Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire quelques mots en préambule du débat que nous allons avoir et qui sera très constructif, j’en suis certaine.
L’article 1er, qui est en fait la source à laquelle puisent l’ensemble des articles du projet de loi que j’ai souhaité vous présenter aujourd'hui, est la condition de possibilité de tous les autres.
« La création artistique est libre ». Monsieur le rapporteur, vous avez relevé que, si vous vous êtes rallié à la rédaction de cet article, celui-ci vous paraît néanmoins quelque peu superfétatoire dans la mesure où la création n’a jamais été aussi libre qu’aujourd'hui.
Pour ma part, je crains de ne pas partager cette analyse. En effet, Sylvie Robert a cité précédemment un certain nombre d’exemples récents, et il en est d’autres qui le sont moins : tous montrent bien que, si nos artistes et créateurs ont aujourd'hui probablement accès à des moyens inédits de diffusion de leurs œuvres, notamment numériques, il pèse sur leur liberté de créateur un certain nombre de menaces, dont certaines sont extrêmement tangibles.
À cet égard, je citerai plusieurs exemples. Vous avez tous en tête les actions engagées par l’association Promouvoir, qui vise à empêcher le public d’accéder à un certain nombre de films, au nom de la moralité publique ou de la défense de valeurs judéo-chrétiennes qu’elle estime devoir protéger. En leur nom, elle s’attaque à des films qui sont pourtant des films d’auteurs. Je pense en particulier aux films d’Abdellatif Kechiche, de Lars Van Trier ou de Quentin Tarantino, pour les plus récents.
Par ailleurs, je citerai, en ce mois de février, le spectacle Tragédie d’Olivier Dubois, qui a été joué à l’Arsenal de Metz, mais que la présidente du groupe FN au conseil municipal de Metz aurait voulu interdire, confondant nudité des danseurs et exhibitionnisme. Je pense également à l’exposition photographique d’Olivier Ciappa, destinée à lutter contre l’homophobie : accrochée sur les grilles du jardin du Grand Rond à Toulouse, elle a été vandalisée.
Je pourrais également citer des déclarations de Marion Maréchal-Le Pen contre toute subvention à l’art contemporain, qu’il conviendrait, selon elle, de supprimer, ou encore les décisions du maire de Villers-Cotterêts, qui a retiré de sa médiathèque le livret d’une exposition parce qu’on y lit que la montée des eaux peut être comparée à la montée de l’extrême droite.
Les exemples, qui sont, en réalité, extrêmement nombreux et tous récents, nous laissent à penser que, contrairement à ce que l’on pourrait croire acquis, la liberté de création, au même titre que la liberté de l’imprimerie, la liberté de la presse ou la liberté d’expression, requiert qu’on la protège aujourd'hui de manière extrêmement solennelle dans un texte législatif.
J’ajoute que nous ne pensons pas uniquement aux artistes d’aujourd'hui. Cela a été dit par plusieurs orateurs, nous pensons aussi à l’avenir, à la relève de la création. Nous voulons adresser aux artistes de demain le message fort que la France, fidèle à ses valeurs et à ses principes, entend défendre de manière extrêmement solennelle son attachement à la liberté de création, au même titre qu’aux autres grandes libertés qui sont défendues par le juge constitutionnel et les magistrats.
Cet article me semble donc extrêmement important. Loin d’être une simple pétition de principe, il constitue, au contraire, un élément majeur de notre bloc juridique et des principes que nous pourrons collectivement inscrire dans la loi. Et j’en suis très fière ! Je pense que vous partagez également ce sentiment dans la mesure où la commission a été unanime pour défendre cet article. Nos débats découleront de l’unanimité que nous saurons réunir autour de cette déclaration.