser nos institutions et revaloriser le rôle du Parlement au sein d’un bicamérisme réaffirmé et rénové, textes parfois repris ou copiés-collés par d’autres que nous…

Les principales propositions de loi que nous avons déposées et qui, pour certaines, ont été débattues dans cette enceinte portaient sur le septennat non renouvelable, la limitation dans le temps du cumul des mandats parlementaires, la limitation du cumul horizontal, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… le non-cumul des indemnités, ou encore la possibilité du cumul d’un mandat parlementaire avec un seul mandat exécutif local, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… plutôt que l’interdiction pure et simple de tout cumul pour les seuls parlementaires.

Le plus ancien groupe politique et la plus ancienne famille politique représentée dans cet hémicycle se placent donc, une fois de plus, à l’avant-garde de la République §en proposant des mesures simples et efficaces, s’appuyant sur des valeurs cardinales de l’idéal démocratique.

Qui peut aujourd’hui prétendre en toute honnêteté que le système des parlementaires en mission n’est en rien une remise en cause – une « entorse », a écrit M. le rapporteur – à la fois du principe de séparation des pouvoirs et du principe de séparation des fonctions ? Soit on est parlementaire et on appartient au pouvoir législatif, soit on quitte celui-ci pour rejoindre le pouvoir exécutif en acceptant une nomination comme membre du Gouvernement, que beaucoup du reste attendent…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

D’ailleurs, les rapports commis par les parlementaires en mission sont-ils des rapports parlementaires ? Assurément non ! Sont-ils alors des rapports de l’administration d’un ministère ? Pas vraiment, puisqu’il s’agit de l’œuvre d’un député ou d’un sénateur. Toutefois, le parlementaire, pour rédiger ce rapport, n’a-t-il pas bénéficié de la mise à disposition de fonctionnaires de l’exécutif ? Les déplacements auxquels a donné lieu sa mission n’ont-ils pas été pris en charge par l’exécutif au titre des crédits d’un ministère, crédits que ledit parlementaire est chargé de contrôler dans le cadre de sa mission de contrôle du pouvoir exécutif ?

Nous voici donc au cœur de ce que l’on appelle la confusion des pouvoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Volontairement, pour m’en tenir au seul argument du non-respect du principe de la séparation des pouvoirs, je n’élargirai pas mon propos à l’intérêt discutable ou à l’apport très relatif de ces rapports de mission, qui n’ont, le plus souvent, qu’une espérance de vie de quelques jours, avant de prendre pour l’éternité la direction d’une étagère, voire d’un placard !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le parlementaire en mission, en général issu de la majorité, s’est parfois battu pour obtenir sa nomination et avoir l’occasion de produire un rapport, dans l’espoir de se faire remarquer et de se distinguer parmi ses collègues. Dans le meilleur des cas, un projet de loi retiendra quelques-unes des préconisations de ce rapport, en réalité écrit par un fonctionnaire du ministère, celui-là même qui rédigera ensuite le projet de loi… On connaît même des exemples de parlementaires en mission qui deviennent rapporteurs d’un projet de loi qu’ils ont contribué à préparer à l’occasion du rapport que leur a commandé l’exécutif ! On est en pleine circularité !

Rien ne saurait justifier aujourd’hui, sur le fondement du droit et des principes démocratiques, que l’on maintienne cette pratique abusive des parlementaires en mission. C’est pourquoi le groupe du RDSE ne doute pas que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse et conformément à son esprit d’indépendance, fera preuve de lucidité en adoptant son texte, suivant ainsi la position de la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC. – M. le rapporteur, MM. Yves Détraigne et René Danesi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes donc convoqués, à cette heure plutôt tardive, par nos collègues du groupe du RDSE…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pas du tout, c’est l’horaire établi par la direction de la séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

… pour débattre d’une proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Il me semble quelque peu incongru de voir des sénateurs de tradition radicale nous présenter aujourd’hui un tel texte, alors même que des parlementaires radicaux ont participé au Gouvernement, tout au long de l’histoire de la République, sans cesser d’être parlementaires !

