Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 3 février 2016 à 22h20
Suppression des missions temporaires confiées par le gouvernement aux parlementaires — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

… et Francisque de Corcelle, député. Elle n’est malheureusement pas née de l’intérêt profond de la mission que de Corcelle a acceptée en 1849. Le cas du premier parlementaire en mission relevait donc, déjà, d’une dérive…

Aujourd’hui, le nombre de parlementaires en mission s’accroît, dans une discrétion absolue, tenant à leur mode de nomination par le Gouvernement. Certains parlementaires exercent une mission sans être nommés officiellement.

La mission a une durée limitée à six mois, reconductible. Elle ne donne lieu au versement d’aucune indemnité, fort heureusement, et peut permettre de préparer une proposition de loi, d’assurer le suivi de l’application d’une loi en vigueur, ou encore de préparer une transposition de directive. Parfois, il n’existe pas de lettre de mission, bien qu’un décret eût été pris et publié au Journal officiel.

En outre, les conditions de nomination et d’exercice de la mission restent floues ; ces pratiques sont contraires, effectivement, à l’esprit de la Constitution, pour une raison assez simple : les ministres, avec bien entendu l’aval de Matignon, peuvent confier à certains parlementaires la rédaction d’un rapport sur une question bien précise, pouvant être considéré comme administratif et issu du pouvoir exécutif, qui en est le commanditaire. Dans le même esprit, un parlementaire peut demander à un membre du Gouvernement à « plancher » sur un sujet défini. En réalité, il s’agit d’une sorte de passerelle informelle entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Évidemment, le parlementaire y voit un avantage : il peut travailler librement sur un sujet, en ayant à sa disposition quelques moyens, notamment l’appui d’un haut fonctionnaire. Le Gouvernement, de son côté, y voit une bonne occasion de récompenser un parlementaire et, parfois, le moyen de « déminer » un sujet, sans être pour sa part impliqué directement.

L’esprit du Parlement est légèrement mis à mal : sachant que les députés ou sénateurs en mission sont les seuls ou presque à pouvoir déléguer leur vote, le groupe majoritaire peut recourir à eux pour remporter un scrutin public dont le résultat s’annonce serré.

L’esprit de la démocratie est lui aussi mis à mal lorsque les missions sont prolongées au-delà de six mois. Cela peut en effet permettre d’« exfiltrer » un parlementaire et de le remplacer par son suppléant, en évitant une élection partielle, qui est toujours un moment inconfortable pour une majorité impopulaire.

Mes chers collègues, le Parlement n’est pas au service du Gouvernement, comme le donnent à penser ces missions.

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