Intervention de Evelyne Yonnet

Réunion du 16 février 2016 à 14h30
Droit des étrangers en france — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Evelyne YonnetEvelyne Yonnet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous le savons : les migrations constituent, pour les décennies à venir, des enjeux inévitables.

L’accord de la COP 21 prévoit certes une limitation de la hausse de la température terrestre ; la réalisation des prévisions internationales reste cependant inexorable. Plus de 250 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, de tous horizons, seront contraints de chercher de nouveaux lieux de vie, dans des territoires différents et moins touchés par le changement climatique. Aucune frontière n’arrêtera cet exode d’une ampleur mondiale.

Entre 2011 et 2014, 83 millions de réfugiés climatiques ont été recensés ; ils sont déjà deux fois plus nombreux que les réfugiés de guerre, dont le nombre s’élève à 42 millions au cours de la même période.

Par ailleurs, comme vous le savez, de récentes études, à commencer par l’audit parlementaire de la politique d’immigration, ont démontré que les étrangers contribuent positivement à l’économie française.

Au-delà du seul facteur économique, quelle que soit leur provenance – nous sommes, au fond, tous issus de l’immigration –, les étrangers s’impliquent aussi dans le monde associatif et culturel. Leur présence nous ouvre sur le monde et, à l’heure où le repli sur soi est un danger pour notre pays, elle nous rappelle que nous ne sommes qu’une partie d’un tout.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la réforme du droit d’asile qui permet aujourd’hui à la France d’étudier beaucoup plus rapidement un plus grand nombre de demandes – même si certaines améliorations restent à apporter au dispositif –, nous avons l’occasion de discuter de nouveau du projet de loi relatif au droit des étrangers en France.

Le Gouvernement s’est déjà attelé, par deux circulaires des 28 novembre 2012 et 3 janvier 2014, à améliorer l’accueil de cette population en préfecture.

Tout d’abord, je tiens à remercier les députés, notamment le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, d’avoir repris le titre initial du projet présenté par le Gouvernement, Droit des étrangers en France, au lieu du titre Diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration, issu de notre bienveillante assemblée.

L’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, étant revenue aux équilibres du texte gouvernemental d’origine, le présent projet de loi comporte plusieurs avancées.

Je citerai, entre autres exemples, la création de la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans et de la carte de résident permanent par principe, la suppression, en cas de changement de motif, de la carte de séjour temporaire comme préalable à l’obtention d’un titre pluriannuel, ou l’encadrement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur.

Néanmoins, nous aurions souhaité des améliorations sur plusieurs points : l’accès à l’AME et à la protection universelle maladie – il s’agit d’éviter la persistance de situations précaires sur le territoire ; la décision du transfert, des ARS, les agences régionales de santé, vers l’OFII, de la compétence d’évaluation de l’état de santé des étrangers demandant un droit de séjour pour raisons médicales ; les modalités d’accès au regroupement familial et à la carte de résident pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés qui restent très injustes vis-à-vis d’autres étrangers. Ces deux derniers sujets ont été largement évoqués par le Défenseur des droits.

Nous aurions également souhaité que soient discutées la possibilité d’une suppression définitive de la présence de mineurs, accompagnés ou non, dans les centres de rétention, ou encore l’opportunité du recours aux tests osseux, dont la fiabilité est largement remise en cause par la communauté scientifique – la marge d’erreur est de deux ans au minimum entre seize et dix-huit ans.

Si l’encadrement du recours à ces tests a été voté conforme à l’occasion de la discussion du présent texte, il est très probable que nous en reparlerons prochainement, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

Enfin, introduite entre les deux lectures, à l’article 18, l’extension du recours à la force publique ne peut, en l’état, nous satisfaire.

Parvenir, sur ces quelques points, à un consensus témoignerait d’un plus grand respect des hommes et des femmes qui souhaitent partager leur avenir avec le nôtre, et contribuerait à leur inclusion.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, même si des points restent en suspens ou auraient pu être améliorés, ce projet de loi apporte, sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, quelques réponses.

La majorité sénatoriale, une fois de plus, a décidé de les ignorer, en présentant une motion tendant à opposer la question préalable. Nous nous y opposerons, bien entendu.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, il va de soi que nous aurions souhaité qu’un nouveau débat ait lieu dans cette enceinte, pour que soient promus de nouveaux droits en faveur des étrangers.

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