Rires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le régime était alors parlementaire, pas consulaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

On a changé de régime ! C’était sous la République, mais nous n’y sommes plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cette remarque étant faite, je voudrais revenir sur les arguments théoriques qui ont été avancés pour justifier la suppression des missions temporaires confiées aux parlementaires, notamment par M. le professeur Portelli, rapporteur de la commission des lois, et M. Requier, qui vient de rappeler les termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet article, nous avons eu bien raison, me semble-t-il, de ne pas l’appliquer souvent au cours de notre histoire constitutionnelle ! La raison en est toute simple : nous sommes en France, pas aux États-Unis. Si nous avions un régime fondé sur une séparation absolue du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, nous serions confrontés à de graves risques de conflit entre ces pouvoirs.

Nous n’avons connu qu’une seule fois, dans notre histoire, un régime de séparation absolue des pouvoirs : sous la IIe République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. … qui devait déboucher sur le Second Empire ! Étant pour ma part un véritable républicain et souhaitant que la République perdure, je suis donc favorable à un régime de collaboration des pouvoirs.

Exclamations sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Mes chers collègues, si, avant de supprimer les parlementaires en mission, vous laissiez s’exprimer les parlementaires qui ne sont pas en mission, ce serait déjà un progrès !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Très honnêtement, les arguments fondés sur la séparation des pouvoirs ne me semblent pas pertinents : ils ne correspondent ni à l’histoire constitutionnelle ni à la vie politique de notre pays.

Mme Gourault et moi-même, ainsi que la majorité des membres de notre groupe, défendons une position différente de celle de nos collègues du RDSE et de la commission des lois. Pour notre part, nous estimons que l’institution des parlementaires en mission est une bonne institution.

Au mois de janvier, onze parlementaires en mission ont été nommés. Aucun des parlementaires pressentis, à quelque groupe qu’ils appartiennent, n’a refusé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Il en va de même pour nous, et c’est précisément parce que nous ne comptons dans nos rangs aucun parlementaire en mission que nous pouvons parler librement de ce sujet, sans risquer d’être taxés de parti pris.

Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Pour autant, je prétends que les parlementaires en mission sont une bonne institution, dans la mesure où l’exercice d’une mission permet à l’intéressé de mieux connaître les rouages du pouvoir exécutif, et au pouvoir exécutif d’entendre s’exprimer le terrain.

Évidemment, certains rapports sont intéressants, d’autres moins. Celui de M. Bertrand, membre du groupe RDSE, sur l’hyper-ruralité a eu une profonde résonance dans cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

De même, un ancien membre du groupe centriste, M. Jean Arthuis, a naguère commis un rapport sur l’avenir de la zone euro qui a également été particulièrement remarqué.

Cette pratique permet donc une collaboration entre les pouvoirs et, en ce sens, elle est bénéfique.

Je rappelle que, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Parlement peut émettre un avis sur les nominations par le Président de la République : c’est une autre forme de collaboration entre les pouvoirs. Dans la même perspective, l’article 38 de la Constitution permet de déléguer le pouvoir législatif au Gouvernement.

Toutefois, il est un point sur lequel nous pouvons sans difficulté partager l’avis des auteurs de la proposition de loi organique et du rapporteur : utiliser l’institution du parlementaire en mission pour organiser une succession au Parlement constitue un dévoiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je suis tout à fait d’accord pour dire que cette pratique n’est pas bonne et qu’il faut la faire disparaître. Nous avons donc déposé un amendement tendant à supprimer cette possibilité, d’autant que, depuis la révision constitutionnelle de 2008, un parlementaire devenu ministre retrouve, de droit, son siège au Parlement lorsqu’il quitte le Gouvernement. Ce que l’on admet pour un ministre, on peut l’admettre, a fortiori, pour un parlementaire en mission : à l’issue de sa mission, même si elle se prolonge au-delà de six mois, celui-ci doit redevenir parlementaire, et aucune succession ne doit pouvoir être subrepticement organisée par le biais de cette procédure. Tel est le sens d’un amendement que Mme Gourault et moi-même avons déposé.

