Intervention de Colette Mélot

Réunion du 10 février 2016 à 14h30
Liberté de création architecture et patrimoine — Article 7 bis AA

Photo de Colette MélotColette Mélot :

L’adoption en commission de la culture de l’amendement visant à étendre les principes de la copie privée aux possibilités qu’offrent les magnétoscopes numériques a conduit à récrire les articles définissant la copie privée elle-même.

Or, l’amendement adopté en commission et son exposé des motifs vont plus loin et il convient de corriger une rédaction un peu trop large. En effet, elle prévoit clairement que la copie privée recouvre les copies effectuées par une « personne physique au moyen d’un matériel de reproduction dont elle a la garde ».

Si le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, a examiné en 2012 le statut juridique des actes de reproduction permis par ces services d’informatique « nuagique », il a considéré que certaines pratiques effectuées dans le nuage, et certaines d’entre elles seulement, correspondaient à une forme de copie privée et devraient donc être assujetties à la rémunération correspondante.

Le CSPLA rappelle aussi le principe selon lequel la rémunération à laquelle chacun des ayants droit peut prétendre lorsqu’une œuvre est divulguée doit avant tout être établie sur la base du droit exclusif.

Ainsi, la qualification juridique des actes ne doit être envisagée sous l’angle de la copie privée que dans l’unique mesure où ils n’auraient pas été autorisés ou interdits, et donc du test en trois étapes transposé en droit français dans le code de la propriété intellectuelle. Ce test subordonne l’instauration d’une exception à une triple condition : tout d’abord, cette exception ne doit être applicable que dans certains cas spéciaux ; ensuite, elle ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ; enfin, elle ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur.

Or, justement, l’application du régime de la copie privée suppose une identité de personnes entre celui qui réalise la copie et le bénéficiaire de cette copie. En introduisant le concept de « garde », on étend le périmètre de l’exception de copie privée bien au-delà des seuls services d’enregistrement, tel que souhaité initialement. Cela pourrait porter préjudice à l’exploitation normale de l’œuvre et causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur, en privilégiant son droit à compensation par rapport à son droit d’exploitation exclusif.

Enfin, l’ajout de ce concept de « garde », qui permettrait l’extension de la copie privée et de sa redevance à tous types de services du cloud, n’a pas été prévu au b) du paragraphe 2 de l’article 5 de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins. L’adoption de ce nouveau concept en droit français pourrait intensifier les contestations judiciaires devant la Cour de justice de l’Union européenne, à un moment où chacun souhaite l’apaisement des conflits relatifs à cette rémunération.

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