La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
La discussion générale ayant été close, nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la liberté de création artistique
(Non modifié)
La création artistique est libre.
« La création artistique est libre », proclame l’article 1er.
Vous l’aurez remarqué, la commission a, comme on dit aujourd'hui, « sanctuarisé » cette locution, cette rédaction un peu clinquante, si étincelante d’ailleurs que je l’ai qualifiée de « pépite brillante » de votre projet de loi, madame la ministre ! Je souhaite d’autant plus m’expliquer sur ce choix qu’il n’allait pas de soi, notamment si l’on relit l’ensemble des débats à l’Assemblée nationale sur le sujet.
Nous avons débattu de cette rédaction en commission, et nous avons été convaincus qu’il ne fallait pas y toucher, même si nous estimons que celle-ci ne modifiera pas profondément le droit en vigueur. Selon nous, cette rédaction pourrait laisser penser que la création artistique ne serait pas libre aujourd'hui en France. Or, à mon sens, rien n’est moins vrai !
Jamais dans notre histoire, il n’a été aussi aisé de s’exprimer, d’une part, parce que les supports de communication et les lieux de création n’ont à aucun moment été aussi nombreux, et, d’autre part, parce que les limites juridiques apportées à l’exercice de cette liberté ont été réduites au minimum.
Le temps est loin où un jeune auteur normand, Gustave Flaubert, devait comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour se justifier des écarts de son héroïne, Mme Bovary, au regard des principes de la morale publique et de la religion reconnus par la loi !
Pourtant, si cette disposition n’est pas nécessaire, cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit inutile. Elle constituera votre marqueur, madame la ministre. Et, en ces temps de remaniement – vous noterez que je me garde bien de parler d’autre chose !
Sourires.
Cette disposition montrera également que la création et la culture, en général, sont des valeurs partagées sur toutes les travées de cet hémicycle. Il nous semblait important de le rappeler, alors que nous entamons le débat sur ce projet de loi.
« La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert », écrivait Malraux. Je forme le vœu que cet article 1er soit une invitation à la conquête de nouveaux territoires pour tous ceux qui savent mobiliser leur imagination, leur talent et leur audace.
Mme la présidente de la commission approuve.
Je tenais à le souligner après l’avoir dit lors de la discussion générale, cet article représente l’enjeu majeur du projet de loi que nous examinons.
Il est vrai que nombreux sont les censeurs qui, au nom d’une supposée morale protectrice, font avancer leur idéologie rétrograde au mépris des droits, notamment ces droits qui sont constitutionnellement garantis.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous avez dû vous offusquer et réagir vivement au nouveau recours qui vise à revoir le visa d’exploitation d’un film actuellement en salle. L’association à l’origine de cette démarche judiciaire, qui n’en est pas à son premier fait d’armes, s’est lancée dans une véritable croisade contre une création artistique antinomique, selon elle, avec l’obligation de protection des mineurs.
La création artistique qui est ciblée ne l’est que pour une seule raison : parce qu’elle dérange ces groupuscules ! Parce qu’elle s’oppose frontalement à leur conception ! Parce qu’elle est aux antipodes de leur vision ! Oui, l’artiste bouscule, il dérange, il transgresse, il interroge !
Cet article me donne l’occasion d’attirer votre attention sur un phénomène encore nouveau qui est à l’œuvre, celui de l’autocensure, dont je voudrais tous vous faire prendre conscience. Que l’artiste s’interroge sur sa responsabilité et sur la réception de ses créations est bénéfique. Qu’il en arrive, en revanche, à remettre en question son travail créateur par lassitude, voire par crainte de représailles faute d’être suffisamment protégé, est révélateur d’une société où l’intolérance progresse aussi rapidement que la liberté décline.
Lorsque l’artiste commence à s’interdire et peut même avoir intériorisé ces interdictions, oui, la société est en souffrance et la démocratie s’essouffle ! C’est pourquoi il était très important que l’article 1er donne corps à ce principe selon lequel la création artistique est libre.
Pour conclure, je dirai que la portée symbolique et très politique de cette disposition transcende ce projet de loi. Non seulement elle servira de guide au juge, qui lui rappellera la spécificité de la création, et donc de l’œuvre, mais, surtout, elle sera le signal du sursaut démocratique qui sécurisera, je l’espère, tous les créateurs.
« La création artistique est libre » : vous avez fait de cet article, madame la ministre, un marqueur de l’ambition de votre projet de loi.
Cette « liberté » de création est déjà, sous une autre forme, inscrite dans l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, déclaration consacrée par le préambule de notre Constitution.
Cette liberté est également assurée par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont l’article 19 proclame la liberté d’opinion et d’expression, tandis que l’article 27 précise que « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ».
Cette liberté fondamentale est d’ailleurs reconnue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Il était donc tout à fait indispensable qu’un projet de loi sur la création réaffirme ce droit fondamental.
Cependant, l’ambition d’un projet de loi ne se juge-t-elle pas à l’aune des garanties nouvelles qu’il prévoit pour faire vivre ce droit fondamental, notamment en s’engageant pour assurer la liberté de « diffusion » ?
Je pense à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui établit également que l’imprimerie et la librairie sont libres, englobant ainsi la totalité de la chaîne de la liberté de la presse.
Il faut évidemment protéger les créateurs de la censure, mais la liberté de création est affaiblie sans liberté de diffusion.
Ce n’est pas un combat du passé ! L’actualité fourmille d’exemples. Ainsi, on voit comment l’organisation de l’invisibilité des femmes créatrices, en tout domaine, constitue bien un frein à leur engagement artistique.
Réaffirmer la liberté de création est essentiel, mais insuffisant.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposerons un amendement visant à inscrire dans la loi la définition des droits culturels telle qu’elle est établie par l’ONU et la convention de l’UNESCO de 2005 à laquelle la France a adhéré.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire quelques mots en préambule du débat que nous allons avoir et qui sera très constructif, j’en suis certaine.
L’article 1er, qui est en fait la source à laquelle puisent l’ensemble des articles du projet de loi que j’ai souhaité vous présenter aujourd'hui, est la condition de possibilité de tous les autres.
« La création artistique est libre ». Monsieur le rapporteur, vous avez relevé que, si vous vous êtes rallié à la rédaction de cet article, celui-ci vous paraît néanmoins quelque peu superfétatoire dans la mesure où la création n’a jamais été aussi libre qu’aujourd'hui.
Pour ma part, je crains de ne pas partager cette analyse. En effet, Sylvie Robert a cité précédemment un certain nombre d’exemples récents, et il en est d’autres qui le sont moins : tous montrent bien que, si nos artistes et créateurs ont aujourd'hui probablement accès à des moyens inédits de diffusion de leurs œuvres, notamment numériques, il pèse sur leur liberté de créateur un certain nombre de menaces, dont certaines sont extrêmement tangibles.
À cet égard, je citerai plusieurs exemples. Vous avez tous en tête les actions engagées par l’association Promouvoir, qui vise à empêcher le public d’accéder à un certain nombre de films, au nom de la moralité publique ou de la défense de valeurs judéo-chrétiennes qu’elle estime devoir protéger. En leur nom, elle s’attaque à des films qui sont pourtant des films d’auteurs. Je pense en particulier aux films d’Abdellatif Kechiche, de Lars Van Trier ou de Quentin Tarantino, pour les plus récents.
Par ailleurs, je citerai, en ce mois de février, le spectacle Tragédie d’Olivier Dubois, qui a été joué à l’Arsenal de Metz, mais que la présidente du groupe FN au conseil municipal de Metz aurait voulu interdire, confondant nudité des danseurs et exhibitionnisme. Je pense également à l’exposition photographique d’Olivier Ciappa, destinée à lutter contre l’homophobie : accrochée sur les grilles du jardin du Grand Rond à Toulouse, elle a été vandalisée.
Je pourrais également citer des déclarations de Marion Maréchal-Le Pen contre toute subvention à l’art contemporain, qu’il conviendrait, selon elle, de supprimer, ou encore les décisions du maire de Villers-Cotterêts, qui a retiré de sa médiathèque le livret d’une exposition parce qu’on y lit que la montée des eaux peut être comparée à la montée de l’extrême droite.
Les exemples, qui sont, en réalité, extrêmement nombreux et tous récents, nous laissent à penser que, contrairement à ce que l’on pourrait croire acquis, la liberté de création, au même titre que la liberté de l’imprimerie, la liberté de la presse ou la liberté d’expression, requiert qu’on la protège aujourd'hui de manière extrêmement solennelle dans un texte législatif.
J’ajoute que nous ne pensons pas uniquement aux artistes d’aujourd'hui. Cela a été dit par plusieurs orateurs, nous pensons aussi à l’avenir, à la relève de la création. Nous voulons adresser aux artistes de demain le message fort que la France, fidèle à ses valeurs et à ses principes, entend défendre de manière extrêmement solennelle son attachement à la liberté de création, au même titre qu’aux autres grandes libertés qui sont défendues par le juge constitutionnel et les magistrats.
Cet article me semble donc extrêmement important. Loin d’être une simple pétition de principe, il constitue, au contraire, un élément majeur de notre bloc juridique et des principes que nous pourrons collectivement inscrire dans la loi. Et j’en suis très fière ! Je pense que vous partagez également ce sentiment dans la mesure où la commission a été unanime pour défendre cet article. Nos débats découleront de l’unanimité que nous saurons réunir autour de cette déclaration.
L'amendement n° 358, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et son expression est garantie par la loi, les traités et les conventions internationales
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
La phrase « La création artistique est libre » est tellement sonnante, telle une « pépite », comme l’a qualifiée M. le rapporteur, que ni lui ni les membres de la commission n’ont osé l’émailler de compléments !
D’ailleurs, plutôt que de toucher à l’article 1er, le groupe socialiste et républicain a choisi d’introduire un article 1 bis pour la compléter. C’est donc que cette déclaration solennelle enchante les acteurs culturels ! Elle a fait l’objet d’hommages appuyés par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Face à cet acte symbolique, personne n’a osé rompre le charme, sauf le groupe CRC et le groupe écologiste.
L’amendement que je vous propose, mes chers collègues, n’enlève pas cette phrase non normative, non protectrice, mais qui semble tellement douce aux oreilles de ceux qui en furent les inspirateurs ! Les écologistes vous proposent de la compléter et de la renforcer, en l’inscrivant dans un élan plus universel, incarné dans des conventions et déclarations coécrites, inspirées et ratifiées par la France.
Ces textes internationaux sont des ressources précieuses par leur ambition. En témoigne l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique. » Ainsi, l’ajout que nous proposons n’abîmerait pas la phrase prévue à l’article 1er.
Par ailleurs, ces textes sont aussi précieux par leur rigueur. Je vous renvoie à l’article 4 de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle : « Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l’homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée. »
Madame la ministre, tous les beaux exemples de résistance nécessaire aux sombres tentatives de censure vous avez cités sont louables. Ils ne sauraient néanmoins masquer que la France s’est trouvée brutalement confrontée à un obstacle quand elle a voulu empêcher les paroles racistes du spectacle de M. Dieudonné à Paris. Il a fallu recourir à des procédures d’urgence et saisir le Conseil d’État pour prendre des décisions rapides.
Ces déclarations universelles sont, par conséquent, fondatrices de bonheur et de rigueur.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Dominique Gillot applaudit également.
Si la commission n’a pas souhaité modifier cet article, ce n’est pas qu’elle n’a pas osé : elle aurait pu le faire. Ce n’est pas non plus pour faire plaisir à Mme la ministre, sachant qu’elle tenait à cette rédaction. C’est parce que cette phrase a du sens, même si je considère, pour ma part, que la liberté de création est intégrée dans la liberté d’expression ; je sais bien le débat entre liberté d’expression et liberté de création.
La commission a donc préféré maintenir l’article 1er en l’état. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la sénatrice, je suis bien évidemment sensible à votre préoccupation. L'article 1er est une consécration législative de la liberté de création et de la spécificité de la démarche artistique. C’est bien en cela qu’il y a une distinction avec la liberté d’expression.
Cet article marque l’attachement de notre pays à la préservation de l’indépendance du processus de création artistique. Il reconnaît la libre expression des artistes et, plus généralement, leur contribution irremplaçable au développement d’une plus grande cohésion de la population, d’un meilleur vivre ensemble, tout en englobant les valeurs d’universalité, de pluralisme et de diversité.
En cela même, par cette simple phrase, cet article porte la traduction dans notre droit positif des engagements ratifiés par la France pour la protection de cette liberté à l’échelon communautaire et international, sous l’égide de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948, des pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils, politiques, économiques et sociaux, ou encore des conventions de l’UNESCO.
C’est pourquoi il n’est pas utile – ce serait même redondant – de faire expressément référence à ces textes. J’ai souhaité résumer par une phrase emblématique l’essence de ce que vous indiquez : « La création artistique est libre. » Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, cette proclamation me paraît urgente et nécessaire dans la mesure où les attaques et les remises en cause des artistes, des auteurs et de leurs créations ont tendance à se multiplier.
Avec cette formulation, l’article 1er jouera le rôle qu’ont joué les proclamations des grandes lois de la République. Observez bien d’ailleurs que, dans ces grandes lois, il n’est pas indiqué que tel principe énoncé est garanti par la loi : ce serait tautologique. Cet article tire justement sa force de sa concision et de sa construction, sur le modèle des grandes lois que nous connaissons. Par conséquent, je suis défavorable à toute proposition qui pourrait l’affaiblir ou en réduire le sens et la portée.
En revanche, les articles suivants ont vocation à le compléter, notamment en insistant sur la liberté de diffusion et la liberté de programmation artistique. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Le groupe socialiste et républicain refuse que l’on touche à l’article 1er, même s’il n’est pas en désaccord avec les idées défendues brillamment par Marie-Christine Blandin. Nous comprenons sa volonté d’asseoir ce principe sur le droit proclamé universel et des textes internationaux.
Toutefois, nous n’en sommes qu’au tout début du texte. Par la suite, y compris lorsque nous déclinerons concrètement à l’article 2 ce que signifie cette proclamation en termes de politique publique, d’accès à la culture et que nous le traduirons dans ce texte, nous aborderons tous ces domaines, y compris des sujets particuliers qui ont été évoqués et le droit à l’expression.
Ce qui importe, c’est, par cette phrase très simple, d’éviter toute ambiguïté, de parvenir à créer ici une certaine unanimité, car personne ne s’oppose à cette proclamation. Indépendamment des postures et parfois des divergences qui peuvent s’exprimer dans cet hémicycle, nous sentons bien que nous vivons un moment où inscrire une telle affirmation est loin d’être anodin.
Dans une autre conjoncture, dans une conjoncture idéale – Mme Mélot a indiqué au cours de la discussion générale qu’il n’y avait jamais eu autant de liberté de création dans notre pays ! –, …
… il en aurait peut-être été autrement. Mais nous savons au contraire que certaines forces politiques, y compris quand elles prennent le pouvoir à l’échelon local – heureusement, seulement à cet échelon, pour l’instant ! –, remettent en cause concrètement cette liberté et s’attaquent à elle, que ce soit par les livres, les représentations ou les déprogrammations.
On dénombre de plus en plus d’attaques contre des représentations, des expositions ; Mme la ministre les a énumérées. C’est un phénomène européen. Nous sommes donc à un moment où affirmer cette liberté avec force est important.
Par ailleurs, pour donner à la liberté de création toute sa place, il va falloir évoquer la liberté de diffusion, qui constitue aussi un enjeu majeur ; c’est tout le sens de l'amendement portant article additionnel après l'article 1er que nous proposerons. Sans elle, à l’ère des mass media et de l’internet, la liberté de création peut devenir vide de contenu.
Madame la ministre, vous avez eu raison de placer ce projet de loi sous le beau drapeau de la liberté de création. Le groupe socialiste et républicain vous soutient bien évidemment et votera cet article. Mais je saisis le moment où nous entamons la discussion des articles pour vous appeler à la vigilance.
Toute liberté ne prend pleinement son sens que si elle a les moyens de son existence. Vous avez évoqué toutes les agressions des censeurs, et c’est un danger qu’il faut en effet combattre. Il en est un autre toutefois : nombre de collectivités territoriales, de départements, de régions privent actuellement de subventions les opérateurs culturels sur leur terrain.
