Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 17 février 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 18 et 19 février 2016

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques mois, l’Union européenne a pris un certain nombre de décisions sur la question migratoire, que ce soit sur la répartition des réfugiés, le contrôle des frontières, les centres d’accueil ou encore l’aide humanitaire.

À cet égard, on peut se féliciter de l’engagement financier récemment décidé par l’Union, dans le cadre de la conférence des donateurs pour la Syrie. Ce sont, en effet, 3 milliards d’euros qui seront débloqués pour venir en aide à la population syrienne, laquelle est toujours, hélas, durement éprouvée par la guerre, en particulier à Alep.

L’imbroglio syrien, avec le développement, au cours de ces dernières semaines, de l’escalade russo-turque, ne laisse pas entrevoir un début de solution rapide.

Dans ce contexte, il est évident que le flux de réfugiés est loin de se tarir. C’est pourquoi Bruxelles doit rapidement mettre en œuvre toutes les décisions entérinées l’année dernière.

Dans la région, l’assistance au Liban et à la Jordanie est une bonne chose. Le plan commun d’action avec la Turquie va également dans le bon sens, sous réserve que les fonds en soutien aux réfugiés soient correctement affectés.

Au-delà de ces réponses de proximité, nous savons, mes chers collègues, que les territoires de l’Union européenne sont aussi au cœur du défi migratoire, notamment à travers leur capacité à intégrer les milliers de réfugiés concernés.

Non sans mal – il faut le reconnaître –, l’Europe s’est employée à apporter une réponse collective de nature à garantir la cohésion européenne et à présenter l’image globale d’un continent terre d’accueil.

Les États membres ont ainsi pu dégager plusieurs points de convergence, dont la mise en place des fameux hotspots. Si l’on peut contester le rythme de leur installation, tant en Grèce qu’en Italie, la question du contrôle des réfugiés ne constitue qu’une partie du problème. Les centres d’accueil finiront tôt ou tard par être opérationnels, c’est certain.

Aussi, mes chers collègues, c’est la question de la relocalisation de ces réfugiés qui va devenir de plus en plus prégnante. Et sur ce point, nous savons que nous sommes loin d’atteindre un consensus.

Pour en rester à la position française, qui nous intéresse au premier chef, M. le Premier ministre vient d’annoncer son opposition à un mécanisme permanent de relocalisation des migrants proposé par la Commission. La majorité des membres du groupe du RDSE partage cette ligne.

En effet, conformément à nos valeurs, nous pensons que la France se doit d’accueillir des réfugiés, mais de façon raisonnée et en adéquation avec nos capacités tant matérielles que politiques.

Par ailleurs, la solidarité si chère à Berlin ne se limite pas à ce volet. La question migratoire est la conséquence d’un conflit dans lequel la France prend toute sa part à travers ses engagements militaires en Syrie et en Irak. Un engagement extérieur dans lequel notre pays se sent un peu seul, il faut bien le dire…

Quoi qu’il en soit, l’Union européenne devra, d’une façon ou d’une autre, surmonter cette crise des migrants qui alimente ici et là des populismes toujours prompts à remettre en cause l’édifice européen et à doper l’euroscepticisme.

Cet euroscepticisme est partagé par une partie de la population anglaise pour bien d’autres raisons que la crise des migrants, mais ses ressorts nous invitent fortement à poser le débat sur les contours de l’Union européenne.

Le prochain Conseil européen ne remettra pas tout à plat – tant s’en faut –, mais le nouvel arrangement avec le Royaume-Uni, présenté le 2 février dernier par Donald Tusk, pourrait ouvrir des brèches et poser à terme des questions plus profondes sur le contenu des traités.

En attendant, nous ne devons pas seulement apporter des réponses aux préoccupations d’outre-Manche, mais aussi à celles des citoyens français, de plus en plus sceptiques sur la construction européenne.

Un projet de décision a été mis sur la table. Oui, nous devons trouver un équilibre satisfaisant entre une intégration toujours plus poussée de la zone euro et les intérêts des pays qui n’en sont pas membres. Mais comment créer une minorité de blocage au Conseil européen sans freiner l’approfondissement de la zone euro ? Je vous le demande, monsieur le secrétaire d’État.

S’agissant de la libre circulation des personnes, nous savons que le Royaume-Uni souhaite surtout ralentir l’immigration en provenance de Pologne. Dans ces conditions, un mécanisme de sauvegarde permettant de faire face à un afflux exceptionnel de travailleurs me semble aller dans le bon sens, car il ne remettrait pas en cause le principe de libre circulation qui est au cœur des traités.

Les deux autres points en discussion – la compétitivité et la souveraineté – illustrent à eux seuls, à mon sens, le fond des états d’âme des Britanniques, c’est-à-dire leur conception bien particulière de l’Europe.

Alors que nous voyons l’Europe comme un projet politique, les Britanniques la voient comme un simple marché intérieur.

Alors que nous voyons l’Europe comme une zone de solidarité contenant en germe l’idée de progrès social, les Britanniques la voient avant tout comme un espace de libre-échange. Ils l’ont d’ailleurs démontré en 1956 en créant une zone de libre-échange afin de torpiller le tout nouveau marché commun auquel ils étaient opposés.

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