Intervention de Audrey Azoulay

Réunion du 12 février 2016 à 14h30
Liberté de création architecture et patrimoine — Article 22

Audrey Azoulay :

Nous sommes tous d’accord pour considérer que les acronymes actuels comme les AVAP pour « aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine » ou les ZPPAUP pour « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager », par exemple, ou encore la catégorie des « secteurs sauvegardés » sont incompréhensibles. §

Les termes « cités historiques » ne font pas l’unanimité, je le sais. On peut donc être ouvert à une autre appellation, qui permette d’identifier sans ambiguïté les espaces protégés sur lesquels notre législation s’applique, tout en présentant une formulation simple et claire. Cette formulation, nos concitoyens pourraient se l’approprier ; ils pourraient s’en emparer pour faire vivre les territoires, dont ils tireraient ainsi une plus grande fierté encore.

M. Jean-Pierre Leleux, dont je connais l’engagement en faveur des pratiques patrimoniales, mais aussi d’autres politiques culturelles, a proposé une appellation différente : celle de « site patrimonial protégé ».

Il me semble que nous pouvons encore progresser entre notre proposition et la vôtre. Nous pouvons effectivement craindre que cette dernière ne se transforme rapidement en « SPP » ou autre acronyme. Il faudrait au contraire rechercher une dénomination qui ne favorise pas les acronymes et soit évocatrice d’images pour les Français.

Donc, le cheminement du texte n’est pas terminé et j’espère poursuivre, avec vous, cette recherche d’un nom qui nous rassemble, et qui rassemblera les Français.

J’en viens, sur le fond, à la question du risque, précédemment pointé, de désengagement de l’État s’agissant de la protection des espaces protégés.

Je voudrais d’abord lever un malentendu : ce n’était évidemment pas l’intention que le Gouvernement souhaitait afficher à travers ce texte. Que celui-ci ait été compris comme tel est révélateur d’un problème.

Le Gouvernement vous a entendus sur ce point, et essaiera de répondre à vos préoccupations par un amendement à l’article 24.

Je réaffirme solennellement que l’État continuera de jouer un rôle majeur en matière de protection.

Il le fera à travers les décisions qu’il prendra sur le classement des « cités historiques » – expression que je retiens à ce stade –, à travers les aides techniques et financières qu’il apporte aux collectivités territoriales pour les documents d’urbanisme, à travers les aides fiscales incitatives qu’il maintiendra dans ces espaces.

Il le fera aussi grâce aux architectes des Bâtiments de France, par le biais des accords que ceux-ci donneront en matière d’autorisations de travaux ou des conseils qu’ils peuvent apporter en amont.

Il le fera encore via la participation des services de l’État dans les commissions nationale et régionales, dont le rôle a été renforcé lors des débats à l’Assemblée nationale.

À cet égard, il est souhaitable – je vous rejoins sur ce point – que la commission nationale en charge de ces questions puisse demander un rapport ou émettre un avis sur l’état de la conservation du patrimoine en « cités historiques ».

Dans le cadre de cette protection patrimoniale, un point est majeur : l’élaboration, l’adoption puis la mise en œuvre des documents d’urbanisme dans les espaces protégés.

Vous avez soulevé une question de fond sur le degré de précision de ces documents et sur la manière dont la protection patrimoniale, qui doit s’exercer dans le temps long, peut s’articuler avec les enjeux d’aménagement du territoire, qui, eux, à travers les documents d’urbanisme, peuvent évoluer plus souvent.

À partir de la réflexion que vous avez menée, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui a été partagée au sein de votre commission, je proposerai donc, au travers d’un amendement, une nouvelle rédaction. J’espère que celle-ci trouvera un large consensus, en réaffirmant clairement la place de l’État dans la mise en œuvre des espaces protégés… sans oublier, bien sûr, les collectivités territoriales. Aucune politique patrimoniale ne peut effectivement être menée sans action des collectivités concernées.

Un dernier mot – mais il a son importance au-delà de ce débat précis – : si la loi Malraux a permis de sauver et de préserver le patrimoine de ces nombreux centres anciens, il faut aussi les faire vivre au quotidien, en particulier sous un angle économique.

Il y a donc un enjeu autour des pistes de travail que nous pourrions trouver pour favoriser la vitalité économique des cités historiques. C’est un défi qui nous attend tous, et qui transcende les questions sémantiques ou le rôle de l’État que nous venons d’évoquer.

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