Certains le font de manière très brutale – par exemple, le département de l’Allier a supprimé purement et simplement toutes les subventions accordées aux opérateurs culturels – ; d’autres de façon plus sournoise.
Madame la ministre, au moment où vous voulez tellement que notre politique culturelle serve d’appui à la création, ce qui est vital pour notre pays, il va falloir se donner les moyens de contrer cette attaque, qui consiste tout simplement à détricoter ce qu’ont permis des décennies de politiques culturelles, portées d’ailleurs par toutes les majorités dans notre pays. De ce point de vue, l’alternance n’a pas compromis le maillage culturel et artistique de la France. Il va donc falloir contrecarrer cette offensive politique, qui consiste à condamner à mort un très grand nombre d’opérateurs culturels et artistiques.
J’ai beaucoup de sympathie pour la position de Mme Blandin, mais je ne suis pas d’accord avec la rédaction qu’elle propose. Si son amendement était adopté, l’article 1er serait ainsi rédigé : « La création artistique est libre et son expression est garantie par la loi, les traités et les conventions internationales. » Cela signifierait qu’existent deux entités, deux catégories : la création et l’expression de la création.
Implicitement, on nous convie à adopter une philosophie quelque peu dualiste dans laquelle se trouvent le fond et la forme, le signifiant et le signifié, le contenant et le contenu, l’essence et l’existence, etc. Or, tel qu’il est rédigé, l’article 1er englobe toute la création, sans distinguer le fond de la création et son expression, ce qui est la profondeur et ce qui est la surface ; cela n’a pas de sens.
À l’orée de ce débat, je pense à Guillaume Budé, né à Orléans et mort brûlé, place Maubert, à Paris, par des gens qui ne supportaient pas qu’il fût l’adepte de la souveraine liberté d’esprit. Il a été brûlé ainsi que tous les livres de lui qu’on a pu retrouver. Il était en effet important pour ceux qui avaient commis un tel geste qu’il disparût et que disparussent avec lui tout ce qu’il avait écrit, tout ce qu’il avait pensé, tout ce qu’il avait été, à la fois l’essence et l’existence, le fond et la forme, l’être et la création.
C’est pourquoi cette phrase, parole d’ouverture, parole d’entame - « La création artistique est libre » -, est belle dans sa complétude et dans sa sobriété.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 215, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Toutes les personnes jouissent du droit à la liberté d'expression artistique et de création, qui recouvre le droit d'assister et de contribuer librement aux expressions et créations artistiques par une pratique individuelle ou collective, le droit d'avoir accès aux arts et le droit de diffuser leurs expressions et créations.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Dans le même esprit, cet amendement vise à compléter l’article 1er, mais notre proposition ne souffrira pas la critique de Jean-Pierre Sueur, puisque nous laissons intacte la première phrase. L’ajout que nous préconisons permettra de renforcer l’article, à l’instar de l’affirmation solennelle qui ouvre la loi de 1881 : « L’imprimerie et la librairie sont libres. » Nous partageons nous aussi totalement l’affirmation qui fonde le texte que nous examinons.
Aussi, nous proposons de compléter l'article 1er par une seconde phrase : « Toutes les personnes jouissent du droit à la liberté d’expression artistique et de création, qui recouvre le droit d’assister et de contribuer librement aux expressions et créations artistiques par une pratique individuelle ou collective, le droit d’avoir accès aux arts et le droit de diffuser leurs expressions et créations. »
D’une certaine manière, nous prolongeons l’intention de nos amis écologistes, puisque cet ajout est directement inspiré des définitions retenues par la convention internationale de l’UNESCO.
Nous sommes sensibles aux arguments qui consistent à vouloir laisser en l’état la force de cette phrase d’ouverture, mais nous estimons que l’article 1er aurait plus de poids encore complété de cette manière.
J’ai le sentiment que, en souhaitant renforcer l’article 1er, on risque de l’affaiblir. Je maintiens la position de la commission, d’autant que, par les amendements suivants portant articles additionnels après l’article 1er, l’objet de cet amendement sera traité de façon un peu plus précise.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Comme je viens de le dire à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 358, la force de l’article 1er réside dans sa concision et dans sa construction sur le modèle des grandes lois.
Comme vous, monsieur le sénateur, je porte un grand intérêt à la question des droits culturels des citoyens, reconnus par la convention de l’UNESCO de 2005, à laquelle je porte le même niveau d’attention que vous.
Cependant, il me semble que la consécration de la liberté de la création artistique garantit déjà les droits culturels que vous entendez rappeler, comme les différentes formes de pratiques artistiques, les droits d’accès aux arts et la liberté de diffusion.
En outre, l’article 2 du projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission, fait lui aussi directement référence aux droits culturels. Il contient plusieurs garanties en faveur du droit à la libre expression artistique et les décline comme autant d’objectifs des politiques publiques nationales et territoriales en matière de création artistique.
Il me semble que cette double reconnaissance législative crée un environnement juridique suffisamment protecteur pour une partie des aspirations culturelles des citoyens.
Je le répète, je ne souhaite pas affaiblir la force de l’article introductif qui, par sa concision, rappelle les principes essentiels à toute démocratie, tels qu’ils sont affirmés dans les grandes lois que nous connaissons.
Pour cette raison, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Le problème de cet amendement, c’est qu’il tend à définir l’unique phrase de l’article 1er, ce qui réduirait forcément sa portée.
La force de cette phrase, cela a été dit à plusieurs reprises, c’est qu’elle permet beaucoup de choses, y compris des vocations et des interprétations. Ensuite, la loi, qu’on ne veut pas bavarde – nous allons essayer de nous tenir à ce principe, mais c’est assez difficile, le nombre d’articles du texte ayant déjà doublé à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale et le Sénat souhaite, lui aussi, apporter sa pierre à l’édifice – définira la liberté de création.
Les précisions que vous souhaitez apporter, mon cher collègue, auraient davantage leur place dans l’article 2, plus détaillé. Je pourrais citer tous les éléments qui manquent dans la rédaction que vous proposez et qui, de ce fait, pourraient ne pas être considérés comme faisant partie des droits fondamentaux en termes de création.
Nous aurons l’occasion d’entrer dans le vif du sujet lors de l’examen des amendements visant à insérer des articles additionnels après l’article 1er, qui abordent le sujet de la diffusion en tant que tel, et de l’article 2, qui définit l’ensemble des acteurs publics concernés et des droits, notamment culturels. Nous verrons alors que nous n’avons pas de divergence de fond.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Je précise que nous ne cherchons pas à définir le droit à la liberté de création. Je partage l’idée selon laquelle il n’est pas nécessaire de poser un préalable, de définir cette liberté ou de l’assortir de conditions. Vous connaissez notre attachement, profond et historique, à cette question. Il n’y a pas de divergence de fond entre nous sur ce sujet.
Certes, des précisions sont prévues dans les amendements visant à insérer des articles additionnels après l’article 1er – nous verrons s’ils sont adoptés ! – et à l’article 2. Mais introduire ces dispositions à l’article 1er est de nature non pas à affaiblir la portée de cet article – tel n’est pas du tout notre objectif ! –, mais à lui donner une force plus grande encore.
En effet, la liberté de création, qui doit être totale et sans conditions à nos yeux, nécessite, nous le savons tous, d’être effective. Aussi, les précisions que nous souhaitons apporter renforceraient, selon nous, l’article 1er, mais nous ne sommes manifestement pas d’accord sur ce point.
Ne nous prêtez donc pas des intentions qui nous sont totalement étrangères. Je le répète, nous ne voulons pas amoindrir la force d’un principe auquel nous sommes mille fois attachés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La diffusion de la création artistique est libre. Elle s’exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d’expression et conformément aux dispositions de la première partie du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. David Assouline.
La liberté de création ne se pose pas uniquement en termes d’attaques ou de remises en cause de la part d’extrémistes, comme nous en avons parlé jusqu’à présent. Je veux aussi aborder le problème de l’actualité du monde culturel.
Aujourd'hui, on peut écrire ou réaliser un film vite fait – c’est de plus en plus facile ! –, mais la concentration, le monopole des moyens de diffusion conduisent à la diffusion d’œuvres de plus en plus uniformisées, ce qui peut porter atteinte à la liberté de diffusion, mais aussi réduire la diversité de l’offre culturelle.
Aussi, il nous semble tout à fait important d’affirmer dans un article en tant que tel que la diffusion de la création artistique est libre, tout en l’« encadrant » – mais ce n’est pas véritablement un cadre ! –, tout en l’insérant, dirai-je, dans le respect des principes qui guident la liberté d’expression dans notre pays. Nous savons en effet que certains s’abritent parfois derrière ce qu’ils appellent une œuvre artistique, mais qui n’en est pas une en réalité – je rappelle l’affaire Dieudonné – pour pervertir la liberté d’expression. Dans ce cas, des lois existent bien sûr. Il ne s’agit en aucun cas ici d’amoindrir la liberté d’expression. On peut se permettre beaucoup dans la fiction, c’est cela la création.
Par ailleurs, la liberté de diffusion ne peut pas remettre en cause les lois sur la propriété intellectuelle. Il faut protéger le créateur, l’auteur, qui est à la base de tout et doit tirer une rémunération de son art. La liberté de diffusion n’est pas la liberté de voler les œuvres ou de ne pas rémunérer les artistes. Les moyens technologiques permettent aujourd'hui ce genre de choses ; certains grands groupes de l’internet se permettent ainsi de porter atteinte au droit de propriété.
Le présent amendement vise donc à réaffirmer que la diffusion libre donne toute sa force à la liberté de création.
L'amendement n° 439 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Amiel, Bertrand, Castelli, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La liberté de programmation, la liberté de diffusion artistique et la liberté de création artistique sont garanties par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par mon collègue David Assouline.
Notre groupe a fait le choix de ne pas modifier l’article 1er du projet de loi, mais le principe de liberté de création qui y est consacré n’est pas suffisant pour protéger ceux qui diffusent, programment ou exposent une œuvre d’art. De la même manière que la loi protège la création artistique, elle doit protéger explicitement la diffusion des œuvres, leur programmation et leur publication. Ce sont les œuvres rendues publiques qui sont malheureusement l’objet de vandalisme.
Le présent amendement vise donc à introduire un article additionnel après l’article 1er pour consacrer la liberté de diffusion et la liberté de programmation.La transcription de ces libertés fondamentales dans un article additionnel améliorerait la lisibilité et la visibilité des fondements de la politique de création artistique développée à l’article 2.
Je tiens à dire à notre collègue David Assouline que sa proposition d’insérer un article additionnel après l’article 1er est très astucieuse, car elle permet de ne pas toucher à l’article 1er. Vous avez bien compris, mon cher collègue, qu’il ne fallait pas le faire. Non pas que l’on n’ait pas osé, madame Blandin, mais parce qu’il ne fallait pas le faire ; c’est comme cela.
Vous y reconnaissez le principe de liberté de diffusion de la création, qui a certes été ajouté par l’Assemblée nationale à l’article 2, que nous examinerons tout à l’heure, tout en encadrant tout de même un peu cette liberté, conformément à nos valeurs fondamentales, qui, au fond, sont assez libérales.
Vous mentionnez le fait que toute liberté connaît tout de même des limites et que la liberté d’expression est encadrée. Je partage votre point de vue. Aussi – peut-être en serez-vous surpris ! –, j’émets un avis favorable sur votre amendement.
L’amendement n° 439 rectifié bis est tout aussi astucieux, mais il est un peu moins bien rédigé que celui de M. Assouline. Aussi, j’y suis défavorable. Mais vous vous y retrouverez, madame Laborde…
Comme les auteurs de ces deux amendements, je souhaite que la liberté de création artistique soit garantie dans toutes ses composantes, qu’il s’agisse de la conception ou de la diffusion des œuvres. La liberté de création ne peut pas se limiter à l’acte de créer, elle s’étend nécessairement à la liberté de diffusion.
Le rapporteur l’a rappelé à l’instant, l’inscription de cet objectif dans le texte a suscité à l’Assemblée nationale un débat riche et nourri, qui s’est traduit par son intégration dans l’article 2, au titre des objectifs de la politique en faveur de la création artistique, de manière à faire clairement apparaître la liberté de diffusion. Il me semble cependant légitime, voire nécessaire, d’aller plus loin et de consacrer à la liberté de diffusion un article spécifique, comme le prévoient ces amendements.
C’est l’essence même du service public de la culture que de favoriser l’accès le plus large possible aux œuvres de l’esprit, de garantir les moyens de cette diffusion partout sur le territoire, notamment dans les zones les plus délaissées, mais aussi de préserver la liberté des créateurs à diffuser des œuvres sans censure ni autocensure.
La rencontre avec le public est au cœur des dispositifs des politiques culturelles, c’est elle qui permet le développement de l’émergence artistique, l’emploi et la structuration des entreprises culturelles. C’est aussi elle qui favorise le développement des pratiques culturelles des Français et de l’attachement de nos concitoyens à la culture et aux artistes.
L’amendement n° 68 rectifié vise à consacrer la liberté de diffusion et à bien traduire son importance et le lien intrinsèque entre création et diffusion. Aussi, j’y suis favorable. En conséquence, l’amendement n° 439 rectifié bis sera satisfait par l’adoption de l’amendement n° 68 rectifié. C’est pourquoi je vous demande, madame Laborde, de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
L'amendement n° 439 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
Permettez-moi de revenir sur une petite divergence sémantique, et non de fond, avec le rapporteur.
L’amendement n° 68 rectifié vise non pas à consacrer la liberté de diffusion tout en l’assortissant de limites – je tiens à ce que cela figure au Journal officiel –, mais à donner tout son sens à cette liberté.
La liberté n’est effective et ne se déploie que si elle ne porte pas atteinte à la liberté de l’autre, et c’est ce que nous précisons. On n’a pas la liberté d’être raciste ou homophobe. Limiter la liberté de diffusion, c’est lui donner un sens humain.
Il faut que l’intention du législateur soit claire, car d’aucuns s’appuieront ensuite sur la loi pour plaider la liberté d’une œuvre ou sa censure.
Les principes guidant la liberté d’expression s’appliquent à la liberté de création et à la défense du droit d’auteur et des droits voisins, mais ils ne restreignent pas la liberté de création et de diffusion. Ils sont l’essence même de l’expression d’une liberté qui ne porte pas atteinte à la liberté des autres.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique en faveur de la création artistique construite en concertation avec les acteurs de la création artistique.
Cette politique poursuit les objectifs suivants :
1° Soutenir le développement de la création artistique sur l'ensemble du territoire et le rayonnement de la France à l’étranger, ainsi que la création d'œuvres d'expression originale française, et encourager l'émergence, le développement et le renouvellement des talents et de leurs modes d’expression dans le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes ;
2° Garantir la diversité de la création et des expressions culturelles et la liberté de diffusion artistique en développant les moyens de la diffusion de la création artistique et en mobilisant le service public des arts, de la culture et de l'audiovisuel ;
3° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d'expression artistique ;
4° Favoriser, notamment au travers des initiatives territoriales, les activités de création artistique pratiquées en amateur ;
5° Garantir, dans le respect de l'équité territoriale, l'égal accès des citoyens à la création artistique et favoriser l'accès du public le plus large aux œuvres de la création, dans une perspective d'émancipation individuelle et collective, et mettre en valeur ces œuvres dans l'espace public à travers des dispositifs de soutien adaptés, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;
6° Mettre en œuvre, à destination de tous les publics, des actions d'éducation artistique et culturelle permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l'égalité d'accès à la culture :
7° Favoriser l'accès à la culture dans le monde du travail ;
8° Soutenir les artistes, les auteurs, les professionnels et les personnes morales privées ou publiques, qui interviennent dans les domaines de la création, de la production, de la diffusion, de l'enseignement artistique et de la recherche, de l'éducation artistique et culturelle, de l'éducation populaire et de la sensibilisation des publics et, à cet effet, s’assurer, dans l'octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs ;
9° Garantir la transparence et l’équité dans l’octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique à travers le recours à des appels à projet et l’évaluation régulière des actions menées ;
10° Contribuer à la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, les acteurs de la diversité culturelle et de l'égalité des territoires ;
11° Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d’utilité publique qui accompagnent la création ;
12° Promouvoir la circulation des œuvres, la mobilité des artistes et des auteurs et favoriser les échanges et les interactions entre les cultures, notamment par la coopération artistique avec une attention particulière pour les pays en développement afin de contribuer à des échanges culturels équilibrés ;
13° Contribuer à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques ainsi qu'à des actions visant à la transmission des savoirs et savoir-faire ;
14° Contribuer au développement et à la pérennisation de l'emploi, de l'activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques, au soutien à l'insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;
15° Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d'art ;
16° Favoriser une juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d'auteur et des droits voisins aux niveaux européen et international ;
17° Entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l'État, l'ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif, les acteurs du mécénat et l'ensemble des acteurs de la création et le public concerné.
Dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
Si l’article 1er du projet de loi consacre la liberté de création dans notre pays, l’article 2 lui confère toute sa force de frappe, en donnant un cadre précis aux politiques publiques à mettre en œuvre afin de garantir cette liberté fondamentale. Celui-ci trace les contours d’une politique culturelle ambitieuse et émancipatrice, en renforçant les rôles et les responsabilités de chacun.
Notre objectif, au travers de ce texte, est non seulement de favoriser le développement de la création sous toutes ses formes, mais aussi de garantir l’accès à la culture pour tous, en favorisant l’éducation artistique et culturelle et en concentrant nos efforts en direction de ceux qui en sont trop souvent exclus.
Pour ce faire, notre groupe politique s’est attaché à proposer une version remaniée de cet article, regroupant et clarifiant les différents objectifs visés. Je pense, par exemple, aux dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sont, selon moi, indispensables et sur lesquelles je reviendrai. Je sais que vous avez rédigé quelques mots sur ce thème, monsieur le rapporteur, mais ceux-ci me semblent un peu timides…
Je tiens également à ce que figurent à l’article 2 des dispositions spécifiques à la promotion des arts de la rue, qui sont des sources intarissables de lien social, de diffusion de la culture sous toutes ses formes et de réappropriation de l’espace public.
Nous devons également soutenir l’activité artistique et ceux qui la font vivre, professionnels et amateurs, en promouvant la mobilité des artistes et leur rayonnement en France et à l’étranger, en leur assurant des conditions d’exercice satisfaisantes en termes de formation, de rémunération et de droits sociaux.
Toutes ces mesures contribuent à créer ce qui constitue le ciment de notre République. Permettez-moi de remonter dans le temps en citant Thucydide, né voilà vingt-cinq siècles : « La protection de la cité tient plus dans la motivation de ses habitants que dans l’épaisseur de ses murs. » J’espère donc que nous allons motiver nos collègues et, avec eux, toute la société française !
Mme Françoise Laborde applaudit.
Il est vrai que l’article 2 peut apparaître, dans une certaine mesure, comme une liste à la Prévert. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle notre groupe a souhaité l’organiser en cinq grandes missions.
Je tiens à souligner que cet article fixe également pour la première fois un cadre législatif clair à un certain nombre de politiques culturelles mises en œuvre conjointement par l’État et les collectivités territoriales.
En complément des précisions apportées par ma collègue Maryvonne Blondin, je voudrais que vous portiez une attention particulière à un certain nombre de termes et de phrases que nous avons introduits dans cet article dans la rédaction que vous présentera David Assouline. Lorsque nous demandons, par exemple, que les pouvoirs publics respectent et veillent au respect de la liberté de programmation, n’est-ce pas là un complément indispensable aux propos que nous avons entendus tout à l’heure ? Ce n’est pas rien, et cela engage !
De la même manière, nous avions à cœur de réintroduire le concept des droits culturels, qui ont trouvé leur consécration législative dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe. Il était important que nous comprenions bien ce concept de façon à pouvoir le mettre en œuvre dans nos différentes politiques publiques.
Enfin, nous avions également à cœur de réintégrer la notion de service public que notre rapporteur a supprimée, je ne sais toujours pas pourquoi - mais peut-être nous le dira-t-il. Pourtant, il me paraît aujourd'hui absolument nécessaire de refonder le service public culturel. Nous avons plus que jamais besoin de ce service public, à la fois pour lutter contre les zones blanches qui persistent en dépit de l’importance de l’égalité territoriale, pour mieux organiser la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi pour permettre une nécessaire infusion culturelle.
Même si l’article 2 a déjà fait l’objet d’enrichissements en commission, nous pensons que ce travail n’est pas terminé. C’est pourquoi nous vous présenterons, mes chers collègues, une série d’amendements visant à mieux définir le rôle de l’État et des collectivités territoriales.
Les modifications proposées par chacun traduisent des conceptions différentes de l’action publique en faveur de la création. Nous considérons que l’État et les collectivités territoriales doivent apporter un soutien indéfectible à la création artistique.
Pour l’État, il s’agit de porter, en tant que pilote, une politique culturelle ambitieuse, et ce d’autant plus que la culture et l’éducation constituent l’une des armes pour lutter contre la violence et les actes terroristes qui nous frappent, nous en sommes ici tous conscients.
Le soutien à la création doit concerner à la fois la conception, la diffusion et l’usage, et passe donc par plusieurs voies : assurer les moyens humains, techniques et financiers de la création artistique et culturelle, développer les canaux de communication, repousser toute tentative de censure et, enfin, permettre un accès physique et social aux œuvres. C’est pourquoi nous tenons particulièrement à la rédaction de l’alinéa 1 que nous proposerons.
De plus, nous souhaitons vous alerter sur la référence qui est désormais faite dans le texte au mécénat et aux fondations. Le mécénat ne doit pas venir compenser le désengagement de l’État en matière de soutien à la création.
Si l’insertion des mécènes et des fondations a été votée en commission, on peut d’ailleurs regretter que celle concernant les comités d’entreprise, pourtant largement compétents sur les questions culturelles et artistiques, ait été rejetée. Le message que fait passer le texte est le suivant : si la culture et le monde de l’entreprise doivent être liés, les salariés n’ont pas leur place dans cette relation.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique et veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
Cette politique poursuit les objectifs suivants :
1° Soutenir l’activité artistique professionnelle :
a) Garantir la diversité artistique sur l’ensemble du territoire, en particulier les œuvres d’expression originale française ;
b) Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines de la création artistique, de l’architecture et du patrimoine ;
c) Encourager l’émergence, le développement et le renouvellement des talents ;
d) Promouvoir la mobilité des artistes, favoriser leur implication dans le cadre de leur activité professionnelle et favoriser leur rayonnement à l’étranger ;
e) Promouvoir la diversité professionnelle et l’égalité entre les femmes et les hommes dans les professions artistiques et dans les établissements culturels ;
f) Assurer une juste rémunération des artistes et un partage équitable de la valeur, en promouvant le droit d’auteur et les droits voisins aux plans européens et internationaux ;
g) S’assurer, dans l’octroi des subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle, de la transparence dans leur attribution;
h) Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d’utilité publique qui accompagnent la création ;
i) Contribuer au développement et à la pérennisation de l’emploi, de l’activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques au soutien à l’insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;
j) Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art ;
k) Garantir la prise en charge des risques particuliers découlant des modes de collaboration multiformes propres aux métiers de la culture et de la création, sous l’égide de structures dédiées, aux moyens mutualisés ;
2° Favoriser l’accès, la participation et la contribution des personnes :
a) Garantir les droits culturels des personnes ;
b) Garantir l’égalité d’accès des personnes à l’art dans sa diversité et leur participation à la vie culturelle ;
c) Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
d) Garantir la diversité des expressions culturelles et la liberté de participer et de contribuer à la vie culturelle ;
e) Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
f) Mettre à la disposition des personnes les ressources culturelles, encourager les parcours et favoriser les échanges et les interactions entre les expressions culturelles ;
g) Favoriser les pratiques en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;
h) Mettre en œuvre, en conformité avec le code de l’éducation, des parcours d’éducation artistique et culturelle à destination de la jeunesse et favoriser l’implication des artistes dans ces actions, dans le cadre de leur activité professionnelle ;
i) Favoriser la présence des arts et de la culture dans le monde du travail et dans les lieux de vie sociale ;
3° Former à la pratique artistique :
a) Contribuer à la formation initiale et continue des artistes professionnels ;
b) Mettre en place des dispositifs de reconversion professionnelle ;
c) Contribuer à la transmission des arts et de la culture dans leur diversité ;
d) Favoriser la transmission des savoirs et savoir-faire au sein et entre les générations ;
4° Soutenir les établissements qui mettent en œuvre ces objectifs :
a) Garantir la liberté de diffusion artistique, développer ses moyens, mobiliser à cette fin l’audiovisuel public ;
b) Promouvoir la circulation des œuvres et la coopération des établissements au service de la production, de la diffusion et de la médiation ;
c) Mettre en valeur les propositions artistiques dans l’espace public, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;
d) Soutenir les actions de médiation et les processus artistiques participatifs ;
5° Renforcer la coopération entre l’État et les collectivités territoriales dans l’élaboration de politiques communes.
Dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, respectent et veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
La parole est à M. David Assouline.
Après le foisonnement de la discussion sur l’article 2, où chacun a ajouté ce qu’il lui semblait nécessaire de mentionner dans la loi en matière de droits culturels, de participation des citoyens, d’association de la population, de droits des artistes et des professions concernées, nous avons proposé d’y mettre un peu d’ordre pour donner du sens à ce qui pouvait s’apparenter à un inventaire à la Prévert. L’amendement que nous vous présentons, par son caractère énumératif, conserve cet aspect, mais il est très ordonné et précis. Je me réjouis d'ailleurs que la commission, ce matin, ait donné un avis favorable.
Par cet amendement, nous proposons de réparer quelques oublis. La notion de diversité artistique, professionnelle et culturelle, par exemple, ne figure pas dans la rédaction actuelle. C’est un oubli dommageable, car ce qui est en jeu dans la transmission, c’est le contour de ce qui constitue le patrimoine commun.
Le terme de médiation n’apparaît pas non plus, seulement celui d’éducation artistique et culturelle. Nous avons voulu renforcer cet aspect.
Le volet de la formation est considéré comme optionnel et non pas obligatoire. En effet, l’article est hiérarchisé entre des missions obligatoires de formation et des missions optionnelles, l’éducation artistique et culturelle et, plus loin, les parcours d’éducation artistique et culturelle.
Ranger la médiation dans les missions optionnelles est insuffisant pour deux raisons : la première, c’est l’évolution du métier qui requiert de plus en plus d’être en lien avec les personnes. Un établissement de formation supérieure se doit de préparer les artistes à ce volet de leur métier. L’argument mis en avant par certains, c’est que les musiciens d’orchestre ou encore les professeurs des conservatoires, par exemple, n’ont pas été formés à cet effet et que l’on ne peut donc pas attendre d’eux qu’ils conduisent des actions de médiation, sauf démarche volontaire.
Enfin, nous avons souhaité compléter la rédaction de l’Assemblée nationale, en prévoyant l’accès aux personnes souffrant d’un handicap aux pratiques culturelles et artistiques, l’encouragement au mécénat, souhaité par notre rapporteur, la reconnaissance des droits culturels, comme prévu par la loi NOTRe, et le rappel de la règle de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui doit guider de nombreuses actions.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, une rédaction d’ensemble de l’article 2, qui lui donne une cohérence, en n’oubliant aucun de ces droits et aucune de ces préoccupations.
Et je remercie de nouveau la commission d’avoir voté en faveur de cette rédaction.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Ce n’est pas tout à fait ainsi que cela s’est passé.
Sourires.
Le sous-amendement n° 504, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux, est ainsi libellé :
Amendement n° 70 rectifié
I. – Après l'alinéa 3
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
1° Favoriser l’accès, la participation et la contribution des personnes :
a) Garantir les droits culturels des personnes ;
b) Garantir l’égalité d’accès des personnes à l’art dans sa diversité et leur participation à la vie culturelle ;
c) Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
d) Garantir la diversité des expressions culturelles et la liberté de participer et de contribuer à la vie culturelle ;
e) Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
f) Mettre à la disposition des personnes les ressources culturelles, encourager les parcours et favoriser les échanges et les interactions entre les expressions culturelles ;
g) Favoriser les pratiques en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;
h) Mettre en œuvre, en conformité avec le code de l’éducation, des parcours d’éducation artistique et culturelle à destination de la jeunesse et favoriser l’implication des artistes dans ces actions, dans le cadre de leur activité professionnelle ;
i) Favoriser la présence des arts et de la culture dans le monde du travail et dans les lieux de vie sociale ;
II. – En conséquence, alinéas 16 à 25
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Le sous-amendement n° 504 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 70 rectifié ?
Il était tout de même hasardeux, dans cet article 2, d’établir la liste la plus exhaustive possible des objectifs que se fixe la création, à tel point qu’en les additionnant les uns aux autres on en vient à se demander lesquels ont été oubliés. Je ressens un certain paradoxe, au fond, dans cette liberté qui est exprimée, à vouloir établir des cases pour définir ces objectifs.
Il est vrai que la liste regroupant les ajouts successifs manquait de cohérence à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, une cohérence que la commission a rétablie. Or vous proposez une autre rédaction à laquelle, à titre personnel, je ne souscris pas, même si, comme vous l’avez rappelé, la commission a donné, tôt ce matin, un avis favorable sur votre amendement.
Et je déplore ce qui s’est passé !
Mes chers collègues, je vous transmets donc l’avis favorable de la commission, mais, en ce qui me concerne, je suis défavorable à cet amendement.
Je partage le souci de lisibilité de cet amendement. Il est, je crois, important que la formulation des objectifs publics des politiques culturelles traduise au plus juste l’ambition qu’elles s’assignent. Je salue d'ailleurs le travail qui a été mené pour détailler toute la richesse de cet article. La formulation issue des travaux de la commission améliorait déjà globalement la lisibilité des objectifs. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Je relève néanmoins, pour la clarté des débats, que la formulation retenue pour les droits culturels devrait être modifiée par cohérence avec la formulation de la loi NOTRe, afin de préciser que la compétence partagée s’exerce dans le respect des droits culturels au sens de la convention de l’UNESCO, mais j’aurai probablement l’occasion d’y revenir au cours de la navette.
M. Bruno Retailleau. Bien que nous soyons généralement extrêmement disciplinés et que nous nous plaisions à suivre les avis de la commission, dans ce cas précis, nous suivrons l’avis personnel du rapporteur : j’invite mon groupe à voter contre cet amendement.
Sourires.
M. David Assouline. Vous pouvez sourire, mais le vote d’une commission, ce n’est pas rien ! Nous ne dirigeons pas la commission de la culture, nous n’y sommes pas majoritaires, mais la démocratie, c’est le respect de la décision de ceux qui sont présents à l’heure au moment des délibérations.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. David Assouline. Je demande aux touristes de ce soir de ne parler que lorsqu’ils ont la parole et de nous laisser nous exprimer sans nous interrompre !
Vives protestations sur les mêmes travées.
Mais je ne sais pas pourquoi vous vous énervez ainsi ! §Le touriste, c’est quelqu’un qui « passe » sur un sujet. J’ai employé cette expression parce que nous sommes plusieurs à avoir travaillé sur ce texte et, depuis le début, nous nous écoutons mutuellement. Je ne voulais rien dire d’autre.
Vous vous écoutez surtout parler !
Ce matin, la commission, une et indivisible, a émis un avis favorable sur cet amendement. Je comprends que le rapporteur ne soit pas d’accord, …
… mais j’aimerais aussi obtenir des réponses à mes questions – nous les aurons peut-être lorsque nous examinerons les amendements suivants.
Cette nouvelle écriture de l’article 2 que nous proposons n’est pas le fruit du hasard. Nous voulons introduire davantage de cohérence, mais aussi intégrer des éléments que le rapporteur a écartés, et qui nous semblent très importants. Pour certains, cet article dresse un inventaire à la Prévert.
