Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 10 février 2016 à 14h30
Liberté de création architecture et patrimoine — Article 6 bis

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux, rapporteur :

Madame la ministre, je suis très sensible non pas à vos arguments, mais au sujet.

Permettez-moi de commencer par un rappel juridique : la licence légale est une exception au droit exclusif. D’une manière générale, un producteur précise dans le contrat qu’il signe avec un artiste les pourcentages et les moyens. La licence légale interdit à l’artiste-interprète de s’opposer à la diffusion de son œuvre, moyennant une rétribution équilibrée, équitablement partagée entre le producteur et l’artiste-interprète. C’est très bien. C’est ainsi que cela se passe pour les radios hertziennes.

Je souhaite maintenant que l’on s’attarde sur l’argument, cher à la commission de la culture, de la neutralité technologique, car il est régulièrement invoqué.

Il y a une véritable différence entre une radio hertzienne et une webradio. Une radio hertzienne est limitée en capacités. Elle dispose d’un espace public, l’espace hertzien, qu’elle a obtenu, ce qui lui confère d’ailleurs des devoirs. Une webradioest beaucoup moins chère : en termes de matériel et de technique, cela coûte moins d’émettre sur le web que d’émettre en hertzien. On peut créer à moindre coût une, deux, dix, quinze, cent, mille, deux mille, un million de webradios ! On n’est donc pas tout à fait dans la neutralité technologique.

Dans une voiture, en province, on capte à peu près correctement une dizaine de radios au maximum. Par rapport au monde économique du web, on est dans une forme de rareté.

L’argument de la neutralité technologique est légitime quand il y a égalité. C’est d’ailleurs le cas lorsqu’une webradio diffuse en simultané exactement le même programme que sa radio hertzienne. Dans ce cas, on peut effectivement parler de neutralité technologique. Mais ce n’est pas le cas de toutes les webradios.

Le problème, c’est que nous ne connaissons pas les conséquences d’un tel dispositif, en particulier sur la rémunération des artistes et des producteurs. Il n’y a eu aucune étude d’impact, puisque l’article 6 bis a été ajouté à l’Assemblée nationale. Or nous aurions besoin d’une telle étude.

Les chiffres dont nous disposons à cet égard ne sont favorables ni aux artistes ni aux producteurs, car il y a une mutation. Comme vous le savez, la licence légale va « aplatir » les choses. Selon nos indications, la rémunération des artistes serait moindre.

Madame la ministre, apportez-nous une étude chiffrée et sérieuse sur cette question, et nous verrons si nous pouvons évoluer. Pour l’heure, même si je suis sensible à ce sujet, je ne dispose pas des informations me permettant de me prononcer en faveur du rétablissement de l’article 6 bis dans le projet de loi.

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