Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 16 février 2016 à 14h30
Droit des étrangers en france — Question préalable

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé, la majorité sénatoriale avait également supprimé l’un des éléments essentiels de la réforme. Le titre pluriannuel avait pour objet de mettre fin à ces interminables files d’attente d’étrangers en situation irrégulière devant les préfectures. Or vous proposiez de supprimer ce titre pluriannuel, ou d’en faire une exception, alors que c’est véritablement le cœur du dispositif.

Vous aviez également réduit le nombre de personnes concernées par de nouveaux droits et durci certaines mesures en matière d’interdiction de séjour, liant une nouvelle fois étranger et ordre public.

Évidemment, comme le Sénat était dans une démarche très politicienne, la réaction de l’Assemblée nationale a été – croyez bien que je le regrette ! – de refuser d’entrer dans le fond de la discussion avec nous sur ces questions.

Pour autant, je ne crois pas qu’il faille couper court à tout débat. Après tout, le fait d’être dans l’opposition sénatoriale depuis un moment déjà ne nous empêche pas de déposer des amendements et de chercher à convaincre, même si, j’en conviens, c’est rarement avec succès.

J’en viens au second point évoqué par M. le rapporteur. Les ajouts opérés par l’Assemblée nationale relèvent du bon sens.

Je ne comprends pas pourquoi vous êtes vent debout contre l’ouverture du service civique aux étrangers. Vous dites qu’il faut intégrer les étrangers. C’est l’une des priorités de l’action gouvernementale. Mais une telle ouverture n’est-elle pas justement un excellent facteur d’intégration ? À mon avis, cela mériterait au moins un vrai débat, au lieu d’être ainsi balayé d’un revers de main…

Nos échanges auraient pu permettre d’enrichir le texte sur de nombreux points, et parfois de manière assez large, comme sur le droit d’asile. Or, avec cette motion tendant à opposer la question préalable, vous voulez couper court à la discussion. C’est ce déni de débat que nous contestons aujourd'hui !

Le groupe socialiste et républicain votera contre cette motion. Voir une assemblée parlementaire refuser tout débat est toujours un signe extrêmement négatif. Nous avons été élus pour débattre. Sur un sujet comme celui-là, l’immigration et les droits des étrangers, les Français attendent que nous allions au fond des choses. À mon sens, ce n’est pas rendre service au Sénat que de le réduire à un rôle d’opposant systématique refusant la discussion sur un texte aussi important.

Au demeurant, et je tiens à le souligner, les débats au Sénat ne sont jamais inutiles. Certains des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain qui n’avaient pas été retenus par la Haute Assemblée ont été repris par l’Assemblée nationale. C’est la preuve que, en discutant, en échangeant des arguments, on finit par obtenir quelques satisfactions.

J’ai été très heureux de constater que quatre mesures faisant l’objet d’amendements repoussés au Sénat avaient été adoptées par l’Assemblée nationale. Je pense à l’obtention de plein droit de la carte de résident lors du second renouvellement, à la possibilité pour l’étranger qui sollicite un titre pluriannuel dans le cadre d’un changement de statut de se voir délivrer le titre sollicité sans délivrance préalable d’une carte de séjour temporaire, à l’encadrement des cas de placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur et à l’accès des associations humanitaires et de défense des droits des étrangers aux zones d’attente.

Le travail d’amendements finit donc par porter ses fruits. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain avait déposé dans cette enceinte huit nouveaux amendements. Nous voulions poursuivre le débat, pour essayer de convaincre nos collègues sénateurs et faire avancer nos idées à l’Assemblée nationale.

Ces amendements concernaient des sujets importants : la garantie de l’accès des victimes de traite ou de proxénétisme à la carte de séjour pluriannuel ; le fait de lier la compétence de l’autorité administrative à l’avis médical en cas de demande de séjour pour soins ; le délai de deux jours ouvrés pour permettre à la personne étrangère de faire appel à un avocat. À nos yeux, tous ces sujets méritaient que la discussion ait lieu.

Malheureusement, et sans vouloir étouffer par avance tout suspense, je crains que nous ne nous acheminions vers l’adoption de la présente motion, ce qui aura pour effet de mettre un terme au débat.

Nous voilà revenus à une opposition frontale entre deux visions du droit des étrangers. Cela ne me paraît pas souhaitable. Il faut toujours rechercher des compromis et essayer de trouver des solutions consensuelles. Ce ne sera pas le cas aujourd’hui.

Nous voyons bien que vous cherchez à instrumentaliser l’immigration en la présentant comme un danger. Malheureusement, vous courez derrière l’extrême droite, en alimentant sa thèse fallacieuse de l’envahissement du pays !

Pourtant, dans un monde globalisé, l’immigration est incontournable ; il faut en tirer le meilleur !

En première lecture, j’avais évoqué les nombreux Français d’origine étrangère qui œuvrent pour le pays et constituent des exemples.

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