La commission a émis ce matin un avis défavorable sur un amendement de repli visant à garantir le droit d’accès à la culture pour les personnes handicapées.
C’est pourtant un point très important à nos yeux, car les lieux de culture ne sont souvent pas conçus pour accueillir ces personnes, qui doivent pouvoir accéder à la culture comme tout un chacun.
Pour cette raison, et pour d’autres, nous avons décidé de déposer cet amendement et de le maintenir. J’en ai terminé, monsieur le président, mais je vous signale que mes collègues m’ont empêché de parler pendant une minute.
M. le président. Depuis le début de ce débat, vous avez régulièrement dépassé votre temps de parole, monsieur Assouline. Les règles sont les mêmes des deux côtés de l’hémicycle.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Nous voterons cet amendement.
L’écriture de cet article progresse au fil du travail parlementaire ; c’est d’ailleurs le rôle du Parlement.
À mes yeux, elle progresse dans le bon sens.
Il ne s’agit pas d’un inventaire à la Prévert, même si, évidemment, on peut regretter que l’ensemble des alinéas qui forment désormais l’article 2 ne fassent pas tous l’objet de dispositions détaillées dans le reste du texte. Sur certains points, nous aurions souhaité une loi plus ambitieuse.
Il n’en demeure pas moins que ce texte, dont nous avons tous souligné l’importance à la tribune, était très attendu. Après l’article 1er, l’article 2 est l’occasion d’affirmer toute une série de principes fondamentaux qui guideront et éclaireront de façon positive la politique en faveur de la création artistique qui sera conduite dans les années à venir.
Selon nous, il s’agit bien d’une politique « de service public », et ces termes, qui avaient disparu du texte de la commission, sont réintroduits à juste titre par cet amendement.
Cet article nous semble utile et important. La rédaction peut encore s’enrichir au fil de la navette parlementaire, et c’est tant mieux, mais, en l’état, nous voterons la proposition de réécriture défendue par David Assouline.
Je ne partage pas l’enthousiasme de mon collègue.
La proposition de M. Assouline et de son groupe a certes le mérite de clarifier, d’ordonner et de rendre beaucoup plus lisible cet article.
Mais les « droits culturels » se sont subrepticement évaporés de la phrase chapeau… Or c’est une conquête que nous avons obtenue au Sénat après un an d’efforts, et il serait vraiment inopportun de les faire disparaître du texte.
Ensuite, j’avais déposé un sous-amendement d’inversion des priorités, qui faisait passer le public avant les artistes. Le cas échéant, je le déposerai de nouveau en commission lors d’une prochaine lecture. Je pense en effet qu’une politique publique ne doit pas être conçue uniquement pour servir les professionnels. Quand on élabore une politique des transports, on ne dit pas que son but principal est de développer l’industrie ferroviaire, mais il est de favoriser la mobilité et l’acheminement des denrées. Il faut mettre les habitants et les gens avant les artistes, même si ces derniers sont au cœur d’un projet de loi sur la création.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 304 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, une politique de service public en faveur de la création artistique.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, je souhaite rectifier l’alinéa 1 de cet amendement, afin de réintégrer dans la rédaction de cet article la question du respect des droits culturels des personnes. Il se lirait ainsi : « L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique de service public en faveur de la création artistique. »
Je suis donc saisi d’un amendement n° 304 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes, une politique de service public en faveur de la création artistique.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Comme vous le savez, cet article 2 est d’une importance fondamentale, car il fixe pour la première fois au niveau de la loi les objectifs majeurs qui gouvernent l’action publique en faveur de la création artistique. De nouveau, je remercie la commission pour son travail de simplification rédactionnelle. Les formulations retenues améliorent, pour la plupart, la lisibilité des objectifs, même si certaines modifications réduisent quelque peu nos intentions sur le fond.
L’amendement que défend le Gouvernement vise ainsi à modifier la rédaction proposée par la commission sur trois points, qui constituent une priorité de mon ministère.
Le I prévoit de modifier l’alinéa 1 pour rétablir le caractère de service public de la politique en faveur de la création artistique. Cette consécration législative marque sans ambiguïté que la culture, au même titre que l’éducation nationale, est un service public dans toutes ses dimensions et composantes. Elle s’inscrit aussi dans la continuité des grands textes fondateurs, notamment la charte des missions de service public pour le spectacle vivant de 1998 et la charte des missions de service public pour les institutions d’art contemporain du 27 novembre 2000.
Cette rédaction n’aura pas pour effet de diminuer le rôle joué par le secteur associatif, ou encore par le secteur privé lucratif, mais, au contraire, de conforter le caractère d’intérêt général de leurs actions dans le secteur culturel. Je suis donc attachée, tout comme vous, à la diversité des acteurs, qui contribue à la richesse et à la vigueur de la culture dans notre pays. La rédaction que nous proposons met en exergue cet intérêt.
Toutefois, de même que le service public de l’éducation ou le service public hospitalier associent des acteurs publics et des acteurs privés, il est temps, me semble-t-il, de reconnaître la notion de service public dans les politiques culturelles.
Le II vise à rétablir et à améliorer la formulation proposée pour l’éducation artistique et culturelle. À mon sens, la rédaction issue des travaux de la commission, à trop simplifier, a beaucoup perdu en ambition. L’éducation artistique et culturelle, c’est la condition du développement d’une politique culturelle volontariste tournée vers l’ensemble des publics. Il importe donc d’affirmer très fortement, dans toutes ses dimensions, cette politique, et de mettre les parcours d’éducation artistique et culturelle au cœur de l’action de l’État, en direction de tous les jeunes, et de reconnaître aussi le rôle primordial de l’artiste dans les actions d’éducation artistique et culturelle. Je souhaite donc donner une portée plus importante à notre texte, en défendant un amendement de rétablissement très clair.
Enfin, au III, je propose de supprimer l’alinéa 11, qui impose le recours à une procédure d’appel à projets pour l’octroi des subventions dans le secteur culturel. Si les objectifs de transparence et d’équité président évidemment à l’octroi des subventions dans le secteur culturel, le recours à une procédure d’appel à projets ne constitue qu’une modalité d’attribution relevant d’une appréciation au cas par cas, suivant la nature des projets.
Cet ajout va, de plus, au-delà des règles définies de manière transversale par l’article 59 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 71 rectifié est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 219 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 431 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Mézard, Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après les mots :
une politique
insérer les mots :
de service public
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.
Dans le même esprit que l’amendement du Gouvernement, nous proposons simplement de réintroduire la notion de service public.
Notre amendement vise à rétablir un membre de phrase évidemment très important, supprimé dans le texte de la commission, et que l’amendement du Gouvernement prévoit également de rétablir.
Par les termes « politique de service public », il ne s’agit pas de dire que les acteurs de la politique culturelle sont tous des institutions publiques ; cela n’a rien à voir. Une politique de service public est une politique qui peut mettre en œuvre, mettre au travail et faire coopérer des institutions de caractère public et d’autres qui ne le sont pas. Mais il est extrêmement important que la politique nationale soit définie comme telle, comme une politique de service public en matière de culture.
Nous tenons donc évidemment à ce membre de phrase, dont le rapporteur ne nous a toujours pas dit pour quelle raison il avait disparu.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 431 rectifié.
Nous insistons, les uns et les autres, pour rétablir cette notion de politique de service public, qui a été supprimée par la commission du Sénat – mais nous allons sans doute bientôt savoir pourquoi !
Au cœur de cette notion réside la question de l’accès de tous nos concitoyens, quels que soient leur lieu de résidence ou leurs revenus, à la création artistique ou à l’éducation artistique et culturelle.
La politique de l’État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique est une politique de service public, y compris lorsqu’il s’agit pour l’État et les collectivités d’encourager les actions du privé en faveur de la création. Nous avons donc tous envie que ces termes soient réintroduits.
L'amendement n° 216, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et fondée sur un égal accès des femmes et des hommes
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
dans le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet article, qui vise à définir le rôle de la puissance publique centrale et décentralisée dans le monde de la culture, a été modifié en profondeur à de multiples reprises.
La question de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines de la création, initialement absente, a été ajoutée par nos collègues députés, puis « remontée » en meilleure position par la commission du Sénat. En effet, sa place initiale, en remorque de l’article, ne pouvait offrir à cette exigence la place qu’elle méritait.
Toutefois, si nous saluons sa nouvelle position au sein de l’alinéa 3, il nous apparaît que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes ne se trouve pas encore à sa juste place, et qu’elle devrait figurer à l’alinéa 1.
Nous voulons croire que la création artistique et culturelle et la société sont interdépendantes, et qu’elles s’influencent l’une l’autre. La bataille pour l’égalité entre les sexes doit donc passer, pour partie, par le véhicule de la culture et des arts. C’est pour cette première raison qu’il nous apparaît essentiel de compléter l’alinéa 1, en y ajoutant la question de l’égalité entre les sexes.
De fait, une politique culturelle et artistique ne saurait se fonder sur autre chose que la stricte égalité, dans l’ensemble de ces domaines, entre les citoyens, et donc les sexes. Cette exigence est d’autant plus centrale que le constat est accablant. Il n’est qu’à voir la récente polémique au festival d’Angoulême ; il n’est qu’à lire certaines tribunes particulièrement virulentes dans une partie de la presse spécialisée lorsque l’on parle de la nécessaire féminisation des postes à responsabilité dans le domaine des arts ; il n’est qu’à visiter l’exposition intitulée « Qui a peur des femmes photographes ? » ; il n’est qu’à regarder ce qu’est devenu le projet de musée des femmes pour voir le long chemin qu’il reste à parcourir.
Pour terminer mon propos, permettez-moi de citer deux chiffres : 31 % et 24 %, ce qui correspond à la représentation des femmes respectivement dans la direction des musées nationaux et dans les œuvres exposées.
Il est donc temps que la culture et les arts, « miroir de la nation », prennent à bras-le-corps ce problème de sous-représentation.
Nous voulons croire que, en plaçant l’égalité entre les sexes à la base de la politique culturelle du pays, nous pourrons parvenir à changer positivement les choses. C’est bien plus exigeant que d’affirmer un simple besoin de respect.
Je suis d’accord, mais alors plafonnons partout à 50 % la représentation des femmes, dans la médecine, la justice, l’éducation !
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
6° Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans ces actions ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Cet amendement vise à préciser, à l’alinéa 8, la mission des politiques publiques en faveur de la culture, en mettant notamment l’accent sur les publics que l’on dit « spécifiques », c’est-à-dire ceux qui en sont les plus éloignés. Comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure, il faut développer des actions d’éducation artistique et culturelle.
Il faut également favoriser l’accès de la culture aux publics empêchés. Vous le savez, mes chers collègues, des actions de médiation sont menées envers ces publics, qui n’ont pas parfois le même égal accès à certains projets culturels.
C’est pourquoi il importe d’apporter ces précisions.
Le sous-amendement n° 505, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux, est ainsi libellé :
Amendement 76 rectifié, alinéa 3
Après le mot :
permettant
insérer les mots :
la découverte et
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’amendement n° 76 rectifié, qui vient d’être présenté, indique que l’éducation artistique et culturelle permet l’épanouissement des aptitudes individuelles.
Nous souhaitons ajouter qu’elle permet aussi la découverte de ces aptitudes. Sans cela, on pourrait avoir l’impression que l’on s’intéresse uniquement aux enfants qui ont l’oreille absolue, par exemple, aux petits chéris doués.
Pour notre part, il nous semble qu’il faut à la fois faire naître de nouveaux talents et cultiver ceux qui existent.
L'amendement n° 223, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
tous les publics
insérer les mots :
, notamment ceux les plus éloignés de la culture,
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
On peut comprendre la logique qui a conduit à supprimer, en commission, la référence aux publics les plus éloignés de la culture. Il est vrai que l’article 103 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République reconnaît à chacun sa participation à la culture et aux arts. Personne n’en est tenu éloigné.
Pourtant, le principe de réalité s’impose. Exclure de la loi le fait que tout le monde n’est pas égal face à la culture, aux arts et aux œuvres de l’esprit en général, c’est perpétuer et entretenir une double dynamique dangereuse : l’exclusion toujours plus forte de certaines et de certains et l’uniformisation des contenus. C’est la raison pour laquelle nous voulons revenir sur ce point.
L'amendement n° 363 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
permettant
insérer les mots :
la découverte et
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’argumentation que j’ai défendue pour ce qui concerne le sous-amendement n° 505 vaut aussi pour cet amendement : l’éducation artistique et culturelle doit permettre non pas seulement l’épanouissement, mais aussi la découverte des aptitudes individuelles.
L’amendement n° 364, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier au contact d’artistes dans le cadre de leur activité professionnelle
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement vise à reconnaître le rôle central des artistes dans les actions d’éducation artistique et culturelle. Ils sont fortement engagés, sur l’ensemble de nos territoires, dans des actions de sensibilisation et de transmission auprès de tous les publics. Ils favorisent l’accès le plus large aux œuvres artistiques et l’accompagnement des parcours culturels d’émancipation de chacun.
Pour ces raisons, il nous semble important de rappeler que les actions d’éducation artistique se font au contact d’artistes, en particulier dans le cadre de leur activité professionnelle, et pas seulement de médiateurs. C’est bien en tant qu’artistes, et non en tant qu’enseignants ou animateurs, qu’ils interviennent à la demande de l’État ou des collectivités territoriales.
Cette précision est destinée à lever certaines ambiguïtés : Pôle emploi, par exemple, ne reconnaît pas toujours ces actions comme partie intégrante du métier d’artiste. Je tiens d’ailleurs à votre disposition l’exemple d’un artiste chorégraphe intervenant dans le cadre d’ateliers de danse : ces ateliers n’ont pas été retenus au titre de l’annexe X de la convention relative à l’indemnisation du chômage, mais requalifiés comme relevant du régime général, ce qui a entraîné un trop-perçu de 14 000 euros.
L'amendement n° 365, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
9° Favoriser la démocratie culturelle en garantissant la transparence des critères, pour les attributions de subventions publiques comme pour les nominations, et en ayant recours à une évaluation régulière et partagée des actions menées ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
La rédaction proposée par la commission pour l’alinéa 11 de l’article 2 répond à des objectifs très louables de justice des subventions, de transparence et d’évaluation.
Cet amendement regroupe toutes ces belles finalités sous le nom de « démocratie culturelle », à ne pas confondre avec la démocratisation culturelle. Nous souhaitons appliquer également ces critères vertueux aux nominations, ce qui n’avait pas été prévu par le rapporteur.
Cet amendement sera suivi d’amendements de repli, moins ambitieux.
L’amendement n° 366, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
9° Garantir la transparence dans l’octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique, et une évaluation régulière et partagée des actions menées ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement, qui prévoit lui aussi une nouvelle rédaction de l’alinéa 11, reprend les principes de transparence et d’évaluation, sans citer le mécanisme des appels à projet comme la solution idéale pour atteindre ces buts louables.
En effet, les appels à projet, qui peuvent, dans certaines circonstances, constituer une méthode adaptée, présenteraient des inconvénients s’ils devenaient la règle unique.
Tout d’abord, ils sont contradictoires avec l’autonomie de l’initiative culturelle, telle qu’elle est protégée par la charte des engagements réciproques signée en 2014 par le Premier ministre.
Ensuite, ils fragilisent, à l’égard de la Commission européenne, la justification de l’usage de l’argent public en dehors de toute mise en concurrence et de tout acte de commande des pouvoirs publics.
Enfin – et c’est sans doute ce qui peut nous rassembler –, ils peuvent provoquer des ruptures dommageables pour la permanence artistique sur un territoire, pour peu que des réponses à ces sortes d’appels d’offres puissent arriver de toute structure européenne, susceptible d’y répondre sans même connaître le territoire.
L'amendement n° 367, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
le recours à des appels à projet
par les mots :
des conventions et dispositifs concertés
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement représente en quelque sort le SMIC de nos propositions… C’est le repli du repli !