Pour résumer notre position le plus clairement et simplement possible, nous estimons que le maintien de l’institution des parlementaires en mission est souhaitable, sous réserve que l’on mette un terme au dévoiement que j’ai évoqué, pouvant résulter de l’application de l’actuelle règle de la perte du mandat parlementaire au-delà de six mois de mission.

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la pratique de la désignation par le Gouvernement de parlementaires en mission constitue, selon nous, une infraction à la règle incontournable de la séparation des pouvoirs.

Certains arguent que l’octroi de missions à des députés ou à des sénateurs par le pouvoir exécutif constitue un atout pour le Parlement. Pour ma part, je considère, comme les auteurs de la proposition de loi organique, qu’il s’agit en fait d’une forme d’utilisation de parlementaires par l’exécutif.

Bien souvent, tout le monde le sait bien, une telle nomination est considérée comme une gratification. Même s’il s’agit d’un point mineur, cette pratique est contraire à notre ambition d’instaurer un Parlement rénové, occupant une place prédominante au sein des institutions.

Comme le rappelait M. Portelli, la pratique des missions temporaires a été introduite en 1849, dans le cadre de la IIe République, sous un régime au caractère présidentiel prononcé. Elle a été confirmée, cent neuf ans plus tard, par une ordonnance d’octobre 1958, les règles de prolongation des missions ayant été précisées en 1959.

Qu’une Constitution aussi favorable au pouvoir exécutif confie un tel semblant de pouvoir aux parlementaires n’est pas le fruit du hasard !

M. le secrétaire d’État s’entretient avec M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, nous siégeons depuis ce matin, c’est la troisième fois aujourd’hui que j’interviens à la tribune. J’aimerais que vous respectiez le travail des parlementaires, ne serait-ce qu’en les écoutant.

M. Patrick Abate applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Non, monsieur le président de la commission des lois, vous ne pouvez pas discuter avec M. le secrétaire d’État et m’écouter en même temps ! C’est assez agaçant !

Pour mon groupe et la sensibilité politique qu’il représente, le Parlement doit être au centre du système législatif. Nous sommes depuis longtemps partisans de la mise en place d’un régime parlementaire d’un nouveau type, alliant une participation accrue du citoyen aux décisions à la maîtrise par les représentants du peuple du processus législatif.

Dans ce cadre, le concept même de ces missions effectuées par des parlementaires auprès et au service du Gouvernement n’a plus lieu d’être, car il constitue en fait un aveu de l’impuissance des deux assemblées.

Le rythme intensif des débats, l’inflation législative, la maîtrise budgétaire exercée par les autorités de Bruxelles, l’encadrement par le Conseil constitutionnel et, maintenant, les questions prioritaires de constitutionnalité ont, parmi d’autres éléments, réduit à bien peu de choses les pouvoirs du Parlement.

Un autre élément nous encourage à défendre la suppression de ces missions : l’utilisation, par le pouvoir exécutif et la majorité en place, d’une étrange spécificité des modalités de remplacement des parlementaires en mission lorsque cette dernière est prolongée au-delà de six mois.

En effet, contrairement à ce que prévoit le droit commun, le parlementaire dont la mission s’est poursuivie au-delà de six mois est remplacé soit par le suivant de liste, en cas d’élection par scrutin à la proportionnelle, soit par son suppléant dans le cas d’une élection au scrutin majoritaire. C’est dans ce second cas que les modalités prévues sont assez surprenantes. En effet, seules les circonstances de décès ou de nomination au Gouvernement permettent ce type de remplacement.

Ces derniers temps, le recours à la prolongation de la mission confiée à des parlementaires a permis d’organiser la succession de ceux-ci au Parlement sans qu’une élection partielle soit nécessaire. Ce fut le cas pour le remplacement du député François Brottes et la démarche a été tentée lors de la nomination de Pierre Moscovici en tant que commissaire européen.

