« La création artistique est libre »… Vérité et paradoxe dans un pays jacobin où l’État ne semble pas avoir l’intention de partager les compétences culturelles avec les collectivités territoriales, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’agit du financement. L’article 3, relatif à la politique de labellisation de l’État dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques, en est la preuve irréfutable.
Ce serait au pouvoir législatif de labelliser les structures culturelles à soutenir et, ainsi, d’endosser ces décisions arbitraires. Ce dispositif est inacceptable, car la France incarne la liberté d’expression dans le monde. Notre pays est assimilé à la culture universelle d’une République empreinte de laïcité, de culture et d’humanisme, et non d’une culture d’État.
Cette culture étatique, centralisée, jugée parfois élitiste, remplit-elle son rôle auprès de nos concitoyens ? Où le lien avec le public est-il abordé dans ce projet de loi ? Comment y inclut-on les pratiques artistiques amateurs, qui concernent, à ce jour, 12 millions de nos concitoyens, autrement que par un nouveau cadre juridique liberticide ? S’il traite de questions juridiques nécessaires pour l’artiste amateur, l’article 11 A n’ouvre aucune perspective à ces pratiques, n’assure aucun cadre d’accompagnement, n’exprime aucune volonté de redéfinir une dynamique positive dans la relation entre artistes amateurs et professionnels.
Puisqu’il faut bien aborder le volet du financement, je pose cette question : comment incite-t-on les entreprises, les fondations et les mécènes à participer davantage à la vie culturelle ? En la matière, rien n’est fait, ou si peu, malgré le travail des rapporteurs, Françoise Férat et Jean-Pierre Leleux, que je tiens à saluer particulièrement.
Et que dire du deuxième volet de ce projet de loi, relatif au patrimoine, qui n’annonce aucun nouveau souffle pour les 1 200 musées, 500 000 entités archéologiques recensées, 44 000 immeubles protégés au titre des monuments historiques et 41 biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO ?
Encore une série de mesures, comme la dénomination « cité historique », qui remplace les secteurs sauvegardés par la loi Malraux de 1962, les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager issues de la loi Lang, en 1983, et les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine mises en place en 2010 par Mitterrand – Frédéric !
S’agit-il d’un tour de passe-passe pour désengager l’État du financement ?
Pourquoi ne pas redonner vie et jeunesse à notre patrimoine exceptionnel en regroupant le patrimoine et le tourisme au sein d’un même ministère ?
La France est le pays le plus visité de la planète pour son patrimoine architectural, son offre culturelle et son savoir-vivre. Elle a accueilli 80 millions de touristes en 2014. Aux États-Unis, 70 millions de touristes engendrent quatre fois plus de revenus : 200 milliards de dollars, contre 50 milliards d’euros en France. Nos pays vivent, certes, des réalités différentes, mais des revenus importants pourraient être engendrés par une association dynamique entre le tourisme et le patrimoine. Des milliers de projets à soutenir, un vivier d’artisans à préserver, des points de PIB à gagner et des milliards d’euros de recettes supplémentaires à collecter pour le tourisme : voilà un grand chantier, madame la ministre !
Au lieu de l’engager, vous entendez légiférer sur l’abaissement de l’obligation de recours à un architecte pour les travaux de construction ou d’aménagement supérieurs à 150 mètres carrés, au lieu de 170 mètres carrés actuellement. Selon vous, cette mesure favorisera-t-elle l’accession à la propriété du plus grand nombre, simplifiera-t-elle les normes d’urbanisme, transformera-t-elle nos lotissements en « cités historiques » ?
On reconnaît ici la signature d’un gouvernement qui oscille sans cesse entre des déclarations fortes au sujet de réformes et des lois qui n’ont pas d’ambition.
Ce projet de loi est un texte sans ambition pour une politique sans vision. Je le regrette sincèrement et je souhaite que la liberté, l’égalité et la fraternité qualifient toujours la création artistique en France.