Je disais tout à l’heure qu’il était hasardeux et compliqué de se lancer dans la rédaction d’une liste. Je maintiens cette perception…
Certains me demandent d’expliquer la suppression, par la commission, de la notion de service public. Au fond, nous n’avons rien fait d’autre que de revenir au texte du Gouvernement. En effet, le texte initial n’intégrait pas du tout cette notion : « L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique en faveur de la création artistique. »
C’est le droit de l’Assemblée nationale de modifier cet article, en ajoutant la notion de service public, mais cela peut entraîner une forme d’ambiguïté sémantique.
On peut parler de politique publique de la culture, mais nous avons préféré revenir au texte initial du Gouvernement.
Ce texte vise à favoriser la création, l’ouverture et l’émergence de talents en provenance de toutes parts. Dès lors, pourquoi limiter les choses ou être restrictif, en laissant entendre que seul le service public est concerné ?
En ce qui concerne les droits culturels, je veux rappeler à Mme Blandin que c’est la commission qui a fait remonter cette notion à l’alinéa 1 de l’article 2, car elle avait été reléguée plus loin dans les versions précédentes du texte.
La commission est défavorable à l’amendement n° 304 rectifié bis, aux amendements identiques n° 71 rectifié, 219 et 431 rectifié, ainsi qu’aux amendements n° 216, 76 rectifié et 223.
À la faveur de la précision qui a été apportée, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 363 rectifié.
Par ailleurs, elle est défavorable aux amendements n° 364 et 365.
Enfin, la commission émet un avis de sagesse – plutôt positive – sur l’amendement n° 366, dont l’adoption rendrait l’amendement n° 367 sans objet.
Le Gouvernement est favorable à l’ensemble des amendements en discussion commune. Ils intègrent, à mes yeux, des objectifs extrêmement importants.
En ce qui concerne l’affirmation du rôle de service public de la politique culturelle, je tiens à préciser que le Gouvernement, même s’il n’a pas fait figurer ce terme dans le projet de loi initial, n’y est pas défavorable, bien au contraire. Ce sujet de discussion a été porté par Marie-George Buffet à l’Assemblée nationale, et le Gouvernement s’y est montré très favorable.
De la même façon, le Gouvernement est également très favorable aux amendements visant à préciser les objectifs en matière d’éducation artistique et culturelle, ainsi qu’à l’amendement relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mon ministère est extrêmement engagé sur cette question, puisqu’il est l’un des rares à avoir mis en place un observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est en particulier chargé d’examiner les conditions de rémunération ou d’accès aux moyens de production des femmes dans la sphère culturelle.
Je suis, enfin, très attachée aux objectifs de transparence dans l’attribution des subventions.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’ensemble des amendements.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’amendement n° 304 rectifié bis.
Je souhaite insister sur l’idée de service public.
Monsieur le rapporteur, vous entretenez une confusion à ce sujet. Cette idée a traversé les années et les majorités ; il ne s’agit donc pas d’une question idéologique.
Il existe de grandes politiques de service public, qui sont mises en œuvre à la fois par des acteurs publics et par d’autres qui ne le sont pas. Je pense, par exemple, à la grande politique de service public de la santé – quoi que je pense de l’état actuel de ce secteur en France ! – à laquelle participent l’ensemble des médecins libéraux.
Parler de politique de service public ne signifie donc absolument pas que nous considérions qu’il faille réduire la mise en œuvre de celle-ci à des acteurs publics. Il ne s’agit pas de cela.
Ma collègue Sylvie Robert l’a indiqué, on ne peut pas rester arc-bouté sur une position, qui se réfère simplement à une version initiale du Gouvernement. L’expression de service public a été introduite grâce aux débats de l’Assemblée nationale, car l’absence de cette notion pouvait prêter à confusion.
S’il existe aujourd’hui un domaine où nous avons une responsabilité, en particulier du fait de l’exception culturelle et de la nécessaire diversité culturelle, c’est bien celui de la culture et de la création artistique.
Une politique de service public n’est pas du tout antinomique avec la nécessité de libérer les énergies en matière de création artistique et ne doit pas constituer un frein pour les acteurs privés ou les amateurs. En outre, une telle politique, contrairement à l’interprétation que j’ai pu entendre, ne signifie pas une fonctionnarisation : une politique de service public, ce n’est pas ici une politique de fonction publique.
Il n’est donc pas compréhensible de faire disparaître cette notion. Peut-être voulez-vous lever des confusions ? Mais on ne fait là que se référer à une constante depuis Malraux. Il ne faisait pas partie de ma famille politique, mais, en l’occurrence, il reste un maître en matière de politique culturelle. Il a révolutionné ce secteur, que ce soit par sa philosophie ou par la mise en place du ministère de la culture. Affirmer cette notion, c’est lui rendre hommage, ce n’est pas autre chose.
L’amendement n’est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 71 rectifié, 219 et 431 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n’est pas adopté.
Le sous-amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 367 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 359, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique ;
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Le texte du Gouvernement et celui de la commission, comme la nouvelle rédaction proposée précédemment par M. Assouline, qui n’a pas été adoptée, ordonnent les objectifs de la loi en commençant par le soutien à la création et aux talents.
Les écologistes approuvent ce soutien aux professionnels, car la création est vraiment le ressort de la production de biens communs culturels qui non seulement font sens et lien à une époque donnée, mais aussi laissent des œuvres cumulées dans le temps qui caractérisent l’humanité.
Toutefois, ils pensent que l’objet premier d’une politique publique, quelle qu’elle soit, doit d’abord s’adresser à l’ensemble de la population. C’est pourquoi ils proposent de faire remonter, dans la liste des objectifs de la politique culturelle, la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique – ce qui englobe les créateurs comme les habitants dans leurs pratiques et leurs aspirations – avant l’objectif de soutien aux professionnels.
Par comparaison, on n’imaginerait pas une loi sur la santé qui fixerait comme premier objectif la fabrication de médicaments ou le soutien aux praticiens. Une telle politique doit d’abord viser à garantir le bon état du capital de santé de chacun. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on n’imaginerait pas non plus qu’une loi sur les transports commence par la mention du soutien au transport ferroviaire ou au transport routier.
C’est dans cet esprit que nous proposons de changer, modestement mais symboliquement, l’ordre des priorités. La politique culturelle se fait d’abord pour et avec tous les citoyens !
Cet amendement vise à faire de la liberté de choix des pratiques culturelles le premier objectif de la politique en faveur de la création artistique, ce qui est contradictoire avec l’objectif même de cette politique, énoncé plus haut, à savoir le soutien aux œuvres et aux artistes. Les auteurs de cet amendement proposent de permuter l’ordre des choses.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 224, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
soutenir
insérer les mots :
l’existence et
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement vise à réintroduire une précision supprimée par la commission, car il s’agit d’une nuance importante pour les membres du groupe CRC.
Oui, l’État et les collectivités territoriales ont pour mission d’assurer le développement des structures culturelles et artistiques sur l’ensemble du territoire national, mais l’État et les collectivités territoriales ont aussi une obligation politique, celle de permettre l’émergence de lieux de culture là où il n’y en a pas. En effet, là où aucun espace culturel ou artistique n’existe, on trouve des individus très éloignés, tant physiquement que socialement, de la culture et des arts.
C’est donc notre rôle, en présentant cet amendement que certains pourraient qualifier de « rédactionnel », de rappeler l’importance capitale de la nécessaire démocratisation de la culture et des arts.
Cet amendement est assez proche de l’amendement n° 72 rectifié que nous allons examiner plus tard.
Autant on peut comprendre ce que signifie le fait d’encourager « l’émergence, le développement et le renouvellement des talents », autant la référence au fait d’« encourager l’existence » des talents n’est pas très claire et peut même nous amener à nous interroger. Signifie-t-elle qu’il faut subventionner les artistes reconnus par principe, indépendamment de leurs réalisations ? La question peut se poser.
J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que, ultérieurement, sur l’amendement n° 72 rectifié.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Effectivement, le soutien à la création artistique ne saurait se limiter au développement des structures ou des actions existantes. Il me semble que l’ajout du terme « existence » est important pour indiquer que, outre le soutien à la création de structures ou au développement d’activités artistiques et culturelles, le soutien à l’existence de la création artistique est aussi un objectif de l’action publique.
Catherine Tasca évoquait tout à l’heure les difficultés budgétaires qui « justifient » parfois que certaines collectivités se désengagent assez massivement des institutions culturelles. Il me paraît important de rappeler que, même lorsque ces collectivités sont confrontées à des difficultés budgétaires – ce qui est également le cas de l’État ! –, beaucoup d’entre elles font aujourd’hui le choix du maintien de leurs crédits à la culture – en tout cas, je tente de les encourager dans cette voie ! –, afin de maintenir les établissements culturels, de les soutenir dans l’accomplissement de leurs missions et d’aider au mieux les équipes artistiques.
Il est absolument indispensable de ne pas mettre à terre les établissements et le maillage d’institutions culturelles que plusieurs décennies de décentralisation culturelle ont contribué à mettre en place et qui sont aujourd’hui au cœur de l’animation de la vie culturelle de notre pays.
Il s’agit d’un engagement et d’une nécessité absolus, et c’est dans cet esprit que j’ai souhaité conclure les pactes culturels avec les collectivités territoriales volontaires. C’est pourquoi je suis très favorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 360, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et le rayonnement de la France à l’étranger,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je vais m’entourer de précautions pour présenter cet amendement, parce qu’un lecteur non averti pourrait considérer que nous souhaitons mettre fin au rayonnement de la France à l’étranger.
Rassurez-vous, mes chers collègues, la suppression qui est ici proposée n’est pas l’expression d’un renoncement à faire valoir hors de nos frontières la qualité et la diversité de nos créations, de nos spectacles et de l’ensemble des œuvres produites en France.
Cependant, le rayonnement culturel – que Mme la ministre favorise, tout comme M. le ministre des affaires étrangères – ne peut pas être un objectif en soi : on ne crée pas pour être visible à l’étranger, on ne monte pas une pièce en se disant qu’elle fera recette ailleurs. On construit le Louvre-Lens d’abord pour les habitants du bassin minier : puisque le résultat est beau, tout le monde vient d’ailleurs pour le voir. On construit le musée La Piscine à Roubaix, ou bien le MuCEM, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, pour les habitants et avec eux : ceux qui les visitent sentent tellement l’authenticité, la justesse des parcours, la ferveur qui lient ces projets aux territoires et le choix des œuvres que le rayonnement naît de la qualité de la réalisation et non pas d’un objectif proclamé a priori.
En revanche, je n’aurai pas la cruauté de citer des exemples ou des initiatives conçus uniquement pour le rayonnement, qui furent des échecs retentissants ou d’éphémères événements, aussi vite oubliés que cités au détour de brochures de voyagistes.
Au contraire, j’estime que la poursuite de l’objectif du rayonnement de la France à l’étranger grâce à la vitalité de sa création artistique constitue l’un des fondements du soutien public à la création.
Dès lors, l’avis de la commission est défavorable.
J’ai du mal à comprendre ce débat.
Il me semble que, quand on construit un musée, on le construit évidemment pour les habitants du territoire sur lequel il se trouve, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui peuvent apprécier de le visiter : il contribue donc aussi au rayonnement de la France. Il serait donc malheureux de supprimer cette référence dans un tel texte.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 361, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer le mot :
française
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je vais vous accabler dans le malheur ! Nous avons maintenu dans ce projet de loi la mention du rayonnement de la France à l’étranger, et il me semble donc redondant et maladroit de mentionner de nouveau le qualificatif « française » dans la même phrase.
Je sais bien que, après ces années bouleversées, la tendance est à se tenir chauds les cœurs autour de notre pays. J’attire cependant votre attention sur un point : si ce qualificatif s’applique sans ambiguïté aux œuvres rédigées, énoncées ou chantées en langue française, excluant de fait d’autres langues parlées en France comme le picard ou le breton, il devient impossible à interpréter pour un ballet ou un tableau, par exemple, et il écarterait au passage des coproductions d’artistes en résidence et venus d’ailleurs.
La complexité résultant des termes « œuvres d’expression originale française » et les potentielles tenues à l’écart qu’elle pourrait engendrer, outre la répétition dans la même phrase, nous semblent justifier la suppression de ce qualificatif, d’autant que la culture et l’art tendent à tirer chacune et chacun vers l’universel.
Vous ne serez pas étonnée, madame Blandin, que j’émette un avis défavorable sur cet amendement.
Il me paraît essentiel de maintenir la référence au caractère français des œuvres d’expression originale bénéficiant d’un soutien, afin de préserver l’exception culturelle. Les critères sont par ailleurs suffisamment souples pour permettre d’encourager des projets de nature internationale avec un fort ancrage français.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Madame la sénatrice, vous estimez qu’il ne convient pas de promouvoir tout particulièrement la création d’œuvres d’expression originale française et qu’il faut donc supprimer l’adjectif « française », dans la mesure où il risque d’encourager des interprétations trop restrictives des critères de soutien à la création sur notre territoire.
Sans rien enlever à notre ambition de faire connaître au plus large public des œuvres de toutes natures, de toutes formes et en toutes langues, l’une des missions fondamentales du ministère de la culture et de la communication, depuis sa création, est de veiller à ce que la culture de langue française rayonne et que les œuvres et les artistes français parviennent à toucher le public le plus large possible, à l’intérieur de nos frontières comme à l’étranger.
À cette fin, le ministère a su développer des dispositifs, en propre ou portés, notamment par l’Institut français, l’Office national de diffusion artistique, l’ONDA, ou encore par nos instruments de valorisation à l’exportation.
À mon sens, il est important de ne pas masquer cet objectif fondamental de défense de notre propre culture, mais, bien entendu, dans un esprit d’ouverture permanente en direction des œuvres et des artistes de tous horizons et de toutes langues.
Nos lieux culturels ont d’ailleurs su développer l’accueil de pièces en langue étrangère, les échanges entre établissements et entre artistes de tous pays, accompagner les publics dans cette connaissance et ce goût de la découverte d’œuvres en d’autres langues, et, au-delà, favoriser une meilleure approche des richesses de l’altérité.
C’est la raison pour laquelle je préfère maintenir cette mention, telle qu’elle figure dans le texte. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il s’agit de savoir si la mention est exclusive. Est-ce que le fait d’être à l’avant-garde pour promouvoir la culture française et les œuvres françaises est exclusif de toute autre action ?
À mon avis, ce n’est pas le sujet. Mais il nous faut quand même pouvoir dire que nous allons promouvoir les œuvres françaises, tout en nous assurant que cette promotion ne se fera pas au détriment des langues régionales, qui font partie de la culture française, ou d’autres cultures avec lesquelles nous avons des échanges. Pour autant, le monde réel de la création artistique des œuvres, avec l’uniformisation de la diffusion, impose des œuvres américaines, par exemple.
Certes, des mots dans une loi ne suffiront pas, mais si nous ne commençons pas par là, nous allons perdre ce combat, qui est, je le pense, déjà mal engagé, même si la France résiste grâce à l’exception culturelle et à cette politique particulière de promotion des œuvres françaises. À l’inverse, regardez comme les grands cinémas, en Italie et en Espagne, sont déjà hors-jeu, pendant que le cinéma français résiste !
S’il y a un pays où tous les artistes du monde savent qu’ils seront aidés, encouragés et où ils adorent venir créer, c’est bien la France ! C’est pourquoi ce terme n’est pas, à mon sens, exclusif.
Aussi, je vais le retirer, monsieur le président. Mais, surtout, Mme la ministre m’a convaincue, en mettant en avant l’altérité.
L’amendement n° 361 est retiré.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
l’émergence,
insérer les mots :
l’existence,
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Nous avons déjà abordé ce sujet précédemment.
Il est de notre rôle, avec nos politiques publiques, non seulement d’accompagner l’émergence des talents, mais aussi de soutenir les talents existants. Nous devons leur offrir tout ce qui est possible en termes de formation et d’insertion professionnelle, ou leur permettre d’accéder aux lieux de diffusion.
Néanmoins, comme cela a déjà été proposé tout à l’heure, je retire cet amendement.
L’amendement n° 72 rectifié est retiré.
L'amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Garantir les droits culturels des personnes ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Il s’agit de garantir véritablement les droits culturels des personnes, conformément aux termes de la loi NOTRe et à la déclaration de Fribourg de 2007.