De telles pratiques sont évidemment inacceptables sur le plan démocratique. Mon groupe votera donc cette proposition de loi organique, qui vise à empêcher toute dérogation au principe de séparation entre mandat parlementaire et fonction publique non élective.

Il faut rappeler que ces missions ne se limitent pas à la seule participation à la rédaction de rapports. Elles peuvent relever de l’exercice plein et entier de fonctions telles que celles de préfet ou même, cela a été rappelé, de haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. Sachant que les prérogatives des parlementaires, y compris le droit de vote, sont intégralement conservées durant l’exercice de ces missions, il s’agit là d’une curiosité constitutionnelle qui ne peut plus être acceptée.

À l’heure où la transparence est de mise, il serait de bon aloi de revenir sur ces dispositions. Nous estimons d’ailleurs qu’un sujet voisin sera un jour remis en débat : celui du droit des ministres à retrouver automatiquement leur siège de député ou de sénateur quand ils quittent le Gouvernement, conformément au nouvel article 25 de la Constitution, introduit lors de la révision constitutionnelle de 2008. Cette mesure, nous semble-t-il, crée également une confusion regrettable entre fonction exécutive et fonction législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J’en suis fort aise !

Pour conclure, le groupe communiste républicain et citoyen votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi organique présentée par le président Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il nous est proposé, par M. Mézard et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE, de procéder à la suppression des missions temporaires que le Gouvernement peut être amené à confier à des parlementaires.

Le parlementaire en mission a été institué sous la IIe République. Ce régime n’entretenait pourtant pas de confusion dans l’exercice des pouvoirs, puisqu’il avait la singularité de poser une séparation très stricte entre l’exécutif et le législatif.

La Ve République a voulu faire sienne cette pratique. Que ce soit pour préparer une réforme législative ou pour en dresser un bilan, le recours aux parlementaires en mission s’est essentiellement développé à partir des années soixante-dix.

On observe que, au cours des dernières législatures, le nombre des nominations s’est établi à un niveau assez constant : on compte environ 100 missions confiées à des parlementaires par législature. Ces missions temporaires et leur utilité ne semblent donc pas avoir été l’objet, de la part des gouvernements successifs, d’une remise en cause ou d’une désaffection au cours des dernières années.

J’ai moi-même été amené, en 2013, à conduire avec mon collègue Ronan Dantec une mission sur le rôle des collectivités territoriales dans les négociations climatiques. La durée de cette mission n’a pas excédé six mois et notre rapport a été rendu public. Je nourris humblement l’espoir que nos travaux auront pu être éclairants dans la perspective de la COP 21, qui s’est tenue par la suite.

Le 29 janvier dernier encore, quatre d’entre nous, trois sénateurs du groupe Les Républicains et un du groupe socialiste et républicain, se sont vu confier une mission sur le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité des principales portes d’entrée maritimes françaises.

Le recours aux parlementaires en mission présente en effet des intérêts multiples.

Dans la conduite de ses réformes, le Gouvernement peut notamment souhaiter s’appuyer sur les travaux d’un membre de la représentation nationale afin de disposer d’un éclairage nouveau que ne lui offriraient pas nécessairement les services ministériels.

Le « déminage » parlementaire est également parfois incontournable en vue de dessiner une réforme que le Gouvernement éprouve d’importantes difficultés à engager.

Certains de nos collègues se sont d’ailleurs remarquablement illustrés dans cet exercice. Je pense notamment à la « patate chaude » de la réforme du régime de l’auto-entrepreneur : les recommandations formulées par le député Laurent Grandguillaume ont été très favorablement accueillies et elles ont ensuite été intégrées, de façon tout à fait naturelle, au sein du projet de loi relatif à l’artisanat.

