J’ai beaucoup de sympathie pour la position de Mme Blandin, mais je ne suis pas d’accord avec la rédaction qu’elle propose. Si son amendement était adopté, l’article 1er serait ainsi rédigé : « La création artistique est libre et son expression est garantie par la loi, les traités et les conventions internationales. » Cela signifierait qu’existent deux entités, deux catégories : la création et l’expression de la création.
Implicitement, on nous convie à adopter une philosophie quelque peu dualiste dans laquelle se trouvent le fond et la forme, le signifiant et le signifié, le contenant et le contenu, l’essence et l’existence, etc. Or, tel qu’il est rédigé, l’article 1er englobe toute la création, sans distinguer le fond de la création et son expression, ce qui est la profondeur et ce qui est la surface ; cela n’a pas de sens.
À l’orée de ce débat, je pense à Guillaume Budé, né à Orléans et mort brûlé, place Maubert, à Paris, par des gens qui ne supportaient pas qu’il fût l’adepte de la souveraine liberté d’esprit. Il a été brûlé ainsi que tous les livres de lui qu’on a pu retrouver. Il était en effet important pour ceux qui avaient commis un tel geste qu’il disparût et que disparussent avec lui tout ce qu’il avait écrit, tout ce qu’il avait pensé, tout ce qu’il avait été, à la fois l’essence et l’existence, le fond et la forme, l’être et la création.
C’est pourquoi cette phrase, parole d’ouverture, parole d’entame - « La création artistique est libre » -, est belle dans sa complétude et dans sa sobriété.