Ma chère collègue, vous m’en donnerez acte, nous avons remis en bonne place le respect des droits culturels dans la liste des objectifs de la politique en faveur de la création artistique que nous avons élaborée ensemble en commission.
Considérant que cet amendement est satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
À mon sens, cette rédaction est plus forte et plus ambitieuse que celle qui a été retenue par notre rapporteur. En effet, il y a urgence. Si une certaine prise de conscience a émergé depuis peu, les femmes demeurent cruellement sous-représentées dans tous les domaines de la culture et de la création. Or comment les œuvres produites peuvent-elles espérer refléter efficacement notre société si les femmes, qui représentent plus de la moitié de la population française, occupent une moindre place dans la création artistique ?
Malheureusement, elles souffrent d’une représentation très limitée au sein de la programmation artistique. En témoignent les chiffres du rapport de 2015 de l’observatoire de l’égalité entre femmes et hommes du ministère de la culture et de la communication : un quart des spectacles sont mis en scène par les femmes ; 5 % d’entre elles dirigent des concerts ; au cinéma, les chiffres sont un peu meilleurs, mais bien loin d’être satisfaisants.
Je rappelle également que les femmes sont sous-représentées parmi les lauréats des prix et des récompenses. Nous avons tous en mémoire ce qui vient de se passer au festival d’Angoulême. Et je ne parlerai pas des écarts de rémunération, qui sont également flagrants.
Il est grand temps de redresser la barre. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de soutenir l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la création, ce qui est loin d’être accessoire. Ce soutien est même fondamental et nous engage toutes et tous.
Le soutien à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique est un objectif tout à fait louable, que nous soutenons. Nous le savons, il s’agit d’une démarche longue…
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cela prend du temps, mais je n’y peux rien !
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.
Je pense vraiment qu’ajouter un alinéa supplémentaire peut être de nature à affaiblir la portée de votre combat, madame la sénatrice. C’est ce qui arrive parfois quand on multiplie les rappels.
La commission a inscrit, à ma demande, cet objectif au 1° de l’énumération. J’estime donc que c’est suffisant.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je suis un peu attristée par la position de M. le rapporteur, car je considère qu’il s’agit d’un objectif non seulement louable et légitime, mais aussi nécessaire et indispensable. J’ai d’ailleurs rappelé tout à l’heure que j’avais souhaité créer un observatoire de la parité entre femmes et hommes au sein du ministère de la culture et de la communication.
Les premières statistiques que cet observatoire a rendues publiques cette année ont montré qu’il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour assurer une véritable égalité de traitement entre les femmes et les hommes, que ce soit en termes de présence à des postes de responsabilité et sur les plateaux, d’accès aux moyens de production ou de représentation dans les institutions culturelles.
Vous connaissez mon engagement en faveur du respect de la parité, qui doit demeurer une ardente obligation. Je suis donc favorable à l’introduction d’un alinéa propre sur ce sujet, au-delà de la question de l’objectif de parité dans le soutien à l’existence et à l’émergence des talents prévu au 1°, ce qui constitue une bonne place.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 75 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Développer la création et l’expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l’échange et le vivre ensemble ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Cet amendement vise à faire figurer au sein de l’article 2 la mention de la défense et de la promotion des arts de la rue.
Dans le contexte actuel, où le vivre ensemble est menacé, où la cohésion sociale est souvent mise à mal et où les valeurs de la République sont trop souvent questionnées, il est primordial que nos politiques publiques permettent la création et l’expression artistique et culturelle dans tous les espaces publics, tant urbains que ruraux.
La promotion des arts de la rue, cette culture hors les murs à laquelle je suis très attachée, et qui revêt une importance toute particulière dans mon département, est fondamentale. Elle est un enjeu fort non seulement pour la vitalité artistique – il suffit de voir combien d’adeptes ces spectacles attirent ! –, mais aussi pour l’accès de tous à la culture et constitue, donc, une véritable démocratisation.
Elle est également liée aux politiques d’aménagement des espaces publics et à l’architecture de nos villes. Il s’agit d’un point important, que nous évoquerons lors de la discussion de la deuxième partie de ce projet de loi.
J’estime donc qu’il est essentiel de reconnaître et de promouvoir toutes les initiatives en la matière, portées – ou qui seront portées – tant par l’État que les collectivités territoriales ou les opérateurs privés. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Je rappelle que la commission a essayé de synthétiser, de « ramasser », de rassembler de façon la plus cohérente possible l’ensemble des items qui concourent à une politique de création artistique.
Ma chère collègue, vous souhaitez ajouter aux multiples alinéas un alinéa supplémentaire, mais le 5°, adopté par la commission, prévoit déjà de mettre en valeur les œuvres dans l’espace public, grâce à des dispositifs de soutien adaptés, dans le respect des droits des auteurs et des artistes.
À mon sens, cette rédaction est de nature à répondre aux attentes des professionnels des arts de la rue, que nous soutenons tous ici, car ils contribuent à la qualité du vivre ensemble. Il serait superflu d’ajouter une disposition supplémentaire.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Le ministère de la culture a lancé en avril 2014 une mission nationale pour l’art et la culture dans l’espace public, manifestant ainsi sa volonté de dépasser l’obstacle majeur que constitue le cloisonnement entre les opérateurs, les administrations, les collectivités et les institutions qui interviennent dans l’espace public, et de favoriser les projets artistiques développés dans l’espace public, en particulier dans les contextes de réaménagement urbain.
La mission, présidée par Jean Blaise, va me rendre son rapport dans les jours prochains, et ses conclusions, j’en suis sûre, permettront d’ouvrir des pistes intéressantes pour la mise en œuvre d’une politique structurée sur le sujet.
Pour ma part, j’en suis convaincue, c’est dans l’espace public, hors les murs, que nous parviendrons à toucher les publics les plus éloignés de la culture, qui n’ont pas l’opportunité, le désir ou, tout simplement, les moyens de franchir les portes des établissements culturels.
Pour toutes ces raisons, je le répète, je suis favorable à cet amendement.
Je veux, à mon tour, soutenir cet amendement.
Les arts de la rue sont globalement sous-entendus dans la longue liste des missions des politiques culturelles. Ces disciplines connaissent aujourd’hui des problèmes spécifiques. Les arts de la rue rencontrent non seulement des difficultés de financement, mais aussi, tout simplement, des difficultés d’existence dans l’espace public. En raison tant de l’évolution du tissu urbain que des problèmes d’organisation de la circulation, il devient de plus en plus difficile de les faire vivre.
Or ceux-ci sont un creuset, un vivier d’inventivité pour la création d’aujourd’hui et de demain. Il n’est donc pas superflu, à mon sens, de les mentionner de façon particulière, eux qui contribuent non seulement au vivre ensemble, comme on le signale souvent à juste titre, mais aussi au renouvellement des formes de la création contemporaine.
En tant que présidente du groupe d’études « Arts de la scène, de la rue et festivals en régions », je me sens très concernée par les difficultés auxquelles doivent faire face les arts de la rue : des difficultés financières, bien sûr, mais aussi des difficultés d’aménagement et des problèmes de vandalisme. À ce dernier égard, il convient d’éduquer non seulement nos jeunes, mais également les adultes, qui sont capables aussi de vandaliser des œuvres.
Je voterai résolument cet amendement, car, je persiste et signe, nous devons pouvoir continuer à montrer des œuvres dans la rue.
J’ai été à l’origine de la création, au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, du groupe d’études « Arts de la scène, de la rue et festivals en régions » ; celui-ci vit d’ailleurs bien, ce qui est une très bonne chose. Toutefois, je m’interroge : n’y a-t-il pas contradiction lorsqu’on affirme que la création est libre, de même que l’expression et la diffusion, à vouloir préciser dans la loi les formes de cette création ? Après tout, les arts de la rue ne sont pas seuls à rencontrer des difficultés : les arts de la scène, les salles de spectacles et les théâtres font également face à des difficultés financières majeures, voire à des menaces sur leur survie même.
Il me semble que, à vouloir mentionner certains secteurs plutôt que d’autres, nous risquons de nous éloigner du principe de liberté totale que nous avons tenu à affirmer à l’article 1er. Il n’est pas nécessaire que la loi soit trop bavarde ! Ce qui ne signifie pas que nous ne défendrions pas le développement des arts dans l’espace public, bien au contraire.
Mme la présidente de la commission m’ôte les mots de la bouche. J’ajouterai seulement qu’il ne faudrait pas nous faire un mauvais procès : que nous émettions un avis défavorable sur tel ou tel des amendements qui sont présentés pour promouvoir certains secteurs en particulier ne signifie évidemment pas que nous serions hostiles aux secteurs en question. Les arts de la rue, nous les soutenons ; nous considérons simplement qu’ils sont inclus dans la formulation générique figurant à l’alinéa 5 de l’article 2.
Plus on voudra préciser la rédaction, plus on s’apercevra qu’il y manque des choses. Or, mes chers collègues, nous ne sommes pas en train de dresser l’inventaire de toutes les formes de création possibles dans la rue et partout ailleurs : nous sommes en train d’écrire la loi !
L’intention des auteurs de cet amendement est fondée, car les arts de la rue, qui reposent souvent sur des associations de bénévoles, ont le mérite d’animer l’espace public et, comme on l’a souligné, de soutenir le vivre ensemble. Toutefois, en prenant un peu de recul, ainsi que nous y invitent Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur, on s’aperçoit qu’il est préférable de ne pas alourdir la rédaction du projet de loi, ce qui pourrait créer des contraintes. Je me range donc à leur avis, quelque fondé que l’amendement m’apparaisse au regard de la nécessité de renforcer la citoyenneté et de promouvoir le vivre ensemble, ce dont nous avons aujourd’hui grand besoin.
Comme le même argument nous sera opposé chaque fois que nous voudrons introduire dans le projet de loi une précision, je veux rappeler le contexte.
Alors que nous avons décidé de ne pas toucher à l’article 1er du projet de loi, ce que certains ont critiqué au motif que l’expression « la création est libre » serait proclamatoire et trop générale, qu’on ne nous reproche pas maintenant de vouloir introduire des précisions à l’article 2, dont l’objet est précisément de traiter plus concrètement des politiques qui parlent aux gens, en particulier aux artistes !
On nous objecte que les arts de la rue seraient forcément inclus dans la rédaction actuelle. Non ! Si certains arts apparaissent comme tels de façon évidente pour tout le monde, l’évidence n’est pas la même pour certains autres, qui, de ce fait, sont maltraités. Ainsi, l’un des festivals les plus célèbres des arts de la rue, celui de Chalon-sur-Saône, a vu toutes ses aides publiques supprimées.
Certes, mais personne aujourd’hui ne considère que ces scènes nationales ou l’opéra sont les parents pauvres du soutien à la création artistique et aux arts. Certains arts, comme les marionnettes, ne sont pas aussi bien considérés, alors même que, par le passé, ils ont été puissants dans notre tissu culturel.
De la même façon, dans le domaine économique, si l’on parle beaucoup des artisans, ce n’est pas parce qu’ils seraient le fer de lance de l’économie – encore qu’ils en soient une composante très importante –, mais parce qu’ils détiennent un savoir-faire et assurent la transmission de cultures et de métiers.
Si nous parlons des arts de la rue, c’est pour parler de ceux dont on ne parle pas et qu’on laisse mourir. Il n’y a pas là une vue de l’esprit, mais une réalité concrète, puisque, je le répète, le principal festival des arts de la rue a vu ses vivres coupés. Ces arts, mes chers collègues, nous avons l’occasion de les mettre un peu en lumière, de même que, tout à l’heure, nous aurons l’occasion de mentionner les handicapés.
Certes, on vise ces personnes en visant tout le monde, mais il est important de les mentionner de façon particulière.
J’espère avoir répondu à l’argument qui, sans doute, nous sera encore opposé plusieurs fois : pourquoi introduire des précisions, vu qu’une généralité inclut tout ?
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 432 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° Favoriser les activités de création artistique pratiquées en amateur, en particulier celles issues des initiatives territoriales ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Je pense qu’une attention particulière doit être prêtée aux initiatives territoriales en faveur des activités de création artistique pratiquées en amateur. Tel est le sens de l’alinéa 6 de l’article 2, que vise à corriger le présent amendement, purement rédactionnel.
L’amendement n° 362, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
artistique pratiquées en amateur
par les mots :
ou les pratiques qui associent des amateurs
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’alinéa 6 de l’article 2, dans le texte de la commission, fait référence aux « activités de création artistique pratiquées en amateur ». Cet amendement, qui n’est pas seulement rédactionnel, tend à viser plutôt les « activités de création ou les pratiques qui associent des amateurs ».
C’est un des mérites du projet de loi, dans la rédaction initiale du Gouvernement comme dans la rédaction établie par la commission, de reconnaître la place des amateurs tout en évitant une concurrence déloyale avec les professionnels. Cependant, les amateurs ne sont cités qu’à propos de la création. Il nous semble judicieux de les mentionner aussi à propos des simples pratiques.
En effet, un grand nombre d’amateurs se produisent dans un cadre artistique sans qu’on puisse exactement considérer qu’ils sont en train de créer. Songeons aux chanteurs de chœurs lyriques, qui prennent plaisir à répéter dans un cadre amateur, mais qui sont parfois requis par des orchestres symphoniques pour certaines œuvres exigeant jusqu’à une centaine de choristes ; en pareil cas, ils ne se livrent pas à une activité de création, mais à une simple pratique.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 362, qui tend à mentionner les amateurs associés à des pratiques artistiques. Sa rédaction me paraît préférable à celle de l’amendement n° 432 rectifié, dont je sollicite le retrait ; du reste, il deviendra sans objet si l’autre est adopté.
Il est à l’exact inverse de l’avis du rapporteur : je suis favorable à l’amendement n° 432 rectifié et demande le retrait de l’amendement n° 362, auquel je serai défavorable s’il est maintenu.
La proposition de modification rédactionnelle présentée par Mme Laborde me convient très bien, puisqu’elle met en valeur le rôle essentiel pour le vivre ensemble et pour la cohésion de notre société des initiatives territoriales favorisant les activités de création artistique pratiquées en amateur. Ce tissu d’acteurs et ce foisonnement de projets sont à mes yeux primordiaux. Au demeurant, lorsque ces projets s’étiolent ou viennent à disparaître, les conséquences s’en font souvent sentir très rapidement, et parfois de façon dramatique. Il me semble donc que l’État, à travers ses services déconcentrés, doit être au côté des collectivités territoriales pour promouvoir ces projets fédérateurs et source de dynamique collective.
En revanche, la formulation proposée par Mme Blandin ne me paraît pas judicieuse, dans la mesure où l’alinéa 6 de l’article 2 ne vise pas les activités de création associant des amateurs, mais les activités des amateurs en propre. Il me semble que l’adoption de l’amendement n° 362 aurait pour effet, à rebours de l’intention de ses auteurs, d’amoindrir la portée de cette disposition. J’ajoute qu’elle dévoierait le sens initial du texte en encourageant toute pratique associant des amateurs, y compris, par exemple, des pratiques sportives ; cela est évidemment souhaitable et louable, mais tel n’est pas l’objet du présent projet de loi.
Puisque le Gouvernement soutient mon amendement, je le maintiens pour qu’il soit mis aux voix, monsieur le président !
Mme Marie-Christine Blandin. Contrairement à M. le rapporteur, qui, se livrant à un véritable exercice de gymnastique, fait tomber par anticipation l’amendement de Mme Laborde avant même que l’amendement n° 362 n’ait été adopté, nous allons suivre le fil, et vous verrez, chère collègue, que le nôtre tombera tout seul…
Sourires.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 222, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres en direction du public atteint de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives, intermédiaires et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes souffrant de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, une politique de liberté de la création artistique ne peut être pleinement efficace qu’en se fondant sur le socle du service public, garant de l’égal accès des citoyens à la culture.
Nous avons parlé tout à l’heure de l’égalité entre les sexes ; parlons à présent de l’égalité entre valides et non-valides.
Cet amendement vise à rappeler le nécessaire investissement que doit faire la puissance publique pour assurer l’accès à toutes les étapes de la création artistique et culturelle, que ce soit au niveau de la contribution, de la diffusion ou de l’usage.
