Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 9 février 2016 à 14h30
Liberté de création architecture et patrimoine — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, une importante partie de ce texte est consacrée à la protection du patrimoine. Les acteurs de la sauvegarde du patrimoine attendaient depuis longtemps une loi qui traite de la majeure partie des questions relatives au patrimoine et qui ne se contente pas de dispositions insérées au gré des circonstances, dans des textes portés par d’autres ministères que le ministère de la culture.

Oui, c’est une grande loi que vous nous proposez, madame la ministre, au sens où elle porte une orientation forte pour la politique culturelle de l’État, qui fait le lien entre création et patrimoine ; au sens, également, où elle s’inscrit dans la lignée des lois qui forment la politique de protection du patrimoine en France.

Ainsi, depuis les lois de 1887 et 1913 sur les monuments historiques jusqu’à la loi de 2001 sur l’archéologie préventive, en passant par la loi de 1930 créant les sites protégés et l’incontournable loi Malraux de 1962 sur les sites sauvegardés, toutes ont contribué à permettre que des lieux, des œuvres et des objets continuent de nous raconter notre histoire commune. Expression à la fois des racines de chacun et d’une mémoire partagée, voilà ce que représente notre patrimoine, c’est pourquoi nous y sommes tellement attachés. L’un des héritages de ces grandes lois est justement d’avoir permis que les richesses patrimoniales soient mises à la disposition de tous.

La politique de conservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine a, depuis des années, bâti cette image culturelle de la France, dont nous avons raison d’être fiers, car elle contribue au rayonnement international de la France et représente, aujourd’hui, un poids économique considérable.

Le patrimoine porte en lui l’histoire des peuples, dont l’historien Patrick Boucheron expliquait récemment qu’elle « est riche des expériences accumulées du passé, elle ne trace pas de chemin, elle ne donne pas de leçons », et, de ce fait, elle n’admet pas d’explication univoque.

Ce n’est donc pas par hasard que les terroristes s’attaquent aux cités antiques et détruisent ce patrimoine qui représente les apports de la diversité des racines de ces peuples, mais aussi différentes lectures du passé et qui ouvre donc l’esprit à des interprétations variées. En agissant ainsi, ils espèrent effacer la mémoire des peuples et imposer plus facilement leur vision totalitaire du monde.

Il est heureux que le Gouvernement ait décidé d’intégrer à ce texte plusieurs dispositions qui affirment les valeurs de la France dans le contexte international que nous connaissons, qu’il s’agisse du contrôle du commerce international des biens culturels ou de l’instauration d’une sorte de « droit d’asile culturel » pour des biens reconnus en danger par la communauté internationale.

Par l’intermédiaire de ce texte, il s’agit bien d’affirmer que la protection du patrimoine est partie intégrante du projet politique de la culture, dont l’objectif principal est l’émancipation de tous.

Ce projet de loi replace l’État au centre des politiques culturelles, en réaffirmant son rôle et en renforçant ses outils de régulation. Parallèlement, il adapte ces politiques aux évolutions contemporaines, qu’il s’agisse de l’intercommunalité, de la participation des citoyens aux décisions ou du poids croissant du tourisme dans l’économie. En effet, sauvegarder notre patrimoine, ce n’est pas le mettre sous cloche ou le figer, mais bien protéger son âme historique en permettant que le monde contemporain s’en saisisse et en fasse usage.

Il y va ainsi de la protection et de la diffusion des biens culturels. Les dispositions prévues dans ce texte me tiennent à cœur, car pour une élue comme moi, sensible au maintien de territoires ruraux vivants, l’accès de tous à la culture demeure un objectif important. Une meilleure diffusion des collections nationales sur tout le territoire comme la reconnaissance et la sécurisation des fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, constituent de véritables avancées.

En outre, l’État se donne les moyens de mieux veiller à la qualité scientifique et technique des musées de France, notamment par l’intermédiaire du projet scientifique et culturel, le PSC. Nous souhaitons, pour notre part, que les musées s’ouvrent un peu plus à leur public en mettant en place des partenariats avec les associations culturelles et les établissements scolaires. Nous ferons des propositions en ce sens.

Un plus grand contrôle de l’État sur la qualité scientifique et technique pour le choix de l’opérateur comme pour le déroulement de l’opération archéologique était l’une des demandes fortes issues du Livre blanc de l’archéologie préventive. Le projet de loi y répond, en attribuant aux services de l’État la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations de fouilles. Évidemment, cela n’est pas sans conséquence sur plusieurs dispositions issues de la loi d’août 2003, qui avait ouvert à la concurrence les opérations d’archéologie préventive et dont la députée Martine Faure avait, dans son rapport, pointé l’ensemble des déséquilibres concurrentiels.

Contrairement à ce que la majorité du Sénat soutient, qui a conduit aux larges coupes que vous avez opérées dans le texte, madame la rapporteur, nous n’avons nullement l’intention de revenir sur le principe de l’ouverture concurrentielle et encore moins, évidemment, de créer un monopole pour l’INRAP.

Il s’agit simplement de conférer à l’État et à ses services en région – les services régionaux d’archéologie – un rôle plus régulateur, ce qui répond d’ailleurs à une demande de l’ensemble des acteurs du secteur. Nous vous proposerons donc, à travers nos amendements, de revenir à un texte plus proche de celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale, tout en intégrant certaines modifications issues des propositions entendues lors des auditions que nous avons menées.

Lorsque l’on parle d’archéologie préventive, on ne doit pas considérer seulement l’aspect financier des fouilles et les contraintes qu’elles imposent. Gardons également à l’esprit qu’elles contribuent à valoriser le territoire sur lequel elles sont réalisées par une meilleure connaissance de l’histoire locale ou par la qualité des objets qui y sont découverts.

Cette remarque m’amène à la valorisation du patrimoine et à la qualité architecturale, qui constitue le cœur de la partie de ce projet de loi consacrée au patrimoine. En effet, la création des cités historiques dépasse la simplification des procédures et des dénominations, avec le double objectif de faciliter leur mise en œuvre et leur compréhension pour les collectivités comme pour le grand public.

Certes, le nom « cité historique » a fait l’objet de critiques et de débats, mais il rappelle celui de « monument historique », porteur sur le plan touristique et qui ne recouvre pas seulement des édifices monumentaux, loin de là.

Avec la cité historique, nous estimons, madame la ministre, que vous créez un outil puissant et souple pour unifier l’ensemble des moyens actuels de conservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine. Plus encore, vous les modernisez en permettant un rééquilibrage de ces moyens en faveur des collectivités et des territoires, tout en maintenant une supervision par l’État, garantie de la qualité de la protection du patrimoine. Il est vrai que notre commission a œuvré pour renforcer la participation des collectivités, en particulier des communes concernées.

En définitive, je forme le vœu que le Gouvernement et le Sénat parviennent à s’entendre sur l’équilibre atteint en ce qui concerne les cités historiques. Ce nouvel outil ouvrira des opportunités nouvelles, notamment en matière de protection des centres anciens des petites villes, qui restent parfois en déshérence.

Tous les points de ce texte illustrent parfaitement que le patrimoine doit être protégé, qu’il est vivant et qu’il doit le rester !

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