Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 29 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Vote sur l'ensemble

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Avant d’en arriver à des sujets susceptibles de fâcher, je me joins à ma collègue pour souligner à quel point nous avons apprécié, monsieur le ministre, votre disponibilité, mais aussi le soin que vous avez mis à répondre à tous nos amendements : vous avez ainsi largement contribué à la qualité de nos débats. Je salue également l’excellent travail de la commission. Tout cela nous aura permis de surmonter des conditions de travail loin d’être agréables !

Les débats ont été longs, mais très riches, en dépit des modifications incessantes de l’ordre du jour.

Il est difficilement compréhensible qu’un texte qui fait l’objet de la procédure accélérée puisse être ainsi tronçonné, étudiée en pointillé, et que l’on doive en débattre six à sept nuits durant quand certaines séances de jour étaient consacrées à d’autres textes ou débats !

Cela devait être dit et j’en viens à présent au fond.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré, au début de la discussion, qu’il fallait veiller à ce que cette loi ne suscite pas d’espoirs excessifs chez les agriculteurs. Force est de reconnaître que, de ce point de vue, le texte issu de nos travaux doit malheureusement vous combler !

En outre, les annonces de M. le Premier Ministre sur la rigueur budgétaire à venir risquent fort de faire échec à ce qui a été voté ici.

Je relève que seulement une vingtaine de nos amendements ont été adoptés, et encore ceux-ci ne portaient-ils pas sur des questions de fond. En revanche, monsieur le ministre, vous avez toujours souligné la légitimité de nos intentions, ajoutant que vous compreniez nos revendications. Mais vous n’êtes qu’exceptionnellement allé jusqu’à émettre un avis favorable…

En orientant l’agriculture vers l’alimentation, vous lui donnez sans doute une nouvelle légitimité. Cependant, la politique agricole ne saurait se résumer à une politique de l’alimentation. Sinon, nous risquons de perdre de vue l’importance qu’il y a, d’une part, à maintenir un maillage agricole fort dans nos territoires et, d’autre part, à assurer aux agriculteurs un revenu enfin décent.

Nous ne pouvons accepter la logique qui sous-tend l’objectif affirmé dans la loi de modernisation de l’économie, c'est-à-dire la compétitivité coûte que coûte et les prix les plus bas possibles ! Hélas, nous avons bien compris qu’il n’était pas question de remettre cette logique en cause.

Selon nous, la compétitivité agricole de la France repose essentiellement sur la qualité de ses produits, sur leur image dans le monde, sur des savoir-faire, sur des terroirs clairement identifiés et sur le respect de normes sanitaires et environnementales élevées.

C’est pourquoi nous avons plaidé, tout au long de l’examen du projet de loi, pour le maintien d’une régulation publique et d’une politique agricole volontariste concernant l’installation, la revalorisation des retraites agricoles, le contrôle des structures et de la production, la promotion des signes de qualité. Mais, sur tous ces points, nous n’avons obtenu aucun engagement clair, ni dans le texte ni de votre part, monsieur le ministre.

Comment, dans ces conditions, aider nos agriculteurs à surmonter cette crise que nous sommes ici unanimes à dénoncer ? Si les contrats proposés par le Gouvernement peuvent avoir leur utilité, la situation des agriculteurs a peu de chances de s’améliorer puisque aucune notion de prix garanti, de prix plancher ou de prix couvrant au moins les coûts de production n’a été acceptée. On peut craindre le pire dans le contexte créé par l’adoption de la LME, où les relations commerciales sont encore plus opaques et déséquilibrées.

Les interprofessions se voient confier des missions d’intérêt général, alors que leur représentativité pose problème puisque seuls les syndicats majoritaires y siègent. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a le mérite d’exister, mais il n’aura pas le statut de « donneur d’alerte » que nous souhaitions lui donner.

Nous avons dit notre volonté de préserver une agriculture forte, performante, éco-productive, rémunératrice, plus juste, plus équitable, pourvoyeuse d’emplois, qui garantisse des systèmes de production variés et qui aménage le territoire.

Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir les mêmes objectifs ; nous en avons pris note, mais nous constatons malheureusement que le projet de loi ne reflète pas cette position.

Vous avez souvent déclaré vouloir orienter l’agriculture vers les attentes des consommateurs en termes de qualité et de respect de l’environnement. Or, de notre point de vue, vos propositions sont plutôt de nature à favoriser un modèle encore trop souvent uniquement tourné vers l’exportation et déconnecté des territoires.

En ce qui concerne la pêche, il est important de redire que l’avenir de la France est aussi maritime. Dans ce domaine, nous ne partageons pas non plus les choix que vous avez effectués, parmi les divers scénarios possibles, pour restructurer la filière.

Pour ce qui est de l’outre-mer, nous n’avons pas trouvé dans ce projet de loi de mesures concrètes propres à favoriser le développement endogène, et donc un renforcement de l’agriculture et des pêches. Mais les conditions dans lesquelles nous avons travaillé ne nous ont peut-être pas permis de porter toute l’attention nécessaire sur ce volet du texte.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, en regrettant que nos amendements n’aient pas davantage été pris en considération, nous voterons contre ce projet de loi.

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