La question d’une évolution des conditions dans lesquelles ces missions sont attribuées ou du cadre au sein duquel elles s’accomplissent peut légitimement être posée et débattue. Mais l’éventuelle suppression de la pratique de ces missions mérite, dans tous les cas, une réflexion plus approfondie de notre part.

La révision constitutionnelle intervenue en 2008, portant sur l’équilibre des relations entre l’exécutif et le législatif, représentait d’ailleurs un cadre tout à fait approprié pour un tel débat. Nous aurions notamment pu, avec la préoccupation de restituer la fonction de parlementaire en mission au pouvoir législatif, intégrer de nouvelles procédures de désignation par les présidents des deux chambres.

La proposition qui nous est faite aujourd’hui de supprimer purement et simplement les missions temporaires confiées à des parlementaires est disproportionnée au regard des griefs formulés.

En effet, l’affaiblissement de la fonction de contrôle parlementaire peut aussi largement trouver sa source dans l’accumulation des représentations de parlementaires au sein des comités, autorités, observatoires et autres commissions.

Il nous paraîtrait injustifié de supprimer les missions temporaires confiées à des parlementaires pour ce motif quand, dans le même temps, on dénombre de multiples nominations de parlementaires, en tant que personnalités qualifiées, dans divers organismes.

L’exemple des autorités administratives indépendantes est, à ce titre, assez éloquent. En 1981, il n’en existait que deux : la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA ; elles sont désormais une quarantaine. Les statuts divers dont elles relèvent vont de la simple consultation au contrôle, avec des pouvoirs d’investigation variés et des régimes de sanctions qui les confrontent aux juridictions administratives et pénales.

La prolifération de ces instances et la présence en leur sein de membres du Parlement conduisent à la création, au fil du temps, d’une sorte de « Parlement bis ». Les assemblées parlementaires se privent alors, par respect pour les élus siégeant dans ces autorités, de réels moyens de contrôle et de débats sur des problèmes de société.

Au regard de tous ces éléments, et même si certaines questions soulevées par nos collègues du groupe du RDSE peuvent apparaître légitimes, nous ne souscrivons pas à la proposition qui nous est faite ce soir. Nous ne voterons pas la suppression des missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Ces missions, il est toujours utile de le rappeler, représentent un travail bénévole et ne donnent lieu au versement d’aucune indemnité aux parlementaires qui les conduisent.

Le groupe socialiste et républicain votera contre ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, les membres du Rassemblement démocratique et social européen nous proposent aujourd’hui de supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires, pour plusieurs raisons, que l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur ont exposées.

Nous entendons bien les critiques de deux ordres qui peuvent être adressées à ces missions.

Tout d’abord, elles remettraient en cause la séparation des pouvoirs, car elles lieraient législatif et exécutif.

Les écologistes sont très attachés au principe de séparation des pouvoirs, et nous comprenons bien que certaines missions confiées à des parlementaires peuvent semer le doute à cet égard, notamment lorsqu’elles prennent la forme de l’exercice d’un haut-commissariat.

Cependant, beaucoup de missions consistent en des travaux d’enquête donnant lieu à des auditions et à la rédaction d’un rapport apportant des éléments précis sur des problématiques bien particulières. Ils peuvent permettre aux parlementaires d’interpeller le Gouvernement de façon plus précise, plus argumentée, et déboucher sur des propositions législatives nouvelles.

Par expérience, je peux vous assurer que les missions confiées à des membres de notre groupe ont pu être conduites par eux en toute liberté. Nous avons pu approfondir des sujets peu travaillés comme nous l’entendions. Nous avons été totalement libres d’auditionner qui nous souhaitions, de procéder à des analyses et de formuler des propositions comme nous le voulions, sans subir aucune pression de la part du Gouvernement.

Les rapports produits sont en général, nous semble-t-il, utiles pour défricher des sujets peu traités par ailleurs, affiner les connaissances sur des problèmes concrets et élaborer des solutions réalistes, précises, introduites dans des véhicules législatifs appropriés.