La loi du 11 février 2005 avait consacré l’obligation de rendre accessibles tous les lieux recevant du public avant le 1er janvier 2015. Onze ans plus tard, un manque de moyens et de volonté politique a fait voler en éclat ces grands objectifs, ce que nous sommes nombreux à regretter. Encore une fois, ce sont les plus vulnérables qui en pâtissent.
Les lieux culturels et artistiques ne dérogent pas à cette règle : trop de citoyens ne peuvent y accéder, faute de dispositifs permettant de les accueillir.
Le renoncement opéré par le Gouvernement en juin dernier lors de la demande de ratification de l’ordonnance du 26 septembre 2014 en est une nouvelle preuve. Tout le monde a conscience du problème, mais personne ne veut mettre les moyens nécessaires pour répondre à l’objectif d’accessibilité, pourtant purement démocratique, égalitaire et humaniste.
Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi que la puissance publique, dans le cadre de sa politique culturelle et artistique, doit tout mettre en œuvre pour assurer la mise en accessibilité des lieux et des œuvres au public en situation de handicap.
Dans le même temps, il convient de promouvoir les initiatives professionnelles ou associatives permettant aux personnes souffrant de handicap d’accéder aux lieux de la culture et aux œuvres de l’esprit par le biais, notamment, d’audiophones, de descriptions en braille, du développement du sous-titrage et du télétexte. Avouons-le, ce domaine est tout de même de la responsabilité de l’État !
L'amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Garantir l’accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées actualise la loi d’orientation de 1975 et érige un principe simple : les personnes en situation de handicap ont les mêmes droits que toute autre personne et tout doit être fait pour que leur handicap ne les gêne nullement dans l’exercice de leurs droits et de leurs devoirs.
Beaucoup d’acteurs et d’opérateurs ont aujourd'hui intégré cette question, comme le montrent les nombreuses expériences menées dans les musées et un certain nombre de théâtres pour permettre l’accès à la culture des personnes en situation de handicap. Ces dernières doivent avoir les mêmes possibilités d’accès aux espaces et aux pratiques culturels. Parallèlement, il ne peut être fait abstraction des aménagements nécessaires, afin de les rendre, précisément, accessibles.
Pour cette raison, il est primordial d’intégrer, dans cet article-cadre, l’objectif d’« accessibilité aux œuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ». Ne pas souscrire à cette disposition, ce serait presque renier les apports de la loi de 2005 ! Dans la mesure où nous étions d’accord sur la notion de service public et attristés de voir qu’elle n’avait pas été reprise, notre responsabilité collective est d’intégrer la question du handicap au sein de l’article 2.
Il me paraît nécessaire d’apporter de nouveau une précision : ce n’est pas parce que j’émets un avis défavorable que je suis en désaccord avec l’idée défendue par les amendements qui sont présentés.
La commission s’est attachée à ne pas allonger l’énumération pour ne pas alourdir l’article 2. Nous avons donc essayé de prévoir des alinéas génériques, incluant de façon très claire les extensions que vous souhaitez insérer dans le texte.
Il est évident que les personnes atteintes d’un handicap doivent pouvoir accéder à la culture. Si nous avons fait remonter à l’alinéa 1 « les droits culturels », c’est pour bien signifier que la culture doit être accessible à tous, notamment aux publics empêchés, qu’ils soient en milieu hospitalier ou en prison, handicapés, jeunes, vieux…
Par ailleurs, il est prévu, aux alinéas 7 et 8, de favoriser l’accès à la culture de tous les publics.
Bien entendu, les personnes handicapées seraient sans doute satisfaites d’être explicitement mentionnées. Pour autant, on ne peut avoir deux doctrines : d’une part, résumer et synthétiser et, d’autre part, citer tous les cas particuliers. Comme le disait Mme la présidente de la commission, dans un contexte de liberté, le cloisonnement et l’énumération constituent une erreur dans le cadre de l’élaboration de la loi. Nous ne sommes pas ici, je le rappelle, pour produire des listes !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Je considère au contraire que la question de l’accessibilité des institutions culturelles et des œuvres aux personnes handicapées ne constitue pas un cas particulier. C’est un objectif qui me paraît transversal et qui doit nous mobiliser.
Je partage donc l’objectif poursuivi par ces deux amendements. Selon moi, l’accessibilité doit non pas se réduire à celle du bâti, mais englober l’ensemble de l’offre artistique et culturelle. Il est très important de mener une politique volontariste pour favoriser l’accessibilité aux personnes atteintes de tout type de handicap. Il ne suffit d’ailleurs pas de s’intéresser aux équipements culturels. Les œuvres, ainsi que les pratiques artistiques, doivent être prises en considération, dans un objectif d’inclusion des personnes en situation de handicap.
À ce jour, nombre de nos établissements publics – structures labellisées et conservatoires – développent d’ores et déjà des projets et des offres particulièrement remarquables en la matière. C’est aussi l’objectif de certains dispositifs, qui permettent un travail extraordinaire entre l’État et les collectivités territoriales. J’ai d’ailleurs réuni avec Ségolène Neuville, voilà une quinzaine de jours, la commission culture et handicap. À cette occasion, nous avons également remis des prix « Patrimoines pour tous » aux institutions particulièrement vertueuses en matière d’accessibilité.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi je vous rejoins, mesdames les sénatrices, s’agissant de la nécessité d’accompagner tous les réseaux d’initiative indépendants et associatifs visant à favoriser l’accès à l’art et à la culture, ainsi que la contribution des personnes handicapées à la création artistique et culturelle.
Je suis donc favorable à l’amendement n° 222, dont la rédaction me semble satisfaire l’objet de l’amendement n° 79 rectifié. Par conséquent, je demande aux auteurs de l’amendement n° 79 rectifié de bien vouloir le retirer.
Monsieur le rapporteur, je voudrais vous convaincre.
Nous l’avons compris, vous défendez l’idée selon laquelle il convient de ne pas établir de listes. Comme vous appartenez à la majorité sénatoriale, votre ligne s’impose… Reste que, en plaçant ce sujet au même niveau que les discussions précédentes, vous témoignez d’une certaine incompréhension.
Bien entendu, dans notre société, les droits valent pour toutes les personnes. Mais, dans ces conditions, pourquoi avons-nous adopté la loi de 2005, qui consacrait de façon concrète et particulière les droits des handicapés, sinon pour rendre effectifs des droits fondamentaux concernant tout un chacun ? Car, en l’absence d’une telle démarche, le handicap exclut !
Il s’agit donc d’un sujet transversal et non pas particulier. Les citoyens et citoyennes dont il est question jouissent des mêmes droits et devoirs que les autres. Toutefois, la société n’a considéré que tardivement qu’ils devaient avoir accès, comme les autres, à un certain nombre d’activités, notamment professionnelles. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit non seulement d’avoir accès aux œuvres, mais aussi de pouvoir pratiquer l’art.
Lorsque des festivals adoptent un label « handicap », vous ne vous imaginez pas l’appel formidable que cela représente pour les handicapés ! Ils savent que, même si l’événement a lieu dans un champ, ils seront pris en charge, protégés et accompagnés ; ils pourront voir correctement. Tout cela ne s’est pas créé spontanément, mais fait suite à l’inscription de certains principes dans la loi, ce qui a permis d’avancer plus vite sur ces questions et, surtout, de ne pas reculer.
Plus le monde est fou, plus l’urbanisation est galopante, plus on veut aller vite, plus on a tendance à ignorer ceux qui ne peuvent pas aller aussi vite. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, je vous demande de faire évoluer votre position.
Quoi qu’il en soit, nous retirons notre amendement, au profit de l’amendement déposé par le groupe CRC, qui est plus clair et mieux rédigé.
L’amendement n° 79 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n° 222.
Je comprends l’argument fondé sur un nécessaire effort de synthèse. Personne, ici, ne veut rendre la loi bavarde ! Pour autant, la question de l’accessibilité des personnes handicapées à la culture et aux arts ne relève pas du même paradigme que les autres questions abordées par ailleurs.
Dans cette dimension, eu égard au formidable effort qu’il convient de réaliser pour permettre une accessibilité effective, une telle disposition confine à une sorte de reconnaissance de la dignité de ces personnes. Il s’agit non pas seulement de l’accessibilité – ce serait résumer la question de façon assez étroite –, mais aussi de la pleine entrée de ces hommes et de ces femmes en situation de handicap dans la création elle-même. S’il y avait un signe supplémentaire à inscrire dans cette loi, ce serait celui-là !
D’ailleurs, je précise que Mme la présidente de la commission et la commission ont accepté…
… de mettre en route un groupe de travail sur cette question. Car, nous le voyons bien, il y a encore loin de la coupe aux lèvres !
Permettez-moi d’éclairer ce débat, qui est important, on le mesure à l’implication des uns et des autres.
Je veux le rappeler, la loi de 2005 consacre le principe de l’accessibilité de tous aux lieux publics, quels qu’ils soient. Les lieux culturels sont donc concernés comme les autres. Cela figure d’ores et déjà dans la loi, de même que l’accès aux pratiques culturelles.
Vous le savez, mes chers collègues, nous avons jugé bon, à la faveur des dix ans de cette loi sur le handicap, d’organiser une table ronde, pour vérifier son applicabilité et son application. Or nous avons constaté des carences et des manques. C’est pour cette raison que j’ai proposé, madame Gonthier-Maurin, que s’engage un travail sur ce sujet au cours de cette année.
Les droits culturels ont été réaffirmés, grâce au Sénat, dans la loi NOTRe et dans ce texte. Nous sommes extrêmement attentifs à l’ensemble des publics, chacun peut le comprendre. À cet égard, je vous renvoie à la Déclaration de Fribourg, en vertu de laquelle tous les publics, y compris les publics handicapés, sont concernés par les droits culturels.
Au demeurant, la force du symbole est telle et les progrès à réaliser tellement immenses pour permettre aux handicapés l’accès aux lieux et aux pratiques – c’est peut-être sur ce point qu’il faut encore travailler – qu’il convient en effet de bien réfléchir au texte que nous adopterons.
Je rappelle que, aux termes de la loi, tous les textes législatifs doivent prévoir une étude d’impact des dispositions votées sur l’intégration des personnes en situation de handicap, et ce pour toutes formes de handicaps. Or bien peu de textes de loi s’obligent à la présentation d’une telle étude d’impact, et le présent projet de loi ne fait pas exception. C’est d’ailleurs un reproche que le Conseil national consultatif des personnes handicapées, que j’ai l’honneur de présider depuis quelque temps, formule très régulièrement. Cet amendement est donc la moindre intervention que l’on puisse faire, dans ce projet de loi, sur le sujet.
Je vous invite, madame la ministre, à joindre au projet de loi le compte rendu de la dernière commission nationale culture et handicap. Particulièrement complet sur ce sujet d’actualité, ce document fait le point sur ce qui peut être exigé aujourd'hui en matière de procédures et d’évolution de ces procédures, s’agissant de l’audiovisuel, des pratiques artistiques et de l’enseignement, afin de respecter l’obligation d’intégration des personnes handicapées.
Nous avons retiré notre amendement au profit du vôtre, chers collègues du groupe CRC, qui est mieux écrit. Dès lors, autant continuer à rechercher la meilleure écriture.
Dans votre amendement, vous évoquez le public « atteint » de handicap, puis, dans la phrase suivante, les personnes « souffrant » de handicap. Nous souhaiterions que la formule soit lissée. Nous pourrions conserver le terme « atteint »…
Par ailleurs, nous ne comprenons pas la signification du terme « intermédiaires » dans le corps de phrase « initiatives professionnelles, associatives, intermédiaires et indépendantes ». Afin de clarifier la rédaction, nous proposons d’ôter ce terme, la formule « initiatives professionnelles, associatives et indépendantes » nous paraissant couvrir l’intégralité du champ.
Je dépose donc un sous-amendement tendant à introduire ces modifications rédactionnelles.
Le sous-amendement n° 521, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :
Amendement 222, alinéa 3
1° Remplacer le mot :
atteint
par les mots :
en situation
2° Supprimer le signe et le mot :
, intermédiaires
3° Remplacer le mot :
souffrant
par les mots :
en situation
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Il est minuit deux, l’heure des générosités, l’heure où nous nous embrassons tous !
Sourires.
Ayant été attendri par le discours de mon collègue Assouline – je ne suis pas certain qu’il obtienne le même résultat chez tous mes collègues –, j’émettrai un avis favorable sur ce sous-amendement.
Au fond, je tiens surtout à éviter d’être montré du doigt au motif que je ne voudrais pas des personnes handicapées… En effet, comme l’a indiqué la présidente de la commission, la préoccupation est présente dans l’esprit du texte. Cependant, en ne la mentionnant pas, au nom du respect, coûte que coûte, d’une théorie de la simplification, nous prendrions une position susceptible d’être perçue négativement, ce que je ne souhaite pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous soutenons volontiers ce sous-amendement, d’autant que j’avais moi-même envisagé de modifier la rédaction pour mettre les associations plus en valeur.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 220, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
par le biais des comités d’entreprise, des comités d’œuvres sociales et des comités d’activités sociales et culturelles quand une de ces structures existe
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Comme vous le savez, mes chers collègues, au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous voyons d’un œil particulièrement bienveillant l’entrée officielle de la culture et des arts dans le monde du travail.
Cet apport de l’Assemblée nationale dans le projet de loi ne vise, en définitive, qu’à légaliser une pratique déjà courante et à inciter à la développer partout. Il nous apparaît toutefois essentiel de compléter les dispositions de l’alinéa 9 de l’article 2, en précisant que cette politique culturelle et artistique en entreprise doit être mise en œuvre par le biais des structures que sont les comités d’entreprise, les comités d’œuvres sociales et les comités d’activités sociales et culturelles.
Plusieurs raisons nous poussent à avancer cette demande.
Premièrement, en cohérence avec un amendement que nous avons fait adopter dans le cadre des travaux en commission, nous considérons qu’une politique culturelle et artistique ne s’impose pas de manière pyramidale. Au contraire, elle se construit en concertation avec tous les acteurs. Partant de là, il serait incohérent de ne pas attribuer cette mission aux structures précitées, réunissant employeurs et employés. Chacun a son rôle à jouer, sa pierre à apporter, et il est essentiel d’œuvrer en ce sens.
Deuxièmement, les comités d’entreprise, comités d’œuvres sociales, comités d’activités sociales et culturelles ont acquis, depuis des décennies, une compétence certaine en la matière. Les exemples sont nombreux. Combien de salariés peuvent aujourd'hui accéder aux lieux de culture et d’art grâce à ces structures ? Combien d’expositions ou de performances sont organisées sur les lieux de travail grâce aux actions de ces organes essentiels à la vitalité des entreprises ? Ce ne serait que justice de reconnaître, enfin, leur activité !
Troisièmement, cela doit permettre de sécuriser ces structures qui, une nouvelle fois, contribuent à faire vivre les entreprises. Allons même plus loin, cela encouragera peut-être leur généralisation.
Par ailleurs, pourquoi refuser à ces divers comités ce qui a été autorisé aux centres des œuvres universitaires et scolaires, qui gèrent le programme « Culture-actions » ?
Reconnaissance, concertation, sécurisation, c’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe CRC demande à compléter l’alinéa 9 de l’article 2 du projet de loi.
Cet amendement tend à préciser le texte, au travers d’une référence explicite aux comités d’entreprises, comités d’œuvres sociales et comités d’activités sociales et culturelles.
Nous ne cherchons à écarter personne, mais, toujours suivant le même principe, nous estimons que l’alinéa 9 vise le monde du travail, en général, ce qui, de fait, inclut l’ensemble de ces comités. Ils entrent tous dans le champ de l’alinéa ! Par conséquent, l’avis est défavorable.
Je me permets à mon tour d’insister, monsieur le rapporteur.
Comme lors du débat précédent, nous ne cherchons pas à ajouter des détails pour le plaisir. Si nous partageons les objectifs affichés par le projet de loi, si nous avons l’ambition culturelle que chacun affirme ici, nous devons nous en donner les moyens. C’est pourquoi l’ajout que nous proposons est essentiel pour le monde du travail.
