Je tenais à le souligner après l’avoir dit lors de la discussion générale, cet article représente l’enjeu majeur du projet de loi que nous examinons.
Il est vrai que nombreux sont les censeurs qui, au nom d’une supposée morale protectrice, font avancer leur idéologie rétrograde au mépris des droits, notamment ces droits qui sont constitutionnellement garantis.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous avez dû vous offusquer et réagir vivement au nouveau recours qui vise à revoir le visa d’exploitation d’un film actuellement en salle. L’association à l’origine de cette démarche judiciaire, qui n’en est pas à son premier fait d’armes, s’est lancée dans une véritable croisade contre une création artistique antinomique, selon elle, avec l’obligation de protection des mineurs.
La création artistique qui est ciblée ne l’est que pour une seule raison : parce qu’elle dérange ces groupuscules ! Parce qu’elle s’oppose frontalement à leur conception ! Parce qu’elle est aux antipodes de leur vision ! Oui, l’artiste bouscule, il dérange, il transgresse, il interroge !
Cet article me donne l’occasion d’attirer votre attention sur un phénomène encore nouveau qui est à l’œuvre, celui de l’autocensure, dont je voudrais tous vous faire prendre conscience. Que l’artiste s’interroge sur sa responsabilité et sur la réception de ses créations est bénéfique. Qu’il en arrive, en revanche, à remettre en question son travail créateur par lassitude, voire par crainte de représailles faute d’être suffisamment protégé, est révélateur d’une société où l’intolérance progresse aussi rapidement que la liberté décline.
Lorsque l’artiste commence à s’interdire et peut même avoir intériorisé ces interdictions, oui, la société est en souffrance et la démocratie s’essouffle ! C’est pourquoi il était très important que l’article 1er donne corps à ce principe selon lequel la création artistique est libre.
Pour conclure, je dirai que la portée symbolique et très politique de cette disposition transcende ce projet de loi. Non seulement elle servira de guide au juge, qui lui rappellera la spécificité de la création, et donc de l’œuvre, mais, surtout, elle sera le signal du sursaut démocratique qui sécurisera, je l’espère, tous les créateurs.