Ces missions sont parfois proposées à la suite d’interpellations du Gouvernement par les parlementaires eux-mêmes, sur tel ou tel sujet. Je pense ainsi à la mission sur l’accès aux soins pour les plus démunis, que j’ai menée en 2013 et qui a débouché sur la présentation de nombreux amendements finalement intégrés aux lois de financement de la sécurité sociale ou à la loi de modernisation de notre système de santé, par exemple. Certaines propositions ont abouti, ce dont nous nous réjouissons.

Les rapports de mission parlementaire peuvent permettre, par ailleurs, de croiser les disciplines. Je prendrai l’exemple d’une autre mission récente, sur le taux de suicide des jeunes Amérindiens de Guyane, problème très préoccupant à la croisée des questions de santé, de culture, d’éducation, d’économie, d’écologie, qui concerne transversalement de nombreux ministères, au-delà de celui des outre-mer.

Cette mission a permis de multiplier les contacts avec les populations et l’ensemble des acteurs concernés, ainsi que de formuler des préconisations pouvant servir de base de travail et de réflexion.

De telles missions peuvent également être l’occasion, lorsqu’elles sont réalisées par des parlementaires des deux assemblées, d’une collaboration entre le Sénat et l’Assemblée nationale, ce qui peut permettre d’ouvrir des horizons, de confronter les façons de travailler.

Ces missions peuvent être considérées comme complémentaires des moyens mis à la disposition des parlementaires par le Sénat et l’Assemblée nationale pour leur permettre d’exercer leur mission de contrôle et d’évaluation de l’action publique, mais aussi leur droit d’initiative. Il ne nous paraîtrait pas pertinent de les supprimer totalement.

Une seconde critique forte porte sur les modalités peu démocratiques de remplacement des parlementaires n’achevant pas leur mission dans le délai imparti.

Nous nous associons à cette critique. La proposition de réintroduire des élections partielles dans ces situations nous paraît juste. Nous voterons l’amendement qui a été déposé en ce sens : on ne peut pas, par une sorte de ruse, contourner le suffrage universel, la démocratie.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi organique en l’état, même si nous sommes d’accord pour considérer que le dispositif actuel mériterait des ajustements. Nous voterons donc contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’institution du parlementaire en mission est née d’une amitié entre Alexis de Tocqueville, alors ministre des affaires étrangères sous IIe République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et ancien président du conseil général de la Manche !

M. Daniel Grémillet rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

… et Francisque de Corcelle, député. Elle n’est malheureusement pas née de l’intérêt profond de la mission que de Corcelle a acceptée en 1849. Le cas du premier parlementaire en mission relevait donc, déjà, d’une dérive…

Aujourd’hui, le nombre de parlementaires en mission s’accroît, dans une discrétion absolue, tenant à leur mode de nomination par le Gouvernement. Certains parlementaires exercent une mission sans être nommés officiellement.

La mission a une durée limitée à six mois, reconductible. Elle ne donne lieu au versement d’aucune indemnité, fort heureusement, et peut permettre de préparer une proposition de loi, d’assurer le suivi de l’application d’une loi en vigueur, ou encore de préparer une transposition de directive. Parfois, il n’existe pas de lettre de mission, bien qu’un décret eût été pris et publié au Journal officiel.

En outre, les conditions de nomination et d’exercice de la mission restent floues ; ces pratiques sont contraires, effectivement, à l’esprit de la Constitution, pour une raison assez simple : les ministres, avec bien entendu l’aval de Matignon, peuvent confier à certains parlementaires la rédaction d’un rapport sur une question bien précise, pouvant être considéré comme administratif et issu du pouvoir exécutif, qui en est le commanditaire. Dans le même esprit, un parlementaire peut demander à un membre du Gouvernement à « plancher » sur un sujet défini. En réalité, il s’agit d’une sorte de passerelle informelle entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Évidemment, le parlementaire y voit un avantage : il peut travailler librement sur un sujet, en ayant à sa disposition quelques moyens, notamment l’appui d’un haut fonctionnaire. Le Gouvernement, de son côté, y voit une bonne occasion de récompenser un parlementaire et, parfois, le moyen de « déminer » un sujet, sans être pour sa part impliqué directement.