Force est de constater que les comités d’entreprise et autres comités ont joué un rôle très positif par le passé, mais ce rôle s’est amoindri au fil du temps. Pour ne prendre qu’un exemple – l’accès à la diversité culturelle nous préoccupe beaucoup –, il se vend aujourd'hui beaucoup plus de tickets d’entrée à Eurodisney que d’autres produits dans de nombreux comités d’entreprise ou comités d’œuvres sociales. Pour autant, au sein de beaucoup de ces structures, la volonté demeure de faire autrement. Il y a donc une ambition culturelle que nous devons encourager.
Par ailleurs, le travail a beaucoup changé, ce qui complique désormais la vie sociale et la vie culturelle. Les conditions de travail sont difficiles ; il y a beaucoup de souffrance et de précarité, y compris dans les grandes entreprises ou dans les entreprises de taille moins importante, mais disposant d’un comité d’entreprise. La culture peut donc jouer un rôle extrêmement important.
Je le répète, il ne s’agit pas d’une précision parmi d’autres. L’enjeu est de première importance. Adopter cet amendement non seulement serait utile, mais nous permettrait également de terminer la soirée dans la liesse générale…
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
et en respectant les principes d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Pour reprendre une précédente intervention, je persiste et signe ! Cette fois-ci, il s’agit de faire respecter les principes d’égalité entre femmes et hommes dans l’accès aux postes de responsabilité. On constate en effet que les femmes sont largement minoritaires au sein des postes stratégiques du monde de la culture. C’est d’ailleurs ce qui ressort d’un rapport élaboré, en 2009, sur la question.
Je voudrais tout de même vous donner quelques exemples, mes chers collègues.
La musique, encore et toujours : aucune femme n’est à la tête d’un centre national de création musicale. La situation au sein des grands établissements nationaux n’est guère plus reluisante. Depuis le départ de Muriel Mayette de la Comédie française en juillet 2014, plus aucune femme ne dirige de théâtre national.
En revanche, madame la ministre, on constate des avancées notoires au sein de l’administration du ministère de la culture et de la communication. On y dénombre à peu près 50 % de femmes directrices d’administrations centrales. C’est un progrès ! Malheureusement, on ne peut pas en dire autant dans les entreprises culturelles. Sur les 100 plus grosses entreprises culturelles en France, on ne recense que 7 % de femmes à des postes de direction.
Nous l’avons dit tout à l’heure, cette situation n’est plus acceptable aujourd'hui. Nous souhaitons donc que ce principe d’égalité aux postes de responsabilité soit reconnu.
Nous sommes tous d’accord pour dire que les principes d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité doivent être respectés, mais on ne peut pas inscrire cette phrase à chaque alinéa. L’insertion systématique de cette référence aurait même tendance à en affaiblir la portée. En outre, elle apparaît sans lien avec l’alinéa 9, qui concerne l’accès à la culture dans le monde du travail.
Par ailleurs, la problématique que vous soulevez, ma chère collègue, est traitée à l’article 3, qui porte sur la nomination des dirigeants des structures labellisées.
Voilà pourquoi – je pense que vous le comprenez – l’avis de la commission est défavorable.
Je suis très favorable à cet amendement.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à l’occasion de l’examen de précédents amendements sur le sujet, je suis très attachée au respect des principes d’égalité entre hommes et femmes dans l’accès aux postes de responsabilité, …
… indépendamment des domaines d’activité concernés.
Ce que l’on constate aujourd'hui, et vous l’avez très bien expliqué dans votre présentation, madame Blondin, c’est que, même si ces principes sont rappelés dans la loi, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Il faut bien en tirer un certain nombre de conclusions et affirmer davantage de volontarisme, y compris par l’inscription dans la loi de ce principe d’égalité.
Je crois vraiment que la culture n’a pas à demeurer en retard, alors même que nous avons la chance de disposer d’un vivier de femmes artistes, metteurs en scène, scénographes, chorégraphes, interprètes, chefs d’orchestre et administratrices de la culture, qui serait normalement de nature à nous faire parvenir à un meilleur équilibre. Il nous faut donc être très volontariste en la matière.
J’en profite pour préciser que, lors du dernier comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai fixé au ministère de la culture et de la communication une feuille de route pour 2015-2017 extrêmement complète sur ces questions. Nous devons vraiment passer maintenant à une phase active, avec des objectifs chiffrés si nécessaire, dans la suite des frémissements positifs enregistrés ces dernières années – je pense en particulier aux nominations, dans lesquelles des progrès sensibles ont été enregistrés, même s’ils demeurent insuffisants.
Nous souscrivons bien sûr à cet objectif. Je rappelle néanmoins que ce principe est déjà inscrit dans la loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser l’accès à la culture dans les lieux de vie sociale ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
J’entends déjà le rapporteur nous dire que nous ajoutons une couche… Cela étant, cet amendement s’inscrit dans le droit fil de celui qu’ont défendu à l’instant nos collègues communistes sur la place de la culture dans l’entreprise.
Tout à l’heure, je parlais d’« infusion culturelle ». De fait, aujourd’hui, les artistes et, de façon plus générale, la culture ne se cantonnent plus à ces lieux dédiés que sont l’opéra, les théâtres, les musées, les bibliothèques, mais s’invitent dans la rue – on parlait tout à l’heure de l’espace public –, dans les quartiers.
Voyez comment se rencontrent aujourd’hui la population des quartiers et les artistes, grâce aux résidences d’artistes ; on peut véritablement parler d’« infusion culturelle ». Les droits culturels se jouent aussi dans l’appropriation de la culture dans l’ensemble de ces lieux.
Faire en sorte que la culture s’invite dans des quartiers, dans des maisons de retraite, dans un certain nombre de lieux peut-être improbables, mais qui permettent la rencontre entre les populations et les artistes, cela me semble être une mission de service public extrêmement importante.
Je le répète, cet amendement se situe dans le prolongement de celui qui porte sur le monde du travail et de l’entreprise ; il est même son corollaire, en quelque sorte.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Ma chère collègue, si vous anticipez ma réponse, il n’est peut-être pas nécessaire que je donne l’avis de la commission…
Sourires.
Et même avec beaucoup d’intérêt !
Je rappelle que le 5° de l’article 2 prévoit déjà de garantir « l’égal accès des citoyens à la création artistique et [de] favoriser l’accès du public le plus large aux œuvres de la création ». Cette rédaction, d’une portée déjà très générale, fait, par définition, référence à tous les lieux. Pourquoi alors ne pas mentionner également les appartements ? Allonger toujours et encore la liste peut être dangereux ; le risque serait alors d’exclure certains lieux, ce qui serait tout de même paradoxal.
Évidemment, la création artistique et la culture doivent être promues dans tous les lieux de vie sociale – les communautés humaines comme les lieux physiques – et chacun doit pouvoir y accéder. Ainsi, le 6° de l’article vise les « actions d’éducation artistique et culturelle », tandis que le 7° prévoit de « favoriser l’accès à la culture dans le monde du travail ». Mais, je le répète, dresser un catalogue de ces lieux, c’est prendre le risque d’en oublier et d’affaiblir ainsi la portée de l’objectif. En outre, que faut-il entendre par « lieu de vie sociale » ?
Eh oui !
L’article 2 a doublé de volume à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale ; il ne faudrait pas que nous fassions de même. Soyons raisonnables !
La rédaction de l’article 2 est suffisamment large pour nous dispenser d’y ajouter de nouveaux alinéas.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 218, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
sensibilisation des publics
insérer les mots :
, de l’art-thérapie
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Si la culture est bonne pour l’esprit, elle l’est aussi pour le corps. C’est dans cette optique que le présent amendement vise à accorder la reconnaissance à l’art-thérapie et à encourager une nouvelle fois son développement et sa sécurisation par la puissance publique.
Bien évidemment, du chemin a déjà été parcouru sous l’impulsion de l’État, comme la reconnaissance du titre d’art-thérapeute par la Commission nationale de la certification professionnelle ou la création du master d’art-thérapie de l’université Paris Descartes.
Comme je le disais, nous avançons sur le chemin de la reconnaissance, mais bien lentement.
Les chercheurs de notre pays commencent tout juste à étudier cette pratique et démontrent petit à petit les bienfaits de l’art-thérapie sur le comportement des enfants psychotiques, qui voient leur situation progresser quand ils suivent de l’art-thérapie ou des thérapies dites « médiatisées ».
Concentration, canalisation de l’énergie, exutoire dans certains cas, la pratique de l’art, et notamment de la peinture dans un cadre médicalisé, est une véritable libération pour des patients dont les proches se sentent trop souvent isolés et impuissants.
Partant de là, il me paraît essentiel de rappeler combien l’art-thérapie est un vecteur de progression dans notre société et à quel point il me semble nécessaire de la considérer en tant que tel.
Cet amendement vise à donner une reconnaissance législative à l’art-thérapie. Je ne doute pas de son efficacité probable, mais si cette discipline est effectivement reconnue par le monde universitaire, comme vous venez de le rappeler, ma chère collègue, l’évaluation de ses effets n’en est qu’à ses prémices et une reconnaissance législative apparaît tout de même un peu prématurée, en particulier à cet article 2.
À ce stade, la commission a émis un avis défavorable.
Cette préoccupation est satisfaite par l’alinéa 10 de l’article 2, qui vise le soutien de tous les acteurs et de toute forme d’action culturelle, ce qui, me semble-t-il, englobe l’art-thérapie, comme les autres modalités d’action artistique, dans le champ social au sens large.
J’ajoute que cette discipline fait l’objet d’un soin tout particulier de la part du ministère de la culture et de la communication, qui s’est engagé en sa faveur ces dernières années, notamment au travers de la convention « culture et santé », conclue en 2010, qui a connu de multiples déclinaisons en région.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Cet amendement avait essentiellement vocation à nous sensibiliser à l’art-thérapie et au soutien que nous devons lui apporter. Je le retire, monsieur le président.
L’alinéa 12 est utile, parce qu’il installe dans le paysage de la culture des territoires les associations, les lieux intermédiaires et les acteurs de la diversité culturelle. Cependant, le mot « promotion » est un peu ambigu en raison de sa polysémie. C’est pourquoi nous proposons de le remplacer par les mots « au développement et au soutien », ce qui n’altère en rien l’esprit de cet alinéa.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Même à minuit trente, c’est encore l’heure des cadeaux
Rires.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 217, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Favoriser et soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel en matière de production et de diffusion des œuvres ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il nous paraît important de soutenir la recherche, qui est depuis toujours un moteur de développement de la culture.
La révolution numérique en cours bouleverse beaucoup de pratiques et nécessite de développer la recherche. Les liens entre l’art et la technique ont toujours été extrêmement puissants, mais les évolutions actuelles déplacent bien des frontières. La pluridisciplinarité, qui a toujours été présente chez les grands artistes et dans le domaine de l’art, se développe de manière tout à fait nouvelle et permet de faire émerger de nouveaux talents dans des secteurs qui paraissaient jusqu’alors inaccessibles ou qui n’étaient pas voués à devenir des secteurs proprement créatifs.
J’ajoute un dernier argument – il y en aurait bien d’autres – : en matière notamment de préservation et de restauration du patrimoine, d’architecture, auxquelles le projet de loi accorde une importance particulière, les possibilités ouvertes par la recherche dans le domaine de l’art et de la culture ouvrent certainement des horizons nouveaux.
Pour toutes ces raisons, nous trouverions utile de souligner combien il est important de favoriser et de soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel, quitte à insérer un nouvel alinéa, monsieur le rapporteur…
Sourires.
Faut-il allonger la liste pour viser le soutien à « la recherche dans le domaine artistique et culturel » ?
Pour moi, le créateur, par définition, est forcément un chercheur, quelque part ; il s’inscrit dans une démarche d’innovation. Ensuite, que recouvre ce champ de la recherche dans le domaine artistique ? C’est quand même un peu flou… Les auditions au cours desquelles nous avons tenté d’en cerner le sens, les contours, ne m’ont pas forcément éclairé. Tant que cette notion ne sera pas plus précisément définie, il me paraît un peu prématuré de la mentionner en tant que telle dans le projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 221, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique culturelle en faveur de la création organise la régulation entre le service public des arts, de la culture, de l'audiovisuel et du cinéma, le secteur subventionné privé et le secteur marchand. Les instruments de cette politique de régulation sont : la charte des missions de service public, le cahier des charges des institutions ou établissements labellisés et la mise en œuvre de fonds de soutien.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement reprend notre analyse selon laquelle il est nécessaire de préciser que la politique menée par l’État et les collectivités territoriales en matière de création artistique relève du service public.
Nous sommes nombreux à penser que le secteur culturel n’est pas une marchandise quelconque et que l’exception culturelle est un acquis de la nation. La puissance publique ne peut donc se contenter d’être une superviseuse éloignée ; elle doit incarner une véritable autorité régulatrice dont la boussole est toujours orientée vers l’intérêt général.
Bien évidemment, cela ne veut pas dire que l’État doit se placer en censeur en chef. La liberté d’expression est suffisamment cadrée par la loi pour qu’un exercice sain de cette liberté soit assuré. Cela ne veut pas dire non plus que le secteur privé doit être exclu de toute culture. Il lui a apporté, et lui apporte encore, de fort belles-lettres.
Toutefois, un acte de régulation doit être pris à la fois pour éviter une marchandisation de la culture et, au final, pour préserver la culture et les arts eux-mêmes. En effet, le constat accablant que nous faisons aujourd’hui est que la marchandisation de la culture et des arts rime bien souvent avec uniformisation des œuvres, concentration des acteurs et donc, au fond, mort de l’exception et de la diversité culturelles.
Certains répondront certainement que, dans un cadre concurrentiel, s’il y a uniformisation des œuvres, c’est pour répondre à la demande des consommateurs de culture et d’art. Ceux-là oublient bien trop souvent que les citoyens intégrés dans la société sont eux-mêmes influencés par les œuvres. Ne proposez qu’un choix uniforme d’œuvres aux gens et ils ne vous demanderont plus que ça ! En outre, est-il réellement nécessaire de rappeler que ceux-ci sont non pas des consommateurs de la culture et de l’art, mais des usagers ?
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons aujourd’hui un engagement grand, un engagement fort, afin que la culture et les arts, héritage et moteur de la Nation, soient protégés et assurés par la puissance publique.
Cet amendement vise à confier à la politique en faveur de la création un rôle de régulation entre le secteur public, le secteur privé subventionné et le secteur marchand.
Il n’apparaît pas opportun, à mon sens, de vouloir distinguer, voire hiérarchiser les partenaires selon leur statut, alors que la politique culturelle doit d’abord viser à promouvoir les partenariats et une offre diversifiée. Par ailleurs, il n’appartient pas à l’État de réguler les initiatives privées dans le domaine de la création artistique, qui, je vous le rappelle, et conformément à l’article 1er que nous avons adopté, est libre.
Il serait préférable de faire référence au service public de la culture au début de l’article ; nous y reviendrons au cours de la navette. En attendant, il ne me semble pas opportun d’ajouter cette mention sous cette forme et à cet endroit du texte. C’est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° 221 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.
Nous avions commencé ce long débat en proposant une réécriture complète de l’article 2 visant en quelque sorte à synthétiser les suggestions qui étaient apparues en commission, mais notre amendement a été rejeté par notre assemblée sur le conseil de M. le rapporteur. Cependant, au fur et à mesure de la discussion, des amendements écologistes et communistes – rarement socialistes – ont été adoptés.
Cela étant, ce n’est plus vraiment le même article que celui que nous soutenions. Toutefois, pour permettre à nos travaux, qui ne font que commencer, de se poursuivre dans un bon état d’esprit, et compte tenu de l’acceptation d’un certain nombre d’amendements, nous ne nous opposerons pas à la nouvelle rédaction de l’article 2 : nous nous abstiendrons.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 145 :
Le Sénat a adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 39 amendements au cours de la soirée ; il en reste 416.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 février 2016, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 340 tomes I et II, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 341, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 10 février 2016, à zéro heure quarante.