Monsieur le rapporteur, vos craintes sur la neutralité technologique peuvent concerner tous les secteurs.
Lorsque nous avons voté ici la neutralité technologique pour la presse, y compris d’un point de vue fiscal, certains ont argué que la presse papier était plus chère à fabriquer que la presse numérique ; ils nous ont demandé pourquoi nous voulions appliquer le principe de neutralité technologique à ce secteur. Or ce principe s’applique aux titres de presse, qu’il s’agisse de la presse papier ou de la presse numérique. En adoptant cette loi, nous nous sommes dit qu’il y avait deux options : soit nous mettions des freins à la révolution technologique pour conserver les protections anciennes, auquel cas le pays mourrait, car il n’était plus tourné vers l’avenir ; soit nous conservions ces protections en regardant vers l’avant, en ne laissant personne au bord du chemin, pour faire accepter les révolutions technologiques !
L’argument que vous avez avancé – on peut créer mille webradios, mais pas autant de radios hertziennes – s’applique également à la presse papier ou à la musique : écouter un disque et télécharger de la musique, ce n’est pas la même chose ! Des intermédiaires disparaissent, et de nouveaux métiers se créent. Mais ne perdons pas de vue qu’il n’y a pas de musique sans artistes !
Je reconnais qu’une étude d’impact aurait été nécessaire. Mais, comme l’article a été introduit par amendement à l'Assemblée nationale, il n’y en a pas eu. Cela étant, rien ne nous empêche d’en demander une maintenant, voire de la réaliser nous-mêmes et d’en analyser ses résultats.
Mais, en tout état de cause, ayons à l’esprit que les « petits » artistes-interprètes sont sûrs de gagner plus avec la licence. Les artistes déjà puissants pensent que l’institution de ce régime aura pour eux l’effet inverse, en influant sur ce qu’ils peuvent négocier au cas par cas.
Je fais mon choix. Je ne pense pas que les plus puissants soient aujourd’hui ceux qui ont le plus de difficultés à percevoir des rémunérations et à vivre correctement de leur métier. En revanche, ceux qui sont aujourd’hui en extrême difficulté et qu’il faut protéger, ce sont les « petits » artistes-interprètes. S’ils nous demandent cette licence, ce n’est pas pour se faire du mal à eux-mêmes ; c’est parce qu’ils ont déjà évalué qu’elle leur permettrait de gagner plus !