L’esprit du Parlement est légèrement mis à mal : sachant que les députés ou sénateurs en mission sont les seuls ou presque à pouvoir déléguer leur vote, le groupe majoritaire peut recourir à eux pour remporter un scrutin public dont le résultat s’annonce serré.

L’esprit de la démocratie est lui aussi mis à mal lorsque les missions sont prolongées au-delà de six mois. Cela peut en effet permettre d’« exfiltrer » un parlementaire et de le remplacer par son suppléant, en évitant une élection partielle, qui est toujours un moment inconfortable pour une majorité impopulaire.

Mes chers collègues, le Parlement n’est pas au service du Gouvernement, comme le donnent à penser ces missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Il est évidemment indispensable que le Parlement anticipe les projets de loi, mais il peut le faire lui-même.

D’ailleurs, je me permets d’insister sur ce point : il serait même nécessaire que, au-delà de ses missions constitutionnelles de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, le Parlement prépare mieux les réformes législatives à venir, qu’il doit parfois étudier dans des délais très brefs.

Mieux préparer les réformes législatives à venir, c’est par exemple confier de telles missions aux futurs rapporteurs avant même le dépôt des projets de loi.

Nous pourrions aussi imaginer que les groupes politiques puissent nommer des parlementaires en mission sur tel ou tel sujet. Ils disposeraient ainsi de l’appui indispensable des administrateurs.

Cette pratique existe déjà, mais nous pourrions aller plus loin et la conforter, voire la rendre obligatoire. En outre, j’estime que lorsque le Parlement veut travailler sur les réformes à venir, il n’a pas besoin d’autorisation gouvernementale. Il dispose de suffisamment de moyens humains et de pouvoirs d’enquête pour être à même de produire des rapports.

Je suis favorable à cette proposition de loi organique, car les missions temporaires confiées à des parlementaires par le Gouvernement ne se justifient ni au regard de l’esprit de notre Constitution, qui sépare le pouvoir législatif du pouvoir exécutif, ni au regard des moyens déjà accordés aux parlementaires dans le cadre de leur mandat. Je voterai donc en faveur de son adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L.O. 144 est abrogé ;

2° Au premier alinéa des articles LO 176 et LO 319, les mots : «, d’acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ou de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement » sont remplacés par les mots : « ou d’acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ».

II. – Le II de l’article 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est abrogé.

III

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 1, présenté par M. Masson, n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2, 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Aux seconds alinéas des I et III de l’article 8 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, après la référence : « L.O. 141-1 », sont insérés les mots : «, la prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement ».

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Aux seconds alinéas des I et III de l’article 8 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, après la référence : « L.O. 141-1 », sont insérés les mots : «, la prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement ».

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La commission, qui souhaite la suppression pure et simple du dispositif, émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er.

L'article 1 er est adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 4, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi organique encadrant le recours et le remplacement aux missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je le maintiens bien évidemment, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je le mets aux voix.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, je voudrais vous exposer de façon synthétique l’enjeu de ce vote.

Le problème qui se pose, nous le voyons bien à travers les résultats électoraux de ces derniers mois, voire de ces dernières années, c’est un blocage de nos institutions. Nos concitoyens ont l’impression que, quoi qu’ils fassent, il ne se passera rien, et cela pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles tient au fait que la quasi-totalité du pouvoir appartient à l’exécutif et, pour vous dire les choses très simplement, à l’Élysée.

Quand j’affirme, et je ne suis pas le seul à le dire, que nous sommes en régime consulaire, je ne suis pas loin de la vérité. Nous ne sommes même pas en régime présidentiel !

Le Parlement joue largement les figurants, d’abord pour des raisons constitutionnelles, ce que l’on appelle le parlementarisme rationalisé. À cette heure tardive, je ne vous en ferai pas un exposé détaillé, mais, vous le savez comme moi, le Parlement est bridé. Ensuite, et c’est ce qui m’a le plus étonné quand je suis arrivé ici, le Parlement s’autocensure. Nous avons tellement bien intégré notre position subalterne que nous en remettons trois couches !

Enfin, il existe aussi un ensemble de liens très subtils avec lesquels les gouvernements qui se succèdent jouent très habilement. Le parlementaire en mission, quelles que soient ses vertus, quels que soient les miracles qu’il ait pu accomplir, comme on vous l’a rappelé tout à l’heure, quels que soient les services qu’il ait pu rendre aux intéressés ou à la Nation, fait partie de ces outils.

Je sais bien qu’en supprimant cette possibilité, on ne réglerait pas le problème institutionnel, qui est beaucoup plus profond. Cela représenterait néanmoins une étape, un petit maillon de la réforme. Ce serait aussi une façon de marquer une volonté de ne plus subir, de dire : « Non, il faut que ça cesse ! » Les institutions ne pourront pas continuer de la sorte très longtemps : soit elles parviendront à se réformer elles-mêmes ; soit elles aboutiront à un blocage complet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous voilà réunis pour statuer sur les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires. Je vois bien l’intérêt qui peut s’attacher à essayer de traquer le dévoiement ayant conduit à l’utilisation régulière par les pouvoirs, quelle que soit leur couleur politique, de ce type de dispositions existantes pour éviter telle ou telle élection partielle.

Pour autant, supprimer purement et simplement le dispositif est, à mon sens, quelque peu excessif. Pour avoir, plusieurs années durant, collaboré avec des ministres, je peux témoigner, à l’aune de cette expérience, que cet outil est véritablement pertinent, souvent utile pour éclairer le ministre dans une prise de décision. J’ai notamment en tête la préparation des contrats d’avenir des buralistes. En 2006, des parlementaires éminents, tels Richard Mallié et Yves Bur, avaient été missionnés. Grâce à leurs travaux, ils ont véritablement su éclairer le Gouvernement dans ses décisions et dans les mesures qu’il a mises en œuvre.

À titre personnel, j’aurai du mal à me rallier à l’ensemble de la proposition de loi organique. Je comprends bien, en revanche, l’intention de ses auteurs, lorsqu’ils évoquent la lutte contre certains dévoiements. Toutefois, si le Parlement souhaite prendre des initiatives par lui-même, il peut le faire. La coproduction législative, nous l’avons aussi connue.

Il n’est qu’à se rappeler la loi très fortement symbolique sur l’interdiction du port du voile intégral. Il s’agit bien à l’origine d’un texte d’initiative parlementaire. Il est d’ailleurs assez cocasse de voir un ancien Président de la République s’arroger la paternité de cette mesure, alors qu’il l’avait à l’époque accueillie très fraîchement et que ce sont les parlementaires de sa majorité qui la lui avaient imposée.

Si le Parlement veut exercer son pouvoir, il peut le faire, mais il ne faut pas pour autant empêcher le Gouvernement d’avoir recours aux compétences de la représentation nationale s’il le souhaite.

Pour ma part, je ne voterai donc pas en faveur de cette proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, dans le texte de la commission.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :

Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés336Pour l’adoption186Contre 150Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Bravo, quelle avancée !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 4 février 2016 :

À dix heures trente :

Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement (n° 115, 2015-2016) ;

Rapport de MM. Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul, fait au nom de la commission des affaires européennes et texte de la commission (201, 2015-2016) ;

Rapport de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques et texte de la commission (270, 2015-2016) ;

À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

Proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre (256, 2015-2016) ;

Rapport de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (326, 2015-2016) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 327, 2015-2016) ;

Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (328, 2015-2016).

Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.

Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (225, 2015-2016) et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (226, 2015-2016) ;

Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (332, 2015-2016) ;

Textes de la commission (nos 333 et 334, 2015-2016) ;

Avis de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (313, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.